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Tate no Yuusha no Nariagari – Chapitre 61

Persuasion
Traducteur : Team Yarashii

Nous progressâmes un peu dans cette direction lorsque nous les vîmes.
Motoyasu et Itsuki étaient là avec leur groupe, surveillant les chariots passant sur la route. Le soldat avait raison.
J’observai les alentours depuis ma cachette. Il y avait également des mages et ils procédaient à des incantations.

— Il est là-bas ! Dans cette carriole !

Je nourrissais déjà des doutes, des soupçons… et, visiblement, j’avais vu juste.
Motoyasu et Itsuki se précipitèrent vers nous.
Bon sang ! Comment savaient-ils ?
Ce devait être à cause de ces sorciers. Je ne savais pas comment ils s’y prenaient, mais ils étaient forcément responsables.

Je rejetai le tissu qui me recouvrait et sautai hors du chariot. Filo sentit que quelque chose d’anormal se produisait et reprit sa forme de Reine Filoliale.

— Je le savais ! Il est là !

Il avait dû être non loin, car Ren courait aussi dans notre direction.
Merde. C’était la pire situation possible.

— Nous t’avons trouvé ! Libère la princesse Melty !

Itsuki brandissait un index moralisateur vers moi et s’écria d’une voix pleine d’autosatisfaction.

— Impossible, tout simplement parce qu’elle n’est pas ma prisonnière ! Elle n’est pas ligotée, ça se voit, non ?
— Gâche ta salive autant que tu veux, nous avons des preuves ! La justice n’est pas avec toi.
— La justice ? Ha !

C’était le type qui avait laissé des chevaliers défendre la vie de villageois innocents durant la vague qui me disait cela ? Justice, mon cul.
Ces « héros » ne pensaient qu’à suivre leur propre idéal de justice.

Une minute. Il existait peut-être un moyen. Je pouvais essayer de leur raconter ce qu’il était arrivé. Je me souvins de Ren et de son malaise face à ce village qu’il avait laissé seul et désemparé devant la maladie, et la vision de la justice d’Itsuki comportait certainement des failles. Parviendrais-je à en tirer profit ?
Il paraissait tout de même évident qu’ils avaient une idée bien arrêtée sur la situation et qu’ils refuseraient de croire à n’importe laquelle de mes paroles.

Toutefois, je devais tenter le coup. Je devais leur faire comprendre. Il fallait que je les pousse à focaliser leur propre justice sur autre chose. J’avais besoin d’une machination diabolique à affronter. C’était le genre de situation qu’un joueur adorerait. J’allais devoir obtenir leur confiance, ou, du moins, la garantie qu’ils commencent à remettre en doute la Couronne.

— Vous êtes vraiment si sûrs d’avoir raison ? Que la justice est de votre côté ?
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Comme vous pouvez le voir, la princesse est parfaitement indemne.

Je brandis mon bouclier et la couvris. Une attaque pouvait arriver de n’importe où, à n’importe quel moment.
Elle paraissait inquiète, mais elle leva les yeux vers moi et hocha la tête.

— Héros Épéiste, Héros Archer, Héros Lancier… le Héros Porte-Bouclier est innocent. En réalité, il m’a sauvé la vie.

Elle ne s’exprimait plus comme une enfant. Son ton était régalien.
Ils l’écoutèrent, et je pus déceler l’ombre d’un doute traverser leur visage.
Une émanation du mal existerait-elle de leur côté ? Dans ce cas, leur ego surdimensionné et leur sens de la justice ne pourraient certainement le tolérer.

— Veuillez me croire, je vous prie. Une vaste conspiration est à l’œuvre derrière tout cela.
— Mais, princesse Melty, cet homme ne vous transporte-t-il pas dans tout le pays en secret ?
— Si, mais il agit ainsi pour me protéger. Je le lui ai demandé.

Mel expliqua la situation, et Itsuki vacilla sous le coup de la confusion.

— Cela ne vous semble-t-il pas étrange ? Que gagnerait le Héros Porte-Bouclier en m’enlevant ?
— Eh bien… c’est…

Essayait-il de formuler une réponse ? Il paraissait perdu.

— Mais… ce type…
— Ne vous êtes-vous jamais dit que Melromarc avait une piètre opinion du Héros Porte-Bouclier, et SEULEMENT de lui ?
— Si, mais…
— Ma mère m’a dit qu’il était temps pour nous de nous allier et de combattre ensemble le désastre qui s’annonce. Ce pays n’a tout simplement pas le luxe de gaspiller du temps ou de l’énergie en permettant à ses héros de se perdre dans ces vaines considérations. Je vous en prie, baissez vos armes.

Les trois héros l’avaient peut-être bel et bien écoutée. Ils relâchèrent un peu leur prise.
Ils commençaient à se montrer raisonnables. Après tout, ils avaient perdu la dernière bataille pendant la vague.
Et la jeune princesse avait raison. Nous devions absolument consacrer notre temps à améliorer notre niveau et renforcer nos armes. S’ils étaient enfin décidés à obéir à ces directives afin d’assumer correctement leur statut de héros, ils réaliseraient vite qu’il n’y avait pas une seconde à consacrer à autre chose que ce que je venais d’évoquer.

— Vous pigez, maintenant ? Tout ça, c’est un complot. Je vais vous dire tout ce que je sais. Est-ce que vous pourrez décider de m’affronter ou non après ça ?

La Salope émergea de la foule.

— Pourquoi écouterions-nous les paroles d’un démon ?

Qu’est-ce qu’elle voulait ? Est-ce qu’elle tentait de marquer des points en prétendant s’inquiéter pour sa sœur ?

— Ses actions ne parlent-elles pas déjà d’elles-mêmes ? Il doit certainement se servir du Bouclier d’Endoctrinement.
— Ma sœur ?

Mel était totalement sous le choc. Elle dévisagea la Salope.
Franchement, j’étais à deux doigts de craquer.
C’était quoi, ce bouclier à la con ? Si j’avais un truc pareil, rien de tout cela ne serait produit. C’était si facile d’ignorer le fruit du travail d’autrui en balançant simplement des mots comme « endoctrinement » ! De plus, cela allait bien de pair avec la religion. Ha ! Quelle connerie…

— Le Bouclier d’Endoctrinement est un bouclier imprégné d’une magie très puissante. Il est évident que ton histoire est louche. Je ne sais pas quand tu l’as obtenu, mais l’Église estime que c’est arrivé il y a environ un mois.

C’était à peu près à cette époque que j’avais lancé mon commerce itinérant. Cela correspondait au moment où j’avais choisi de suspendre temporairement mes affaires pour fabriquer un tas de remèdes pour ce village. À partir de là, les gens avaient commencé à m’appelle le Grand Saint escorté de l’oiseau divin.
Je comprenais, à présent. La chronologie était parfaite. Du point de vue de l’Église, il s’agissait de l’explication idéale, un mensonge inattaquable.

— Je pense que la situation s’explique d’elle-même. Tu as longtemps voyagé et tu as fini par perdre de vue la réalité. Et maintenant te voilà, travaillant quasiment main dans la main avec Naofumi ! N’importe quel citoyen lambda de ce royaume sait qu’il est un criminel et, pourtant, tu te tiens là, prête à l’aider ? Pourquoi ferais-tu cela ?
— Les gens ont perdu l’esprit. Je suis en train de dire que le Héros Porte-Bouclier ne ferait jamais ce pour quoi on l’accuse, et j’ai croisé des vieilles dames qui le vénéraient presque.
— Cette vieille dame-là…

Je devinais assez bien à qui elle faisait référence.
Bon sang, à part cela, de quoi est-ce qu’elles parlaient ?
J’avais aidé et sauvé bon nombre de gens, c’était exact. Mais la plupart de mes actions avaient servi à nettoyer le bordel qu’ILS avaient causé.
Est-ce qu’ils croyaient vraiment que tout ce qu’ils ne comprenaient pas faisait partie d’une sorte de stratégie ennemie ? Sérieusement, qu’est-ce qui leur passait par la tête ?

— Peut-être que le simple fait de se tenir près de lui et de lui parler suffit à lui permettre de vous endoctriner. En ce moment même, les membres de l’Église parmi nous font de leur mieux pour briser ce sort lancé sur vous.
— Espèce d’abrutie ! Qui donc a ce genre de pouvoir, hein ?

Personne ne répondit à ma saillie.
En réalité, Raphtalia, Filo et Mel étaient tétanisées.

En fait, tandis que tous ces gens étaient à ma recherche, au lieu d’écouter ce que disait le peuple et de prendre conscience de toutes les bonnes choses qu’il avait à dire, ils s’étaient contentés d’inventer l’idée du Bouclier d’Endoctrinement, et la Salope s’en servait à présent pour convaincre les autres héros.
C’était un formidable mensonge. Sincèrement, elle s’était surpassée.

— Est-ce que le Héros Porte-Bouclier possède vraiment ce type de pouvoir ?

La plus jeune des princesses me regarda, inquiète.

— J’en ai l’air ?
— Hmm… non.
— Pas besoin d’hésiter.

Si je détenais un tel bouclier, ma vie aurait été considérablement plus facile. Avec une arme pareille, j’aurais pu manipuler les soldats, les chevaliers et les mages. J’aurais pu soumettre le pays entier. Avec ce genre de pouvoir, je n’aurais tout bonnement jamais été dans cette situation.
Autrement dit, le fait que tous ces individus soient à mes trousses était une bonne raison de douter de l’efficacité de ce soi-disant Bouclier d’Endoctrinement.
Ces stupides héros ne pouvaient pas comprendre quelque chose d’aussi simple ?

— Alors, ça veut dire que Raphtalia et Filo aussi sont manipulées !
— C’est faux ! Nous ne le sommes pas !
— Vous en faites pas, on vient vous sauver.
— Je suis avec mon maître parce que j’en ai envie !

Motoyasu n’avait toujours pas renoncé à ses vues sur Raphtalia et Filo ? À quel point ce type pouvait se montrer obsédé ?

— Bon, ça suffit, vos conneries. Écoutez-moi deux secondes. En fonction de votre réaction, je vous rendrai peut-être la princesse.
— Quoi ?

L’intéressée laissa échapper une exclamation de surprise.

— Nous t’écoutons.

Ren prit l’initiative de me répondre. Je devais m’exprimer rapidement et brièvement. Je ne pouvais pas me permettre de faire une erreur maintenant.

— Bien, tout d’abord, cette idée d’endoctrinement, c’est n’importe quoi. Ensuite…
— Je ne te crois pas !
— Ta gueule ! C’est pas à TOI que je parle, le grand seigneur.

Avant que je puisse finir, Itsuki s’interposa, mais je lui rabattis sévèrement le caquet.
Je n’avais que faire des hypocrites dans son genre qui décidaient de croire ou non un discours après seulement une phrase prononcée.

— Bref… tout ça, c’est un complot. Que ce soit le roi, cette femme ou l’Église, j’en sais rien. Mais quelqu’un voulait que la princesse meure et a décidé de me coller ça sur le dos.
— Compris. À présent, nous allons t’attacher et tu vas nous suivre. En échange, nous te promettons qu’aucun mal ne te sera fait. Il nous faut le temps de vérifier la véracité de tes dires.
— Tu es prêt à le croire ? Cet individu diabolique ? Il a endoctriné Filo !
— Ouais ! Je ne lui fais pas confiance non plus !
— Héros Lancier ! Vous ne devez pas tendre l’oreille aux paroles du démon !

Ren était sur le point de m’écouter et de me croire quand la Salope et les autres s’interposèrent.

— Si nous pouvons mettre un terme à tout ceci sans combat, ça vaut le coup, non ? Nous pourrons toujours enquêter sur ce qu’il a dit plus tard.

Ren se montrait toujours aussi détaché, mais, au moins, il tentait d’analyser calmement la situation.
Était-il raisonnable d’estimer qu’il avait compris ?

— Non.

La princesse tendit son bras et saisit ma main. Elle tremblait et son visage était pâle.

— Je pense… je pense qu’ils vont nous tuer.

Elle avait peut-être raison. Cependant, j’y réfléchis à nouveau. Il était probable qu’elle reçoive un traitement différent du nôtre.
Pour que leur théorie tienne toujours debout, ils confieraient sûrement la princesse à des mages pour qu’ils dissipent son endoctrinement. Mais qu’arriverait-il alors ? Ils n’auraient sans doute qu’à prétendre qu’en la libérant de mon sort, une puissante malédiction s’était activée et l’avait tuée… tout en l’assassinant en secret, bien sûr.
Ce scénario me paraissait plausible.

Si c’était bien leur plan, alors Ren, qui semblait prêter foi à mes propos, mentait effrontément. Il devait résolument croire que j’étais un criminel.
S’ils comptaient tenter d’ajouter un nouveau méfait sur ma liste, le plus logique était de se dire que la Salope était derrière tout cela. Toutefois, de là à penser qu’elle était prête à agir contre sa propre sœur…

— Aidez-moi…

Son appel au secours n’était qu’un léger murmure. Sa voix était enrouée. Quand je pensais que j’étais à deux doigts de gagner leur sympathie…
Mais bon…

— Vous avez promis, vous vous rappelez ?
— Quoi ?

À ce moment-là. Ce jour où l’on m’avait accusé à dessein de viol. Quand il n’y avait pas une seule personne pour me croire.
Et, à présent, la jeune princesse était au bord du gouffre.
Endoctrinement. Ils s’étaient servis d’un mot simple et commode pour tout expliquer. Ensuite, ils allaient la tuer.
Franchement, ce plan était si facile à deviner. Même moi, j’étais capable de le comprendre.
Si la princesse mourait, tout serait fini pour nous. Qui s’interposerait pour moi… puisque plus personne ne resterait pour montrer sa confiance en mes propos.

— Désolé, mais je ne peux pas vous croire comme ça. Si je vous la donne, je ne pense pas que vous serez capables de la défendre. Et c’est précisément ce que je lui ai promis : de la protéger.

Je portai Mel sur le dos de Filo, puis incitai Raphtalia à faire de même.

— Filo, je sais que tu n’as pas envie d’entendre ça, mais on abandonne le chariot. Plantons ces types ici !
— D’accoooord !
— À plus.

Filo était prête et attendait. Dès qu’elle prit conscience que nous étions tous sur son dos, elle partit comme une flèche.

— Attendez !
— Filocité !
— On va t’arrêter !
— Que…

Motoyasu fit apparaître des espèces de fers et il les envoya dans les pattes de Filo.
Ils se refermèrent autour d’une d’elles, la faisant trébucher. Nous nous écrasâmes par terre.

— Ugh !
— Aaaah !

Raphtalia, Mel et moi fûmes projetés en avant à cause du coup d’arrêt violent de Filo.

— Aïe…

Des soldats accouraient déjà autour de nous. Je me remis sur pied juste à temps pour parer leurs attaques.
Motoyasu s’était attendu à cette compétence de Filo et avait interféré juste avant qu’elle ne l’achève. Il était vraiment insupportable.

— Ugh… argh… je peux pas les enlever, maître ! Je peux pas !

Filo tentait fiévreusement d’arracher les fers de ses pattes, mais ceux-ci ne bougèrent pas d’un pouce.
Ils semblaient faits d’un métal noir, du fer justement, mais ils devaient posséder une sorte d’effet spécial. Dans le cas contraire, Filo aurait été assez forte pour le retirer.

— Tu ne peux plus fuir, alors n’essaie même pas. Maintenant, donne-nous la princesse.
— Pourquoi je ferais ça ?

C’était clair comme de l’eau de roche. La Salope souriante qui se tenait près de lui était derrière tout cela.
S’ils éliminaient la princesse, je ne pourrais plus jamais prouver mon innocence !

— Filo !
— Ou… oui ! Ah…

Filo lutta pour se remettre sur ses pattes, mais ses forces l’abandonnèrent et elle tomba de nouveau au sol, les fers toujours aussi bien en place.

— Je peux pas… J’y arrive pas… Ils veulent pas partir ! J’ai plus d’énergie !

Filo se mit à luire et adopta sa forme humaine.

— Qu’est-ce que tu fous ?
— C’est pas moi ! Je me suis transformée toute seule !

Quoi ? Comment était-ce possible ? La seule idée qui me vint fut que cela provenait des fers de Motoyasu…

— Admirez un peu le travail. J’ai demandé à un alchimiste de me fabriquer ça. Il permet à Filo de rester pour toujours un petit ange. Tant que ses jambes seront dans ces fers, je ne pense pas qu’elle pourra m’attaquer de nouveau.
— Ugh ! Laisse-moi enlever ce truc !

Motoyasu s’avança vers elle, qui tentait désespérément de se lever. Il l’aida dans cette tâche et la présenta à nous.

— Cet alchimiste a fait du bon boulot. Il a même réussi à sceller ses pouvoirs magiques.

Bon sang, j’avais cru que Filo aurait pu nous sortir de là grâce à sa vitesse. Visiblement, ce n’était plus possible.
Comment aurais-je pu savoir qu’ils avaient la capacité de forcer Filo à se transformer et à l’empêcher d’utiliser ses compétences et ses sorts ?
Et puis d’abord, c’était quoi, ces stupides fers ? Il désirait Filo à ce point ? Mais oui, en ville, il n’avait pas arrêté de parler de son « petit ange ». Il avait dû concevoir ce truc exprès pour la capturer. Mais de là à pouvoir s’en servir aussi rapidement et dans une telle situation ? Dans quel merdier je m’étais encore fourré ?
Quoi qu’il en soit, les jambes de Filo étaient hors service, donc nous ne parviendrions pas à nous échapper grâce à elle.

— Filo !
— Mel !

Les deux filles crièrent et tentèrent de se rejoindre. Mais leurs doigts ne se joignirent pas.

— J’aime les petites princesses turbulentes. T’en fais pas, si tu veux venir avec nous, tu pourras être avec Filo.
— Ugh !

Il se croyait vraiment tout permis, hein ? Quel idiot ! Pourquoi ne comprenait-il pas qu’il était tout simplement en train de les condamner à mort ?

— Hé…
— Hmm…
— Qu’est-ce que vous faites ? Héros Épéiste et Archer ! Dépêchez-vous et arrêtez le Héros Porte-Bouclier !
— Mais…

Ren et Itsuki n’avaient pas encore réagi face aux derniers événements. Ils demeuraient figés sur place. S’ils s’en mêlaient et attaquaient maintenant, tout serait terminé.
Ils étaient tellement obsédés par leur propre conception de la justice. Ils nous avaient vus essayer de fuir, tout cela pour finir arrêtés par Motoyasu. En plus, il avait désormais un otage pour nous contrôler. Ce n’était pas le genre de situation où ils pouvaient s’interposer facilement. Alors, qu’allaient-ils faire ? Je n’en avais pas la moindre idée.
Et nous, qu’allions-nous faire ? Ils détenaient Filo, je ne pouvais donc pas fuir.
La Salope se tenait juste à côté de Motoyasu.
Allez savoir de quoi elle est capable, celle-là…

— Attendez ! Je vais aller sauver Filo !
— Ne fais pas ça, idiote !
— Je suis la source de tout pouvoir. Entends mes paroles et obéis-leur ! Tranche l’ennemi avec une lame d’eau ! Seconde Aqua-Taillade !

Mel courut droit sur Motoyasu et incanta le sort en même temps.

— Ha !

Motoyasu sauta sur le côté juste à temps pour esquiver la lame d’eau.

— Ugh ! Lâche-moi !

Lorsque Motoyasu agit de la sorte, Filo parvint à se tortiller et se libérer de son emprise.
Oui ! Cela me réjouit, mais, comme pour compenser cette perte, la main de Motoyasu se referma sur le cou de Mel, la prenant de ce fait en otage à son tour. Il la présenta à la Salope.

— Myne ! Voilà ta précieuse petite sœur. Tu ferais bien de la protéger !
— Mel !
— Filo ! Lâchez-moi ! Ma sœur !

Filo essaya d’atteindre Mel, mais, avant qu’elle n’y parvienne, Motoyasu tendit le bras pour l’attraper. Je la tirai en arrière au dernier moment.

— Je ne peux pas te laisser partir, Melty. Le Démon Porte-Bouclier te manipule. Je vais te libérer de son endoctrinement.

Maintenant !

— Prison du Bouclier !

Je changeai immédiatement pour le Bouclier du Courroux II et me servis de la compétence sur Motoyasu.

— Qu’est-ce que…

Pas encore… Je devais maîtriser ma colère…

— Bouclier de Bascule (attaque) !

Je modifiai la Prison du Bouclier grâce à ma meilleure arme, le Bouclier du Dard d’Abeille.

— Voilà tout ce que je peux faire ! Prends ça ! Vierge de Fer !

J’utilisai tous mes PC dans une ultime tentative pour renverser la vapeur et abattre Motoyasu. Pour être honnête, j’aurais préféré m’en servir contre la Salope, mais je ne pouvais pas. Si je parvenais à neutraliser Motoyasu avec cette compétence, cela valait le coup. Peut-être s’avérerait-elle assez efficace.

— Ce ne sera pas si facile ! Épée de l’Étoile Filante !
— Je savais que tu étais mauvais ! Arc de l’Étoile Filante !

Ouah ! Ren et Itsuki s’étaient tous deux tournés et expédiaient à présent leur compétence la plus puissante contre la Vierge de Fer.
Il y eut un gros craquement et une fissure apparut. La porte qui se refermait ralentit.

— Les gars ! Brisez-la maintenant !
— Oui ! Ren !
— Compris, Itsuki !
— Motoyasu, on vient te sauver !

Les coéquipiers des trois héros assénèrent leur meilleure attaque et leur compétence la plus puissante sur la Vierge de Fer. Un bruit métallique sourd se produisit. Puis, elle tomba en poussière.
Et merde. Ma dernière attaque avait épuisé mes PC.

— Merci, les amis !

Motoyasu avait subi quelques dégâts par les Boucliers du Dard d’Abeille, mais il souriait maintenant, en se découvrant désormais libre de la Vierge de Fer.

— Pas question que tu nous oublies.
— Oui. On a sauvé la princesse. Les citoyens de notre pays vont vouloir que son endoctrinement soit levé le plus rapidement possible.

Ren et Itsuki avaient accouru auprès de Motoyasu. En plus de cela, la Salope détenait Mel en otage. Si nous ne la libérions pas sur-le-champ, ils finiraient par la tuer.
J’avais oublié. Quand je basculais sur le Bouclier du Courroux II, Filo entrait en transe.
Toutefois, sous sa forme humaine, rien de la sorte n’était arrivé.

Pourquoi ? Je remarquai soudain que mon bouclier émettait… quelque chose de rouge. Ce truc volait vers Filo, mais rebondissait sur elle. Je me demandais si ces fers ne renvoyaient pas les sorts de soutien ou les augmentations de statistiques.
Ses mouvements étaient probablement restreints par une magie protectrice, qui avait comme effet collatéral de bloquer ma compétence.
Si Filo se déchaînait, nous ne pourrions pas la contrôler, et cela rendrait l’emploi du Bouclier du Courroux II difficile en combat.

— Raphtalia ! Est-ce que tu peux nous débarrasser de ces fers ?

Si nous parvenions à les retirer, je prévoyais de changer de bouclier dès que possible.

— J’y travaille ! C’est une tâche ardue !

Raphtalia les frappait avec son épée, et, ce faisant, faisait voltiger une pluie d’étincelles autour. Elle ne semblait pas faire beaucoup de progrès.
Pourquoi avait-il fallu fabriquer un objet aussi résistant ? Elle tapait dessus de toutes ses forces.
Que faire ? Je n’avais plus de PC, donc plus de compétence disponible. Filo était coincée sous sa forme humaine.
Il ne restait que Raphtalia, mais, avec seulement son épée et sa magie, elle n’arriverait pas à faire pencher la balance en notre faveur.

— Maître !
— Quoi ?
— Ils m’attraperont plus jamais !
— Facile à dire… tu as déjà été capturée une fois !
— Ça va aller !

Filo passa la main sous l’une de ses petites ailes et en sortit le cadeau que l’armurier m’avait fait, les gants de puissance.
En effet, ils étaient pratiques pour acquérir une force surhumaine.
Filo les enfila et croisa les bras. Je pouvais deviner qu’elle se concentrait.

— C’est à MON tour de TE sauver, Mel !
— C’est quoi, ces gants ? Tu crois pouvoir me vaincre avec ça ? Oh Filo, c’est trop choupi ! Tu ferais mieux de les enlever.
— Je perdrai pas !
— Ah, Filo !

Je tendis le bras pour l’arrêter, mais elle était déjà en train d’asséner un puissant coup de poing vers Motoyasu.

— Ugh…

Motoyasu projeta ses mains vers l’avant, tentant d’agripper à nouveau Filo, mais il laissait ainsi son estomac à découvert, et elle abattit son poing en plein dedans.
Il se recroquevilla et tomba à genoux.

— C’est… c’est pas rien, ça…
— Hiya ! Libère Mel ! Hiya !
— Je refuse…

Il recula en titubant.

— Filo ! Calme-toi et reviens-là !
— D’accord !

Filo obéit après avoir frappé Motoyasu.

— Tu penses pouvoir abattre ces types ?
— Regarde-moi faire !
— Parfait. Tu gères Motoyasu et, Raphtalia et moi, on s’occupe des deux autres. Si l’une de vous voit une occasion de libérer la princesse, qu’elle la saisisse.

En fin de compte, Motoyasu était du genre féministe, alors il ne lèverait pas la main sur Filo, même si elle pétait les plombs.

— M. Naofumi.
— Quoi ?
— J’ai une idée. Pensez-vous pouvoir attirer l’attention de l’ennemi ?
— Tu as un plan ?
— Oui…

Hmm… donc Raphtalia voulait tenter quelque chose, mais quoi ?
Je compris. Elle désirait se cacher et se faufiler derrière eux. Elle était douée pour cela.
C’était sûrement ce qu’elle avait en tête.

— D’accord. Je ferai ce que je peux. Allons-y !
— En avant.
— Ouuuaaaais !

Nous n’avions tout de même aucune chance de l’emporter face aux trois héros. Mais ce n’était pas mon objectif, de toute manière. Il y avait toujours un moyen de s’échapper.

— Raphtalia, garde tes distances.
— Bien.
— Allez !
— HIIIIYAAAAA !

Filo mena la charge. Comme je lui avais demandé, elle courut droit sur Motoyasu. Néanmoins, cette fois, il l’attendait et brandissait sa lance. J’étais certain qu’il ne la frapperait pas avec.

— À présent, Melty, je vais devoir te demander de faire un petit somme.

La Salope sortit un petit paquet médicinal et essaya de faire en sorte que la jeune princesse en respire son odeur.
N’importe qui provenant d’un autre monde et qui s’y connaîtrait en animés ou en séries télévisées japonaises reconnaîtrait immédiatement une substance provoquant la perte de connaissance.
Toutefois, j’étais dans ce monde depuis quelque temps. Je savais ce que valait la Salope, alors ce paquet était plutôt susceptible de la tuer, tout simplement.

— Filo ! À l’aide !
— Mel !

Je pouvais presque sentir physiquement l’énergie magique qui se rassemblait dans les gants de Filo.

— Filocité !

Elle parut floue l’espace d’une seconde, puis, en un éclair, elle se retrouva juste en face de Motoyasu et balança son poing. Les gants semblaient différents. Elle les avait tellement imprégnés de magie qu’ils luisaient faiblement et projetaient des griffes magiques superposées à chaque doigt.
Comment était-ce possible ? Est-ce que la magie s’était en quelque sorte cristallisée et avait durci ?

— Ugh ! C’est quoi, ça ? Son attaque est trop forte ! Arrête ça ! Filo, arrête !

Motoyasu était contraint de se défendre. Les griffes sur les gants de puissance trouvaient leur cible à chaque coup.
Si elle pouvait repousser et contenir Motoyasu de cette manière, sa puissance offensive devait crever le plafond.

— Hiya ! Prends ça ! Hiya !

Filo était à son potentiel maximal sous sa forme de Reine Filoliale, mais, au vu de la façon dont elle se battait en ce moment avec ces gants, elle devait avoir à peu près la même force, si ce n’est plus.
Parce qu’elle avait quelqu’un pour qui se battre, elle était capable de lutter avec toute sa puissance magique. Sa jambe était toujours sous l’emprise des fers, mais elle pouvait continuer d’utiliser sa magie.

J’étais focalisé sur Ren et Itsuki, mais je jetais des coups d’œil réguliers vers Motoyasu.
Même si j’étais leur cible, ils savaient que leurs attaques n’étaient guère efficaces contre moi, et ils ne semblaient pas s’investir plus que cela dans cette tâche.
En fait, Ren avait la tête inclinée sur le côté, comme s’il évaluait la situation. Il se contentait de regarder.
Itsuki était convaincu que j’étais son ennemi, mais il ne me fonçait pas dessus pour m’attaquer. J’étais certain qu’il était prêt à décocher des volées de flèches pour protéger Motoyasu… mais, en y réfléchissant bien, tous deux étaient dotés d’un fort sens de la justice.

Ils refuseraient de s’immiscer dans un duel. Cela ne leur semblerait pas la bonne chose à faire.
Ils avaient sans doute décidé de s’interposer et d’arrêter ma Vierge de Fer en raison du risque de mort pesant sur Motoyasu.
Il y avait forcément un moyen d’exploiter ce qu’il se passait à notre avantage.
Il fallait que je les garde concentrés sur moi, et non sur Raphtalia. Je m’efforçai de ne pas regarder dans sa direction et reculai lentement pour les pousser à me suivre.
Le bon moment pour s’enfuir était encore loin.
Cependant, si je parvenais à les forcer à fixer leur attention sur moi…

— J’ai compris comment m’en servir !

Filo tendit ses griffes et les croisa.

— Torna…
— Désolé ! Tu me laisses pas le choix, Filo. Ça va faire un peu mal.

Motoyasu brandit sa lance, la pointa vers Filo et se prépara à utiliser une compétence.

— Lance du Chaos !
— Ugh !

Filo garda ses griffes tendues vers l’avant et fonça sur l’ennemi. Lorsqu’elle fut sur le point de l’atteindre, elle commença à tournoyer et courut droit sur lui.

— Que…

Filo avait traversé sa pluie de lances, puis elle était parvenue à toucher sa cible, l’envoyant voltiger. Maintenant, elle se dirigeait vers la Salope.

— Yaaaaah !

La Salope essayait désespérément de contraindre Mel à respirer son paquet avant que Filo ne soit sur elle. Mais elle était trop lente. Tandis que celle-ci se rapprochait, elle relâcha Mel dans une tentative pour se protéger.

— Mel !

Filo s’arrêta de tournoyer et prit la main de Mel dans le même mouvement, puis toutes deux s’enfuirent en courant.

— Ugh…

Motoyasu était lourdement tombé au sol. À présent, il luttait pour se remettre debout et regardait Filo et Mel.

— Recule, Mel. Je vais m’occuper de ce type à la lance, puis on fuira toutes les deux.
— D’accord.

Filo se retourna vers Motoyasu et prépara ses griffes.
C’était le début d’un nouveau combat. Jusqu’à présent, il s’agissait d’un duel entre eux deux, mais, maintenant, la Salope assistait Motoyasu, et Mel aidait Filo.
Toutes les autres personnes présentes regardaient et, tout à coup, le combat commença.

— Tu peux le faire, Filo ! Second Aqua-Tir de Barrage !
— Nous n’avons que faire d’un bébé qui se croit meilleur que sa grande sœur ! Second Brasier Infernal !

La Salope et Mel s’envoyèrent mutuellement des sorts.
Abrutie de Salope. De quoi est-ce qu’elle parlait ? Elle était derrière sa sœur dans la succession et se permettait d’engager le combat contre elle ?
Très bien, c’était donc un lutte pour le trône. Je savais très bien qui j’allais soutenir. Cette Salope n’était assurément pas taillée pour ce rôle.

— Second Marteau de Terre !
— Seconde Flèche de Feu !

Cependant, les autres membres issus de chacun des groupes des trois héros étaient encore pires que ce que je croyais. Au lieu de concentrer leurs attaques sur Filo, ils visaient Mel.

— Qu’est-ce que vous faites ?

Ren s’interposa et repoussa la magie qui s’envolait dans sa direction.

— Est-ce que vous essayez de tuer la princesse qu’on nous a chargés de protéger ? Même si elle est manipulée, il faut toujours la défendre ! Pensez un peu à son niveau !

Effectivement. La plus jeune des princesses était bien celle que Ren, Itsuki et Motoyasu devaient protéger.
La Salope désirait peut-être assassiner sa sœur, mais les héros ne voudraient certainement pas que cela se produise.
C’était notre chance. Je pouvais les rallier à ma cause.

— Mais la princesse a déjà été endoctrinée par le Héros Porte-Bouclier. Elle n’arrivera plus à se contrôler.
— Qu’importe, si vous ne faites pas attention, vous allez la tuer ! C’est évident qu’elle n’essaie pas de nous attaquer !

La magie de la princesse était assurément une menace, mais rien de plus, car chacun de ses sorts filait droit entre Filo et Motoyasu. Il y avait bien assez de place pour les éviter.
En fait, il semblait que la Salope et ses amis se servaient de leur magie directement contre elle… comme s’ils essayaient bel et bien de l’éliminer. Cela crevait tellement les yeux que même Ren s’en était aperçu.

— Vous savez que son niveau n’est pas très élevé ! Si vous la touchez avec ça, elle mourra !

J’avais l’impression que la Salope était probablement au courant de cela. Ne comprenaient-ils pas qu’elle tentait VRAIMENT de la tuer ?

— C’est… c’est vrai…

La Salope se retourna, frustrée. Elle soupira, puis hocha la tête.

— Ren, Itsuki. Elle veut sa mort. Vous ne le voyez pas ?
— Quoi ?
— Myne est deuxième à la succession au trône, Mel étant l’héritière actuelle. Je suis sûr que vous pouvez deviner la suite.
— Ne prêtez pas attention à ses mensonges ! Héros Archer ! Héros Épéiste !
— Pourquoi cette précipitation, alors ? Vous savez que j’ai raison. Demandez donc à vos coéquipiers.

Ren et Itsuki étaient visiblement secoués. La Salope se déchaînait tellement que cela devrait être évident pour tout le monde. Peut-être étaient-ils encore sous le choc de ma confidence ? Mais bon, qu’importe. C’était VRAI… il leur suffisait d’y réfléchir deux minutes pour le comprendre.

— C’est ainsi qu’il endoctrine les gens ! Ne l’écoutez pas !

Quelle excuse emmerdante.

— Elle a raison ! Meurs, Héros Porte-Bouclier !

L’un des membres du groupe d’Itsuki était revêtu d’une armure voyante. Il balança sa hache sur moi.
C’était précisément ce que j’attendais !

— Hiyaaaaa !
— Prends ça ! Meurs, Démon Porte-Bouclier !

J’utilisai mon bouclier pour bloquer son coup.

— Maintenant ! Attaquez-le pendant qu’il est sans défense !
— D’accord !
— Ne faites pas ça !
— Oui, n’y allez pas ! Soyez très prudents, ils sont dangereux !

Les partenaires de Ren et d’Itsuki ignorèrent leur ordre d’arrêter et foncèrent tous en même temps vers nous.
Ils formaient un large groupe qui progressait de concert… mais ils n’avaient pas l’habitude de combattre ensemble.
C’était notre chance ! La plupart devaient penser que je n’avais aucun moyen de contre-attaquer… mais ils avaient tort.
Je me servis de la Brûlure de la Malédiction du Porteur, l’activai sur moi-même et enflammai toute la zone.

— ARGH !
— Hiyaaaaa !
— Que… quoi ?

Itsuki était figé sur place, silencieux. Il nous regardait.
Ren s’immisça et repoussa un sort destiné à la princesse. Il essaya de contre-attaquer, mais il fut trop lent et rata sa cible.

— Ugh… mon corps…

Ils étaient tous tombés au sol, y compris le type en armure. Ils ne parvenaient pas à se relever.

— N’imaginez pas que je suis incapable de riposter. Ce bouclier a bien assez de puissance.
— Ugh…

Ren rengaina son épée et grogna. Itsuki fit de même.
Ils se tournèrent vers leurs camarades et se mirent à lancer des sorts de soin sur eux. Pas de bol. La Brûlure de la Malédiction du Porteur les avait maudits, ce qui rendrait leurs blessures plus compliquées à guérir.
Cependant, contempler la souffrance de leur groupe ne m’avait pas attiré la sympathie des deux héros. Les négociations futures s’annonçaient délicates.

— Frappe de l’Épée Rouge !
— Pluie de Flèches !

Ren et Itsuki se retournèrent vers moi et m’envoyèrent une compétence.
Lorsque le premier invoqua sa Frappe de l’Épée Rouge, plusieurs lames se matérialisèrent dans le ciel et se mirent à pleuvoir sur moi. Dans le même temps, le second tendit la corde de son arc et le pointa très haut. Quand il la relâcha, des flèches de lumière commencèrent à tomber tout autour de nous.
Ces deux compétences étaient des attaques à distance.

— Ugh…

Je me couvris rapidement la tête avec mon bouclier et parai les épées et les flèches s’abattant sur moi.
Bordel, cela faisait mal. Je pouvais sentir mes nerfs se vriller de douleur.

— Ça a l’air de marcher.
— Ouais, je pense aussi. Ce pouvoir n’existait pas dans mon jeu, mais c’est logique qu’il fonctionne comme ça.

« Contre-attaque de mêlée ».

Ils avaient vu juste. La Brûlure de la Malédiction du Porteur paraissait idéale, mais elle ne s’activait qu’en réponse à des assauts au corps à corps. Une fois que l’on avait compris cela, le Bouclier du Courroux II devenait nettement moins utile.
Le simple fait de savoir que je possédais une contre-attaque automatique qui leur ferait mal les forçait à ne pas charger vers moi. Toutefois, s’ils avaient saisi comment cela marchait, il leur suffisait alors de m’attaquer à distance jusqu’à ce que je tombe.

S’ils avaient découvert le pot aux roses, notre situation venait de s’aggraver davantage.
Je ne pouvais pas continuer d’utiliser le Bouclier du Courroux II et espérer l’emporter.
Si la bataille devenait de plus en plus compliquée, je serais peut-être contraint de choisir un autre bouclier.
Ce qui signifiait qu’ils feraient mieux d’attendre le moment où… Non. J’ignorais combien de temps je pourrais encore continuer avec le Bouclier du Courroux II, il était donc inutile de penser à ces choses-là.
Je n’avais pas besoin d’abattre toutes mes cartes… Les duper était une bonne stratégie.

— Bah alors ? Vous avez bien vu que je peux tout encaisser, pas vrai ?
— Je parie que tu mens.
— Ouais, si on t’attaque tous en même temps, je suis sûr que ce sera efficace. Sans compter qu’il y a tous ces chevaliers qui sont rassemblés plus loin sur la route.

Merde ! Ils n’avaient pas l’air de mordre à l’hameçon.
Mais ce n’était pas réellement mon objectif.

— Il ne peut pas contrer toutes mes attaques ! Tir Perçant de l’Aigle !

Itsuki décocha une flèche vers moi et, pendant sa course, elle modifia sa forme pour ressembler à un aigle.
Je me concentrai sur elle et fus capable de discerner les différentes flèches qui la composaient en réalité. Elle progressait droit vers moi à vive, très vive allure.
Au vu du nom de la compétence, il semblait raisonnable d’affirmer que c’était une attaque pénétrante. J’avais pas mal baroudé dans les MMORPG, j’étais donc relativement familier avec les arcs. Le mot « Perçant » voulait dire que cela passerait au travers, en laissant un trou. Si sa compétence était un coup pénétrant, cela signifiait probablement que je ne pourrais pas l’arrêter avec mon bouclier. Et que, pour m’en sortir, je devais soit être hors de portée soit trouver un moyen de l’attraper juste avant qu’elle ne m’atteigne. Pouvais-je le faire ? Ce serait dangereux.

Je me concentrai.
Je me focalisai sur l’aigle chargé d’énergie, tendis la main et survolai sa tête. Puis, mes doigts trouvèrent son cou. Je refermai mon poing et l’arrêtai.

— Quoi ? Il vient juste d’attraper comme ça mon Tir Perçant de l’Aigle ?

Itsuki s’exclama. Il était clairement surpris par mon initiative.
Cette compétence était étonnement faible. Je l’écrasai et elle se dissipa.

— Voilà, je l’ai neutralisée. Ren, réfléchis. Tu sais bien que ce combat n’est pas juste.
— Et pourquoi ça ?
— Tous ces gens sont si ouvertement hostiles envers moi. Et ils se servent d’un hypothétique bouclier d’endoctrinement pour justifier leurs actions. Si le Héros Porte-Bouclier possédait une telle arme, tu devrais aussi en avoir une du même genre, non ?
— …

Oui. J’allais les convaincre et les faire partir.
Quant à la Salope… si les héros ne la soutenaient pas, elle n’aurait pas d’autre choix que de se retirer.
Du moins, c’était ce que je pensais. Elle invoqua rapidement une boule de lumière et la projeta dans le ciel.

— J’ai appelé des renforts ! Les soldats de ce pays seront là d’un instant à l’autre !

Bon sang. Ils allaient vraiment débarquer sous peu.

— Hiya ! Prends ça ! Boum !
— Ugh…

Filo asséna une série de coups sur Motoyasu. Elle avait presque l’air de danser.
Elle tournait en cercles resserrés et le frappait avec ses griffes tourbillonnantes. Il était complètement à sa merci.
J’étais surpris de constater à quel point elle se débrouillait bien en combat sous forme humaine.
J’avais espéré rallier Ren et Itsuki, mais était-ce encore possible ?
Je n’avais pas le temps de m’inquiéter à ce sujet. Les soldats étaient arrivés.

— Enfin ! Le Héros Porte-Bouclier qui a enlevé la princesse est juste là ! Tuez-le !
— Bien !

Les militaires bandèrent leur arc et attaquèrent de loin.

— Attendez ! J’ai pas fini mes explications.

Avant que je puisse terminer, les flèches se mirent à pleuvoir sur nous. Il y en avait des magiques dans le tas.
Je me tenais à l’écart. Je ne savais pas s’ils les manipulaient avec une magie d’air, mais elles s’orientèrent pourtant toutes vers moi.
Les soldats n’étaient pas aussi puissants que les héros, mais ils étaient bien assez dangereux comme cela.

— Myne ! Nous étions toujours en train de parler !
— Non, M. Ren. Vous ne devriez pas faire attention aux paroles du Porte-Bouclier ! Il se servira du Bouclier d’Endoctrinement pour vous manipuler !

Cette Salope, elle ne renonçait jamais !
Elle pouvait déblatérer ce qu’elle voulait, elle ne m’aurait pas. Même maintenant, elle continuait de lancer des sorts sur Mel. Son objectif était limpide.
Les coéquipiers des héros se comportaient étrangement. On aurait dit qu’ils étaient cloués sur place par magie.
Que se passait-il ? Je pouvais sentir une puissante force oppressante non loin. Quelque chose de nettement plus puissant que la magie habituelle.

— Prends donc cela ! Voilà qui mettra un terme à ce combat !

La Salope et les soldats autour d’elle achevèrent une incantation, mais elle n’envoya pas le résultat sur moi. Elle attaqua la princesse.

— Magie de Groupe.

Une grosse boule de feu apparut dans le ciel. Si elle percutait Mel, celle-ci était certaine de mourir !
Mais, à ce moment-là…

— Je suis navrée. Je ne peux autoriser cela.

Dans son dos, et pile à travers l’épaule de la Salope, la lame d’une épée fit son apparition.

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