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Chapitre 381 : Le maître des lieux

En sortant du sol qui vient de se transformer en sable apparaît Romaro. Son visage semble déformé par la colère et je peux même voir de la salive qui coule le long de son menton. Ses yeux sont injectés de sang et je peux apercevoir un peu de sang qui coule de son nez.

Rapidement, je peux voir que les trois vieux mineurs sont encore trop proches pour que je puisse m’enfuir d’ici. Pas avec un monstre enragé comme lui à proximité. Ce serait trop dangereux pour eux.

Il semble finalement m’avoir vu et, même si je ne l’ai jamais rencontré, je suis pratiquement sûr qu’il sait que je suis le faux messager… ou alors il en veut à tous ceux qui ressemblent à des ennemis pour la destruction du camp et la disparition d’Emy.
Dans les deux cas, je suis sa cible.

Je lui fais un vague bonjour de la main en m’attendant au pire. D’un geste de la main de Romaro, un pilier de pierre jaillit du mur le plus proche en me ciblant.
J’esquive tant bien que mal son attaque qui aurait pu en finir avec moi en me contorsionnant en un éclair.

Je me redresse en redoutant le pire pour la suite. Autant jouer la carte du méchant à fond. L’énerver pourrait le fatiguer plus rapidement. Jouer sur son endurance est ma meilleure chance de gagner.

Bien entendu, ce n’est pas une bonne idée. Je n’ai pas besoin d’un renard pour le savoir. Même Micha et Juliette le savent. La première sait que je fais une bêtise, la deuxième pense que j’exagère un peu. Pourtant ça ne m’empêche pas de le faire.

Il y a des choses qui malheureusement ne changent pas. Pouvoir énerver les gens juste parce que cela m’amuse… disons que j’apprécie beaucoup de le faire. Une sorte de pied de nez aux gens qui veulent ma mort en général. Je m’éclaircis la gorge avant de toiser Romaro à une vingtaine de mètres de moi.

« Romaro c’est ça ? J’ai croisé pas mal de tes amis dans le camp que j’ai détruit. Équinoxe, Solstice, Satin… J’ai même eu une conversation intéressante avec Emy pour finir. Tu m’excuseras de ne pas avoir retenu le nom des autres dont je me suis occupé. En tout cas, je n’ai pas le temps de me battre contre toi, même si tu es sans doute pressé de rejoindre tes amis. Je te conseille de retourner à tes châteaux de sable et de me laisser tranquille. J’ai mieux à faire que de m’occuper d’un bricoleur du dimanche. »

Pour finir, je lui tire la langue et je me retourne pour partir. Voilà. J’ai fait ma bêtise. Maintenant, il est temps de le regretter.

…
…
Je ne pensais pas que j’allais le regretter aussi vite.

Micha, perchée dans mon cou, ne perd pas une miette de la réaction de Romaro et je grimace en pensant à la suite.

Romaro, qui a « étrangement » décidé que j’étais la personne à abattre, est en train de faire quelque chose que je vais avoir du mal à décrire. Autour de lui, le couloir semble s’être découpé tout seul en anneaux rectangulaires qui commencent à tourner sur eux-mêmes. Bien entendu les anneaux continuent de s’agrandir et de se rétracter alors que Romaro en fabrique toujours plus en s’approchant de moi.

Je ne sais même pas si c’est une attaque à vrai dire. En attendant, l’escalier que je suis en train de monter ne semble plus avoir de fin. Il n’y avait qu’une dizaine de marches à l’origine, mais maintenant, j’en suis à la cinquantième et je n’ai pas l’impression d’avoir avancé d’un mètre. J’ai l’impression qu’il me fait le coup de l’escalator qui va dans le sens inverse.

Enfin. S’il n’y avait que ça.

L’escalier en lui-même semble être en train de se désassembler. Les murs de chaque côté et le plafond s’éloignent de moi. Même les marches deviennent plus longues et plus grandes. Mon sens de la perspective commence à en prendre un coup.

Je décide de m’arrêter en soupirant assez fort pour qu’il puisse l’entendre.

Je ne compte pas rester avec un Architecte fou de rage et avoir une discussion. Surtout s’il décide de jouer avec les lois de la nature. La pierre n’est pas censée bouger d’une telle façon. C’est pareil pour les murs qui en sont faits ! À travers les yeux de Micha, je peux voir les murs s’avaler eux-mêmes pour faire plus de place, comme s’il était en train de préparer le terrain. Et non, il n’est pas en train d’en modifier la densité ou de transformer tout ça en sable. La pierre semble liquide et solide en même temps. On dirait du caoutchouc.
Pas un seul débris n’apparaît alors que Romaro continue d’accentuer l’effet.

Micha, arrête de regarder ça, tu vas te faire mal à la tête.
{O-oui ! Enfin d’accord ! Pas regarder !}

Le spectacle tourne de plus en plus à l’horreur et à l’hypnotique. Je me remets à monter les marches en grimaçant.

« Reste là ! »

Je continue d’avancer en l’ignorant. Les marches font maintenant un mètre de hauteur chacune. Cela ressemble plus à de l’escalade à présent. Sa première attaque est de simplement faire sortir un pilier d’une des marches qui fonce en direction de mon menton. Je l’esquive d’un mouvement de tête. En soupirant à nouveau, je jette un fumigène au sol. Je prends ensuite mon arbalète pour tirer un carreau dans sa direction avant de me mettre à escalader les marches à toute vitesse. Même avec la fumée, les yeux de Micha sont suffisants pour me guider.

Je peux entendre un hurlement derrière moi. Il semble avoir été surpris par le carreau d’arbalète. Pendant les quelques secondes de répit, je finis par arriver en haut des escaliers et décide de foncer à travers le premier tunnel de pierre. Je pose quelques pièges à aiguilles au sol en les prenant à ma ceinture. Mes mines à aiguilles compactes sont largement suffisantes pour cette situation. Il a beau donner l’impression d’avoir la force d’un dieu, je sais très bien qu’il a des limites. Espérons juste qu’elles ne soient pas difficiles à atteindre.

Je peux l’entendre s’approcher en jurant alors que je m’éloigne de sa zone de contrôle. Devant moi, le sol s’ouvre alors en grand et une sorte de plateforme de pierre servant d’ascenseur fait monter un groupe d’une dizaine de grimpeurs à mon niveau.

Je m’arrête, surpris par cette arrivée soudaine de renfort. Eux me reconnaissent pratiquement tout de suite comme une menace et pointent des armes vers moi. Dans mon dos, Romaro est en haut des escaliers et je le vois agiter ses mains. Il leur ordonne de me tuer alors qu’il commence à faire tourner le tunnel sur lui-même. Les grimpeurs ont l’air surpris alors que je trouve cela plutôt amusant. J’ai presque l’impression d’être dans une roue de hamster rectangulaire et, bien sûr, c’est un désavantage pour eux plus que pour moi.
En haut des escaliers, Romaro n’est qu’à quelques pas de mes pièges, mais je vais devoir attendre qu’il marche dessus pour me débarrasser de lui. Le poison du carreau d’arbalète ne risque pas de le laisser indifférent, mais j’ai peur que cela prenne trop de temps.

J’esquive trois flèches tirées sur moi par un Archer alors que deux lanciers avec des boucliers se prenant pour des spartiates me font face. Ils font des pas de côté pour ne pas finir par tomber et je trouve ça très amusant. Un Dueliste armé de deux sabres se jette sur moi et je l’ignore d’un coup de pied dans le ventre qui le projette par terre. Il perd suffisamment de temps à se relever pour commencer à dégringoler du plafond sous ses pieds qui devient maintenant un mur. Une hache me passe à côté du visage en ricochant et fait demi-tour pour retourner dans la main de son lanceur.
Le groupe entier fait difficilement la transition de sol à mur à cause de la rotation et j’en profite pour tirer un carreau d’arbalète sur un magicien qui a du mal à se concentrer sur ce qu’il fait tout en marchant sur le côté. Le carreau s’enfonce dans son épaule alors qu’il hurle de douleur. C’est même suffisant pour qu’il trébuche et tombe par terre.

« Aaaaaah ! »

Derrière moi, Romaro a fini par marcher sur un piège et il se retrouve couvert d’aiguilles empoisonnées.

… J’ai l’impression de les ridiculiser maintenant… ça me fait rire que des vétérans assez costauds puissent finir dans un tel état de désorganisation.

Je décide de les oublier. En esquivant la lance la plus proche, je me sers d’une nouvelle transition pour me jeter en avant sur eux. Dans la confusion, ils sont trois à se casser la figure pendant que j’en pousse d’autres. J’esquive une attaque au poignard venant d’un Voleur que je pousse à son tour pour le faire trébucher sur un autre adversaire. Ils s’effondrent lamentablement en rejoignant ceux qui me donnent l’impression d’être des vêtements dans une machine à laver qui doivent sans cesse tomber en suivant la gravité. Le Guerrier à la hache essaye de m’attaquer et je me contente de l’attraper par les cheveux pour faire une nouvelle transition en sautant par-dessus lui.

Assez facilement, il ne reste plus grand monde dans le groupe qui soit encore debout et ils sont tous à tomber en boucle les uns sur les autres en gémissant et en hurlant. De temps en temps, je remets un coup de pied pour empêcher l’un d’eux de se relever. Je n’ai qu’à marcher sur les autres pour finir de m’en débarrasser. Pour la forme, je m’excuse à chaque fois, mais j’ai du mal à m’empêcher de rire.

« Hey, Romaro, c’est marrant ton truc ! Tu en as d’autres comme ça ? Hey ! Réponds au moins ! »

Hrm. À travers les yeux de Micha, je peux voir qu’il est encore conscient, mais qu’il commence à convulser. C’est décevant. Je voyais Romaro comme une sorte de boss secret super difficile à battre dans un tel environnement. Surtout d’après les rapports que j’ai entendus sur lui comme quoi il était capable de changer le cours d’une bataille tout seul. Eh bien maintenant, je le vois comme quelqu’un qui n’a vraiment pas de chance. Je me sens soulagé et surtout déçu par la situation.
Il a un carreau d’arbalète dans le ventre et il essaye de retirer les aiguilles sur son visage par réflexe. Cela ne change pas qu’il a perdu. Il n’a plus rien d’une menace. En soupirant, je laisse le groupe dans la machine à laver pour le rejoindre. Il commence à m’insulter alors que son corps tremble et qu’il tombe sur le côté.

« Détends-toi, va. Je sais que c’est frustrant, mais dis-toi que tu es probablement le dernier survivant de l’armée. Enfin, il ne reste plus personne d’important sur ma liste de cibles. Emy et les autres t’attendent probablement au pied de la tour. Ils vont bien. »

Le ton de ma voix est suffisamment compatissant pour qu’il arrête de m’insulter. Je lui tends une fiole de somnifère ainsi qu’une clé. Je lui explique rapidement le contenu de la fiole et que le poison risque de le tuer. Je tire en même temps à l’arbalète sur un des rares grimpeurs qui a suffisamment réussi à se lever pour marcher dans ma direction et attirer mon attention.

« Par contre, tu dois vraiment apprendre à te ménager. Je m’attendais vraiment à ce que tu sois une sorte de boss secret et que je n’allais avoir aucune chance contre toi. »

Je me redresse en ignorant les quelques balbutiements de sa part que je n’essaye même pas de comprendre. Je dois trouver Thif. Évitons de perdre plus de temps.

… Par contre… on parle du manque de chance de Romaro ? Je croyais être malchanceux, mais ce type est pire que moi. Creuser un tunnel pendant plusieurs semaines pour se retrouver battu aussi facilement… Entre le carreau tiré au hasard dans la fumée et le piège à aiguilles, il n’a rien pu faire. Je m’attendais clairement à plus de sa part, mais ça me soulage que cela n’ait pas fini en un éternel combat difficile et obligatoire. J’ai eu ma dose avec le camp pour aujourd’hui. Normalement, le plus difficile est derrière moi.
Ou alors c’est l’inverse. Est-ce que j’ai de la chance aujourd’hui ? J’ai quand même réussi à battre Emy. Est-ce que mon bon karma va me permettre de garder mes bras et mes jambes attachés à mon corps à partir de maintenant ?

J’aimerais vraiment, mais c’est improbable. S’il y avait un mode facile, j’aurais déjà ma clé pour le deuxième monde.

… Bon, il est où Thif ?

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Correction : Hastin

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