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Chapitre 369 : Et la guerre continue

Je frappe un caillou sur mon chemin violemment. Solstice et Équinoxe m’ont vraiment énervé. Je me suis déboîté le bras pour ralentir leur chute et j’ai à peine réussi. Bien sûr, ils n’ont pas fini dans un meilleur état que moi en frappant le sol, mais puisqu’ils étaient en train de sourire au lieu de grimacer de douleur, c’était difficile de ne pas les détester pour ce qu’ils viennent de faire.

J’ai quand même fini par les renvoyer au pied de la tour en acceptant gentiment qu’ils puissent récupérer leur matériel qui a causé la chute. Bien sûr, ils n’ont pas manqué de se moquer de moi comme s’ils n’avaient pas perdu le combat.

« Franchement, je m’attendais à mieux de ta part. Ce type est décevant, tu ne trouves pas ? »
« Carrément. Après tout ce qu’Emy nous a raconté, je m’attendais à mieux. »
« Hey, vas-y doucement sur le somnifère, j’ai pas envie de finir dans le coma. »
« On va t’attendre au pied de la tour. Après tout, tu n’as aucune chance de battre Emy avec tes petites astuces ! »

Ils ont ensuite continué en disant qu’ils avaient besoin de vacances au soleil après être restés aussi longtemps en Penovia… tout en continuant à se moquer de moi avec des commentaires idiots.
… Quoi de mieux pour énerver quelqu’un…
Heureusement, j’ai tout un camp pour me passer les nerfs.

Des Druides et des Mages semblent avoir trouvé comment dissiper la brume efficacement, donc il est probablement temps pour moi de changer de plan. Je décide d’aller récupérer des vêtements de soldats pour m’infiltrer dans le camp. Je pourrai les mettre plus tard pour me déguiser.

À partir de maintenant, je vais m’occuper de nettoyer le camp sans prendre de risque. J’ai largement le temps pour ça et, sans le couvert de la brume et de la fumée, Emy risque de me trouver trop facilement. Ce n’est pas passé loin quand le couple a décidé de se mettre à hurler pour attirer son attention en se moquant de moi. Bon, ils ont fait ça à moitié sérieusement, mais je n’étais pas très content et j’ai dû accélérer leur départ. Ça m’apprendra à être poli et me présenter… ou encore, de faire un combat à la loyale… J’aurais simplement pu les couvrir de rats, mais non j’ai essayé de leur offrir un vrai combat.

Je vais simplement faire du nettoyage en passant discrètement d’une tente à une autre. Il me reste encore quelques cibles comme le Mage en chef de l’unité magique, un Barde un peu trop talentueux capable d’améliorer les compétences des autres Bardes autour de lui, quelques Artilleurs qui s’occupent d’une batterie de canons et plusieurs Prêtres un peu trop zélés qui posent problème. Sérieusement… quand tu as des Prêtres dans ton camp, tu devrais savoir que tu es le méchant, Emy aurait pu faire un effort…
En parlant d’elle, j’ai l’impression qu’elle a décidé de changer de tactique. Elle n’est plus en train de hurler au-dessus du camp pour essayer de me faire réagir. À la place, Emy essaye d’organiser les troupes en ayant l’air frustré de ne pas pouvoir m’affronter. Malgré ses ordres concernant les rats dont elle ordonne de se débarrasser, les informations ont encore du mal à circuler dans la bulle et la plupart ne prennent pas au sérieux ses ordres. Pour les rares grimpeurs qui lui obéissent et chassent des rats, c’est assez facile de les semer ou de les faire tomber dans une embuscade en les perdant dans les allées entre les tentes.

Micha, cache les oiseaux. Évitons un accident alors qu’il reste des Mages ou des Archers.
{Méga pas drôle ! Je peux revenir ?}
Bien sûr. J’ai besoin de toi.

Je peux sentir à travers le lien Micha qui explose presque de joie en m’entendant. De son côté, Juliette décide de dormir puisque je ne vais rien faire de palpitant. Encore une fois, je me retrouve dans le rôle de chasseur. Cette fois-ci, je me déguise, mais chasser les soldats un par un va être laborieux. J’ai déjà épuisé une bonne partie du matériel que j’ai confié à des animaux. Il reste encore quelques potions de brume et mes réserves personnelles, mais à partir de maintenant je vais éviter de trop me faire remarquer. Si je finis par affronter Emy, il vaut mieux que je mette du matériel de côté. Plusieurs groupes dans le camp se sont mis à créer des barrières pour se protéger du chaos et d’un adversaire dont ils ne savent rien et je compte bien m’infiltrer pour éradiquer les groupes rapidement.
… Maintenant que j’y pense… est-ce que ça ne viole pas les termes de la convention de Genève de me déguiser pour me battre ? Mince.
Hm. Mes souvenirs des cours d’histoire ne sont pas très bons. Si avant d’attaquer, je dis « Mon nom est Nomad et c’est de ma faute si le camp est dans cet état, préparez-vous à mourir ! »… je crois que ça suffira. Je pourrai même ponctuer par un petit rire démoniaque pour faciliter la compréhension.

Il me faudra peut-être trouver une copie de la convention au pied de la tour. Ça m’évitera de faire des bêtises la prochaine fois que je participerai à une guerre.

*

« Je veux des résultats. »

Emy frappe la table du poing en se mordant les lèvres. Autour d’elle, il ne reste que quelques sous-officiers avec lesquelles elle n’a habituellement pas besoin d’interagir directement qui organisent une forme de commandement. Puisque Nomad a décidé de ne pas faire semblant avec son attaque et qu’elle l’a cherché dans la brume pendant un moment sans se préoccuper du chaos, elle se retrouve dans une situation délicate. Entre les blessés, les fous et les incendies, elle a bien trop à faire.

Les gens autour de la table ont du mal à gérer ce désordre et n’ont pas l’habitude de le faire. Ils ont l’habitude d’assiéger des villes, pas de se faire assiéger. On pourrait croire que certains prendraient des initiatives pour résoudre un problème ou un autre, mais c’est bien trop demander à des grimpeurs qui respectent normalement la chaîne de commandement sans se poser de question. Certains ne savaient même pas qu’ils étaient enfermés dans le bouclier du château et évitons de parler des quelques grimpeurs autour d’elle qui pense encore que la brume est naturelle et que c’est « pas de chance ».
Le plus difficile reste de leur faire comprendre que ce sont des animaux et un seul grimpeur qui sont responsables. Même pour Emy, cela paraît ridicule que Nomad puisse tout seul créer autant de problèmes, mais ça confirme bien qu’il est le Dresseur des histoires qu’elle a entendues. Ça ne pouvait pas être pire comme situation, mais ce qui l’enrage le plus reste son défi de l’arrêter avant qu’il n’en finisse avec le camp. En quelques mois, il est devenu prétentieux. Le souci c’est qu’il a décidé que ce serait un combat entre lui et sa capacité de commander. Elle aimerait vraiment n’avoir qu’à se battre.

— Équinoxe et Solstice ?
— Pas de nouvelles. Personne ne les a vus depuis deux heures. Les dégâts sur la tour de guet semblent indiquer qu’ils ont perdu.
— Oubliez les recherches dans ce cas. Laissez les incendies aux Mages et aux Druides qui sont capables de les arrêter.
— Bien.
— Organisez des patrouilles. Une personne qui n’est pas identifiée doit être vue comme une menace. Sonnez l’alarme dès que quelqu’un l’a vu. L’ennemi est une seule Anomalie. Un Dresseur-Assassin. Tous les animaux sont un danger et doivent être tués à vue. Par contre, il est inutile de les poursuivre bêtement.
— C’est… Très bien.
— Nous sommes coincés dans la barrière, concentrez-vous sur la menace actuelle et pas sur ce qu’il se passe dehors. Ce camp est un champ de bataille et nous sommes en train de perdre. Restez en formations serrées, personne ne reste seul ou dans un groupe de moins de dix personnes. Bougez-vous le cul.

Emy commence à briser le bord de la table en agrippant le bois trop fort. Une bataille dans laquelle elle ne peut pas se battre. Nomad a vraiment le don de l’énerver.

Les grimpeurs autour d’elle commencent à transmettre des ordres en dehors de la tente, mais le camp est vaste. Il faudra du temps avant d’organiser une réelle défense.

Alors qu’elle réfléchit et résout des problèmes au fur et à mesure, elle se rend compte que la situation est encore pire que prévue. Des armureries sont en feu, les sources d’eaux propres sont contaminées, les réserves de potions détruites et l’infirmerie est inondée par les blessés. Avec autant de grimpeurs de classes différentes sous ses ordres, il y a des solutions à tous les problèmes, mais cela prend trop de temps. Chaque minute, la situation s’aggrave et les « accidents » causés par des animaux sont de plus en plus nombreux.

Elle ne perdra pas son armée sans rien faire simplement parce que Nomad est un ami. Il lui a lancé un défi et elle compte bien gagner. Emy a vaguement la sensation d’être un lion qui commande une armée de moutons dans cette situation. Un loup chasse dans sa bergerie et elle doit s’en débarrasser.

*

Alors que la fumée dans la bulle continue de cacher la lumière du soleil au-dessus de sa tête, Typhon le Dresseur-Assassin marche sereinement dans le camp. Ses yeux et ses oreilles sont impossibles à dénombrer. Il entend et voit tout. Aucun secret, aucun ordre et aucun piège ne lui échappe. Ce pouvoir est grisant quand personne n’est capable de le contrecarrer. Ce n’est pas la vraie force de la meute qu’il utilise et il en a conscience, mais il rejette ses pensées superflues pour se concentrer sur sa fonction de donneur de mort. Il passe d’une cible à une autre alors qu’un nuage de condensation s’échappe d’entre ses lèvres à cause du froid. Ses mains sont couvertes du sang des autres alors que les quelques blessures qu’il a subies ne sont que des inconvénients faciles à ignorer comparées à des blessures passées.

Il doit faire mieux et plus vite. Il doit devenir inarrêtable. Éliminer rapidement chaque ennemi jusqu’à ce qu’il ne reste plus que lui dans ce camp. Ses yeux brillent d’un rouge anormal alors qu’il se réduit seul au statut d’une arme braquée sur tous les grimpeurs qu’il voit. Dans les milliers de reflets, d’odeurs et de sons, Typhon se noie. Un pas après l’autre, sa marche devient une course, puis sa course devient une charge. Derrière lui, il sème au sol les corps et l’odeur métallique du sang pendant plusieurs heures.

En dehors d’une Oracle qui continue d’observer avec admiration la bataille de cet homme qui continue de lui parler depuis le futur, il y a un autre regard qui se pose sur lui. En avalant la douce corruption dont il lui fait offrande, une déesse aux longs cheveux blancs voit ses actions à travers les yeux écarlates du jeune grimpeur. À ses yeux, il est encore immature et faible, un simple insecte qui comprend à peine sa capacité à donner la mort. Ils sont des centaines d’Assassins à se battre et à lui faire des offrandes bien meilleures que les siennes à travers les mondes, pourtant elle s’est surprise à l’observer pendant ses combats. Ce Dresseur insignifiant n’a pourtant que peu d’intérêt pour elle. Une dualité dans sa fonction représente tout ce qui l’intéressait quand il a passé la porte de l’aile des Assassins. L’instinct contre la fonction, l’inné contre l’acquis, l’émotion contre la raison, l’empathie contre l’indifférence. Combien de contradictions destructrices affronte-t-il ?

Sur son trône de gravats, la déesse mangeuse de corruption souhaite sa mort par colère, alors qu’elle a besoin de sa protection. Elle semble donc avoir été contaminée par sa maladie des contradictions. Malgré les paroles d’une gardienne, elle n’a pas encore décidé d’agir. Son orgueil doit encore affronter sa logique.
L’heure approche. Chaque particule de corruption supplémentaire qu’il lui offre est un rappel qu’elle ne peut rester neutre. Chaque corps qui frappe le sol en perdant la vie est, depuis l’Atlas, un rappel de ses propres faiblesses.
Elle aussi est une arme létale, mais elle refuse de se soumettre à Balad, un des cinq, ou à Nomad le champion des Dresseurs qui n’est qu’un enfant à ses yeux.

L’heure approche de prendre une décision. Avant qu’il ne soit trop tard, elle doit agir, mais elle n’est pas pressée alors qu’elle l’observe. En tant que déesse, un de ses privilèges est de pouvoir procrastiner autant qu’elle le souhaite. Elle aimerait le contacter maintenant et lui faire frire la cervelle en quelques instants, mais cela attendra.

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Correction : Hastin

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