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Chapitre 357 : Déclencher le mouvement

J’entre silencieusement dans le salon dans lequel je suis apparu plus tôt dans la soirée. Il semble qu’exceptionnellement une bonne partie de la guilde ait fini par être réveillée, vu qu’ils sont maintenant une dizaine à discuter. Il n’y a que Circé qui semble avoir remarqué ma présence et qui fait un simple geste pour que j’approche d’elle. Les autres ont à peine regardé dans ma direction en revenant à la conversation. Je peux voir que Nikolas est retourné dans sa salle d’étude pour lire, mais qu’il a laissé la porte ouverte pour écouter.

— La présence du Dresseur est un signe. Cela faisait plusieurs semaines que plus aucun grimpeur n’était arrivé à Djupa. Nous pouvons gagner cette guerre, sinon la tour n’aurait pas envoyé des renforts ! C’est le moment de contre-attaquer !
— Il est seul et il ne changera pas le cours de la bataille. Tu comptes te fier à la tour pour décider d’une stratégie ? C’est…

Sans trop faire attention à ce qu’ils racontent sur moi, je fais le tour du petit groupe pour rejoindre Circé. Je préfère ne pas lui montrer que je me méfie d’elle alors qu’elle m’a fait un signe. Galaxia est sans doute la moins problématique de ce que j’ai pu voir, mais elle est engagée dans la conversation alors que Circé se contente d’écouter.

— Baisser la barrière n’est pas une option. On a sécurisé la ville et il n’y a plus d’espion dans nos rangs. Si on attaque, on risque tout, y compris la mine d’or. En rationnant la nourriture, nous pouvons encore tenir un bon moment.
— Tu comptes tous nous enfermer pour de l’argent ? Les autres sont probablement loin et nous perdons la guerre ! On ne fait que ralentir l’inévitable. Il faut prendre des risques. Ce n’est pas comme si nous allions perdre. Même avec des grimpeurs en face, nous avons l’avantage de la qualité sur la quantité.
— Oh. C’est vrai que jusque-là, la qualité des troupes a été tellement bonne pour nous que nous perdons la guerre. Nos renforts ne seront que des soldats Galatiens. Même s’ils arrivent dans peu de temps, ils ne feront pas le poids contre une armée de grimpeurs. C’est aussi plus simple d’aider les autres villes que d’essayer de rejoindre une capitale qui est assiégée. Notre seul rôle est de protéger l’héritier en leur faisant perdre du temps.

Le débat continue alors que je me demande pourquoi Nikolas est venu me chercher. Ils n’ont pas du tout l’air d’avoir atteint un consensus. Il est sans doute venu me chercher pour passer le temps pendant que toute la guilde présente ici perd le sien. Je décide de me tourner vers Mellow pour lui demander s’il y a une chambre quelque part que je peux utiliser. Il est tard et je ne compte pas assister à une discussion stagnante. Malheureusement pour moi, Héphaïstos semble ne pas prendre correctement que je discute en même temps que lui en ignorant la conversation.

« Et voici la personne qui est responsable de cette énième conversation sur notre stratégie. Nomad, ou devrais-je dire Typhon, tu veux ajouter quelque chose peut-être ? »

Tous les visages se tournent vers moi et je m’apprête juste à dire « non », sans m’intéresser plus longtemps à ce qu’ils peuvent dire ou à sa demande. Malheureusement pour moi, Mellow me met un léger coup de coude que je traduis comme « si tu as quelque chose à dire c’est le moment ».

— D’après ce que j’ai vu, vous êtes coincés ici. Cependant, si la tour m’a envoyé ici pour ma quête, c’est qu’il y a un moyen de réussir maintenant que je suis là.
— Ce qui ne rend pas plus facile de savoir comment.
— Est-ce que vous savez au moins quelle est votre quête ? La mienne demande juste de tuer le responsable. Pas de gagner la guerre.
— Ce n’est pas une quête. Nous sommes tous présents dans le but de créer un royaume sur Galatia où les grimpeurs seront les bienvenus.

Je me mets finalement à rire devant l’ironie de la situation. Ils pensent vraiment tous qu’une guerre va leur permettre de réaliser cet objectif ? La plupart se tournent vers moi en semblant en colère devant mon fou rire, mais je décide d’ignorer les réactions.

« Dans ce cas, je vous conseille d’arrêter cette guerre où des grimpeurs tuent d’autres grimpeurs en ravageant tout un pays qui ne leur appartient pas. Vous avez ruiné le pays avec la guerre. Je ne parle même pas de la population qui souffre et des morts qui s’accumulent alors que le pays est pillé par l’armée d’invasion. De votre côté, vous videz la mine d’or qui appartient à ce pays pour payer des grimpeurs qui ne sont là que pour l’argent. Je n’ai pas besoin d’être un génie pour voir que même aux yeux des autres pays de ce monde, vous passez juste pour des hypocrites qui sont en train de ruiner Penovia. »

Je fais une légère pause en me frottant le visage. Tout ça me fatigue. Puisque deux personnes veulent le trône, le pays est à feu et à sang grâce à des grimpeurs.

« Organiser des négociations, vous battre, vous rendre, tout ça me semble mieux que d’attendre un deus ex machina. L’important c’est que tout s’arrête avant que le pays ne finisse par faire une hémorragie et soit à la merci des pays voisins qui lanceront des guerres pendant encore plusieurs années. En tout cas, les grimpeurs ne passent certainement pas pour les gentils dans cette histoire. »

Je finis par me taire en croisant les bras. Je n’avais vraiment pas envie de participer à cette conversation. Ça ne me regarde absolument pas alors que je ne compte que réaliser ma quête, et, pour l’instant, cette saleté de bulle est mon plus gros problème pour y arriver. Mellow à côté de moi semble réfléchir à ce que je viens de dire, mais j’aimerais juste qu’elle me laisse me reposer et dormir plutôt que d’entendre des gens se plaindre et me jeter des regards noirs. Elle finit par prendre la parole et coupe les différentes conversations qui ont lieu.

— Nomad n’a pas tort. Rester à ne rien faire n’est pas une solution pour ce pays. Chaque jour de plus nous éloigne de notre objectif. Négocier pourrait… être une bonne idée.
— Oh, il va falloir faire mieux que ça pour me convaincre. Tu veux négocier quoi dans notre situation ? Un cessez-le-feu ? Les termes de notre défaite ? C’est trop tard pour ça. Nous ne sommes plus en position de négocier.
— Si tu veux finir par gagner cette bataille et peut-être la guerre, tu devrais arrêter de te plaindre Héphaïstos. La bulle nous protège de l’extérieur, mais aussi de l’intérieur. Rien n’entre et rien ne sort à part pour des animaux de petite taille. Nous manquons d’informations, mais pas de moyens. Typhon nous aidera avec les informations.
— … Abrège au lieu de répéter des choses évidentes. Tu as une idée, alors évitons de perdre du temps.
— On met en place des négociations dans leur camp et on piège leur état-major dans la bulle. Si nous faisons cela stratégiquement, ils n’auront plus de chefs pour les organiser. Il suffit ensuite de profiter du chaos pour se débarrasser des troupes. Même le démon rouge ne pourra pas en sortir. Sans généraux, ce sera facile de faire fuir les grimpeurs ennemis et d’obliger les soldats à se rendre.
— Tu comptes enfermer ma femme dans une bulle en plein milieu du camp ennemi, c’est ça ?

Héphaïstos semble se mettre en colère en comprenant l’implication, mais Anisse derrière lui se contente de lui tirer l’oreille en lui disant d’arrêter de se plaindre s’il n’a pas d’autre idée.

« Le noyau protégera les Mages. Le gros de notre armée pourra ensuite attaquer en profitant de la surprise. En plaçant correctement la bulle, nous avons une chance de diminuer de moitié ou plus leur force en supprimant les Anomalies et leurs meilleurs grimpeurs. De plus, il suffira d’une escouade dans la bulle pour tuer les commandants ou juste… d’un Assassin. »

Toutes les personnes dans le salon se mettent à discuter alors que Mellow finit d’expliquer son plan. C’est… pas le meilleur des plans, mais c’est un plan. Cela permet au moins d’accélérer les choses pour moi. Je n’aime pas la partie où je finis enfermé dans une bulle avec les troupes d’élite par contre. J’ai aussi une vague impression de déjà-vu avec la stratégie du cheval de Troie, mais je me fais sans doute des idées. Bravain prend ensuite la parole.

— Même si nous gagnons la bataille à l’extérieur, le château sera sans défense pendant un moment, et n’oublie pas que les mages seront pris au piège dans le noyau avec des centaines de grimpeurs mécontents.
— Puisque nous risquons le tout pour le tout, les Mages dans le noyau n’auront qu’à prendre une potion de sommeil et repartir au pied de la tour si nous perdons. Ils seront les plus en sécurité pendant la bataille. Si nous gagnons à l’extérieur, il suffira de leur envoyer un signal et ils pourront désactiver la bulle pour que nous attaquions les troupes d’élite en restant dans le noyau… Pendant ce temps, Typhon pourra semer le chaos avec ses animaux et tuer le plus de généraux possible pour qu’il soit impossible qu’ils s’en remettent. Enfin, cela lui permettra d’avoir son occasion de réaliser sa quête.
— C’est un gros risque. Autant dire que nous risquons l’issue de la guerre en faisant cela. Je propose qu’un plan d’évacuation soit mis en place par précaution.

Mellow se met à sourire en écoutant Bravain et lui aussi semble sourire légèrement.
… J’ai l’impression qu’ils ont pris leur décision. Ou alors ils n’attendaient qu’un déclencheur comme moi pour lancer l’idée.
L’idée me semble fichtrement dangereuse en tout cas. Ils sont dix fois plus nombreux en face. Même sans état-major, c’est un pari sur leur compétence à tous.
Les autres sont encore en train d’en discuter, mais la simple étincelle d’espoir que je peux apercevoir dans le regard de Mellow et Bravain me fait comprendre que ce plan va se réaliser. Les autres sont déjà plus ou moins en train de réfléchir à comment faire et à tous les détails à prendre en compte. Ils doivent vraiment être désespérés s’ils en sont rendus à penser qu’un tel plan est une solution. À leur place, j’organiserais sans doute une retraite, mais perdre la capitale serait sans doute une erreur majeure.

Dois-je m’inquiéter ? Oui. Bien sûr que oui. Je vais avoir ma chance, mais elle est tellement ridicule que ça me semble improbable de réussir. Je dois m’enfermer dans une bulle avec au moins un millier de grimpeurs, de soldats… et Emy.

Très franchement, ce n’est pas une opportunité, c’est une mission suicide.

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Correction : Hastin

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