Kumo Desu Ga, Nani Ka ? – Chapitre 330.5.19

 

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Chapitre 330.5.19 : L’heure de la décision 7

(Point de vue de Shun)

… Que suis-je censé faire ?

J’ai beau y réfléchir, aucune réponse ne vient. Le Roi Démon Ariel. Le Pape Dustin. J’ai entendu leurs déclarations respectives. Les opinions des représentants des deux puissances qui s’affrontent pour le destin du monde. Peu importe ce qu’ils avaient à dire lors d’une occasion aussi cruciale, presque comme s’ils s’étaient concertés à l’avance, tous deux se sont contentés de remarques brèves. Pourtant, dans ces brèves paroles… combien d’émotion y avait-il ? Même moi, un réincarné qui devrait n’être qu’un semi-spectateur, j’ai pu sentir tout le poids de leur détermination. Tous deux… avaient résolu de tout sacrifier… à un degré écrasant.

Je ne sais pas quel destin m’a conduit ici, mais je détiens une clé qui pourrait avoir une influence significative sur cette bataille. Si je rejoins le camp du Roi Démon, elle ne changera pas grand-chose. Mais si je choisis le Pape, cette clé leur serait d’une grande aide.

… Sur le plan émotionnel, j’ai envie de me ranger du côté du Pape. Je ne peux pas imaginer en venir à souhaiter la mort de tous ceux que j’ai rencontrés dans ce monde. Pourtant, après avoir entendu la détermination dans les voix du Roi Démon et du Pape, je ne peux m’empêcher de douter : est-ce que quelqu’un comme moi a le droit de s’impliquer dans cette guerre ?

En partie, c’est parce que je suis un réincarné. Le Roi Démon et le Pape se battent depuis bien plus longtemps dans ce monde. Et même si les gens de ce monde n’en ont pas conscience, ils se réincarnent ici encore et encore. Quelle que soit l’issue de ce conflit, des réincarnés comme moi, encore verts et incertains, ne devraient pas y prendre part, pas vrai ? C’est ce que je crains. Je commence à croire… que si je suis si hésitant, peut-être que ne rien faire est en fait la meilleure chose à faire.

« Tu hésites, hein. »

À ce moment-là, Katia s’est approchée.

« C’est vrai. J’hésite énormément. »
« Alors pourquoi ne pas en parler ? Il y a des fois où simplement mettre des mots sur ce qu’on ressent peut aider à clarifier ses pensées. »
« … C’est pas faux. »

Sur son conseil, j’ai commencé à parler, maladroitement, de ce que j’avais sur le cœur. Mes idées étaient en désordre, mon récit partait dans tous les sens. Je disais juste tout ce qui me passait par la tête, sans fil conducteur. Malgré cela, Katia m’a écouté jusqu’au bout, sans m’interrompre ni me presser.

« Hrm. En gros, tu veux suivre le Pape par instinct, mais tu doutes à cause de ton manque de détermination, c’est ça ? »
« C’est direct, mais ouais… »

Je n’ai pu m’empêcher de sourire, un peu amer, face à la franchise de Katia. Au final, c’est bien cela. Je manque de résolution.

« En tant que Héros, celui qui succède à Julius-nii-sama, je voulais hériter de sa volonté. C’était du moins mon objectif. Mais penser qu’en combattant simplement les démons j’y parviendrais… c’était présomptueux. Ce qui rendait Julius-nii-sama spécial, c’était qu’il avait déterminé lui-même ce qu’il croyait être juste… et qu’il s’y tenait jusqu’au bout. »

Peu importe le moment, Julius-nii-sama a toujours été un héros que j’admirais. Mais ce n’était pas simplement parce qu’il était fort. Ce n’était pas juste parce qu’il était cool. C’est surtout parce que, plus que tout, sa détermination brillait. Cette volonté inébranlable, que je n’ai jamais eue, c’est précisément ce qui faisait que je l’admirais.

« Dans une situation comme celle-ci, je suis sûr que Julius-nii-sama aurait trouvé sa propre réponse, même en étant incertain. Pour moi, c’est impossible à reproduire. »

Dans le cas de Julius-nii-sama, quel genre de réponse aurait-il donné ? Je n’en ai aucune idée. Mais je suis certain qu’il aurait trouvé une réponse, et qu’il serait allé se battre. Peut-être que, plutôt que de renoncer à une troisième voie comme je l’ai fait, il aurait tout donné pour sauver tout le monde. Peu importe si c’était réalisable ou non, je suis sûr qu’il n’aurait jamais abandonné jusqu’à la fin. Par rapport à lui, l’écart est immense.

« Je suis superficiel. Que ce soit comparé à Julius-nii-sama, ou bien au Roi Démon et au Pape… »

En disant cela, je baissai la tête, poussant un profond soupir.

« Même si tu es superficiel, est-ce que ça a vraiment de l’importance ? »
« Hein ? »

Alors que je me noyais dans l’auto-dénigrement, Katia déclara cela d’un ton parfaitement neutre.

« Shun, tu accordes beaucoup d’importance à la détermination et à la volonté, non ? Et en soi, il n’y a rien de mal à ça. »
« C’est vrai. »
« Mais ! Il n’est pas nécessaire d’avoir un tel sens de la gravité pour passer à l’action, tu sais ? »
« Hein ? »
« “J’ai envie de faire ça.” “Je veux agir.” Ce genre de sentiment est certes banal, peut-être même léger. Mais même s’il est léger, est-ce vraiment un problème ? Regarde les gens comme ceux qui ont traversé l’histoire ou les vrais héros. Qu’y a-t-il d’étonnant à ce qu’ils aient une volonté hors du commun ? Comparés à eux, tous les autres paraîtraient forcément superficiels. »
« Ça, c’est peut-être vrai… »
« Si on partait du principe qu’il est mal d’agir sans une profonde volonté, alors ça voudrait dire qu’il serait mal d’agir pour presque tout le monde dans ce monde. »
« Ce n’est pas un peu tiré par les cheveux, ton raisonnement ? »
« Peut-être. »

Lorsque j’objectai spontanément à l’argument de Katia, elle l’accepta sans sourciller.

« Mais si on met de côté cette histoire de volonté, le fait que tu sois un réincarné ne t’interdit pas de participer. Kyouya et les autres sont bien activement engagés dans le camp du Roi Démon, non ? »
« … C’est vrai. »

Maintenant qu’elle le dit, oui. Dans le camp du Roi Démon, il y a Kyouya, Negishi-san et Wakaba-san. D’après ce que j’ai vu, ces trois-là occupent même des rôles centraux. En y repensant, dire que les réincarnés ne doivent pas prendre part au conflit serait une erreur. Pourtant…

« Ces trois-là, on a quand même l’impression qu’ils ont bien réfléchi avant de se lancer. »

Surtout Kyouya. Quand je repense à lui, une pensée amère me transperce le cœur. Peut-être que, quand Kyouya m’a dit que mon épée était vide, cela m’a plus bouleversé que je ne l’avais réalisé sur le moment.

« On a beau être des réincarnés, on vit désormais dans ce monde, on fait partie de ses habitants. Donc, tu as tout à fait le droit de prendre part à cette bataille. »
« C’est vrai aussi, je suppose. »

Nous vivons bel et bien dans ce monde à présent, après tout.

« En fin de compte, se demander si ta volonté est lourde ou légère, c’est une perte de temps. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut voir ou mesurer, donc il n’y a que toi qui puisses en juger. Tout ce qui compte, c’est ce que toi, tu veux faire à partir de maintenant. »
« Ce que je veux faire, hein… »
« Oui. Et puis, dans notre ancien monde, on avait une expression pour ce genre de situation. »

Je levai la tête vers Katia.

« Il vaut mieux regretter ce qu’on a fait que regretter de ne pas l’avoir fait. »

Sur son visage, un sourire malicieux, comme celui d’un enfant qui vient de faire une bêtise.

« C’est pour ça que j’ai choisi la voie où je pourrais avoir des regrets. »
« … ? Qu’est-ce que tu veux dire ? »
« Si tu utilises l’Appraisal sur moi, tu comprendras. »

Intrigué, je m’exécutai. Et alors…

« Hein, quoi !? »

Dès que ses statistiques s’affichèrent devant moi, quelque chose me parut étrangement anormal. Le nombre de ses compétences… était incroyablement faible.

« Hein !? »

Et quand je vis ce qu’était l’une de ses rares compétences restantes, je poussai un second cri de stupeur.

『Chasteté』

C’était l’une des compétences de Souverain du groupe des Sept Vertus.

« Tu te souviens de ma compétence unique, non ? »

À ses mots, tout s’éclaira. Lacompétence unique de Katia s’appelle « Transition ». C’est une compétence étrange, dont elle s’était plainte de n’avoir jamais trouvé d’utilité. Son effet permet de réduire des compétences en points de compétence. Autrement dit, c’était une capacité qui permettait de « réinitialiser » ses compétences. Toutefois, l’efficacité n’étant pas de 100 %, plus on l’utilisait, plus on perdait de points. C’est pourquoi Katia avait décidé de ne jamais l’utiliser.

Mais vu sa situation actuelle, tout est clair.

« Tu as utilisé Transition, hein. »
« Exactement. Et j’ai perdu la plupart de mes compétences en échange. »

Les compétences de Katia avaient presque toutes disparu. Il ne lui restait plus que Chasteté, ainsi que les compétences associées obtenues via ce titre. Elle avait perdu toutes ses compétences d’amélioration de statistiques, ce qui faisait que ses valeurs avaient aussi diminué. Même ainsi, avec une moyenne dépassant encore aisément les 1000, elle resterait supérieure à un soldat lambda. Toutefois, dans les combats qui nous attendent, de telles statistiques sont dérisoires. Même si j’étais en pleine forme, je serais sans doute un fardeau. Par comparaison, Katia serait…

— Tu vas y aller, alors ?
— En effet. Je ne veux pas rester les bras croisés à regarder ma famille, mes domestiques, mes amis mourir les uns après les autres.

Alors que je tergiversais encore, Katia avait déjà pris sa décision. Je vois… C’est vrai. Je me mets une claque avec toute la force que j’ai. Allez, il est temps de se bouger.

— Moi aussi, même si ma motivation est superficielle, il est temps que je passe à l’action, hein.

Peu importe le choix que je ferai, il y aura de la souffrance. Peu importe qui l’emportera, je suis sûr que j’en viendrai à regretter quelque chose. Et si je ne fais aucun choix, je resterai à me morfondre, indécis et rongé de doutes. Alors, comme on dit, il vaut mieux regretter d’avoir fait quelque chose que de regretter de ne rien avoir fait.

— De toute façon, je ne sais même pas si je pourrai servir à quelque chose quand le moment viendra.

Peut-être que je finirai réduit en cendres avant même d’atteindre l’endroit le plus profond du niveau inférieur du Grand Labyrinthe d’Elro… Plutôt, c’est même le scénario le plus probable. Ma force chétive ne servira sans doute à rien dans la bataille. Mais…

— J’vais tenter le coup.

Quand on décide d’y aller, on y va. Peut-être que le fait de me lancer avec cette volonté fragile et cette force insignifiante me correspond parfaitement.

— Je compte sur toi. Je ne suis désormais plus qu’une frêle demoiselle, maintenant que j’ai perdu presque toutes mes capacités de combat.

Tout en disant cela, Katia se colla à moi.

— H, hé…

Juste au moment où je commençais à paniquer, BAM, la porte s’ouvrit violemment.

— Tu me prends de vitesse, Katia.
— Premier arrivé, premier servi, tu sais.
— Meurs.
— A, attends !

Pour stopper Sue, enveloppée d’une véritable intention meurtrière, je dus intervenir dans la panique.

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