Chapitre 135 – Alliés inespérés
— Réveille-toi rouquine !
Ambre dormait lorsqu’elle fut extirpée de son sommeil par les appels incessants de Théodore qui lui avait agrippé l’épaule et la secouait énergiquement.
— Qu’y a-t-il ? maugréa-t-elle en ouvrant un œil.
Elle eut un mouvement de recul en remarquant la silhouette du marquis postée juste devant elle, un peu trop près de sa personne. Elle balaya sa prise d’un revers de la main et le regarda avec défiance ; le jeune homme affichait un teint tout aussi blême que la veille et paraissait inquiet.
— J’ai entendu du bruit en bas, quelqu’un est entré et tente de forcer la porte, expliqua-t-il.
La jeune femme tendit l’oreille ; il avait raison. Le parquet grinçait et le bois de la porte craquait par à-coups répétés à intervalles irréguliers, entrecoupés de grattements.
— T’as une arme ? chuchota-t-elle en se levant.
Le marquis sourit et lui montra le revolver qu’elle avait ramassé la veille. Réticente de voir cet homme avec une telle arme, elle ouvrit sa main afin qu’il la lui donne.
— Tu m’excuseras rouquine mais je la garde.
— Donne-la-moi !
— Hors de question ! fit-il en éloignant le revolver et en lui tendant les clés. Et puis tu ne sais même pas tirer. Alors va ouvrir et je te couvre.
Elle montra les dents et grogna.
— J’aime pas te savoir avec cet engin juste derrière moi !
— Quoi ? T’as peur que je te tire dessus peut-être ? railla-t-il. Si j’avais voulu te blesser ou abuser de toi sache que j’aurais saisi l’opportunité cette nuit pendant que tu dormais et ronflais comme une bienheureuse.
Elle pesta puis, voyant qu’elle ne parviendrait pas à le convaincre de lui céder l’arme, soupira de résignation. Le cœur battant avec vaillance, elle s’avança lentement jusqu’au bout du couloir. Théodore, posté deux mètres derrière elle, maintenait la porte en joue.
— Attends mon signal avant d’ouvrir ! Je ne suis pas sûr qu’il s’agisse d’un humain.
— C’est une bête qu’il y a de l’autre côté tu crois ?
Pour toute réponse, il haussa les épaules et pointa son revolver devant lui, prêt à faire feu. Avec la plus grande précaution, elle engouffra une des clés dans la serrure et la fit pivoter. Le bois craqua et la porte s’ouvrit prestement, percutant la jeune femme de plein fouet. Une forme indiscernable entra en trombe et se projeta avec violence contre le marquis qui, déstabilisé, tira. La balle siffla et s’enfonça dans le plafond, provoquant un bruit sourd qui résonna à travers le couloir. Sous la charge de son assaillant, il s’effondra sur la moquette, le souffle court coupé par l’impact.
Choqué, il resta paralysé un moment, ne comprenant pas vraiment ce qui venait de se produire. Il observait avec des yeux écarquillés, l’étrange spécimen qui se tenait au-dessus de lui ; une forme sombre, bordée de noir, dotée d’yeux flamboyants et de crocs jaunes couverts de bave. La créature grognait en lui écrasant le torse de sa petite masse compacte. Ses mains griffues s’enfonçaient dans son torse, arrachant au garçon un cri aigu et plaintif.
Assise par terre, Ambre avait le dos appuyé contre le mur et pressait sa main contre son front. Le coup l’avait assommée, elle gémissait. La créature lâcha son emprise et se jeta dans ses bras. La jeune femme ouvrit un œil et, abasourdie, reconnut Mesali. La fillette paraissait ravie de la revoir tant elle ronronnait, la tête nichée dans son cou.
— Mesali ? parvint-elle à articuler. Mais que fais-tu ici ?
Pour toute réponse, la petite Féros défit son étreinte et la contempla de ses yeux brillants. Un sourire inquiétant se dessinait sur son visage juvénile.
— Ketta ! s’exclama-t-elle en la pointant du doigt.
Ambre l’étudia et vit qu’elle était barbouillée de suie et de croûtes de sang qui ne paraissait pas être le sien.
— Tu es toute seule ? Où sont Faùn et ta cheffe Sonjà ?
— Tu la connais ? s’étonna Théodore.
Il tremblait de tous ses membres et haletait, gagné par la nausée. La noréenne acquiesça et se leva péniblement. Elle inspira longuement, prise de vertige. Se sentant mieux, elle tendit une main au marquis et l’aida à se relever. Mais à peine s’était-il redressé qu’il s’échoua à nouveau et laissa échapper un cri de douleur, une tache écarlate s’étendait en bas de sa chemise ; sa plaie s’était rouverte.
Ambre feula puis porta son regard sur Mesali et la sermonna avec vigueur. Devant la colère et les mots incompréhensibles de la Féros rousse, la petite se recroquevilla et couina. Triste d’être ainsi disputée, elle fit la moue et toisa le hundr de ses yeux larmoyants. Théodore se releva, se tenant au mur pour garder l’équilibre. D’une main frêle, il déboutonna sa chemise et enleva le bandage.
— C’est pas vrai ! Je vais encore devoir me panser !
— On a pas le temps, il faut qu’on parte ! objecta Ambre, alarmée. Le coup de feu ne passera pas inaperçu et si Mesali est arrivée ici, il est possible qu’elle ait été suivie. Qui sait qui pourrait débouler ici d’un moment à l’autre.
Le marquis grogna et retourna laborieusement dans la chambre où il s’installa sur le lit et ôta sa chemise. Mesali l’observa avec attention, la tête juste à côté de son ventre. Exaspéré, Théodore la gifla sans ménagement.
— Dégage de là toi ! cria-t-il à son attention.
La petite s’en retrouva hébétée et montra les crocs, prête à se jeter sur lui. Mais Ambre la retint par les cheveux et la serra contre elle afin de l’immobiliser. L’enfant gigotait et se tortillait en tous sens. Tel un animal furieux, elle grognait, bavait et ne quittait pas sa cible du regard.
Quand elle fut calmée, Ambre la libéra et vit avec effroi que le papier de son arbre généalogique gisait au sol devant le fauteuil. Elle pesta intérieurement et le ramassa en toute discrétion. Le marquis prit la trousse de soins, se débarrassa des vieilles compresses et enroula une bande autour de l’abdomen. Alors qu’il enfilait une veste de marin militaire trouvée dans l’armoire pour comprimer au mieux sa blessure, la jeune femme se dirigeait vers la fenêtre.
— Par où faut-il passer ?
— Ça dépend, tu veux toujours rejoindre la mairie ? maugréa-t-il en avalant un cachet. Tu sais qu’il y a des chances pour qu’il ne soit plus là-bas ! Surtout après ce qui s’est passé la nuit dernière.
— Je m’en doute, fit-elle en ouvrant la vitre. Ça sent encore plus le brûlé dehors !
Anxieuse, elle examina l’extérieur avec intérêt.
— La route semble encore intacte, c’est difficile de s’en rendre compte avec ce brouillard. Il y a encore des coups de feu. À mon avis ça grouille de soldats. Tu sais s’il existe un point de ralliement en cas de problème ?
— Je sais qu’ils ont un repaire à Varden oui, mais je ne sais nullement où. Si tant est qu’il soit atteignable et surtout encore debout.
— C’est grand Varden !
— Deux choix s’offrent à nous, soit on sort, soit on reste ici en espérant que ce moucheron n’ait pas rameuté de possibles rôdeurs, dit-il en pointant Mesali. Après, on peut toujours tenter une escapade en ville. Avec un peu de chance, on croisera un groupe allié. Dans le cas inverse, on pourra toujours espérer être capturés.
— Parle pour toi, marquis ! C’est vrai que monsieur ne craint rien, protégé par son statut de privilégié et ayant la chance de posséder une queue.
— C’est sûr que je risque moins que toi, rouquine ! Mais je n’en serais pas moins menacé par un soldat ou un belligérant. J’ai crû, comprendre que mon père s’apprêtait à rejoindre von Dorff. Si ça se trouve, que l’on croise un groupe ou l’autre, nous ne craindrons rien.
— Sauf si comme Friedz le sous-entendait, ton père est considéré comme un traître. Auquel cas je n’ose même pas imaginer ton sort s’ils t’attrapent !
— Ils ne me tueront pas, je te le garantis. Même si père n’était plus trop apprécié depuis qu’il a rallié le Baron et encore plus depuis qu’il s’est fait pincer, il n’en reste pas moins un membre de l’Élite et un marquis ! Qu’importe ce que Friedz a pu colporter à son sujet.
— C’est drôle mais Meredith me disait la même chose or, ça ne l’a pas empêché de se faire agresser au port !
Théodore fit une moue puis adressa un œil noir à la petite créature qui s’agitait et humait toutes les surfaces présentes dans la pièce. Il tendit l’arme à la jeune femme et en trouva une deuxième sous le lit de la chambre annexe. Mesali, intriguée par le revolver, le renifla et se boucha le nez. Ambre demeura songeuse face à son comportement.
— Hum… je crois que j’ai une idée.
Le marquis suivit son regard, désabusé.
— Laisse-moi deviner, tu veux te servir de cette créature comme d’un chien afin qu’elle flaire la piste du Chien lui-même ? Tu sais que ça risque d’être infructueux vu l’incroyable quantité de fumée et de poussière dans l’air !
— C’est exact et je vais tenter cette manœuvre, qu’importe si je dois faire pas mal de détours pour arriver là-bas ! Et si l’idée ne t’enchante guère, cher Théodore, sache que tu n’es absolument pas obligé de nous accompagner !
— Ah oui ? Et qui va te défendre en cas d’attaque rouquine, dis-moi ? Tu ne sais ni tirer ni viser !
— C’est sûr que ce sera tellement plus simple de me déplacer avec un boulet qui peut à peine mettre un pied devant l’autre !
Il laissa échapper un rire nerveux et enfila ses bottes.
— T’es toujours aussi insupportable !
— M’énerve pas ou je te laisse là !
En toute discrétion, elle engouffra la broche de Blanche ainsi que son arbre généalogique dans la poche de sa fausse veste militaire ; ne pouvant se résoudre à porter la sienne, encore humide et pestilentielle. Une fois le groupe paré, le marquis s’appuya sur l’épaule de la jeune femme.
Le trio s’extirpa prudemment du cabaret pour s’insinuer dans les rues sinistres et désertiques de la ville, noyées par la brume de l’aurore où seuls de rares éléments et couleurs étaient discernables. Le sol était cabossé et le pavement déchaussé. Des trous béants apparaissaient par endroits, si profonds qu’il était impossible d’en discerner le fond.
Plusieurs victimes gisaient inertes, écrasées par des amas de roches, de briques ou de poutres en bois. Les vestiges barraient la voie, la rendant impraticable pour des gens dans leur état et les obligeant à faire demi-tour. Ils marchaient avec lenteur prenant soin de ne pas poser leurs pieds sur les bris de verre ou les copeaux de métal.
Après de nombreux détours, ils parvinrent à gagner un grand axe. Ambre et Théodore essayèrent de ne pas s’attarder devant ce spectacle macabre où de multiples cadavres de gens et d’animaux éventrés s’étendaient sur le pavement, se décomposant à même le sol. La majorité des cas avait le ventre lacéré, les viscères apparents et la gorge tranchée. L’une d’elles attira particulièrement leur attention, les stoppant net dans leur progression.
— C’est… c’est un ours ? s’étonna le marquis.
— Je crois oui… un noréen sans aucun doute.
Ils contournèrent l’obstacle, écœurés par l’odeur émanant de la dépouille en décomposition, possédée par les rats et les mouches qui la dévoraient allègrement. Ils quittèrent l’avenue, certes plus praticable mais nettement plus périlleuse, pour des ruelles parallèles. Plus ils avançaient vers l’est, plus les morts s’entassaient. Arrivés en haut d’un escalier dont les pierres fissurées et la rambarde bringuebalante ne semblaient tenir que par miracle, Ambre serra Théodore par la taille, passa son bras juste sous son aisselle et l’aida à descendre. Soudain des détonations se firent entendre. Mesali poussa un cri strident.
Affolés, ils hâtèrent le pas. Tandis que Mesali galopait, Ambre tentait de courir, croulant sous le poids d’un Théodore haletant, cherchant à se perdre parmi les venelles et trouver une cachette dans une maison pillée ou derrière un mur délabré. Des claquements de sabot se rapprochaient à une vitesse alarmante. Dans leur fuite, Ambre entendit son arme choir contre les pavés. Elle grogna mais ne prit pas la peine de s’arrêter pour la ramasser. Ils tournèrent dans une allée et arrivèrent au pied d’un muret de trois bons mètres de hauteur que Mesali escalada sans peine, plantant ses ongles dans les interstices de la roche pour se propulser avec agilité. Elle sauta de l’autre côté et s’éloigna sans se retourner. À l’inverse, les deux jeunes se retrouvèrent bloqués et observèrent le mur qui se dressait devant eux, incapables de l’escalader dans ces conditions.
Ils se figèrent un instant. Ambre étudia la surface en quête d’un point d’appui pour se hisser afin d’échapper à leurs poursuivants. Or, aucune voie ne semblait mener à cette issue favorable. Elle fut sortie de ses réflexions par un mouvement brusque qui la fit se projeter en avant. Sans qu’elle eût le temps de réagir, elle fut plaquée contre le mur. Étourdie, elle se retourna et vit que le marquis se dressait devant elle, faisant barrage avec leurs assaillants.
Je rêve ou il me protège là ? songea-t-elle, stupéfaite.
Dos au mur, il portait son revolver tendu à bout de bras, prêt à tirer sur les deux cavaliers qui leur barraient le chemin. Les silhouettes s’avancèrent, une semblait massive et l’autre nettement plus fluette. Leurs chevaux, des palefrois de noble allure, agitaient leurs oreilles et mordaient furieusement leur mors. Ambre tentait de les discerner, cachée intégralement derrière son protecteur inattendu. Ils étaient maintenus en joue, l’éclat des armes de leurs adversaires scintillant aux pâles rayons du jour naissant.
— Surtout reste derrière moi, s’ils voient qui je suis je doute qu’ils fassent feu, annonça faiblement Théodore.
Il déglutit péniblement, ses mains tremblaient.
— Qui êtes-vous ? Parlez ! cria-t-il.
Ils entendirent des chuchotements indistincts puis, après un temps, une voix aiguë répondit :
— Chambellan ?
Le marquis s’immobilisa et tenta d’analyser cette voix si familière. Le voyant tenir son arme avec pénibilité, Ambre avança une main le long de son bras et saisit le revolver.
— Attends avant de tirer, chuchota-t-il à son oreille, je connais ce timbre.
Les montures approchèrent et les deux inconnus se dévoilèrent, l’un plus en retrait. À la vue du premier, tout de noir vêtu, Théodore soupira de soulagement et ricana.
— Bonjour Victorien, annonça-t-il posément.
Le cavalier, un blondin à la carrure solide, dans la vingtaine, pouffa et se retourna vers son acolyte :
— C’est bien lui, il est avec la rousse !
Il porta son regard sur eux et les dévisagea.
— C’est dangereux de se balader avec un costume pareil dans les rues, on vous a pris pour des soldats. C’est une chance qu’on ne vous ait pas chassé de suite…
L’autre cavalier approcha, dévoilant une jeune femme brune et mince, les armoiries de la famille von Dorff brodées sur son veston et les apparats de son cheval.
— Diane ! s’écria le marquis tout en appuyant sur les bras de sa partenaire afin qu’elle baisse son arme.
Ambre grogna et montra les dents, toisant les inconnus.
— N’aie crainte, ce sont nos alliés.
— Il y a une von Dorff !
— Tu n’as rien à craindre de celle-ci, c’est une amie.
— Je vois que la demoiselle n’est guère rassurée, fit Victorien en mettant pied à terre.
Il s’avança vers son ami et l’embrassa.
— Comme tu m’as manqué, j’ai cru qu’il t’était arrivé malheur. Tu m’avais promis de revenir avec Blanche. On s’est grandement inquiétés de votre absence. On quadrille le périmètre depuis hier soir en espérant vous retrouver.
Il l’enserra davantage ce qui décrocha un cri de douleur au garçon, suivi d’un spasme.
— Doucement, je suis blessé ! J’ai subi une attaque des hommes de Laflégère. Ambre m’a porté secours et on s’est réfugiés au cabaret de père pour passer la nuit.
— Et Blanche ? s’enquit Diane. Un émissaire de Léopold nous a avertis qu’elle n’était pas rentrée au manoir. On espérait qu’elle soit avec toi…
Théodore eut un rictus.
— Elle a pris sa forme animalière.
Une lueur de tristesse traversa les yeux de la cavalière.
— Nous le savons, Edmund nous a prévenus. Il est avec Louise, parti pour Meriden avec monsieur de Rochester et des soldats de la Garde.
Sur le qui-vive et les membres tendus, Ambre étudiait la scène. Les deux jeunes se placèrent de chaque côté du marquis et l’aidèrent à se hisser sur le palefroi. Victorien monta derrière lui et passa ses bras de chaque côté de sa taille pour cueillir les rênes. Le brunet agrippa les crins de l’animal puis demanda :
— Où allons-nous ?
— Nous allons au repaire. À l’hospice de père.
Il acquiesça et porta son regard sur Ambre.
— Tu viens rouquine ?
L’intéressée observa le mur de pierre, espérant que Mesali revienne.
— Je ne sais pas trop, finit-elle par dire.
— Ta sauvageonne est partie, tu ne la reverras sûrement pas, tu sais.
— Il faut que j’aille à Varden, je dois retrouver le Baron.
— Écoute, je ne veux pas te dissuader de te rendre là-bas, mais vu ton état tu devrais plutôt songer à te faire soigner et à ne pas errer seule dans les rues, surtout avec ta condition physique ! l’en dissuada Victorien.
— Pourquoi cela ? maugréa-t-elle.
— Il y a beaucoup de soldats dans les rues, des hommes de von Dorff et de Laflégère surtout, répondit Diane avec mépris, si t’as envie de te faire neutraliser alors continue ton chemin. Je suis sûre que mon oncle serait ravi d’avoir la compagne du maire captive entre ses griffes.
— Sans parler qu’au vu de l’état de la basse-ville, mieux vaut être prudents et surtout avoir une bonne condition physique ! Le séisme n’a pas épargné Varden.
— Que sous-entendez-vous par épargné ?
— Tu vas nous fatiguer longtemps à nous poser des questions aussi stupides ? cracha la von Dorff. Il y a eu un séisme hier, ça a ravagé le port et par conséquent crée une vague qui a déferlé sur toute la basse-ville. Tu rajoutes à cela les pillages et les départs de feu et tu as une vision plus que réaliste de la ville à l’heure actuelle !
Ambre écarquilla les yeux et demeura interdite.
— Le mieux est que tu nous suives aux hospices, poursuivit Victorien, et qu’une fois là-bas, après t’être reposée et soignée, tu trouves un moyen de regagner la basse-ville.
— Savez-vous au moins où est le maire ?
— Hélas, non ! répondit calmement le garçon. Après, si ça peut te rassurer, sache que la mairie était vide lorsque le marquis von Dorff et le comte en ont pris possession.
À cette confidence, Ambre soupira, rassurée de le savoir potentiellement vivant.
— Allez-viens, rouquine ! Ça ne sert à rien de t’entêter pour l’instant.
— Je ne sais pas…
— Écoute-les bon sang ! s’agaça Diane. T’es la future baronne je te signale, tu passeras en priorité alors jouis de ton statut et ne nous fait pas perdre notre temps !
— Comment savez-vous cela ? s’étonna-t-elle.
— Sache que dès qu’un homme comme Wolfgang est au courant de ce genre de fait, l’information ne tarde généralement pas à faire le tour de l’île.
— Qui me dit que vous n’en profiterez pas pour me livrer aux von Dorff ? feula-t-elle en défiant la cavalière.
— Tout simplement parce que dehors c’est l’anarchie et que si tu veux espérer un minimum d’aide et de soutien tu devrais nous suivre au lieu de tergiverser ! Qu’importe si ceux que tu croiseras au repaire sont alliés ou ennemis, tout le monde est blessé ou crevé.
Une fois à cheval, la von Dorff l’invita à monter. Après une hésitation, Ambre finit par se laisser convaincre et se hissa derrière elle. Dès qu’elle fut en selle, elle enserra la taille de l’aranéenne et regarda une dernière fois en direction du mur tandis que les deux cavaliers engagèrent leur monture au trot et quittèrent l’impasse.
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