Tate no Yuusha no Nariagari – Chapitre 68

Filo contre Fitoria
Traducteur : Team Yarashii

La température avait grimpé…

— Gaaah !

Je pouvais entendre une bande de Filoliaux crier à l’unisson, et mon corps semblait pressé de toutes parts et plus chaud qu’à l’accoutumée.
Lorsque j’ouvris les yeux, je pris conscience que j’étais entièrement cerné par des Filoliaux qui se chamaillaient pour essayer de m’approcher.

— Que… qu’est-ce qui se passe ?
— Hé ! Le maître est à MOI !

Filo les repoussait farouchement pour tenter de me garder pour elle toute seule.

— Vous êtes sérieux…

Quand je fus enfin plus lucide, je remarquai qu’il était environ midi.
Si je me mettais à cuisiner et que je me détendais, est-ce que cette journée finirait comme la précédente ?

— Dites, est-il vrai que vous avez combattu contre le légendaire Roi Griffon ?
— Oui, c’est exact. Pour être franche, il s’agissait en réalité d’un monstre qu’un humain avait créé à partir de griffons classiques. Il en produisit tellement que tous les Filoliaux volants disparurent. Le ciel était recouvert par des nuées de griffons.
— D’accord, mais avez-vous vaincu le Roi Dragon ?
— Oui. Je l’ai réduit en charpie, toutefois, il ne cessait de se régénérer. C’est ce qui a rendu l’affrontement difficile.
— Ouah ! Oh, et la rumeur disant que la Sainte Épée légendaire est conservée dans le sanctuaire des Filoliaux est-elle avérée ?
— Il y a bien une épée sacrée, mais je ne sais rien au sujet d’une lame légendaire. Je ne pense pas que quoi que ce soit de ce genre existe ici. Bien que plusieurs des armes ayant appartenu aux anciens Héros y soient toujours entreposées.

Les yeux de Melty étincelaient de nouveau, et elle bombardait Fitoria de questions à la vitesse d’une mitrailleuse.
Dans le même temps, Filo se tenait à l’écart et les regardait. Elle était clairement jalouse.
C’était une scène amusante à contempler. J’espérais que leur amitié y survivrait.

— Bon, on s’est assez reposés. Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ?

J’avais terminé un repas léger et me tournai à présent vers Fitoria. Nous n’avions pas franchement le temps de rester là à admirer le paysage.
Je me disais qu’elle était assez puissante pour nous téléporter là où se trouvait la reine. Cependant, je devais trouver le moyen de la convaincre.

— Bien… il est l’heure.

Fitoria se releva et commença l’incantation d’un sort sur Melty.
Le vent se leva et forma une sorte de cage autour d’elle.

— Que… qu’est-ce donc ?

Melty agrippa les barres et essaya de sortir, mais elles étaient coupantes et elle se blessa la main. Un peu de sang goutta de son doigt.

— Qu’est-ce que tu fais ?

Filo riva un regard empli de colère sur Fitoria.

— Meltan, vous allez devoir être mon otage à compter de maintenant.
— Pourquoi ?
— …

Fitoria ignora la question, mais continua de nous regarder. L’atmosphère était très tendue.
Était-ce… la suite de notre conversation de la nuit dernière ? Allait-elle nous tuer… puis faire de même avec les autres héros ? C’était sans doute ce qu’elle comptait entreprendre.

— Melty !

Raphtalia apostropha cette dernière.
Bon sang… allions-nous devoir affronter cette Filoliale géante ici même ?
Je ne voyais aucune issue heureuse à un tel combat.
Une aura menaçante planait sur toute la zone, mais elle ne provenait pas de moi.
Quel autre choix me restait-il que d’utiliser le Bouclier du Courroux ?

— Vous ne devez pas employer le pouvoir maudit.

Une lumière apparut autour de mon bouclier.

En raison d’interférences, le bouclier ne peut être modifié.

Et ce texte se matérialisa. La même chose s’était produite la veille.

— Écoutez-moi, je vous prie.
— Pourquoi je ferais ça alors que vous vous comportez de cette façon ?
— Si vous refusez, je n’aurai pas d’autre solution que de tuer le reste des Héros.
— Que…

Elle en était probablement capable.
Elle demeurait nettement plus puissante que nous, vu que nous n’avions pas réussi à infliger la moindre blessure sérieuse au Tyrannodraconis Rex.
Malgré la force de cette bête, Fitoria l’avait vaincue sans forcer.
Et, à présent, nous devions l’affronter ?
C’était perdu d’avance.

— Impossible qu’on puisse s’entendre.
— De quoi parlez-vous ?
— La nuit dernière, cette fille m’a dit qu’elle nous tuerait tous si les Héros ne commençaient pas à collaborer.
— Vous réconcilier avec les trois autres ? Je doute que ce soit faisable.

Raphtalia fronça les sourcils et réfléchit un moment. Est-ce que Fitoria comprenait au moins ce que nous racontions ? Ne serait-il pas moins correct de mentir et prétendre que l’on pourrait devenir amis ?

— Très bien, dans ce cas…

Fitoria leva un doigt et l’orienta en direction de Filo.

— Je demande un duel contre la Filoliale que vous avez élevée. Si elle se révèle assez forte, je libérerai Melty et vous offrirai un report.
— Qu’est-ce que ça veut dire ?
— Vous le découvrirez bien assez tôt.

Qu’attendait-elle de moi ?

— Je combattrai sous cette forme. Filo, je te demande d’en faire de même.

Elles allaient devoir se battre avec leur apparence humaine ? Filo avait peut-être une chance, après tout…
Sous leur véritable forme, l’issue aurait été jouée d’avance. Mais, si elles demeuraient ainsi, il y avait peut-être un moyen de l’emporter. Heureusement, nous avions une arme que Filo pouvait utiliser avec cette apparence.

— D’accord !

Filo tendit ses mains derrière ses ailes et saisit les gants de puissance.
À l’origine, le vieil homme qui tenait l’armurerie les avait fabriqués pour moi, afin que je puisse tracter notre attelage si besoin. Cependant, la magie de Filo les avait transformés en quelque chose qui ressemblait davantage à des griffes. Ils avaient bien servi la dernière fois que nous avions eu maille à partir avec Motoyasu. Et pourtant…

— Hé ! N’en fais pas qu’à ta tête.
— Oui, Filo. Tu dois obéir à M. Naofumi.
— Mais Mel…
— Si tu ne te bats pas, alors nous mourrons tous. Il n’y a pas vraiment d’autre possibilité.
— Quel merdier…

Il semblait évident que Fitoria avait prévu de prendre l’initiative.
J’étais très anxieux à l’idée de ne rester que simple spectateur. Elle pouvait fort bien vouloir vaincre Filo, puis nous tuer dans la foulée. Je ne pensais pas être capable de l’en empêcher.
Nous étions dos au mur.

— … Bien.
— Alors, commençons.

Fitoria leva une main et un mur d’air se forma entre elles et nous. Désormais isolées du reste du groupe, elles donnaient l’impression d’être sur un ring de boxe.

— Tu dois rester sous forme humaine au sein de ce cercle. Les règles ne doivent pas être enfreintes.
— Je vais sauver Mel ! Je perdrai pas contre Fitoria !

Le fait d’assister à ce duel comme spectateur m’inquiétait grandement. Si Filo paraissait en difficulté à un moment donné, j’ignorerais les règles et interférerais.

— Attention, j’arrive !

Filo leva ses gants et ferma les yeux pour se concentrer. Ils prirent la forme de griffes et elle les brandit avant de foncer vers Fitoria.

— Ya !

Filo fut la première à attaquer.
Elle sauta dans les airs et tournoya pour frapper son adversaire à l’estomac.

— Faible.

Fitoria bloqua aisément le coup d’une main.

— Ouah !

Filo pivota en arrière à cause du contre, mais l’autre Filoliale se tenait déjà derrière elle, assénant frappe après frappe.
Filo parvint à les éviter. Tout à coup, le sol se mit à trembler. Fitoria avait tapé du pied et créé un cratère autour d’elle. Jusqu’où s’étendait la puissance de cette fille ?

— Tu peux le faire, Filo ! s’écria Melty depuis l’intérieur de la cage.
— J’suis pas en train de perdre !

Filo se retourna vers Fitoria et balança ses griffes sur elle. Au même instant, elle devint floue.

— Trop lente !

*Clang*

Un puissant écho se propagea, mais Filo réussit à éviter l’attaque en se penchant rapidement en arrière.

— Qu… quoi ?
— Trop lente.
— Ugh…

Filo grogna d’une voix que l’on avait peu l’habitude d’entendre chez elle.

— Elle est si rapide. Mais je vais pas perdre.

Elle raidit son dos et croisa les bras, puis se propulsa vers l’avant. Se servait-elle déjà de sa meilleure attaque ?

— Filocité !

Soudain, la silhouette de Filo se brouilla et l’air se remplit de l’écho d’une série de coups rapides.

— Je te l’ai dit. Trop lente.

Fitoria leva et abaissa lentement ses bras. Ensuite, elle fit faire doucement un tour complet à l’un d’eux.
Elle n’accomplit que cela, et pourtant…

— AAAAAAAAH !

Filo se retrouva projetée en l’air.
Son corps se tordit et ses ailes s’ouvrirent. Elles se gonflèrent et lui permirent d’amortir son atterrissage.

— T’as bloqué ma meilleure attaque !
— Mel est ton amie, n’est-ce pas ? Si tu ne m’affrontes pas en donnant tout ce que tu as…

Fitoria se tenait debout, les mains sur les hanches, et provoquait Filo. Elle semblait déçue par sa performance.
Tout à coup, la cage de Melty rétrécit. Elle la pressait désormais de toutes parts.

— Ah !

Melty se tortilla et joua des épaules pour empêcher les barres de la couper. Filo contempla ce spectacle d’un air horrifié, et la situation bascula.

— Mel ! Uh…

Ses ailes s’ouvrirent en grand et elle tendit ses griffes vers Fitoria. Puis, elle passa à l’attaque.
Sa cible ne bougea pas. Elle n’esquiva pas non plus, ni tenta de se défendre. Des étincelles crépitèrent lorsque le coup porta, mais elle demeura indemne.
C’était impressionnant. Était-elle si forte qu’elle pouvait se permettre d’ignorer les assauts de Filo ?
Que pouvais-je dire ? Ma Filoliale possédait la plus grande force de frappe de mon groupe, et de loin. Si Fitoria pouvait se permettre de se jouer d’elle de cette manière…
Elle devait avoir beaucoup d’expérience. Je me demandais quel était son niveau.

— Ensuite, prends ÇA !

Fitoria serra le poing et balança une contre-attaque. Le coup n’atteignit pas Filo. Il ne l’effleura même pas. Cependant, ses vêtements furent apparemment déchirés.

— Je ne pense pas qu’un habit magique de cet acabit puisse te protéger.

Elle la martela encore et encore, et ses assauts semblaient désormais faire mouche.
Bordel… je détestais le fait de ne pas pouvoir intervenir.
Qu’entendait-elle par « habit magique » ? Mais oui. Les vêtements de Filo avaient été fabriqués dans une échoppe de magie. Ils étaient constitués par sa propre magie sous forme de fils, qui avaient ensuite servi à leur création.

Voilà sans doute ce qu’elle voulait dire. Un habit magique était un vêtement fait à partir de magie.
Fitoria leva les mains et elles furent soudain recouvertes de griffes lumineuses. Elle se mit à fendre l’air en direction de Filo.
Chaque coup laissait une traînée de lumière. Filo plongea sous l’une d’elles, qui lui effleura le sommet de son crâne.

— Tu aurais été touchée si tu avais été sous forme de Filoliale, expliqua calmement Fitoria.

L’attaque avait été si rapide qu’il était impossible de l’esquiver. De plus, c’était un assaut magique.

— Je ne perdrai pas !

Filo recommença à agiter ses bras.

— Je suis la source de tout pouvoir. Entends mes paroles et fais ce que JE DIS. Produis une tornade et emmène-la loin d’ici ! Seconde Tornade !

Un puissant vent tournoyant mugit et émergea des mains de Filo pour foncer vers Fitoria. Toutefois…

— JE SUIS la source de tout pouvoir. Entends mes paroles et fais ce que JE DIS. Que cette tornade soit inefficace ! Anti-Seconde Tornade !

Il y eut un fracas retentissant et quelque chose parut recouvrir Filo. La tornade magique qu’elle avait fait apparaître se dissipa comme si elle n’avait jamais existé.

— Une magie d’interruption…

Un instant… Oui, je repensais au livre de magie pour débutants et il me semblait avoir lu un passage là-dessus.
La magie d’interruption. Je croyais me rappeler que l’on disait qu’elle était théoriquement possible, mais que tout dépendait de la capacité du mage à comprendre la nature de son adversaire, ce qui demandait une grande force.

Apparemment, cela fonctionnait en analysant et décryptant le motif magique déployé. Une fois que ce dernier était assimilé, il fallait expédier le motif contraire très rapidement.
Les sorts de haut niveau étaient plus longs à incanter, et donc plus faciles à bloquer. Cependant, employer une magie d’interruption sur des sorts de niveau moyen était censé être très difficile.

— Je ne perdrai pas !

Déterminée, Filo courut en direction de Fitoria. Mais que pouvait-elle bien espérer accomplir, alors que toutes ses attaques précédentes avaient échoué ? Son adversaire avait dit que les vêtements de Filo étaient magiques.
Tout était une question de défense. Cet aspect était supposé être ma spécialité.

À l’origine, ses habits avaient été fabriqués à partir de magie. Ainsi, focaliser sa propre énergie magique dessus pourrait bien les réparer.
Dans ce cas, cela signifiait…

— Attends, Filo !
— Quoi, maître ? Je suis occupée, là !
— Utilise ta magie pour restaurer tes vêtements ! Concentre-la dessus ! C’est le seul moyen !
— D’accord !

Filo bondit en arrière pour mettre de la distance entre elle et Fitoria, puis tendit les mains et obéit à mon ordre. Ce qu’elle portait commença à se reconstituer.
Ensuite, ils se mirent à luire faiblement.
J’avais le sentiment que cela augmenterait sa défense sous forme humaine.
Fitoria courut vers Filo et asséna un coup.

— Ha !

Son poing était assez puissant pour ébranler la terre, mais Filo le bloqua avec ses mains tendues.

— Ugh… si… forte… mais…

Je me demandais… si elle aurait pu encaisser aussi bien cet assaut sans avoir concentré sa magie sur ses vêtements au préalable.
Elle parvint à surmonter cette frappe et repoussa le bras de Fitoria avant de se précipiter en avant.
Son adversaire présentait une ouverture. Filo plongea, toutes griffes dehors.
Le vent semblait vibrer. Elle devait avoir augmenté sa vitesse.

— Hiya !

Elle mit tout son poids dans cette attaque et toucha sa cible.
Ou du moins était-ce mon impression. Néanmoins…

— Faible.

Il y eut une petite pluie d’étincelles, mais, à part cela, Fitoria garda son air impassible.
Je le savais. Il était impossible de pénétrer sa défense.
Ce n’était pas bon signe. Et si Filo perdait ? Que devrais-je faire ?
Elle continuait de me regarder. Malheureusement, je n’avais pas d’autre conseil à lui donner.

Voilà ce que je me disais, mais, en réalité, ses yeux oscillaient entre Melty et moi.
… Ah, c’était donc cela, son plan…
Je me faufilai près de la cage et tendis le bras pour la toucher.
Il y eut un choc puissant comme si les lames de vent essayaient de me trancher… mais ma défense était assez élevée pour endurer ces attaques.
Filo voulait sûrement que je brise la cage et mette un terme à ce combat.
Et elle avait raison. Si Fitoria était si supérieure à elle, alors il n’y avait aucune chance de l’emporter.

— Melty.
— Na… Naofumi ?
— Ne bouge pas.

Je passai mon bras dans la cage et tentai de la forcer. Mais à ce moment-là…
Une rafale incroyablement puissante me balaya par en dessous et je fus projeté dans les airs.

— Je n’apprécie guère les tricheurs.

Tout à coup, une tornade apparut et me percuta en plein torse. J’avais l’impression d’avoir été frappé dans le ventre et je fus de nouveau catapulté en arrière.

— Ugh…

Ne venait-elle pas d’outrepasser ma défense ?

— M. Naofumi !
— Ugh !

Je m’écroulai au sol sous le coup de la douleur et ma vision se troubla.
Bon sang… Je baissai les yeux et vis que mon armure était cabossée. De plus, je saignais. Si je ne me focalisais pas sur l’incantation d’une magie de soin, je serais dans le pétrin. Mon armure pouvait se réparer toute seule… mais je… Merde…

— Maître !
— Reste concentrée.
— Hmm…
— Peux-tu te battre après t’être servie de ta magie ?
— Oui !
— Téméraire. Finissons-en.

Les ailes de Fitoria s’ouvrirent et s’orientèrent vers le ciel.

— Fiouuuuuu…

Elle s’arrêta et prit une grande inspiration. Quelque chose volait autour de nous. Elle avait l’air de rassembler les éléments magiques des environs.
Y avait-il une chose qui soit hors de sa portée ?
J’aurais bien aimé pouvoir faire de même… mais j’étais à peine capable d’employer un simple sort. Malgré tout, je supposais que le meilleur moyen de s’améliorer était de copier quelqu’un pouvant y arriver.

Cela ressemblait un peu au fait de voler une partie du cerveau de quelqu’un. Toutefois, si l’on poussait le raisonnement plus loin, l’école ne consistait-elle pas justement à copier en permanence les connaissances des gens du passé ?
Tout ce que nous accomplissions n’était rien de plus que cela : la copie du succès d’autrui.
Oui. Un jour, je serais assez puissant pour reproduire ce que faisait Fitoria. Le moment venu, je m’assurerais de maîtriser cela.

— Je peux le faire aussi !

Filo imita son adversaire et commença à amasser de la magie autour d’elle.

— … Trop lente.

Le problème était que Fitoria avait déjà tout pris.
Celle-ci s’élança en direction de Filo et la martela avec ses poings.

— Ugh…

Cependant, les bras de ma Filoliale étaient croisés et son adversaire ne parvenait pas encore à vaincre sa défense.
Fitoria recula d’un bond, puis pivota dans les airs pour asséner un coup de pied aérien.

— Peux-tu arrêter cela ?
— Ouiiiiii !

Pourtant, elle ne réussit pas et fut projetée en tournoyant comme une toupie, avant de s’écraser contre un mur d’air.

— Je… ne… perdrai pas…

Elle se remit sur pied en tremblant et recommença à rassembler de la magie.

— Hmm…

Elle semblait avoir recouvré suffisamment de réserves magiques. Elle cessa de se concentrer et bougea pour initier sa prochaine attaque.

— Hiya !

Filo imprima un mouvement de haut en bas à ses ailes. Elle se pencha au ras du sol, les déploya et tendit ses griffes vers l’avant.
Elle accéléra alors, portée par un puissant courant. Il était évident pour tout observateur que sa magie était d’une grande intensité.
Ce devait être son assaut le plus puissant.
Les préparatifs étaient trop nombreux. Je doutais qu’elle puisse s’en servir dans un vrai combat.

— Filocité !

Filo se propulsa vers Fitoria à toute allure.
Ses griffes tendues devant elle, elle filait au ras du sol, tournoyant dans les airs. Je ne l’avais jamais vue aller aussi vite.
Comment décrire ce que je voyais ? J’avais l’impression d’assister à l’attaque finale d’un robot géant dans un jeu de stratégie.

— Hé…

Fitoria écarquilla les yeux sous le coup de la surprise.
Ses vêtements furent tranchés, ne serait-ce que très légèrement. Ils étaient recouverts de fines coupures.
Ensuite, les griffes de Filo entrèrent en contact avec le visage de son adversaire. Je n’en revenais pas, mais il y avait bien une égratignure sur sa joue.

Un filet de sang s’en écoula.
Fitoria contempla le sang que Filo avait réussi à lui faire verser. Elle fixa l’endroit où il s’égouttait. Puis, elle sourit.
Et ce fut à cet instant que je le remarquai. Je posai les yeux sur Raphtalia et elle hocha la tête.
Fitoria se contentait de jouer avec nous. Elle voulait voir comment Filo réagirait face à un adversaire nettement plus fort qu’elle. Voilà pourquoi elle s’était mise à sourire devant cet assaut inattendu.

La Filoliale Légendaire.
Ce qualificatif ne paraissait pas usurpé. Filo releva la tête. Elle savait pertinemment qu’elle était incapable de gagner.
Nous étions au courant que cet affrontement serait difficile, mais le vainqueur n’était pas encore décidé.

— Gnn…

Filo grogna. Au début, je pensais qu’elle était mécontente, mais, à présent, elle semblait irritée.
Fitoria s’avança et délivra une série de coups rapides vers elle.
Elle allait si vite ! Elle s’était toujours montrée meilleure dans ce domaine jusqu’à maintenant, mais elle venait d’accélérer la cadence.
Ce n’était pas au point de ne plus la voir, comme lors d’un Filocité, mais elle demeurait floue… et n’était jamais là où on l’attendait.

— Uh… aaaah !

Filo ne pouvait pas parer ces attaques et elle finit projetée en l’air.
Cependant, avoir d’avoir pu atterrir, Fitoria était déjà au point de chute. Elle regarda son adversaire tomber…

— Ha !

Et la frappa violemment, la réexpédiant là d’où elle venait.

— Ugh…

Ensuite, Fitoria se mit en garde. Elle posa les yeux sur Filo, attendant son prochain coup.
Ma Filoliale porta sa main là où elle souffrait, et une lueur magique apparut. Elle devait être en train d’incanter une magie de soin, puisque nous vîmes ses blessures guérir. Néanmoins, sa puissance était grandement réduite. Elle ne pouvait donc plus se soigner intégralement et ne parvenait qu’à éviter de rester dans un état critique.

— Ugh…

Filo était très affaiblie. Elle recommença à amasser de la magie autour d’elle.

— Regarde-moi maintenant.

Filo acheva ses soins. Puis, elle se remit sur pied et s’élança vers Fitoria.
Peut-être était-ce mon imagination… Non, ce n’était pas le cas. Elle se déplaçait encore plus vite.
Elle concentra son pouvoir dans ses griffes et imita l’attaque que Fitoria venait d’utiliser.

— Ha !

Après trois coups, le mur d’air qu’elle avait matérialisé s’affaiblit. Il vacillait.

— Est-ce là tout ce dont tu es capable ?

J’en avais pris conscience depuis un moment déjà, mais Filo semblait apprendre et copier toutes les attaques de Fitoria. Non… celle-ci les lui ENSEIGNAIT. Elle ne s’était simplement jamais retenue, donc j’avais mis du temps à le remarquer.
Oui… tout ceci n’était qu’un entraînement. Il semblait que Fitoria désirait prendre en charge Filo et lui transmettre des choses… Ce souhait était si fort qu’elle se fichait pas mal si sa disciple mourait durant ses leçons.

— Tu ferais mieux de te hâter. Meltan est en danger.

La cage rétrécit à nouveau et les barres tranchèrent la pointe des cheveux de la prisonnière.

— Kya !
— Mel ! Ugh !

Filo ouvrit ses ailes et employa à nouveau l’assaut ultrarapide. Elle fonça vers Fitoria, encore plus rapidement que la fois précédente.

— HIYAAAAAAA !
— Hmm… bien, ceci marque la fin de cette évaluation. Fais de ton mieux pour résister.

Fitoria se servit de ses deux mains pour bloquer l’attaque de Filo. Lorsque celle-ci tournoya en arrière pour récupérer un instant, son adversaire la frappa au flanc.

— Aaaaah !

Elle s’envola vers la cage d’air, s’y écrasa et continua sa course.
Roulant au sol, elle finit par s’arrêter, gisant telle une poupée brisée.
J’accourus à ses côtés.
Toutefois, Filo tendit la main pour m’indiquer de ne pas avancer plus près, et elle se redressa sur ses jambes flageolantes.

— Je ne… perdrai pas.

Elle refusait mon aide, comme si cela la disqualifierait pour ce duel. Son corps était agité de violents tremblements, mais elle fit un pas en avant.
Elle paraissait si faible et sur le point de s’effondrer. Elle désirait tellement l’emporter qu’elle s’entêtait à ne pas accepter sa défaite.

— Filo ! Si tu perds, on ne pourra pas délivrer Melty !
— Filo…
— Filo ! Ça va aller ! Ça va aller.
— Non… je vais… te protéger, Mel.

Elle tituba jusqu’à l’endroit où se tenait Fitoria. Les gants de puissance avaient perdu leurs griffes, mais elle serra le poing et frappa tout de même son adversaire.

— Yaaaaah !

Cette attaque était aussi faible que sa détermination était forte.
Son poing atteignit l’estomac de sa cible.

— …

Cela ne suffit pas à la blesser.

— Oui. C’est bon, inutile de poursuivre.

Filo s’écroula, mais Fitoria plongea en avant pour l’étreindre. La cage d’air qui retenait Melty s’évanouit.

— Filo !
— Mel…
— Tout va bien. Elle s’en remettra.

Fitoria se mit à incanter un sort sur elle.
Sous nos yeux, les blessures de Filo commencèrent à guérir et tous les trous dans ses vêtements se refermèrent.

— Hein ?

Filo repoussa sa main d’un geste rapide et reprit sa posture de combat.

— C’est terminé.
— Non ! Je dois protéger Mel !
— Je sais. Mais Meltan va bien. Regarde.

Fitoria fit signe à l’intéressée de s’approcher.
Melty la dévisagea très attentivement avant de s’approcher discrètement de Filo.

— Comprends-tu, à présent ? L’évaluation est terminée.
— L’évaluation ?
— Ce n’était pas grand-chose. J’ai aussi mes propres soucis à gérer.
— Oh vraiment ?

Filo ne la crut pas immédiatement, mais elle tourna la tête sur le côté tout en l’écoutant.
Elles sortaient tout juste de leur duel, mais toute tension entre les deux Filoliales semblait avoir disparu.

— Filo, elle te mettait simplement à l’épreuve.

Raphtalia et moi nous rapprochâmes et tentâmes de lui faire comprendre la situation.

— Oui… c’était une évaluation. Cependant, je comptais bien mettre ma promesse à exécution si elle avait échoué, expliqua sommairement Fitoria.

Je ne savais pas pourquoi elle avait dû se conduire ainsi. Toutefois, grâce à ce combat contre elle, Filo avait appris plusieurs très bonnes compétences pour se battre sous forme humaine.

— Filo, tu dois réfléchir à ton adversaire. Si tu affrontes des humains sous ton apparence de Filoliale, cela revient à agiter une pancarte disant : « Venez à moi, je suis là ! »
— Vraiment ?

Effectivement, elle était bien plus imposante dans ces conditions. Bien que sa vitesse en soit nettement augmentée, elle constituait une cible de choix pour un ennemi puissant.
De plus, lorsqu’elle combattait sous cette forme, elle devait faire en sorte que toutes ses attaques soient des coups de patte.
Elle demeurait bien sûr capable d’utiliser la magie ou des charges, mais il serait mieux pour elle de réfléchir un peu au type d’adversaire qui l’attendait à chaque fois. Fitoria essayait d’attirer son attention sur le fait qu’il y avait différentes manières de se battre.
Il nous serait utile de pouvoir basculer de tactique en plein affrontement. Cela plongerait l’ennemi dans la confusion.

Donc, Fitoria était tout simplement en train de dire à Filo de toujours se montrer flexible face aux options se présentant à elle… et elle lui avait enseigné de nouveaux mouvements.

— Voici la preuve que tu as réussi mon évaluation, dit Fitoria en empoignant une tiare.

Elle la lui donna.

— Quoi ? Qu’est-ce que c’est ?
— Ta récompense. Maintenant, baisse la tête.
— Filo, tu es censée faire comme cela.

Melty agrippa sa manche et la poussa à s’incliner.
Je n’en revenais pas. Melty se conduisait comme une vraie princesse, pour changer.

— Comme ça ?
— Oui, tout à fait.

Filo était inclinée devant Fitoria, et celle-ci plaça la tiare sur sa tête.

— Filo, tu seras mon héritière.
— Ça veut dire quoi ?
— Que tu deviendras la prochaine grande Reine des Filoliaux.
— Oh…
— Filo ! C’est une excellente nouvelle pour toi !

Melty était tout excitée. Elle sautillait sur place. Son amie ne semblait pas particulièrement emballée.
Tout à coup, la tiare posée sur sa tête scintilla.
Elle illumina les alentours, puis…

*Pouf*

Un épi apparut sur le sommet de son crâne. Une unique mèche de cheveux se redressa.

— …

Raphtalia et moi demeurâmes silencieux.
Était-ce donc cela, sa récompense ?

— Hein ?
— Filo ! Tu es trop mignonne !

Melty débordait d’énergie et dansait pratiquement sur place… mais Filo n’avait pas l’air de comprendre ce qu’il se passait.
Melty ne l’avait pas remarqué.
Une minute. Je me considérais comme un véritable otaku. Cela voulait-il dire que j’étais censé m’enthousiasmer au sujet de cet épi ?
Non… je ne ressentais rien de ce genre.

— Qu’est-ce qui s’est passé ?
— Eh bien…

Je désignai sa tête et elle suivit mon regard. Elle posa la main sur son crâne et…

— C’est quoi, ça ? Y a un truc bizarre sur ma tête !

Filo cria et faillit sauter sous le coup de la peur. Elle agrippa cette touffe de cheveux et…

*Rip*

— Quoi ?

Elle l’arracha.
Sacrée Filo. Cela semblait la faire beaucoup souffrir.

— Aïe !

Malgré la douleur, elle paraissait fière d’avoir réussi à s’en débarrasser.

*Boing*

Cependant, après l’avoir enlevée, une autre prit sa place.

— Encore une ?
— Quoi ?

Les yeux de Filo s’emplirent de larmes et elle essaya d’arracher cet épi plusieurs fois d’affilée. Mais un nouveau le remplaçait quelques instants plus tard, alors elle finit par abandonner et baissa la tête.
C’était vraiment un petit épi étrange.

— Il ne cessera pas de revenir, donc inutile d’insister. Au fil de ta croissance, tu en obtiendras d’autres.
— Quoi ? Mais je veux pas…

Filo contempla ceux dressés sur la tête de Fitoria.
Quel était l’objectif de la Filoliale Légendaire en lui donnant une telle chose ?
Je décidai d’aller consulter l’écran de statut de Filo.

Ses statistiques avaient augmenté.
Il semblait que la tiare lui conférait plusieurs talents et des améliorations de statut.
Si l’on prenait en compte le fait que Filo avait atteint son niveau maximal pour l’instant, c’était une jolie récompense.

— Et quant au Héros Porte-Bouclier…
— Hein ? J’ai aussi le droit à quelque chose ?

Fitoria brandit un doigt dans ma direction, puis le replia pour me faire signe de m’approcher.
Une seconde. Si j’allais à sa rencontre, est-ce qu’elle me créerait aussi des épis ?

— Je ne veux pas changer de coiffure.
— De coiffure ?

Je choisis de ne pas apporter d’explications. Elles en feraient encore toute une histoire.

— C’est mieux que cela. Et vos blessures seront guéries.
— Bon, dans ce cas…

J’ignorais ce qu’elle allait m’offrir, mais j’espérais que ce n’était pas quelque chose de trop bizarre.De toute façon, je n’étais sans doute pas en position de refuser, alors je m’avançai vers elle. Elle tendit la main et toucha mon torse, ce qui soigna mes plaies. Je n’avais pas réussi à le faire complètement durant le duel, il me restait donc une douleur sourde à ces endroits. Elle la chassa.

— Présentez-moi votre Bouclier.

Elle désigna mon arme et me fit signe de la tenir devant elle.

— Comme ça ?

J’obéis à son injonction. Fitoria retira l’un de ses épis et le tint au centre du bouclier.
Celui-ci réagit immédiatement et absorba la mèche.

Branche Filoliale débloquée de force !

— « Débloquée de force » ?

Je vérifiai mon arbre de compétences et vis qu’une icône de « Bouclier Filolial » brillait.
Il possédait un tas de bonus d’équipement qui semblaient profiter aux Filoliaux, comme de la puissance, de l’ajustement de maturation (grand, moyen, faible), de l’ajustement détaillé de statistiques de maturation (grand, moyen, faible) et d’autres choses.

Celui qui me sauta aux yeux s’appelait « Talent lorsque chevauché » (grand, moyen, faible). Il devait vouloir dire que Filo combattrait mieux avec quelqu’un perché sur son dos.
Malgré tout, mon niveau n’était pas assez élevé pour me servir de la plupart de ces éléments. Heureusement, le bouclier était débloqué, il me suffisait donc de satisfaire les conditions requises pour exploiter ses pouvoirs.
J’avais l’impression que ces conditions permettaient d’accéder à n’importe quel bouclier ayant un lien avec les Filoliaux.

— Merci.
— Je vous en prie. Toutefois, j’aimerais encore discuter de quelque chose avec vous.
— À propos de quoi ?
— Je préférerais l’aborder en privé.

Cela devenait une récompense bien étrange.
Hé, est-ce que cela signifiait que tous les pouvoirs des Filoliaux étaient concentrés dans ces épis ?
Filo ne pouvait plus monter en niveau, du moins pour le moment. Alors, je supposais que c’était une bonne chose.

— Hmm… euh…

Melty se montrait hésitante, voire embarrassée, pour adresser la parole à Fitoria.

— Qu’y a-t-il ?
— Tout cela servait simplement à évaluer Filo, n’est-ce pas ? Vous ne vous êtes pas… servie de moi ?
— Bien sûr que non. Y a-t-il quelque chose que vous désirez, Meltan ?
— Hmm… pourriez-vous devenir une Filoliale géante et me laisser grimper sur votre tête ?

Curieusement passionnée et impliquée, Melty formula sa requête.

— … Qu’il en soit ainsi.

Fitoria parut un peu énervée, mais, tout en caressant le sommet du crâne de la princesse, elle se mit à croître. Puis, elle arbora un grand sourire.

— Ouah…

Ensuite, comme promis, elle posa Melty sur sa tête.

— On est si haut d’ici !

Elle avait l’air tout excitée.

— Héros Porte-Bouclier, veuillez reculer un peu.
— D’accord.

Je fis quelques pas en arrière comme elle venait de me le demander.
Et… Fitoria grandit pour atteindre dix-huit mètres de haut.
Jusqu’où pouvait-elle aller ? On aurait dit un immeuble.

— Ouah ! Ouah !

La voix de Melty nous parvenait portée par le vent. Était-elle vraiment en sûreté à une telle hauteur ?
Non, mais franchement, quelle était sa taille maximale ?
À moins qu’il ne s’agisse de ses dimensions réelles, et qu’elle s’était juste transformée pour correspondre aux nôtres.

— Ouah…

Melty paraissait très détendue.

— J’ai l’impression de rêver…
— Malheureusement, ce n’est pas le cas.

Fitoria était assez puissante pour vaincre un dragon, et cette fille se servait d’elle comme d’un jouet… Ce n’était pas bon signe.

— Bien, cette journée ne fait que commencer. J’aimerais que vous en profitiez pour vous reposer davantage.
— Pas de souci… si vous nous conduisez là où on veut, après.
— Nous en parlerons plus tard. Pour l’instant, essayez simplement de vous relaxer. Mes amis ici présents souhaiteraient aussi vous présenter leurs salutations.
— GAAAAH !
— Quoi ? Célébrer la naissance d’une nouvelle reine ? Vous parlez de moi ?
— Félicitations, Filo ! Ha ha ha ! Regarde un peu à quel point ils sont heureux !

Les autres Filoliaux se rassemblèrent autour d’elle et la soulevèrent.

— Mo… moi aussi ?

Ils firent de même avec Raphtalia.
Que se passait-il ? Elles avaient la cote, tout à coup.
Nous passâmes le reste de la journée en leur compagnie. L’atmosphère était digne d’un festival.
Ce furent des instants coupés du reste du monde. Mais, une fois que nous serions partis, combien de temps allait-il falloir au monde pour nous accorder la même confiance que ces braves monstres ?

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