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Chapitre 399 : Mangeur de feuille
Je me réveille en bâillant. Il fait maintenant suffisamment jour pour reprendre mon chemin à travers la ville. Cela fait deux jours que nous marchons à la recherche d’une bibliothèque maintenant, mais je n’ai encore rien trouvé. Je regarde Lud, qui dort, attachée à quelques mètres de moi. Elle voulait s’accrocher à moi pendant la nuit, mais elle a fini par comprendre qu’elle ferait mieux d’éviter quand j’ai décidé de pointer un stylet dans sa direction et quand Juliette lui a montré les crocs pour qu’elle ne touche pas à son bras préféré.
Micha me dit bonjour depuis le sommet de ma tête en se redressant à son tour. Je l’attrape avec mes mains pour frotter mon nez contre sa tête. Elle m’a tellement manqué pendant tout ce temps que je montre plus d’affection que d’habitude, mais cela ne la dérange pas du tout. Je n’ai fini par la récupérer qu’hier matin après avoir escaladé et descendu des structures allant dans tous les sens. Certaines parties de la ville me donnent l’impression d’avoir été construite par des fous, vu à quel point elles sont tortueuses et à peine praticables pour un humain. Entre les escaliers menant à des balcons inutiles, ou encore les routes qui s’arrêtent sur le vide, c’est plus un labyrinthe qu’une ville.
Bien sûr, j’exagère un peu puisqu’il y a bien des gens qui y vivent sans difficulté. En parlant de ça… Ce sont des drones, et là-dessus je n’exagère pas. C’était déjà clair grâce à ce qu’avait vu Micha, mais un peu plus d’observations a fini d’éclaircir les choses. Ils donnent tous l’impression de savoir ce qu’ils font en se déplaçant et d’être capable de parler, mais ça s’arrête là.
Pour commencer, leurs conversations ne veulent rien dire et ils ne communiquent pas vraiment. Ils répètent juste des phrases sans en comprendre le sens. Lud parle par succession de mots en me donnant l’impression d’essayer de leur donner un sens et elle a conscience de ce qui l’entoure, même si elle fait n’importe quoi. De leur côté, ils répètent quelques phrases comme des robots en se moquant d’être entendus ou compris. Ils me font penser à des personnages inutiles de jeu vidéo qui sont juste là pour donner l’impression qu’il y a bien de la vie dans une ville. Des drones, donc.
J’ai fait quelques tests pour m’en assurer et je n’ai pas été déçu. J’ai essayé de communiquer avec l’un d’eux alors qui regardait la ville sur un balcon. Un elfe banal avec l’apparence d’un trentenaire.
« Merveilleuse journée, n’est-ce pas ? »
« Notre ville est tellement belle ! »
Ce sont des phrases qu’il a répétées pendant cinq minutes sans prendre en compte mes réponses. J’ai ensuite essayé de provoquer une réaction, mais le toucher, le pousser, le pincer ou encore le gifler gentiment n’a rien changé.
Cependant, Lud a voulu intervenir. Même si elle est restée silencieuse derrière moi, j’ai l’impression qu’elle a compris ce que j’essayais de faire via le lien et a voulu me montrer quelque chose. J’ai même décidé de la détacher pour lui faciliter les choses.
Elle s’est donc approchée de mon sujet d’expérience et je me suis reculé avec curiosité. Tout d’abord, elle lui a mis un coup de poing qui lui a cassé le nez. Il n’a même pas réagi à la douleur ou au sang qui a commencé à couler. Il a tout juste répondu avec la même phrase sans même changer de ton. Lud s’est ensuite tournée vers moi et, à son regard, je pense avoir compris un « Alors, tu vois ? » de sa part.
J’ai simplement soupiré, mais Lud n’en avait pas fini. Elle s’est ensuite approchée de lui en le prenant dans ses bras ce qui n’a rien changé, si ce n’est qu’il a taché la robe de Lud avec son sang. Puis, elle l’a fait basculer par-dessus la rambarde.
Je n’ai pas besoin de préciser que s’il y a une rambarde sur ce balcon, c’est parce que la chute est longue. Je ne pense pas non plus avoir besoin de dire que je ne m’y attendais pas et que j’ai oublié de réagir. Le drone non plus n’a pas réagi. Il est simplement tombé avec le même sourire en me regardant gaiement. S’il avait eu le temps avant de disparaître, il m’aurait sans doute dit à quel point il trouve la journée merveilleuse une fois de plus. Même être jeté dans le vide n’a obtenu aucune réaction.
Sur le moment, j’ai regardé Lud avec incompréhension et elle m’a juste fait le même signe pour me dire « Tu vois ? ». J’étais encore en train d’essayer de comprendre ce qu’elle venait de faire quand elle a pris la parole.
« Noir, esprit, silence. »
J’ai soupiré en la regardant. Ce genre de phrase n’excuse en rien un meurtre ! Je sais qu’elle est folle, mais de là à se moquer de la vie d’un… drone… Bon, je vais moi-même avoir du mal à les humaniser s’ils sont incapables de ressentir quoi que ce soit, mais en tuer un comme ça pour une raison aussi stupide… Avec quoi est-ce que je me suis marié exactement ? Je comprends mieux pourquoi elle a autant de corruption en elle maintenant. Ça, qu’elle me poignarde et la pile de cadavres qu’elle prend comme une literie et qui était ses anciens époux…
Je ne prends aucunement la responsabilité de ses actes. S’il y a une police dans le coin, cela m’est égal si elle finit en prison, je ne suis qu’une victime des crimes de Lud. Bien entendu, il n’y a personne qui soit venu jusqu’à maintenant et je n’ai pas regardé par-dessus le balcon pour voir le résultat en bas. Rien que de penser à tout cela et j’ai mal à la tête.
Pour ce qui est de Lud, oui, elle fait effectivement plus cohérente quand elle parle maintenant. C’est toujours fragmenté, mais au moins il y a une sorte de logique dans ce qu’elle dit que je suis capable de comprendre. J’ai bien l’impression que mes souvenirs semblent lui avoir fait retrouver une part de sa raison. J’aimerais juste que cela influence la part de son cerveau qui lui permet de comprendre qu’elle ne devrait pas jeter des gens dans le vide comme ça.
En attendant, j’ai donc fini par les appeler les drones à défaut d’un meilleur nom. Ils sont basiquement inutiles et ne peuvent rien comprendre, donc ce ne sont pas des sources d’informations potentielles.
Bien entendu, en me concentrant sur Lud, j’ai essayé de lui faire comprendre que je cherche une bibliothèque et des livres depuis un moment. J’ai envoyé des dizaines d’images pour lui montrer et elle m’a regardé en souriant sans avoir la moindre idée de quoi je parle.
… Je suis donc peut-être à la recherche de quelque chose qui n’existe pas dans cette ville. Je ne compte pas me reposer sur sa réaction pour en être complètement certain, mais cela ne me rassure pas sur l’avenir.
Je reviens donc à ce beau matin dans la capitale de la folie. Lud est en train de me secouer le bras pour que je lui jette de nouveaux souvenirs à travers le lien. Je pense avoir fait le tour, mais cela ne l’empêche pas de quémander tout ce que j’ai sans se préoccuper de la qualité. Ressasser mes souvenirs n’a rien d’agréable. Il y a quelques vagues périodes de ma vie que je considère comme joyeuses, mais devoir en trouver des nouvelles me ramène assez souvent à des souvenirs désagréables.
Si au moins cela allait dans les deux sens, je pourrais peut-être comprendre des choses grâce à Lud, mais oublions ça. Tout ce qu’elle m’envoie, ce sont des pensées fragmentées incompréhensibles ou des émotions. Mais si elle finit par retrouver la raison, j’ai peut-être une chance qu’elle m’aide vraiment. Cela dit, je choisis peut-être la solution la plus simple en la mettant de côté ainsi jusqu’à ce qu’elle finisse par retrouver sa capacité à parler. J’ai juste peur de perdre la raison si j’essayais de la comprendre, ou alors je vais perdre mon temps. Je pense qu’il doit y avoir une meilleure solution ailleurs.
J’avale une gorgée d’eau que j’ai récupérée dans une des fontaines de la ville et un morceau de feuille. C’est assez étrange, mais certains des drones en ont pris dans des arbres pour les manger et j’ai fait la même chose. Le goût est assez particulier, ressemblant à du gâteau, mais la texture est assez épaisse pour que j’aie l’impression de manger autre chose que de la salade. Je n’en avais pas spécialement envie, mais mes vivres sont bien trop limités pour faire la fine bouche. De plus, je préfère conserver le peu de viande qu’il me reste pour Juliette puisque je n’en ai pas encore trouvé dans la ville. Son rationnement forcé va finir par devenir un problème…
Je mâche donc des feuilles avec Micha et Lud pendant que Juliette se contente d’un maigre morceau de viande séchée.
Après ce petit déjeuner, nous reprenons l’exploration et je m’engage dans une sorte d’entrée que Micha avait repérée lors de son ascension pour nous rejoindre. Il semblerait que nous ayons finalement trouvé le réseau de transport de la ville. Je ne sais pas si je peux vraiment utiliser « transport » comme mot pour le définir, puisque ça ne ressemble pas à quelque chose de terrien. Cela a juste l’air tellement amusant que je me vois incapable de refuser l’idée d’essayer.
En se servant de veines dans le bois du tronc principal, il semble que les elfes aient creusé tout un réseau de tunnels horizontaux et verticaux allant dans tous les sens. Tel que je le vois, ce sont les autoroutes de la ville.
Pourquoi est-ce que je dis que ça a l’air amusant ? Pour commencer, il n’y a personne. Les drones n’ont pas l’air de vouloir s’en servir et n’en ont probablement pas besoin pour tourner en rond entre les bâtiments. Cela n’empêche pas la gare du tunnel sphérique géant dans lequel je me trouve de m’intriguer. Par chance, contrairement au reste de la ville, il y a plusieurs panneaux que je peux lire rapidement et qui répondent à des questions sur le fonctionnement du tunnel. Malheureusement, ce sont les seuls panneaux qui sont lisibles, car ils ont des illustrations. Les autres ne contiennent qu’un assemblage de lettres que je n’arrive pas à comprendre.
Les parois du tunnel ne sont pas simplement parfaitement lisses et huilées par ce que j’imagine être la sève de l’arbre, elles sont aussi couvertes par des milliers de billes blanches de petites tailles qui flottent légèrement au-dessus du sol comme des lucioles.
Lud n’a pas hésité une seconde pour s’y engager le plus naturellement du monde et j’ai à peine réussi à l’arrêter à temps. Même si pour elle c’est normal, je vais avoir besoin de quelques instants pour ne pas me tuer par accident. Et évitons de la voir s’enfuir sur un coup de tête. Elle est folle après tout et je préfère ne rien laisser à la chance.
Je regarde à nouveau un panneau schématisant comment s’insérer dans le trafic. Apparemment, il suffit de « glisser » sur le sol. Je suis devant le plus grand toboggan qu’il est possible d’imaginer. Enfin, une patinoire magique convient peut-être mieux ? En posant un pied entre les lucioles et en m’engageant sur la « piste », je peux sentir une sensation étrange envelopper mes jambes.
Je m’attendais à glisser comme sur une flaque d’huile, mais ma jambe semble capable de rester en place sans difficulté. C’est finalement en mettant un peu de pression dans mon pied que je commence à lentement glisser. Je ne semble pas avoir de problème à contrôler le mouvement au point d’avoir l’impression que garder l’équilibre n’est pas difficile.
Derrière moi, Lud est tellement impatiente qu’elle finit elle-même par marcher sur la piste sans attendre mon accord. J’essaye de la rattraper, mais elle s’écarte bien trop vite pour cela.
En quelques mouvements, elle fait un large arc de cercle et revient vers moi. Ce qui m’étonne, c’est la vitesse avec laquelle elle vient de le faire. Sans difficulté, j’ai l’impression qu’elle a dépassé les cinquante kilomètres-heure avant de revenir me voir. Elle s’est contentée de marcher et le sol semble avoir fait le reste.
J’ai intérêt à rapidement m’y faire si je ne veux pas qu’elle m’abandonne. Il est temps d’apprendre à glisser dans l’arbre-pays, et j’ai aussi une destination à présent. Sur une carte géante perdue contre un mur, j’ai finalement vu quelque chose qui m’intéresse. Un lieu dont le dessin qui le surmonte est un livre et une plume en train d’écrire. Il y a même une couronne dessus qui implique donc une sorte de royauté.
Il est temps de passer à l’académie royale.
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Correction : Hastin
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Merci pour le chapitre.