Dragons contre imbéciles chapitre 3
Chapitre 3 :
Xavier Cossa avait une nouvelle idée, il désirait exterminer tous les lapins du monde à coups de bombes atomiques. Il avait cependant une légère hésitation sur le modèle à employer devait-il opter pour une version destructrice de région, ou de pays. Finalement il se dit que ce serait un moyen de marquer le coup pour son cinquantième anniversaire de détruire des zones de la taille d’un pays, afin de se débarrasser d’un maximum de lapins.
Xavier avait tout prévu, il ne devrait rendre inhabitable que quatre-vingts pour cent de la planète avec sa démarche. Et même si beaucoup de gens et d’animaux périront ce sera pour rendre service à une noble cause, la lutte pour la préservation des salades du jardin de Cossa. Il était certain que devant un motif si altruiste, personne n’hésitera une seconde à se sacrifier. Xavier prévit de protéger ses salades des radiations au moyen d’une magie de très haut niveau. Par contre il ne pensa à donner à ses voisins un moyen de survivre. Il avait des propriétés plus importantes que la vie de personnes qu’il connaissait depuis des années, notamment la revanche contre les lapins qui osaient manger ses salades. D’accord ces animaux ne faisaient que chercher à se nourrir, et leurs ravages étaient relativement mineurs, vu qu’ils ne prélevaient qu’une à deux salades par mois parmi des centaines d’autres.
Toutefois Cossa ne tolérait pas que des lapins s’en prenne à sa propriété végétale. Pourtant il y avait plus néfaste pour les cultures de Xavier que les lapins, certains insectes étaient très nuisibles pour ses roses. Il n’allait pas aussi loin dans l’exagération pour s’en occuper. D’accord il ordonna à des sbires d’écraser à coup de marteau de guerre de vingt kilos les insectes. Mais il y avait une différence entre employer de gros marteaux et balancer des bombes atomiques. Les roses survécurent aussi grâce à des sorts protecteurs. Et beaucoup d’insectes continuèrent à affaiblir les fleurs.
Devant le spectacle aberrant du refus de certaines espèces à mourir, Xavier décida qu’il fallait sortir la grosse artillerie, employer les grands moyens. Or il ne connaissait rien d’aussi destructeur que la bombe atomique. Entendu la majorité de la population de la planète périra, mais il avait de quoi se racheter aux yeux de l’opinion, après tout ses salades avaient du goût même sans sauce pour les assaisonner. Xavier organisa donc un débat au sein de L’Elysium, le palais gouvernemental, sur les animaux à grandes oreilles.
Xavier : Les lapins sont le fléau du siècle, et je ne dis pas cela parce que j’ai un compte à régler avec ces animaux qui mangent souvent les salades de mon jardin.
Nathaniel : C’est un peu excessif d’user de bombes atomiques quand même.
Xavier : Je comprends que vous défendiez vos cousins aux grandes oreilles, mais je sais ce que je fais.
Nathaniel : C’est bas d’attaquer quelqu’un sur son physique, vous êtes méchant.
Xavier : Quelle remarque pertinente de niveau primaire, je vais mettre des semaines avant de m’en remettre.
Nathaniel : Vous n’êtes pas beau.
Xavier : De mieux en mieux on passe carrément au niveau de la maternelle.
Nathaniel (très fier) : Je suis un serviteur de l’état bien plus compétent que vous, je suis capable de conjuguer le verbe zinzizouiller à l’imparfait du subjonctif !
Xavier (énervé) : Ben moi je fais mieux que vous, je maîtrise zinzizouiller à tous les temps du subjonctif et du conditionnel !
Koko : Bien parlé Xavier, je vous soutiens à cent pour cent, messieurs il est temps de voter pour savoir si l’extermination totale des lapins va devenir une réalité.
Peu après le débat loufoque qui déboucha sur une victoire du oui à la bombe atomique, Nathaniel le secrétaire d’état demanda à parler dans un endroit à l’abri des oreilles indiscrètes avec Xavier Cossa. Si ces deux personnes s’opposaient parfois violemment en politique, ils étaient tout de même de bons amis. Ils parlèrent dans un petit salon composé de trois fauteuils.
Nathaniel : Est-ce que tu n’aurais pas menti Xavier ? Est-ce vraiment pour l’intérêt général que tu demandes la fin de l’existence des lapins ?
Xavier : Je t’assure que les lapins sont une source de propagation de la peste rouge.
Nathaniel : Je te connais depuis plus de quarante ans, j’ai appris à savoir quand tu fabulais, alors arrête de me mener en bateau.
Xavier : Très bien, j’avoue les lapins ne sont pas pour l’instant dangereux pour les fillirtes, mais j’agis quand même pour le bien commun, en œuvrant à l’éradication de ces créatures monstrueuses. J’ai fait un rêve prémonitoire où je voyais des lapins géants me dévorer moi et les autres membres du gouvernement.
Nathaniel : J’ai rêvé que Napoléon ressuscitait pourtant je ne crois pas qu’il va sortir de sa tombe un jour.
Xavier : Certains de mes rêves sont spéciaux, ils permettent à coup sûr de connaître l’avenir.
Nathaniel : Comme tu es un ami cher, je ne te dénoncerai pas, mais je t’implore de cesser de divaguer.
Xavier : Ton scepticisme devant mes capacités magiques me blesse, mais je suis content que tu me couvres Nathaniel.
Nathaniel : Il faut des années voire des décennies d’entraînement aux onirologues pour arriver à faire des rêves qui renseignent sur l’avenir. Tu n’as reçu aucune initiation à l’étude des rêves, et pourtant tu te vantes d’avoir une clairvoyance que n’ont pas les plus entraînés des mages qui étudient les rêves. Une telle assurance cause naturellement du scepticisme.
Xavier (vantard) : Je n’y peux rien, si dans de nombreux domaines je suis un génie.
Nathaniel : Autrement tu es sûr que ta mesure d’extermination des lapins n’est pas liée, à ton intense peur de cet animal ?
Xavier : Pas du tout.
Nathaniel : Je me souviens d’une vidéo où l’on te voit courir comme un dératé dans un bois, suite à une rencontre avec un lapin.
Xavier : Je me rappelle, j’allais vite pour éviter la pluie.
Nathaniel : D’après la vidéo un franc soleil régnait.
Xavier : Je me suis trompé, je courais vite parce que j’avais envie de faire pipi.
Nathaniel : Tu aurais pu faire pipi dans les bois.
Xavier : C’est plus hygiénique de faire pipi dans une cuvette, et puis j’aurais été embarrassé si j’avais rencontré quelqu’un.
Nathaniel : Les bois où tu courais étaient entourés d’une clôture de trois mètres de haute électrifiée, et pour y entrer légalement il faut suivre une procédure administrative durant six mois, et lire un règlement de plus de mille pages. Les chances de croiser quelqu’un dans les bois s’annonçaient faibles. De plus la vidéo a été tournée à un moment où tu n’étais pas un grand partisan de l’hygiène, où tu te lavais une fois par mois.
Xavier : Tu m’excuseras, mais je dois te laisser, j’ai une réunion importante qui m’attend.
La conversation entre Nathaniel et Xavier n’était pas passée inaperçue, Sam avait déposé discrètement un mini-micro dans la doublure du costume préféré de Xavier. Sa pêche aux conversations compromettantes se révéla fructueuse. Sam ne put résister à l’envie de s’entretenir de sa réussite avec son ami, Thomas Legroin, il discuta avec lui dans la cuisine du deux pièces de son proche.
Sam : Thomas, je tiens le sort de Xavier Cossa entre mes mains, je peux ponctionner tout son argent, le couvrir de ridicule, casser sa carrière politique, peut-être même l’obliger à se suicider.
Thomas : Pourquoi tu t’acharnes sur Cossa ? Tu as une très grosse dette à son égard, s’il n’avait pas supplié le président Koko de te gracier, tu serais resté un fugitif activement recherché par la police. Sans l’intervention du ministre des sciences, tu aurais dû te réfugier dans un pays éloigné pour avoir une chance d’éviter la prison. Je sais que la mesure proposée par Cossa est un scandale écologique, mais bon ce n’est pas une raison pour anéantir un fillirte, quand bien même il est très antipathique. À ta place je me contenterais d’exiger le retrait du projet de Cossa. Ce serait une façon de payer ta dette, de prouver que tu n’es pas un ingrat. Autrement qu’est-ce qui te motive pour faire barrage au délire de Cossa ? Sans vouloir te vexer, tu n’avais jamais été très motivé par la défense de l’environnement.
Sam : Nanabozo l’esprit lapin m’a demandé de lui venir en aide. Quelques secondes de silence se passèrent.
Thomas : Qu’est-ce qui t’a poussé à croire aux esprits ? Tu étais un athée convaincu, tu disais que ceux qui pensaient que les esprits existaient, méritaient d’être internés.
Sam : Je sais, mais avoir consommé de la saucisse à l’héroïne, j’ai eu une révélation, les esprits existent.
Thomas : Ah mais si tu rends service à des esprits, ils s’intéresseront à toi.
Sam : Et alors ?
Thomas : Les esprits peuvent se rendre invisibles et traverser les murs les plus épais. Tu ne pourras plus être certain d’être tranquille quand tu mates des images érotiques, si les esprits viennent souvent te voir.
Sam : Ah zut, je dois donc laisser tranquille Cossa.
Xavier Cossa renonça tout de même à son projet de massacre des lapins. Le ministre des sciences invoqua comme raison pour son revirement, le fait que plusieurs de ses subordonnés avaient du mal à conjuguer zinzizouiller à l’imparfait du subjonctif. Xavier resta en place, car au sein du gouvernement fillirte les membres de l’exécutif qui avaient un comportement étrange ou gaffeur étaient monnaie courante. Et puis chez les fillirtes la compétence comptait moins que le fait d’avoir beaucoup d’argent. Alors même si un ministre commettait une erreur monumentale il pouvait rester en place, si sa bourde n’était pas connue de la presse. Le ministre des sciences contrarié par son échec décida de se consacrer pleinement à la mise au point d’une arme secrète anti-dragon. Ce projet scientifique inquiétait certains dragons, notamment Irnax qui débattait à l’intérieur d’une immense clairière avec un ami de la même espèce.
Irnax : Mes visions m’informent que les fillirtes mettent au point un outil qui pourra semer le carnage dans nos rangs d’ici un an. Je crois qu’il n’est plus temps d’attendre.
Marpax : Je sais mais leur arme se limite pour l’instant à un seul prototype, et il n’est pas très fiable.
Irnax : Cela ne change pas la nature du problème, il faut entrer immédiatement en guerre contre les fillirtes.
Marpax : Pas forcément, nous pouvons nous contenter de détruire le fameux atout avant qu’il ne soit pleinement au point.
Irnax : Tu te sentirais prêt à risquer ta vie dans une expédition périlleuse ?
Marpax : Sans le moindre doute.
Irnax : Entendu, si tu réussis la guerre contre les fillirtes ne sera plus un projet immédiat.