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Chapitre 397 : Premiers problèmes matrimoniaux

J’avance dans un dédale de couloirs vides en me fiant au lien avec Micha pour aller dans la bonne direction. Les couloirs se ressemblent tous et je regrette de ne pas avoir Yuu avec moi pour partir en éclaireur et faire une carte des lieux. Mon lien-boussole avec Micha reste cependant agréable. Ma souris commence à me manquer et j’aime mieux penser à cela qu’à Yuu.. ou à Lud.

Depuis que je l’ai attrapée il y a environ trente minutes, elle n’a pas arrêté de trembler comme une feuille. À travers le lien, je sens qu’elle réfléchit et je vois des bribes d’images des derniers événements. Elle repense au moment où je l’ai frappée avant de me lever. J’ai l’impression qu’elle ne s’y attendait pas. Elle m’en veut d’avoir obstrué le lien bien sûr, mais le plus grand choc reste les souvenirs que je lui ai envoyés.

Les souvenirs que j’ai envoyés à travers le lien sont un peu étranges. Ce ne sont pas juste des images, mais un mélange sensoriel auquel il faut ajouter les émotions. C’est sans doute mieux que le cinéma vu à quel point cela a l’air addictif pour elle.
Je ne sais pas trop ce que sa folie en pense, j’ai encore trop de mal à la comprendre. Je cherche une logique dans sa façon de réfléchir, mais je n’en vois pas. Il ne me reste plus qu’à la transporter jusqu’à ce que j’aie des réponses, de toute façon.

Je regarde l’anneau sur ma main… il semble fait d’un lierre solidement fixé sur mon doigt.
J’aimerais vraiment le retirer sans me poser de question, mais s’il est capable de créer un lien aussi puissant, j’ai peur qu’il soit capable de plus. Vu la taille de la ville et sa population, il est plus que probable que leur niveau de magie ou de technologie dépasse ce que je peux comprendre, même si je n’en ai pas encore eu la preuve. Si je m’arrête à ce que je vois, ils ont juste creusé une ville géante dans un arbre. Si j’y réfléchis un peu plus, il y a trop de questions pour que ce soit aussi simple… Logistique, nourriture, infrastructures et organisations ou fabrications de masse et tout ce qui suit… Même en prenant en compte le fait qu’il s’agisse d’une espèce différente, c’est impossible de trouver un équilibre de vie parfait sans des dizaines d’années de planification. Pas quand la ville entière fait une telle taille et fonctionne à la verticale. Même sans technologie, il faut de l’organisation. Plus la ville est grande et peuplée et plus il en faut. Je n’ai rien vu à travers les yeux de Micha qui puisse ressembler à un problème d’une ville terrienne comme la pauvreté, la saleté, la pollution ou encore le crime et des classes sociales. Je ne vais probablement pas tarder à en apprendre plus. Cette ville m’intrigue…

Je penche plutôt sur la magie que la technologie pour expliquer une telle possibilité, mais dans les deux cas il doit y avoir des écoles ou des bibliothèques dans lesquelles j’aurai un début de réponse sur la situation dans le coin. Les elfes ont des enfants comme les autres races. Il y a donc des écoles ou des académies dans lesquelles ils doivent apprendre… Je repense à ma vie terrienne quelques instants. J’ai passé mon temps à fuir les écoles et les bibliothèques et maintenant elles sont ma seule chance de comprendre ce qu’il se passe dans le monde. Ce monde, pour être précis.

Je peux bien sûr me faire à l’idée de ne pas trouver de réponses et chercher un des autres « royaumes » de la prophétie, mais cela nécessitera au moins une carte si personne n’est doté de raison dans le coin. Des millions de fous dans une ville géante et trois chasseurs mi-homme, mi-bête dans les bois… Le Dresseur-Assassin mène l’enquête ! Enfin, nous menons l’enquête.
Je me reprends alors que Micha s’insurge puisque je donne l’impression d’être seul.

Je ris stupidement quelques instants. C’est une aventure cette fois. Pas de grimpeurs dans les parages et un mystère à éclaircir. Cela me donne l’impression de finalement être un grimpeur moi-même. Mon deuxième passage sur Galatia n’était pas comme ça. Il y avait juste une guerre et des préparations à faire. Non, cela me fait penser à la première fois que je suis rentré dans Lishnul et que j’ai eu cette sensation de découvrir réellement un nouveau monde. Tout cela a un goût d’aventure et de liberté. Bien sûr, je dois devenir plus fort avant de revenir au pied de la tour, mais si j’arrive à survivre à ma vie de jeune marié, je pense que je le serai.

« Foire ! Avant ! Arbre ! Peuple ! »

Lud se met à hurler sur mon épaule en me frappant le dos. Je décide de m’arrêter et je la pose au sol. Elle a fini de passer mes souvenirs en revue, mais elle semble vouloir quelque chose d’autre.

« Tête ! Maison ! Eau ! »

En parlant, elle agite ses mains dans l’espoir que je comprenne ce qu’elle dit. Mon manque de réaction semble l’irriter, mais elle est toujours aussi incompréhensible. Elle frappe sa robe en me hurlant d’autres mots qui n’ont aucun sens. En soupirant, je m’apprête à la relancer sur mon dos quand elle m’arrête en hurlant « Carcasse ! » comme si c’était la réponse à tout.

— J’ai connu mieux comme insulte, mais celle-ci a au moins l’avantage d’être originale.
— Ah ! Ahaa !

Lud agite les mains et la tête en m’entendant. D’après le mélange d’émotions, elle ressent du plaisir à m’entendre parler.

« Une conversation va dans les deux sens normalement. Je ne compte pas parler tout seul »

Elle n’a pas l’air de comprendre ce que je dis, même si elle est heureuse de m’entendre parler et m’encourage à continuer. Elle résiste un peu avant que je l’attrape à nouveau pour la mettre sur mes épaules. Si elle veut parler, il faudra faire mieux, mais si c’est tout ce qu’elle veut c’est m’entendre, j’ai suffisamment de souvenirs de mes cours de langue avec Micha et Juliette pour la tenir occupée.
Je projette tout cela à travers le lien comme un charbonnier devant un moteur à vapeur. Si cela peut la calmer, cela m’évitera de la bâillonner et de la ligoter comme un asticot pour qu’elle me laisse tranquille.

Apparemment, j’ai au moins réussi à la comprendre là-dessus puisqu’elle se remet à trembler alors que je peux sentir du plaisir à travers le lien. Je pourrais probablement lui faire un film de ma vie entière si c’est tout ce qu’il faut pour la calmer. J’ai l’impression de nourrir un bébé.

Alors que nous traversons les couloirs, nous finissons par atteindre l’extérieur. Cela m’aura pris plus d’une heure et je n’ai pas trouvé grand monde dans les couloirs. S’il s’agissait bien de la base de Lud, ils n’étaient pas nombreux à s’y trouver. J’ai probablement tué le plus gros de ses troupes.

J’ouvre une grande double porte en bois pour me rendre compte qu’il fait nuit là-dehors. Micha est encore loin malheureusement, mais je ne suis pas pressé. Je me trouve sur une sorte de terrasse circulaire qui amène à un escalier descendant et montant qui prend la forme d’une liane.
Assez soudainement et alors que je lui envoie des souvenirs de Lishnul, Lud commence à s’agiter et à s’énerver. Elle commence à me frapper violemment en hurlant toujours plus de mots qui n’ont toujours aucun sens.

— Gosse ! Contraire ! Nuit !
— Ah ?! Je pensais que voir mes souvenirs t’aiderait à apprendre à formuler des choses cohérentes. Qu ?

Elle me met un doigt dans l’œil et je trouve ça suffisant pour la jeter par terre. Je me frotte l’œil en me disant que finalement je vais devoir l’attacher. Elle continue de hurler en essayant de rentrer à nouveau à l’intérieur du tunnel. Je l’arrête rapidement en l’immobilisant au sol avant qu’elle ne puisse m’enfermer dehors.
À travers le lien, je peux sentir de la peur ainsi que de l’irritation, car elle n’arrive pas à s’exprimer correctement.

— Si seulement tu étais capable d’être cohérente, ce serait plus facile, tu sais !
— Foire ! Branche ! D-d-d… DANGER ! DANGER !

Je me fige en ayant un mauvais pressentiment sur la situation. Si le « danger » dont elle parle est suffisant pour qu’elle retrouve la raison, je ferais mieux de la prendre au sérieux. Juliette se place dans ma nuque pendant que je scrute les alentours en tournant sur moi-même pour observer les environs. La ville est silencieuse et sombre pour l’instant. Lud continue de hurler en dessous de moi et je me contente de mettre ma main sur sa bouche pour qu’elle me laisse juger si oui ou non il y a bien un danger. Je ne peux pas activer le vermillon avec Lud à côté de moi, donc ma vision est un peu plus limitée, mais si elle se tait, j’aurai peut-être une chance de percevoir quelque chose.

Micha, est-ce qu’il y a du mouvement ? Est-ce qu’il y a un danger là où tu te trouves ?
{Non ? J’ai rien vu ! Ville silencieuse. Comme d’habitude.}

Cela fait plusieurs jours que Micha parcourt la ville pour me rejoindre. Elle m’aurait prévenu s’il y avait eu quelque chose d’étrange ou de dangereux. Mais la ville est grande. Micha n’a pas pu tout voir dans ce décor où les maisons et les rues se ressemblent.

Alors que je me dis que c’est Lud qui est juste folle, je peux entendre un bruissement dans une branche géante qui se trouve loin au-dessus de ma tête. Je rappelle que dans cet arbre il n’y a pas d’animaux. C’est à peine s’il y a des insectes. Il ne reste donc pas beaucoup de possibilités entre le vent et quelqu’un. Il n’y a pas de vent, donc…
J’attrape Lud par sa robe et l’aide à se relever en reculant en direction des grandes portes. En gardant un œil sur la branche, je peux voir une paire d’yeux entre les feuilles. Il y a d’autres bruissements et c’est assez facile de comprendre qu’ils sont plusieurs là-haut, et je ne suis pas sûr qu’ils nous laissent partir si facilement.

Finalement, une ombre noire tombe au sol devant moi en émettant un bruit sourd presque étouffé. C’est une figure humanoïde qui se redresse et, pendant un instant, je suis soulagé que ce ne soit pas un des chasseurs monstres. Plusieurs ombres tombent de la même façon au sol jusqu’à ce qu’ils soient six au total à me toiser. Leur accoutrement reflète ce que j’ai vu jusque-là en étant en bois, mais au lieu d’avoir quelque chose de travaillé, comme l’armure des prétoriens ou celle des soldats, la leur se limite à des morceaux d’écorce et de mousse fixés ici et là sur leur corps. Pour un peu, je pourrais dire qu’ils sont de la même famille que Cro’, si ce n’est pour les oreilles qui trahissent leur espèce.

Nomad et Lud contre les six buissons. Je sens que je vais m’amuser.

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Correction : Hastin

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