Tour des Mondes – Chapitre 296

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Chapitre 296 : De la souffrance pour elle

Je me secoue la tête violemment en me tournant. Une sorte de soubresaut qui me permet de me protéger de la personne que je vois devant moi. Je n’appellerais pas ce que je vois une attaque, mais j’ai bien l’impression que je tombe amoureux. Une sorte de coup de foudre extrêmement violent que je ne contrôle absolument pas et qui n’a rien de naturel.

Alors que je détourne le regard pour ne plus l’observer, je peux sentir mon cœur qui bat plus fort et plus vite, comme si j’étais intoxiqué par sa présence. Je suis censé être protégé de la corruption et je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. J’ai juste envie de la regarder pour l’admirer alors que ma raison me pousse à ne pas le faire en comprenant que c’est dangereux. Ce n’est pas un désir bestial ou incontrôlable qui me donne envie de me l’approprier, c’est malheureusement plus profond. Je veux qu’elle m’aime et je veux l’aimer en retour. Des centaines d’images où je la vois et où je m’imagine la séduire se mélangent.

[Ah. Vous, les humains… Je reconnais que selon les critères de beauté de votre race, elle est clairement loin devant celles que tu connais. Si 10 est la plus belle femme que tu aies vue, celle-ci doit être un 20 ou un 30… 100 ? Je peux lire tes pensées, mais ça reste débile de lui mettre autant. Je comprends que cela t’affecte, mais c’est malheureusement un peu tard pour que je la censure de ta vision.]

Alors que je me gifle pour sortir de cet état en refusant de me tourner dans sa direction, Mad pose sa main sur mon épaule. Cela me distrait un peu de mes pensées, mais je vais avoir du mal à oublier son visage.

« C-c’est de la torture à ce niveau. Je suis censé vivre avec ça maintenant ? »

Angela arrête probablement une partie de la corruption des compétences de la classe qui lui permettent de me faire ça, mais j’ai du mal à sortir ses traits de ma tête. J’essaye de penser à ma compagne pré-tour, Micha, mais son image me fuit en étant tout le temps remplacée par cette Jonah.

— Un romantique… C’était prévisible pour un Dresseur, mais j’admets que la réaction est plutôt violente pour mon apparence habituelle. C’est bien ce que tu voulais, Mad’ ?
— Oui. C’était important qu’il en fasse l’expérience. Quoi de mieux que la femme la plus belle du pied de la tour comme première expérience avec la beauté quand celle-ci devient une arme ?
— Oh. Ne me flatte pas si facilement. Je ne suis qu’une humble Catin qui ne mérite pas de si belles paroles. Je le plains. Il ne mérite pas de souffrir comme cela.
— Humble ? Tu n’es pas la Championne de ta classe en plus d’en être la créatrice ? Sans oublier toutes tes relations.
— Cela me donne des responsabilités, pas un ego surdimensionné. Ne mets pas de mauvaises idées dans la tête du gamin à mon propos. Et puis j’ai besoin de le répéter ? La perfection –
— … La perfection n’existe pas, je l’ai assez entendu.
— Précisément. C’est un idéal, pas quelque chose d’atteignable. Je suis encore loin d’être la plus belle femme des mondes. Même si j’y arrive, il ne me restera qu’à passer à l’étape suivante en… ça va, ne me regarde pas comme ça !
— J’admire juste ton arrogance. Ne fais pas attention.

Alors que les deux femmes continuent de discuter comme deux vieilles amies, je me gifle à plusieurs reprises pour tenter de me sortir de cette torpeur étrange. Le visage de Jonah semble se graver dans ma rétine et ma tête comme si elle était la seule chose qui comptera pour moi maintenant. Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas, il me semble ? Ce n’est malheureusement que trop vrai dans ma situation. Je rejette l’affection que j’éprouve pour elle et qui me rend fou petit à petit. J’essaye de changer la donne en finissant par me frapper avec mon poing. Au claquement de ma mâchoire, j’ai l’air d’y aller suffisamment fort, mais je vais devoir insister encore.

— … Pourrais-tu faire quelque chose pour lui ? Je n’aimerais pas qu’il continue indéfiniment à se languir de toi jusqu’à la fin de ses jours.
— Tu sais que je n’aime pas faire ça. Cependant, je m’en voudrais de rendre fou le Dresseur du moment. Voyons si la méthode fonctionne toujours autant. Hm hm. Regarde-moi, Nomad.

Et sur une simple demande, je me tourne dans sa direction alors qu’il est impossible pour moi d’y résister. Il n’y a pas de raison que je ne l’écoute pas alors que c’est une chose que je veux faire. Alors que je la regarde, je peux voir que l’expression sur son visage a changé pour tourner à un dégoût profond que je ne peux pas envisager comme étant de la comédie. Je la dégoûte réellement et sans artifice. Je la… Je…

« Tu penses avoir la moindre chance de me séduire ? Un pauvre petit Dresseur qui sent le chien mouillé ? Tu ferais mieux de te résigner à l’idée que jamais je n’approcherai volontairement d’une personne comme toi… Après tout, qui voudrait de toi ? C’est sans doute pour ça que tu es seul. Tu es inutile et tu es faible. Incapable de garder qui que ce soit près de toi. Je suis sûr que la fille inconsciente contre le mur serait d’accord avec ce que je raconte. Le pauvre petit Dresseur qui pense avoir une chance avec une jolie fille. Laisse-moi rire. Le jour où je me rabaisserai à ton niveau ne viendra jamais… Tu es le pir – »

Jonah continue pendant plusieurs minutes à chercher à m’insulter ou me démoraliser et… en ajoutant le dégoût sur son visage, je peux sentir que je me détache de la personne que j’imagine pour retourner à la réalité. Mon imagination se brise petit à petit à chaque remarque cinglante de plus et à chaque nouvelle grimace de pur dégoût. Je peux aussi lire de la colère comme si je l’insultais par ma simple présence et en retour… mon affection se transforme en rage et en colère alors qu’elle m’insulte sur tout ce qu’elle trouve à dire à mon propos. Mon cœur se brise alors que je peux sentir des larmes couler sur mon visage.

« Oh ? Et maintenant, tu vas faire une petite colère ? Sais-tu qui je suis ? En as-tu la moindre idée ? Je suis la Prima Creator de la classe des Catins, je peux te faire plier en agitant mon petit doigt. Des milliers d’hommes et de femmes avant toi ont cru pouvoir me séduire. En vois-tu un ici ? Penses-tu être l’homme le plus formidable que j’ai vu ? As-tu un égo surdimensionné à ce point ?! Tu n’es qu’un bouffon qui pense pouvoir m’amuser. »

Pendant encore une dizaine de minutes le ton de sa voix devient de plus en plus colérique et acerbe sans que je ne trouve rien à lui répondre jusqu’à ce que finalement la dernière once d’affection se brise.

— Ça devrait suffire, merci.
— Tu as toujours l’air en colère pourtant. Dois-je continuer encore un peu ? Puisque la corruption ne te fait rien, c’est difficile de savoir à quel point mes talents de Charlatan ont un effet sur toi. Pour la forme, je vais t’insulter à chaque fois que je te parle à présent. Cela me permettra de m’assurer qu’aucun sentiment ne subsiste, abruti contrôlé par ses hormones.
— Très… Généreux…
— Bien. Espèce de larve. Tu es venu pour payer ton droit de passage et celui de tes camarades ? Même si tes amis sont « impressionnants » pour des Primo Annos, ils ne m’intéressent pas. Toi cependant, je pense que tu seras capable de payer pour tous. Tu vas devoir me prouver que tu as une chance de survivre sous terre et que tu n’es pas juste le pauvre petit Dresseur qui vise trop haut pour lui.

Jonah ordonne alors aux femmes dans la salle de sortir alors qu’elle se tourne pour regarder l’intérieur de son club. Mad’ me demande rapidement si je vais bien et je me contente d’acquiescer. J’essaye d’oublier le visage déformé par la colère et le dégoût de Jonah et celui-ci se superpose au choc de sa beauté que je continue de rejeter et d’apprécier en même temps. J’imagine que me débattre mentalement pour ne garder que ce qui me plaît est une mauvaise idée, mais je n’arrive pas à m’en empêcher. Elle est juste tellement…

« N’en profite pas pour te faire des idées, larve. Tu es encore sous le charme et je le sais. Tu es bien trop faible face à ce genre d’attaque pour que je ne sente pas ton regard dans mon dos. Continue de rêver comme tu le fais et je te demanderai de t’arracher le visage ou le cœur avec les mains pour me l’offrir. Et, crois-moi, tu n’hésiteras pas longtemps à le faire. »

… C’est assez clair pour m’effrayer. Je n’ai heureusement aucun doute sur la véracité de ce qu’elle vient de dire et c’est une raison de plus de ne pas me laisser aller.

— Dans ce cas, essayons de faire vite. Qu’est-ce que je dois faire pour payer mon passage sous terre ?
— C’est très simple. Tu vas tuer quelqu’un pour moi dans la Fosse.
— La Fosse ?
— Une arène souterraine sans règle ou restrictions. C’est la seule ou tu peux affronter des monstres créés au pied de la tour. Étrangement, la tour des Guerriers n’aime pas les combats contre les monstres, même si ce n’est pas clairement interdit. Passons. Tes animaux manquent peut-être de force, donc tu auras besoin d’aide. J’ai pu voir le serpent… le renard et la souris.
— Ce gant est un monstre aussi.

… Pourquoi est-ce que je me suis senti obligé de le préciser ?
Je me frappe le côté de la tête. J’ai probablement fait ça pour ne rien lui cacher puisque je suis encore sous son charme.

« Mad’ ? »

Sur les paroles de Jonah, Mad’ s’approche de moi et m’attrape la main pour examiner le gant. Par réflexe, je dis à Persée de rester immobile, mais je ne pense pas que ce soit nécessaire.

— C’est du Sanguin. Celui-ci semble un peu plus calme que les autres. Probablement le dressage.
— Oh ! Le fameux tissu vivant qui mange les gens. Amusant. Prends quand même quelqu’un de ton groupe de Primo Annos, ils feront l’affaire pour t’aider dans la Fosse. Tu en auras besoin, la larve.
— Qui dois-je tuer ?
— Un mauvais client qui pense être au-dessus des autres. Le champion actuel de l’arène. Il a la mauvaise habitude de frapper mes filles et de vouloir m’épouser. Ce n’est pas le premier dans son genre et je pourrais m’en occuper moi-même, mais puisque tu es là…
— Assassinat, ou je dois réellement le tuer dans la Fosse ?
— Cet homme est un message. Tu feras ça en mon nom devant tous dans la Fosse. Ce genre de sacrifice régulier est nécessaire pour s’assurer de ma tranquillité, et aussi la tienne. Mon nom veut dire quelque chose. Le rappeler à travers toi nous sert tous les deux. Des questions, larve ?
— Des informations sur lui ? Et je pense qu’il faut changer d’insulte… « Larve » commence à avoir une connotation un peu étrange…
— Les hommes franchement… pustule de Dresseur bouffie par son arrogance, ça te va ?

Jonah soupire quelques instants et attrape un papier dans son inventaire qu’elle commence à lire.

« Homme, 35 ans, a fini son 13e monde il y a 6 mois. Arrivé au pied de la tour il y a 14 ans. Probablement un complexe de dieu à force de massacrer des gens dans les mondes. Classes connues : Boucher, Druide de sang, Pugiliste et Arracheur. Je pense que les classes te donnent une idée de sa personnalité. C’est juste une belle brute ayant des problèmes d’égo pour faire simple. Tu devras le tuer violemment dans l’arène, de façon à ce qu’il souffre, c’est la seule condition que je te donne. Si tu le tortures, ça me va aussi. Ah oui, son nom est Adam. »

Adam, méchant notoire. Magie de sang et violent au corps à corps. Dois souffrir. C’est noté.
[Elle n’a pas dit s’il te plaît.]
Je vais faire avec.

Je me dirige vers Blue sans regarder Miss Jonah. Je n’ai pas plus de questions. Du moins, aucune qui demande que je reste en sa présence. J’aimerais éviter de la revoir de la même façon que quand elle s’est retournée pour la première fois. Je vais déjà avoir du mal à oublier son visage et je ne souhaite pas rendre ma tâche plus difficile. Mon cœur me dit de rester ici, ma tête pense différemment.
J’écoute les liens pour me concentrer sur Micha et Juliette qui éprouvent de l’aversion pour Jonah. En me concentrant sur mes animaux, j’arrive à me forcer à avancer.

Je vais participer à un tournoi de plus. J’aurai préféré un vrai assassinat pour changer, mais je n’ai pas trop le choix. J’attrape Blue pour la mettre sur mon épaule et j’ouvre la porte en disant simplement que j’y vais. Kiki me fait face de l’autre côté avec un air sérieux.

« Oublie les autres, c’est moi qui serai ta partenaire dans la Fosse. »

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Correction : Hastin

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