Hyrkil l’elfe obèse chapitre 5

Chapitre 5 : Temples

          Hyrkil le ventru plaçait la barre très haut, avec sa fanfaronnade sur l’anneau de fraternité. En effet un dragon très puissant gardait l’anneau, qui constituait un symbole très important pour les hobbits, d’après eux, il s’agissait d’un présent du dieu Ramuh en personne. Le bijou possédait la propriété de rendre amical, calme et poli son porteur, et toute personne située à dix mètres de lui. Il permit de réaliser plusieurs traités de paix, et de mettre fin à de nombreuses guerres. Le cadeau de la divinité servit à unir les hobbits à diverses reprises, poussa des personnes influentes qui se détestaient, à se montrer raisonnables.               

          Par conséquent les hobbits considéraient comme ayant une immense valeur l’anneau, ils estimaient qu’il s’agissait d’un objet essentiel pour la prospérité de leurs royaumes. Problème depuis un an, un dragon nommé Korvir s’empara du bijou, il usa de duperie pour se l’approprier sans violence. Les hobbits tentèrent par la force, la ruse, et la négociation de remettre la main sur l’anneau, mais tous leurs actes furent vains. Korvir demeurait inflexible, malgré les offres très attrayantes proposées. Des archimages elfes, des nains munis d’armes surnaturelles, des humains courageux, bref des milliers d’aventuriers essayèrent de s’approprier le bijou, mais tout ce qu’ils gagnèrent, ce fut de se retrouver en cendres, à cause du souffle enflammé ou des sorts incendiaires du dragon.

          Korvir chérissait l’anneau, il le voyait comme un porte-bonheur inestimable, grâce auquel il put trouver l’amour de sa vie. Malgré les dénégations de sa bien-aimée, qui affirmait que c’était le caractère du dragon qui rendit possible une idylle, Korvir pensait sincèrement que sans le bijou, il aurait été dans l’impossibilité de passer de célibataire à membre d’un couple. Ainsi le dragon se sentait incapable sans un motif terrible de se séparer de l’anneau. 

          Korvir souffrait d’un complexe d’infériorité vis-à-vis de ses semblables de sexe féminin. Il croyait qu’il était dans l’incapacité de plaire sans un outil puissant surnaturel. Or l’anneau était paré de mille vertus par la rumeur, il aurait la propriété de conférer une chance incroyable, d’aider à donner les bons mots pour transformer une situation délicate en franche réussite. Néanmoins entre la réalité et la rumeur, il y avait souvent un fort décalage, le bijou s’avérait magique, mais il ne rendait pas éloquent ou chanceux. Il facilitait les négociations, dans le sens qu’il permettait de faire disparaître la colère ou le ressentiment. Cependant l’anneau ne soufflait pas de mot, et n’engendrait pas par magie des événements heureux pour son propriétaire. Mais la légende du bijou avait la vie dure, des millions de personnes estimaient que l’anneau constituait un des plus puissants porte-bonheur du monde.

              Résultat Korvir s’entourait d’un luxe de précautions pour défendre l’anneau. Ainsi il devint un des plus grands piégeurs de son époque, et il mit au point des traquenards surnaturels terriblement retors, pour préserver le bijou de la convoitise. Ainsi son antre contenait environ dix mille cinq cents pièges. Un sortilège empêchait les traquenards d’être dangereux pour le dragon et ses proches, de plus tenter de détruire un piège ne servait pas à grand-chose. En effet la magie leur permettait de se réassembler presque instantanément. Ceux qui tentèrent grâce à de l’adresse et des réflexes de neutraliser des dispositifs de Korvir, ou du moins de récolter des renseignements sur ses ruses ne survécurent pas très longtemps ou, n’apportèrent pas d’informations très utiles. Le dragon passait une grande partie de son temps à changer la disposition de ses traquenards pour prendre ses adversaires au dépourvu. En outre son domicile était un immense complexe souterrain, dont les chemins se modifiaient avec le temps. Des enchantements altéraient toutes les semaines, l’agencement des pièces de la demeure principale de Korvir.

          Pendant qu’Hyrkil le ventru et ses compagnons se rapprochaient de l’habitation du dragon, Zoc le général hobbit décida de les attaquer. Il passa à l’action dans une forêt contenant de nombreux chênes vieux de plusieurs siècles. Lui et ses sbires hobbits usaient d’arbalètes et se dissimulèrent grâce au couvert des arbres. Zoc avait l’esprit malmené par l’aura de magie noire très intense du ventru, il souffrait d’une vulnérabilité majeure à la sorcellerie. Le simple fait de se trouver à proximité d’un mage sombre puissant quelques minutes suffisait à décupler sa bêtise pendant une semaine.

Zoc : Hyrkil je vous laisse le choix,  laissez vous tuer, et j’épargnerai vos camarades.

Hyrkil : Cette voix, vous êtes Zoc n’est-ce pas ?

Zoc : Pas du tout, vous vous trompez de personne.

Hyrkil : C’est difficile d’oublier votre voix aigue, et surtout je vois votre tatouage de la lettre m sur votre visage.

Zoc : Ma voix n’est pas aigue, elle est moyennement grave. En outre je suis loin d’être le seul hobbit à avoir un tatouage de couleur, représentant un m.

Hyrkil : Vous avez une voix de soprano, c’est difficile de trouver une voix plus aigue que la vôtre.

Zoc : Il suffit, arrêtez de vous moquer de moi. Sinon je vous inflige des représailles impitoyables.

Hyrkil : Que pouvez-vous faire de pire que d’essayer de me tuer ?

Zoc : Euh ben je peux vous tuer lentement, au lieu d’une mort rapide, je vous ferai subir un trépas lent.

Hyrkil : Vous avez trempé vos carreaux d’arbalète dans un poison foudroyant. Peu importe où votre carreau me touche, je mourrais au bout de quelques secondes. La seule chose de plus aigue que votre voix c’est votre bêtise.

Zoc : Je suis très intelligent, par exemple il ne m’a fallu qu’une minute pour bien me familiariser, avec le fonctionnement de mon arbalète à coup multiple.

Hyrkil : Cela m’étonnerait, le cran de sûreté de votre arme est activé, vous ne risquez pas de pouvoir tuer grand monde dans ces conditions.

Zoc : Merci de l’information pauvre idiot. Tu viens de signer ton arrêt de mort. Maintenant trépasse. Mais que se passe t-il ? Mon arbalète ne fonctionne pas.

Hyrkil : Oups j’ai menti, vous avez remis en place le cran de sûreté.

Zoc : Espèce de sale, j’en ai plus qu’assez que vous vous moquez de moi. Inutile de recourir à la magie, je suis protégé par une amulette très puissante.

Hyrkil : De la gnognotte pour moi, et je le prouve.

           Il suffit au ventru de réciter une syllabe de pouvoir pour que tous ses ennemis se retrouvent enfoncés jusqu’au cou sous terre, seule leur tête dépassait. Les adversaires hobbits essayaient de se libérer en vain, mais ils étaient emprisonnés par un sol à la consistance désormais surnaturelle.

Zoc : Attention si vous touchez à un seul de mes cheveux, mes subordonnés vous traqueront sans pitié.

Hyrkil : Qui est au courant de ta volonté de m’assassiner ?

Zoc : J’ai été discret, à part vous et vos esclaves personne n’est au courant de mon projet de meurtre.

Hyrkil : Dans ce cas, comment veux-tu être vengé ?

Zoc : Euh, ben, je ne sais pas.

Hyrkil : Ton numéro qui consiste à jouer les imbéciles pour provoquer ma pitié, est très au point.

Zoc : Je ne suis pas une personne stupide, je suis devenu un général grâce à mes compétences.

Hyrkil : Je dirais plutôt à cause de l’influence de ta famille, celle-ci est réputée pour s’acheter des places et des postes prestigieux en utilisant son immense fortune.

Zoc : C’est de la calomnie, je vous ferai regretter de m’insulter moi et mes proches.

           Hyrkil libéra de son sort Zoc pour lui donner une chance de justifier ses propos.

Hyrkil : Oh j’ai peur, un hobbit désarmé va essayer de m’attaquer.

Zoc : Erreur, il me reste un couteau. Ah non je n’ai qu’un manche de couteau, j’ai cassé la lame aujourd’hui.

Hyrkil : Tu es tellement pitoyable, que j’ai presque envie de t’épargner.

Frêneleau : Je pense que laisser en vie Zoc serait une bonne idée maître. Vous aurez un immense plaisir à obliger ce général de pacotille, à se montrer repentant à votre égard.

Hyrkil : Ce n’est pas faux, mais il demeure un ennemi acharné, je n’ai pas envie qu’il essaie de me tuer.

Frêneleau : Les personnages de votre envergure sont naturellement entourés d’adversaires. Il est utile d’épargner les ridicules, afin d’éviter que de plus redoutables les remplacent.

Hyrkil : Ce sont de sages conseils, très bien Zoc, tu peux t’estimer chanceux, tu resteras vivant. Néanmoins tu vas me signer des aveux, stipulant que tu as essayé de me tuer.

Alaman : Zoc qui avait fait vœu de vous mettre à mort maître, avec ses aveux, risque de provoquer son désaveu.

Zoc : Si je promets sur le dieu Ramuh de ne plus attenter à vos jours, est-il envisageable que vous me restituez ma confession ?

Hyrkil : Mais bien sûr, tu peux toujours rêver. Je vais me séparer de mon plein gré d’un écrit, me protégeant de toi qui est fourbe, sadique et influent, juste pour te faire plaisir.

          Le général hobbit Zoc se sentait humilié, mais surtout menacé, il craignait de perdre sa situation sociale avantageuse, voire de se retrouver en prison. De plus il sentait qu’Hyrkil était du genre à prendre un malin plaisir à jouer avec lui. En effet il pouvait montrer un certain sens moral, toutefois il adorait semer l’angoisse et le désarroi dans l’esprit de ses adversaires. Même s’il se montrait beaucoup plus mesuré dans le sadisme, et la distribution de tourments que beaucoup de ses semblables. Il n’empêchait qu’Hyrkil éprouvait beaucoup de joie, à manipuler un ennemi, à l’obliger à exécuter ses quatre volontés, à miner son moral, à remplir son cœur d’effroi. Le ventru torturait peu par des moyens physiques, ses qualifications en tant que bourreau s’avéraient modérées. Toutefois il maîtrisait avec brio les sorts de tourment. Il était capable de transformer grâce à la magie le plus joyeux des hommes, en un individu profondément dépressif, qui ne pensait qu’à se lamenter. Hyrkil ne put résister à la tentation, il jeta un enchantement d’anxiété sur Zoc, afin de se venger, et par plaisir d’infliger de la souffrance. Il trouvait qu’il se laissait un peu aller, qu’il se montrait un peu trop gentil ses derniers temps, alors il décida de persécuter le général. Ce geste ne fut pas sans conséquences, le profond désespoir du hobbit, le poussa à douter plus fortement du dieu Ramuh, et à se tourner vers les divinités de la destruction. Zoc avait l’intention en premier lieu, de nouer quelques contacts, puis de les dénoncer, mais il changea d’avis, il résolut de devenir un membre à part entière d’une secte religieuse interdite.

          À mesure qu’Hyrkil et ses camarades se rapprochaient de l’endroit où dormait Korvir le dragon, ils virent une profusion d’oratoires religieux, mais ceux-ci ne rendaient pas honneur à Ramuh le  dieu traditionnel des hobbits, mais aux dragons. En effet Korvir contraignait ceux placés sous sa « protection », à consacrer des efforts dans l’adoration de ses ancêtres. Ses prétentions ne se limitaient pas à la présence d’autels, il ordonna la construction de plusieurs temples rendant hommage à ses congénères. Quand il était de bonne humeur il  considérait comme suffisantes les offrandes en pierres précieuses, et en or. Mais quand il ressentait de la colère ou de la contrariété, il réclamait que des hobbits de préférence de sang noble soient offerts en sacrifice.

           Korvir ne s’avéra pas toujours agressif, il se montra même très amical et serviable avec des hobbits. Néanmoins depuis le jour où sa bien-aimée fut empoisonnée par des tueurs engagés par des notables hobbits, il se montrait de plus en plus colérique. Son amoureuse survécut, mais elle sombra dans un profond coma, son organisme purgeait lentement le poison, mais il faudrait encore des années, avant un rétablissement complet. Korvir avait pour projet actuel un immense temple destiné à servir de lieu de vénération pour sa bien-aimée, et son fils encore dans l’œuf. Les travaux avançaient vite, il fallait dire que Korvir savait faire preuve de persuasion pour motiver les travailleurs. Il brûla quelques villages afin d’inciter les ouvriers à forcer la cadence. Le dragon malgré sa tyrannie et sa cruauté, possédait un nombre croissant de fidèles, sa capacité à mettre en déroute des champions de la divinité Ramuh, impressionna de nombreux hobbits.

            Hyrkil le ventru décida d’exposer ses plans à Alaman l’ogre et à Frêneleau l’elfe des bois. Tous trois débattirent dans un petit village apparemment désert. Il y avait encore une vingtaine de maisons en bon état, mais aussi une bonne trentaine de demeures défigurées par ce qui ressemblait au feu d’un dragon. Les habitants du coin choisirent probablement de fuir la colère de Korvir.

Hyrkil : Vous allez jouer un rôle essentiel dans mon stratagème, mais comme il est très risqué, je vous laisse le choix. Ne vous en faites pas si vous refusez, j’annulerai l’enchantement qui vous empêche de vous débarrasser de vos colliers de servitude.

Alaman : C’est très gentil maître, néanmoins un marché est un marché. Je me sentirai déshonoré, si je ne remplissais pas ma part du contrat.

Frêneleau : De toute façon même sans collier de servitude, nous serions aisément repérables, nous avons aussi des tatouages d’esclave. Mais surtout je tiens à gagner loyalement ma liberté.

Hyrkil : Excusez-moi de ma distraction, je ferai aussi disparaître les tatouages qui indiquent votre condition sociale.

Frêneleau : Non merci, maître je suis contraint de refuser, je serai déshonoré aux yeux de mes ancêtres, si j’acceptai votre offre.

Hyrkil : Très bien Alaman tu vas prévenir le dragon Korvir, que j’ai saccagé plusieurs des oratoires et temples qu’il a fait construire, et toi Frêneleau tu prendras en otage le fils du dragon.

Frêneleau : Comment trouverais-je à temps l’endroit où se trouve la progéniture de Korvir ? La caverne où se repose le père est immense. Et surtout un dragon même bébé cela représente un gros défi pour un seul elfe.

Hyrkil : Ne t’en fais pas le descendant de Korvir est encore à l’état d’œuf, et n’éclora pas avant quelques mois. De plus ce pendentif magique t’aidera à trouver ton objectif.

Frêneleau : Si cela ne vous dérange pas maître, j’aimerai échanger mon rôle avec Alaman.

Hyrkil : Non tu es beaucoup plus silencieux qu’Alaman, et tu es doué pour mener des fouilles.

Frêneleau : C’est un plan très risqué, Korvir est un dragon agressif, la contrariété risque de le pousser à vous torturer maître.

Hyrkil : Il est aussi un papa gâteau, je suis certain qu’il se suicidera sans broncher, si cela évite de mettre en danger la vie de son fils.

Alaman : Grâce à un otage, vous espérez maître pratiquer sur un dragon un domptage, mais si votre tactique échoue, elle aboutira sur un carnage.

          Hyrkil le ventru hésita quelques secondes à détruire les temples dont Korvir ordonna la construction. Il s’agissait de splendeurs architecturales, d’un autre côté Hyrkil se dit que les autorités hobbites risquaient de démolir à sa place, une fois le dragon mort. En effet le ventru pouvait prendre un malin plaisir à tuer quelqu’un, surtout quand il s’en prenait à un ennemi. Néanmoins il n’appréciait de vandaliser ce qu’il considérait comme une œuvre d’art. Or les édifices religieux en l’honneur de dragons constituaient des bâtiments magnifiques. Korvir avait du goût, et il enseigna des techniques surnaturelles de créations artistiques à des bâtisseurs. Ainsi il permit la conception de statues, sculptures et vitraux d’une beauté grandiose. Même les plus grands détracteurs du dragon s’avéraient souvent admiratifs, de ses réalisations. Finalement Hyrkil se décida à jouer les démolisseurs, car il pensa que cela lui vaudrait des appuis supplémentaires chez certains notables hobbits.

         Le ventru rencontra une résistance farouche chez les fidèles, mais ses immenses pouvoirs magiques le préservèrent de la vindicte populaire. Quelques boules de feu ou éclairs magiques  ayant chacun la capacité de réduire en cendre un bâtiment imposant, c’était dissuasif. Quelques gens poussèrent des hourras, mais dans l’ensemble la réaction du peuple consista en de la consternation et de la haine. Hyrkil dut recourir à des sorts pour immobiliser beaucoup d’individus. Il aurait pu économiser ses forces en tuant pour l’exemple à coup de sort, mais il tenait à ménager les hobbits. Donc il se borna à immobiliser des foules avec sa magie, tout en détruisant des édifices religieux avec des pouvoirs spectaculaires.

                Il démontra une puissance surnaturelle très impressionnante, alors on renonça à s’attaquer à lui. Cependant le ventru vit des manifestations de folie plutôt inquiétantes, des hobbits qui essayaient de se suicider en se jetant du haut de bâtiment, des lamentations déchirantes qui débouchaient sur de l’hystérie. Korvir inspirait de la terreur, mais il jouissait aussi d’un profond respect. Beaucoup de personnes voyaient le dragon comme un être supérieur, ils pensaient que ce qui arrivait de bien ou de mal dans leur vie, découlait des humeurs du dragon. Hyrkil s’avéra ébahi, profondément étonné par la dévotion des hobbits, il les savait pieux, mais il ne put s’empêcher de trouver impressionnante leur foi. Pendant que le ventru jouait les destructeurs, l’ogre Alaman s’occupait de délivrer un message à Korvir qui somnolait il y avait peu dans sa caverne souterraine.  

Korvir : Que me veux-tu insignifiant ogre ?

Alaman : Vous avertir d’une mauvaise nouvelle monseigneur, un ventru est en train de démolir les temples en l’honneur de vos congénères.

Korvir : Quoi ? Cet affront mérite une punition terrible. Tu n’as pas intérêt à me faire déplacer pour rien, sinon je te brûlerai lentement.

Alaman : Je n’oserai pas me moquer d’un être supérieur tel que vous.

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