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Chapitre 384 : Une main secourable

En donnant des coups de main à Thif, nous passons par les échafaudages pour monter le long de la paroi. Tout ce que je peux dire… c’est que c’est long. Affreusement et terriblement long.

J’attrape le bras de Thif et le tire vers moi pour la cinquième ou sixième fois. Nous venons à peine de dépasser l’endroit où se trouvait Galaxia.

— C’est ton plan gamin, arrête de faire cette tronche.
— Si tu deviens roi, fais-moi le plaisir d’installer des ascenseurs.
— Bien sûr, une fois que tu m’auras expliqué de quoi il s’agit.

Je grogne rapidement. Hors de question que je lui explique. Les étages défilent lentement, mais sûrement. Parfois, je dois mettre Thif sur mon dos, mais à mesure que nous remontons en direction de Djupa, les souterrains sont mieux aménagés pour s’y déplacer. Je dresse également quelques rats supplémentaires qui se cachent dans les souterrains pour fuir la guerre ayant lieu à la surface. Ils font partie des quelques rats qui étaient en trop mauvaise santé pour pouvoir m’aider et que j’ai laissés en paix. À présent, ils peuvent au moins prendre le rôle d’éclaireur et de caméra de surveillance, mais ce sera difficile de trouver d’autres animaux dans Djupa. En dehors de Juliette et Micha, je dois considérer que mon rôle en tant que Dresseur dans cette guerre a pris fin.

Même s’il n’y a pas beaucoup de troupes dans les souterrains, cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas du tout. La paroi sur l’abysse est suffisamment large pour que nous puissions les éviter, mais je ne compte pas prendre le risque de mentir sur ce que je fais avec Thif si nous sommes découverts. Un mensonge ne mettrait pas longtemps à être dévoilé quand tout le monde sait que ma mission est de tuer le Démon rouge et Thif. Cela ne fait aucun sens que j’amène Thif avec moi. Peut-être que certains seraient prêts à l’accepter, mais j’ai trop de chance de tomber sur un membre de la guilde Agamemnon qui ne m’aime pas et va le voir comme un signe de trahison.

D’ailleurs, est-ce que c’est une trahison ? Si j’ai raison, j’en finis avec la guerre « civile » de Penovia entre Thif et Nikolas, mais je sens que je vais regretter cette décision. Probablement, car ce ne sera pas suffisant pour ramener la paix.
Je n’aime pas Thif, mais Nikolas a l’appui d’une guilde qui est plus ou moins au pouvoir actuellement. Thif passe pour un vieux fou à côté de cela et moi pour un traître à la simple idée de tuer l’héritier du trône que protège la guilde. La clé sera de convaincre Bravain et Mellow.

Thif est un vieil aigri, mais il n’est sans doute pas responsable de l’assassinat de son frère et de ses neveux. Du moins je ne pense pas pour l’instant. Je suis prêt à le croire plus facilement que Nikolas. C’est pour cela qu’il a mon soutien. Il y a d’autres raisons, mais mon instinct me force à faire ce qui me semble le plus juste. Laisser un royaume en guerre civile et partir me laissera un goût de défaite quand je penserai aux massacres et aux pillages. Le royaume est déjà affaibli, mais une fois la guerre finie, il serait stupide de croire que les royaumes voisins n’en profiteront pas pour attaquer.
Pour la tour des mondes, c’est sans doute une aubaine qui permettra de faire des centaines de quêtes ou d’événements clés…

… Et dire que tout cela a commencé sur un bateau dans une tempête… Je suis celui qui a permis à Thif d’obtenir une armée à Lishnul. Bien entendu, Razeno, le père d’Adelina et conseiller du roi avait ses propres raisons d’accepter pour gagner sa propre guerre civile, mais je suis responsable de deux guerres car j’ai protégé Thif.

Belle première quête maintenant que j’y pense.

En attendant, je ne compte pas laisser la tour des mondes répandre sa corruption pour créer des conflits sans fin. Quand j’aurai mis Thif face à Nikolas, j’aurai ma réponse sur qui pourra prendre le pouvoir.

Nous arrivons finalement au premier étage du souterrain alors que Thif semble essoufflé par l’escalade. Malheureusement pour lui, elle ne semble pas être finie. Le couloir menant au château est défendu par plusieurs grimpeurs et par un petit nombre de soldats. Impossible de passer par là avec Thif sans que l’alarme ne soit sonnée d’une façon ou une autre. Une bataille a lieu à la surface et tout ce qui sort de l’ordinaire sera attaqué.

Je me penche à proximité de l’abysse pour regarder au-dessus de moi. La paroi en pierre monte sur une trentaine de mètres en comptant le rempart.

— On monte. Approche.
— Sur un mur au-dessus de l’abysse ?! Tu as perdu la raison ?
— On vient de monter une cinquantaine de mètres de la même façon. Tout ira bien.
— Il y a une différence entre utiliser les échafaudages et monter une paroi lisse sur une telle distance avec moi sur les épaules.
— … Pas pour moi.

Thif reste incrédule devant ma réponse et s’esclaffe d’incompréhension en pensant que je rigole. Je ne plaisante pourtant pas. C’est plus éprouvant avec un vieillard de son poids, mais c’est une promenade de santé comparé à affronter deux à trois cents ennemis pour entrer dans le château. Je pourrai le laisser et lancer une corde de là-haut, mais le risque est plus grand pour lui si je le laisse ici que s’il grimpe avec moi.

En le forçant, j’entoure Thif d’un câble solide que j’accroche à mon harnais. Je commence ensuite à escalader le mur tandis que Thif est suspendu dans le vide à quelques mètres en dessous de moi. Je suis bien content d’avoir mon gantelet de félin et la pointe de mes bottes. D’une certaine façon, cela me rappelle mes entraînements d’Assassin. Normalement, j’avais un sac de pierre, mais Thif est aussi stupide qu’une pierre, donc cela change peu les choses.

En évitant d’écouter ses gémissements à l’idée de tomber dans l’abysse, je finis par atteindre le sommet du rempart. Là-haut se trouve quelqu’un qui me tend la main pour m’aider. À son regard, je peux comprendre qu’il ne sait pas que j’ai un paquet accroché à moi. En forçant un peu plus que ce qu’il pensait, il réussit à me hisser sur le rempart.

— Merci, Bravain !
— C’est le moins que je puisse faire pour le grand Typhon. Tu es un héros.

Bravain me sourit largement et je commence à grimacer intérieurement à la conversation étrange que je vais avoir avec lui pour expliquer la situation. Il regarde le câble derrière moi et semble curieux en levant un sourcil. Je décide de changer de sujet avant qu’il ne me pose une question dont la réponse ne risque pas de lui plaire. Je reprends la conversation en parlant assez fort pour que Thif comprenne que je ne suis pas seul. Ce n’est pas le moment de faire remarquer sa présence alors qu’il est suspendu dans le vide.

— Tu n’es pas au combat ? Je pensais que je ne trouverais personne dans le château.
— Je voulais être certain de t’accueillir dans les temps, mais je ne m’attendais pas à te voir passer par ici… enfin, ce n’est pas important. Je suis content de pouvoir être le premier à te féliciter pour ta victoire.
— Merci. La nuit a été plus que fatigante.
— On t’a préparé de quoi manger et te reposer à l’intérieur. Tu dois en avoir besoin. Tu as quand même battu le Démon rouge et Thiffein ! Je n’arrive pas à y croire, je dois dire. Personne ne l’a cru, mais j’avais foi. Tu as mérité ton titre de Typhon.

Bravain me sourit en me faisant signe de l’accompagner et commence à marcher vers le château. J’efface le léger sourire sur mon visage en profitant qu’il ait le dos tourné pour attacher rapidement le câble tenant Thif à un bloc de pierre assez grand pour soutenir sans difficulté son poids.

J’avance ensuite de quelques pas derrière Bravain. Maintenant que Thif est en sécurité, j’ai quelques questions. Il y a quelque chose qui me dérange dans ce qu’il vient de me dire.

Je prends cependant le temps de regarder la ville un peu plus bas. Des colonnes de fumée s’en élèvent. Il semble que le bombardement ait repris sur Djupa, mais il n’y a plus la bulle pour protéger la ville. Je peux aussi entendre le bruit des combats dans les rues de la ville ainsi que des explosions par moment. La situation ne semble pas très bonne.
Je soupire. Il est temps que je m’occupe de mon plus grave problème : Bravain.

Il s’agit bien de Bravain, c’est certain. Ce n’est pas un imposteur ou un Caméléon. Je l’aurais remarqué avec le vermillon. Cela dit, il y a un problème. Je me demande comment j’ai fait pour être aveugle à ce point. Il y a un point improbable que Bravain ne m’a pas fait remarquer.
Tous les membres de la guilde savaient qu’une fois ma quête accomplie je partirais peu importe la situation. J’ai suffisamment fait comprendre que je ne voyais aucun intérêt à rester pour me battre dans une guerre qui ne me concerne pas. Ce n’est pas par égoïsme, mais simplement parce que j’ai une autre mission plus importante à remplir et ils le savent.

Alors pourquoi Bravain m’attendrait ? Il a vraiment du temps à perdre pendant la bataille pour poiroter ainsi ?

J’aimerais sincèrement que ce soit tout… Pour lui, mon retour signifie que j’ai aussi battu Thif.
Il devrait être surpris de me voir ici alors que j’ai expliqué cent fois que je ne resterais pas.
Il ne devrait pas avoir « préparé » un repas pour moi après m’avoir entendu parler de mon départ. Il ne devrait même pas être ici pendant une bataille pour défendre Djupa et Nikolas à attendre le Dresseur qui a dit qu’il partirait pendant la bataille.
Il savait que je reviendrais.
Pour ainsi dire, il savait donc que je ne réussirais pas ma quête en tuant Thif. Dans un premier temps, il ne s’attendait probablement pas à ce que je réussisse à détruire le camp et à battre Emy. Il a inventé ce petit mensonge au dernier moment pour m’attirer dans un piège pour que j’évite d’avoir une conversation embarrassante avec plusieurs personnes sur qui est le responsable de la guerre. Le mieux serait sans doute de se débarrasser de moi discrètement puis d’agir comme si j’étais parti en finissant ma quête.

À vrai dire, si j’avais tué Thif sans obtenir de clé, je serais sans doute revenu au château pour chercher des explications. Puisque je suis un idiot, je n’aurais peut-être pas tout de suite remis Bravain ou Nikolas en question si Thif ne m’avait pas glissé l’idée.

Thif avait donc raison en disant qu’il était innocent. Nikolas est bien coupable. Le problème est de savoir quel est le rôle de Bravain dans tout cela, mais je sens que la réponse est aussi évidente qu’elle me déplaît. Quoi de mieux qu’un grimpeur avec des compétences pour servir de tueur ?

Je demande à Micha d’aller se mettre en hauteur et me servir de paire d’yeux supplémentaires. Juliette est déjà prête à se battre sur mon bras en sentant une menace. Quel que soit ce qu’il a préparé pour moi, je ne vais certainement pas aller le découvrir. Je marche lentement en soupirant de manière audible et en lui disant que j’ai vraiment besoin de manger quelque chose pour qu’il ait l’impression que je ne suspecte rien.

En même temps, j’attrape mon arbalète dans mon inventaire et je tire en visant la tête de Bravain.

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Correction : Hastin

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