Chapitre 6 – Le Bal des tourterelles 2/3
Une fois dans sa chambre, que son père avait pris soin d’aérer en laissant la fenêtre ouverte en grand, elle y trouva sa robe tant désirée. Méticuleusement, elle déplia l’étoffe et la palpa de ses petits doigts encore sales de salive et de sucre. Qu’elle était douce ! Curieuse, elle l’examina sous tous les angles pour l’étudier dans les moindres détails.
— Quelles jolies marguerites et tulipes ! lança-t-elle émerveillée. N’est-ce pas Filou ?
Elle pivota d’un quart de tour à droite et jeta une œillade en direction d’un autre de ses amis posté sur le lit et qui affichait, comme à l’accoutumée, une mine renfrognée sur sa tête de chien battu où un œil manquait à l’appel, remplacé par un bouton d’infortune.
— Oui maîtresse ! répondit l’animal en laine boulochée en inclinant son buste pour épouser ses dires. Tu es très jolie et je suppose que Coquin et Miss Coquette seront autant de mon avis.
— C’est vrai ? demanda la fillette à l’attention du clown et de la petite poupée de porcelaine.
— Oh oui princesse Sarah ! assura le clown.
Ce dernier avait les bras écartés et lui adressait un sourire radieux dévoilant l’intégralité de ses dents blanches, qui mettaient en valeur ses deux billes vertes ainsi que son gros nez en forme de poire, d’un rouge écarlate.
— Vous serez très belle et monseigneur Loup sera enchanté de danser auprès de vous ! ajouta Miss Coquette, une fillette blondinette à bouclette assise impeccablement sur sa chaise personnelle et tenant entre ses mimines potelées une tasse de thé fêlée.
— Waouh ! Merci beaucoup Miss Coquette !
Recevoir un tel compliment de la part d’une si jolie demoiselle, au canon de beauté que la Nation entière ne cessait de vanter, voilà qui la mettait au comble du ravissement. Comme la choupinette était mignonne avec sa peau nacrée, ses yeux bleu clair bordés de cils dorés, ses joues rosées et ses lèvres charnues en forme de cœur. Elle possédait à l’instar de sa maîtresse, une collection impressionnante de jupons, de robes à froufrous et fanfreluches en tous genres que Sarah prenait soin à lui enfiler, veillant à ne pas les effiler.
— Vous m’accompagnez tous au bal ce soir ? s’enquit-elle une fois qu’elle eut vêtu son ensemble ainsi que ses souliers vernis.
— Si mademoiselle le souhaite, nous viendrons à la fête ! annonça Filou. Mais il faut pour cela que tu nous déguises à notre tour.
— Oh, mais c’est vrai ! réalisa-t-elle en plaquant une main sur son front. Que je suis bête parfois !
Elle se baissa en hâte et sortit de sous son lit une large malle en bois dans laquelle de multiples costumes, babioles et accessoires étaient entreposés pêle-mêle. Après avoir fouillé pendant ce qui semblait être une éternité, éparpillant ses trésors sur le plancher raboté, elle prit certains objets et les étala sur sa couverture. Elle réunit les quatre amis et les plaça en rang d’oignon sur son lit.
— Alors pour toi Filou, je t’ai trouvé un costume de bandit ! T’auras cette grosse cape noire et un bandeau sur tes yeux. Tu verras rien mais c’est pas grave, car tu vois déjà pas beaucoup.
Elle accrocha la cape au cou du chien et l’examina de pied en cap.
— Voilà qui te va si bien ! Un vrai méchant ! Tu fais presque aussi peur que le monsieur qu’on voit sur les affiches et à la télévision ! Faut juste que je te dessine une petite moustache mais j’ai peur que ça ne parte pas au lavage après.
Puis elle le reposa et se tourna vers Coquin pour lui adresser un sourire malin.
— Toi tu seras un pingouin ! Je suis désolée, le costume est un peu grand pour toi mais il n’y avait pas grand-chose pour aller avec ta minuscule taille et tes grands pieds.
— Tu sais, je suis déjà déguisé, répondit l’intéressé avec pragmatisme, tu ferais mieux de garder ce costume pour Misskitty, il lui ira à ravir.
— Mais Misskitty a déjà un masque de chat ! rétorqua-t-elle en pleine réflexion. Sauf si je lui enlève et que je le mets à Miss Coquette.
— Fait comme tu veux ma chère princesse ! répondirent-elles en cœur.
Emballée par cette perspective, la fillette s’exécuta et les habilla toutes deux de leurs tuniques respectives.
— Vous voilà fin prêtes ! gloussa Sarah en joignant ses bras.
— Et toi princesse ? Quel masque vas-tu porter pour le bal du seigneur Loup ?
La petite fronça les sourcils et fit la moue.
— Hum… oh, mais je sais ! J’ai mon masque de tourterelle que j’avais fait à l’école pour le carnaval de l’an dernier ! Il doit être dans l’armoire, je m’en vais le chercher.
Sur ce, elle ouvrit en grand la porte de la penderie et entreprit de fouiller. Elle fit défiler les cartons et son vêtement d’écolier sur lequel une étoile jaune était brodée depuis peu. Elle s’y attarda un instant ; elle ne comprenait pas son utilité mais elle la trouvait fort jolie. Malheureusement, depuis qu’elle la portait, elle était sujette aux moqueries. S’ils étaient jaloux, ils n’avaient qu’à s’en broder une au lieu de râler et de vouloir la frapper ou de la lui arracher. Son père aussi en avait une bien visible sur son élégant costume de travail mais à l’inverse de sa fille, il ne paraissait pas réjoui à l’idée de la porter.
Sarah trouva enfin son déguisement au fond d’un tiroir.
— Bon ! T’as perdu quelques plumes toi ! fit-elle en soulevant l’ouvrage comme une relique sacrée. On dirait un vieux poulet tout déplumé. Monseigneur Loup va ricaner.
En pleine réflexion elle regarda sa petite horloge, où le coucou sonna dix-neuf heures, et vit qu’elle avait encore une heure avant le rendez-vous ; soit assez de temps pour consolider son loup. Sans attendre, elle se redressa d’un bon et se rendit sur le balcon en direction de la cage aux tourterelles. Les oiseaux se reposaient, roucoulant dans leur nid ou picorant des graines du haut de leur perchoir en compagnie de moineaux et de mésanges.
La fillette ouvrit discrètement la cage et y entra à pas de velours comme le ferait un renard affamé appâté par les poulardes du poulailler. Accroupie, elle fouina au sol et prit les plumes qui lui semblaient les moins communes ou abîmées, portant son dévolu sur celles aux reflets bleutés.
— Voilà qui devrait faire l’affaire ! fit-elle en les comptant. Sept plumes… avec ça j’aurai largement de quoi faire.
De retour dans la chambre, elle s’attela à l’ouvrage et les colla une à une avec patience et minutie. Puis, une fois sa tâche terminée, elle enfila l’objet. Elle brossa ensuite sa longue chevelure parsemée de nœuds et l’attacha avec un fin ruban rose poudré.
Alors qu’il lui restait un quart d’heure, elle sortit de son bureau son précieux journal intime dans lequel elle inscrivit les péripéties de ce jour si particulier pour se les remémorer à l’avenir. Chose faite, elle relut les faits de la semaine dernière, riches en événements, où elle avait écrit de sa maladroite lettrine à la plume noire :
Cher Journal,
Depuis que papa a été frappé par le vilain monsieur et que mes camarades m’ont craché au visage, papa ne veut plus que je retourne à l’école. J’ai même pas pu dire au revoir à Joseph et Hannah. Papa est triste, il pleure beaucoup en ce moment. Il ne sourit plus et reste dans sa chambre. Mais heureusement il me parle toujours autant et me couvre plus de baisers qu’habituellement. Mon anniversaire arrive bientôt ! J’ai hâte ! Il m’a promis un bal ! « Un beau bal pour sa petite princesse » il m’a dit !
Elle soupira et afficha une mine renfrognée.
— J’espère que mon papa chéri sera pas triste ce soir !
— Mais non maîtresse ! objecta Misskitty. Monseigneur Loup va être au contraire heureux de passer la soirée auprès de sa princesse adorée !
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