Chapitre 9
Levé à sept heures, une douche rapide pour réveiller ses esprits, Florian sécha ses cheveux humides à l’aide de sa serviette et se rendit calmement en direction de la commode où il sortit ses vêtements du jour. Peu enclin à modifier ses habitudes qu’il avait prises depuis qu’il travaillait pour la Brigade des Ailes Irisées, il sortit une chemise et mit un bermuda ; sa tenue estivale lorsqu’il faisait trop chaud pour rester en jean.
Comme chaque matin, il se fit couler un café serré au goût amer qu’il dégusta accompagné d’un bol de muesli et de fruits frais coupés en dés, plongés dans du fromage blanc. Pendant qu’il mangeait, ses yeux louchèrent sur la poche de sa veste en lin où il y avait glissé les photos imprimées pour les remettre à sa collègue. Il s’empara de la pochette et les examina à nouveau une à une comme il l’avait fait la veille avec une certaine insistance.
Certaines d’entre elles lui décrochèrent un sourire, en particulier la dernière qu’ils avaient faite alors qu’ils s’apprêtaient à déguster leur glace. C’était celle, et de loin, qu’il préférait et sur laquelle il s’était la plus attardée au point de la connaître dans les moindres détails. Jusqu’au monsieur posté sur la chaise d’à côté qui lisait son journal où la date de ce samedi 11 août 2001 était facilement lisible.
Ce séjour en Bretagne avait été des plus particuliers, riche en émotions… surtout pour elle. Et il avait dû se forcer à ne pas laisser paraître son plaisir d’avoir partagé ces moments d’enquête. Déjà parce que cela n’aurait pas du tout été professionnel de sa part mais aussi et surtout parce que mademoiselle semblait perdre pied. Qui espérait-elle duper à travers ses sourires faux, ses rires forcés et ses grands yeux de biche larmoyants ? Lui qui avait tant eu l’habitude de déminer le vrai du faux. Et ce message malsain affiché sur son portable dont il aurait tant souhaité ne pas en connaître le contenu n’avait cessé de le tracasser.
Il savait qu’il n’avait pas à agir là-dessus, qu’il fasse comme si de rien n’était. Cela n’était pas son rôle, il était son collègue, son supérieur certes, mais il ne devait nullement lui faire de réflexion ou émettre le moindre jugement sur sa vie privée. Sauf si son état mettait en péril sa santé psychologique ou le bon déroulé de leur mission. Mais là encore, il se savait trop lâche pour oser la contrarier et la repousser. Il n’avait pas l’étoffe d’un chef, il n’avait jamais voulu l’être.
D’ailleurs, cela faisait longtemps qu’il ne souhaitait plus exercer de la sorte. S’il était resté, c’était uniquement grâce à elle ; Maud lui apportait cette étincelle de vie et de gaîté qu’il ne parvenait pas à trouver dans son quotidien. Sa sémillante subordonnée faisait flancher l’équanime garçon qu’il était et ce depuis l’instant où elle lui était apparue. La pauvre créature était affolée comme un moineau devant cet exercice périlleux, jouant sa vie pendant ces précieuses minutes avant que la délivrance et le verdict ne lui soient donnés. Pourtant, malgré cette peur qui lui avait broyé les entrailles, elle avait su s’y prendre avec brio au point qu’il était inconcevable pour lui de ne pas la prendre par la suite parmi ces innombrables postulants.
Le sourire aux lèvres, il rangea les clichés, débarrassa ses couverts qu’il glissa dans son lave-vaisselle et examina son appartement pour s’assurer de ne rien avoir laissé traîner. Comme toujours, son domicile de cinquante mètres carrés était propre et soigneusement rangé sans que rien ne dépasse. Quand bien même jamais personne ne venait à l’improviste chez lui, savoir ce lieu préservé de toute agitation l’apaisait.
Les poubelles sous le bras, il sortit de l’immeuble et les jeta dans la benne prévue à cet effet puis il arpenta l’avenue de Rivoli déjà en pleine effervescence.
Il lui fallut à peine plus de vingt minutes de marche à bonne allure pour arriver au travail. Peu enclin à discuter le matin, cette traversée de Paris dans ces quartiers joliment architecturés avait le don de relaxer ses esprits et de le rendre énergique pour le reste de la journée.
En revanche, quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’en arrivant dans sa salle de repos, sa jeune collègue était présente. Il ne sut dire quoi de sa mine déplorable ou de sa large avance sur l’horaire était le plus édifiant. Il pencha rapidement sur la première solution lorsqu’en s’asseyant non loin d’elle, elle ne lui adressa pas l’ombre d’un regard. Elle gisait comme une coquille vide, les yeux bardés de deux ronds noirs et regardait devant elle sans l’ombre d’un battement de cils.
Alors qu’il l’interpella par son prénom, elle n’entendit même pas sa question. Elle ne pouvait venir travailler sous ces conditions, leur contrat était clair, il fallait qu’elle soit opérationnelle tant physiquement que moralement ; c’était son devoir en tant que supérieur de veiller à cela et de la chasser pour qu’elle reste chez elle. Elle le savait bien, pourtant elle était là. Pourquoi venir en dérogeant à cette règle si simple et fondamentale ! Avait-elle essuyée quelque dispute avec son compagnon, voire pire ?
Déconcerté, il se mit à réfléchir. Il fallait qu’il la laisse sur place et l’oblige à rentrer. De toute façon, le médecin n’accepterait jamais de la voir l’accompagner. Elle ne pouvait duper personne avec une telle mine déplorable. Il se pinça les lèvres et s’éclaircit la voix :
— Rentre chez toi Maud, tu n’es pas en état, déclara-t-il d’une voix aussi ferme qu’il le put.
Elle fronça les sourcils et se recroquevilla davantage, bien obstinée à rester travailler.
— Je ne peux pas te prendre avec moi et tu le sais bien ! Maintenant pars s’il te plaît.
Comme une enfant, elle fit la moue et hocha la tête par la négative, manquant de fondre en larmes.
— Maud, si ce n’est pas moi qui te chasse ce sera le médecin. Personne n’acceptera que tu viennes dans ces conditions alors ne fait pas l’enfant et rentre chez toi !
Elle marmonna des mots indiscernables. Il perdit patience et prit son portable pour appeler ses supérieurs.
— Je t’en prie laisse-moi venir ! supplia-t-elle avec une telle détresse qu’il en fut totalement désarmé.
Ne bougeant plus, il la vit se mettre à genoux et à le regarder d’une émotion comme rarement il n’en avait vu affiché sur un visage. Cette vision d’elle le dérouta et il demeura immobile un instant. Non, il ne pouvait l’amener, ce serait une folie et surtout dangereux de céder à cette demande aussi désespérée soit-elle. Il ne fallait pas succomber à une telle dangereuse tentation de la laisser venir, pas après le scandale de l’affaire Yves Moreau ! Malgré cela, il s’en voudrait davantage si jamais elle eut été victime d’un fait dont il ne connaîtrait certainement jamais la raison.
Après un temps, il soupira :
— Si je t’emmène, me promets-tu d’être un minimum opérationnelle ou du moins de ne rien faire pour briser la mission ?
— Je te le promets ! annonça-t-elle d’une voix étranglée. Je… je vais tout faire pour t’aider.
Résigné, il se leva et l’invita à le suivre. Un éclair d’une infinie reconnaissance passa au travers des prunelles noisette de sa collègue qui se leva à son tour et le suivit docilement sans un bruit.
Dans la salle annexe, ils virent le médecin et son patient du jour ; un homme proche de la quarantaine, un cas bien jeune contrairement à d’ordinaire. Selon le document, il s’appelait Lucas Petit et aurait déclenché l’Ophélie suite à la disparition aussi soudaine que brutale de son chien, un husky prénommé Maco. Pour cela, il leur fallait remonter en 2006 dans un village des Alpes non loin du parc naturel des Écrins.
Alors qu’il paramétrait la machine, le médecin scruta le binôme de ses yeux plissés en fente. Sachant pertinemment ce qu’il allait leur dire, Florian engagea sa responsabilité dans l’affaire. Il lui fallut négocier pas moins d’une demi-heure pour qu’il concède à la laisser voyager. En contrepartie, le supérieur s’engagea à signer une décharge ; si un seul problème suite à leur périple avait lieu, il serait convoqué en conseil disciplinaire avec les sanctions éventuelles qui s’abattraient sur sa personne.
— Faites-nous partir une semaine entière, l’air de la montagne lui fera du bien.
— Vous êtes fou Florian vous savez ? maugréa le médecin en lui faisant signer plusieurs exemplaires pour se dédouaner de toute responsabilité.
— Nous ne craignons rien, comme vous l’avez vu nous partons à la montagne, il n’y aura guère que des chèvres et des vaches dans ce trou paumé. Notre présence passera pratiquement inaperçue.
— Quand bien même elle le serait, vous savez très bien les risques que vous encourez à la laisser se rendre là-bas dans un état d’instabilité aussi apparent ! Cela ne vous a-t-il pas servi de leçon il y a quatre ans ? Prenez vos vacances là-bas si vous le souhaitez, mais je ne vous donnerai pas un centime que ce à quoi vous avez le droit ! Et vous avez tout intérêt à parvenir à un succès.
— Ne vous en faites pas, cela suffira amplement. Et je n’ai aucun doute quant à la réussite de cette mission !
Sur ce, ils partirent au vestiaire et firent leurs valises.
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