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Descente dans la folie.
Sans même chercher à comprendre, elle essaye de frapper l’homme qui vient de se présenter auprès d’elle. L’instinct sans doute, qui s’exprime dès le premier regard. Qui que soit cet homme, elle ne veut pas de lui à côté d’elle, ni partager le même air que lui. Il a tout pour qu’elle le déteste, le regard fuyant qui ne peut s’empêcher de se poser sur elle, les mains moites collées l’une à l’autre et tremblant légèrement, un demi-sourire qui veut tout et rien dire en même temps et le dos légèrement voûté de quelqu’un qui cherche à se convaincre qu’il vaut quelque chose tout en sachant qu’il n’a pas ce qu’il faut pour se tenir le dos droit.
Avant que son poing ne l’atteigne, il est stoppé par une chaîne et se fige dans les airs. Il se recule instinctivement, mais en bougeant à moitié et avec un temps de retard. Si Nina avait été détachée, se reculer ou réagir aussi lentement comme il l’a fait n’aurait servi à rien.
Sans lui prêter attention plus longtemps, elle vérifie aussitôt la, ou plutôt les chaînes qui l’empêchent de bouger, c’est la même chose pour son autre bras, et ils semblent tous les deux solidement accrochés au banc. Nina regarde autour d’elle rapidement pour savoir où elle se trouve, mais le banc sur lequel elle est installée est dans un couloir blanc assez large où il n’y a ni fenêtre ni indication. La seule chose qu’elle peut voir, c’est une grande double porte devant elle. Au-dessus de celle-ci, elle peut voir gravées dans la pierre deux mains, l’une ouverte et l’autre fermée, et en dessous est écrit :
« Ne crains pas la justice, mais crains son juge »
En lisant cette phrase, elle ne sait pas trop quoi penser, mais elle sait que ce n’est pas bon signe.
Elle essaye de se détacher tout en repensant à ce qu’il s’est produit avant qu’elle ne perde connaissance. L’un comme l’autre ne semble mener à rien. Impossible de se détacher et impossible de savoir comment le vieux lui a fait perdre connaissance, à part en claquant des doigts. Pendant qu’elle réfléchit, elle s’arrête sur la phrase qu’a prononcé l’homme à côté d’elle et la situation semble empirer.
— Où est mon arme ? Réponds. Maintenant. Ordonne froidement Nina en regardant le Charlatan.
— Je… C’est… Enfin…. Confisqué avant la sentence, balbutie Hamilton en fuyant le regard de Nina.
Cette fois-ci, elle se dit qu’elle est peut-être vraiment dans la merde. Pas d’arme, attachée à un banc et en attente d’une… sentence ? Est-ce qu’elle a vraiment réussi à se faire arrêter et juger en deux jours dans un système judiciaire dont elle ne sait rien ? C’est ridicule. Même sur terre, elle n’était jamais tombée si bas. Tout ça parce qu’elle a donné une leçon à un professeur faisant un excès de zèle… Enfin, si elle oublie son refus d’obtempérer et sa décision d’affronter le vieux Bemos ? Elle a beaucoup de questions maintenant.
— T’es qui au juste ?
— Moi ? Un charlat –
— J’ai compris ça, pourquoi t’es à côté de moi ?
— Eh…. ah. Je suis un genre d’avocat au pied de la tour.
— « Mon » avocat, j’imagine ?
— Euh oui. Tu es ma cliente. Je suis payé pour te défendre devant le juge et…
Ensuite il ne s’arrêta plus. Nina pourrait bien essayer de le faire taire, mais elle a besoin de comprendre la situation avant de savoir quoi faire. Elle continue d’essayer de se détacher des chaînes, mais impossible de se libérer des chaînes comme des explications. D’un côté les menottes n’ont aucun moyen d’être retirées et semblent fixées solidement à ses poignets. De l’autre, impossible d’écouter son avocat qui est chiant comme la pluie. Elle comprend un peu ce qu’il raconte, mais elle a juste envie de l’étrangler pour ne plus entendre sa voix nasillarde et finit par lui couper la parole alors qu’il essaye d’expliquer en détail à quel point son rôle est important.
— Donc si j’ai bien compris, soupire-t-elle. Je suis déjà jugée coupable pour mes actes et ton rôle est de réduire la durée de la peine.
— Oui ! S’exclame-t-il, comme si le fait qu’elle comprenne ça était la chose la plus importante qui soit. Vu le dossier d’enquête qu’ils m’ont passé, ce sera difficile de faire mieux que de retirer un tiers de la peine, puisque c’était clairement intentionnel, mais c’est possible de parler d’intégration difficile au pied de la tour, et donc c’est possible de la réduire !
À l’écouter, on dirait que ça a l’air simple, mais elle se doute que ce ne sera pas le cas, pas avec la phrase écrite sur le mur. Nina ne souhaite qu’une chose en tout cas, c’est qu’une fois tout cela terminé, elle n’ait plus à le revoir ou à l’entendre ne serait-ce qu’une fois, sinon elle l’étranglera probablement, mais puisqu’elle a besoin d’information… Elle veut lui poser d’autres questions, mais comme pour lui expliquer qu’elle n’en aura pas le temps, un garde vêtu d’une armure toute blanche couvrant tout son corps arrive. Son charlatan semble alors se figer comme s’il réalisait quelque chose.
« Il est trop tôt… quelle poisse…. »
Nina se tourne vers lui pour lui demander d’être plus précis, mais avant qu’elle n’ait le temps de dire quoi que ce soit, le garde tire sur la chaîne qu’il attrape magiquement dans ses mains. Puis il l’emmène en direction des doubles portes devant le banc. Elle cherche à résister quelques instants pour jauger la force du garde qui tire sur la chaîne, mais celui-ci reste imperturbable et continue d’avancer sans rien dire ou ralentir. Le simple fait qu’il n’ait pas à forcer un peu plus pour la tirer implique qu’il est bien plus fort que les autres gardes qu’elle a croisé jusque-là. Une sorte d’entité inébranlable bien plus étrange que l’existence d’un gardien d’après elle, mais ce n’est peut-être qu’une impression.
Les grandes portes s’ouvrent, et tous les trois continuent d’avancer vers l’intérieur d’une grande salle tout aussi blanche que vide avec quelques fenêtres laissant passer de grands rayons de soleil. À part cela, il y a trois choses notables dans la pièce. La première est un trône blanc qui semble taillé pour un géant, la deuxième est un pupitre blanc légèrement décentré dans la pièce et finalement la dernière… Un petit garçon qui la regarde depuis le milieu de la pièce. Des yeux bleus électriques et un regard froid, trop froid pour un enfant de son âge qui doit avoir dans les huit ans. Cependant, ce qui semble le plus improbable avec ce garçon n’est pas juste son regard braqué sur Nina, mais le fait qu’il soit recouvert de sang de la tête au pied. Autour de lui, il y en a encore plus avec ce qui semble être des petits tas de chair répandus jusque sur les murs et le plafond.
Dans un coin de la pièce, Nina peut voir un homme portant le même type de costume trois-pièces que porte Hamilton derrière elle et qui est simplement recroquevillé contre un mur. En voyant cela, Hamilton se jette pratiquement dans sa direction et commence à lui parler pour l’aider, mais Nina n’y fait pas attention. Elle a toujours le regard fixé sur cet enfant en plein milieu de la pièce qui continue de la regarder. Après un léger sourire, il se retourne et se dirige vers le trône sans se presser. La pièce se met alors à briller très fort au point de l’aveugler, et une fois qu’elle retrouve la vue, le sang et l’homme dans le coin ont disparu. L’enfant est à présent installé sur le trône bien trop grand pour lui. Il la regarde alors qu’il semble s’amuser à frapper ses pieds l’un après l’autre contre le bas de son trône de pierre, propageant ainsi un son léger se répercutant sur toutes les surfaces dans la grande salle. Son charlatan s’approche alors du pupitre, tandis que le garde fixe d’une main la chaîne sur le sol au centre de la pièce.
L’enfant continue de la regarder avec ce sourire à moitié amusé un peu étrange et commence alors à parler.
« Qu’est-ce qu’elle a fait celle-là ? »
Nina, en l’écoutant, penchant un peu la tête en plissant les yeux. Cet enfant est une sorte de juge ? Un enfant ? C’est une mauvaise plaisanterie, elle ne voit que ça, et malheureusement elle sait qu’elle a probablement raison. Elle jette un regard en direction d’Hamilton qui sort quelques papiers de sa serviette et semble nerveux. Étrangement, Nina n’est pas effrayée ou autre, et il n’y a qu’une question qui lui vient en tête alors qu’elle dévisage tour à tour le garde, l’enfant et son « Charlatan ».
Une question qui indique que ses nerfs commencent à lâcher.
« Nan, mais vraiment… C’est quoi ce bordel ?! »
Correction : Hastin
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