Projet marionnettes chapitre 2

Chapitre 2 :

          John Spark le journaliste devint une cible à enlever pour Black Fang. Ce reporter était réputé pour son efficacité et son dévouement envers la Comlat Corp. Cependant il détestait le sous-directeur Rattus qu’il voyait comme une espèce de vermine, un élément très nuisible. Alors il enchaîna les attaques contre lui, il répandit par exemple la rumeur selon laquelle, ses cheveux n’étaient pas naturels, qu’il se collait une moumoute sur le haut du crâne. Ce genre de guerre de ragots presque enfantine faisait plutôt sourire. Cependant d’un autre côté Rattus n’appréciait pas que l’on se moque de lui. Même si les arguments contre lui se révélaient véridiques, ou gentillets. Alors il déclencha une procédure illégale contre Spark, et créa des fausses preuves qui incitaient à croire qu’il était un espion travaillant pour des concurrents.

         Black se doutait que les agissements du sous-directeur se révélaient sans doute fondés par une volonté de vengeance personnelle qui ne s’appuyait aucunement sur la vérité. Néanmoins il n’émit pas d’objections quand on lui confia le devoir de s’en prendre à John. Il n’avait pas de grief particulier contre le journaliste, mais il pensait surtout à ses intérêts. Or s’il se mettait à dos Rattus, il savait que cela déboucherait sur une longue guerre d’usure où il ne serait pas forcément le vainqueur. En outre désobéir à un ordre officiel de mission constituait une faute grave très difficile à pardonner par la hiérarchie. Black ne désirait pas fournir au sous-directeur un excellent prétexte pour le saquer. Il ne craignait pas spécialement Rattus, cependant il ne désirait pas commettre un impair grave qui déshonorerait ses brillants états de service. Il souhaitait que sa réputation d’agent de terrain demeure impeccable.

          Fang retrouva Alexandra dans un endroit réservé à l’apprentissage du piratage informatique. Le lieu se composait d’une vingtaine de tables, chacune avec un clavier, une souris et un ordinateur récent. Black vint deux minutes après le cours auquel participait comme élève son interlocutrice. Il attendit que la salle ne contienne plus que lui et son assistante avant de commencer à parler.

Alexandra : Je t’accompagnerai durant ta mission, le journaliste Spark est protégé par un système de sécurité dernier cri, que l’on ne peut neutraliser que si on se trouve à moins d’une vingtaine de mètres de chez lui.

Black : Combien de missions as-tu exécuté sur le terrain Banks ?

Alexandra : Cinq, mais pour l’occasion je me suis entraîné de manière intense avec le programme de réalité virtuelle.

Black : Ta dernière mission dans le monde réel en tant qu’agent de terrain date de quand ?

Alexandra : Deux ans, cependant ne t’en fais pas, je ne participerai normalement à aucun combat, mon rôle sera du soutien informatique.

Black : Mis à part ton entraînement sur un logiciel de réalité virtuelle, as-tu suivi une formation dans le monde réel au combat au corps-à-corps, ou au tir avec une arme ?

Alexandra : Oui mais le problème est que je suis moyennement aguerri.

Black : J’ai l’impression que tu utilises un terme poli pour dire que tu n’es pas très douée pour te défendre.

Alexandra : J’avoue, si je dois me battre contre une personne expérimentée mes chances de l’emporter ne sont pas optimales.

Black : C’est formidable, j’ai envie de demander à ce que quelqu’un te remplace. Je n’ai pas la patience de jouer les nounous.

Alexandra : Malheureusement tu n’as pas le choix Yuri, dans le pays il ne doit y avoir qu’environ une dizaine de personnes capables de neutraliser le système de sécurité du journaliste Spark. D’après ce que j’ai compris tu ne peux pas te passer de moi sur ce coup là.

Black (contrarié) : Très bien je cède, mais tu as intérêt à remplir correctement ta part de travail. Si la mission échoue à cause de toi, ne compte pas sur moi pour te défendre. Autrement dois-je tuer ou bien enlever Spark ?

Alexandra : Spark doit être ramené vivant, afin que nos supérieurs connaissent les sources d’informations du reporter. Le sous-directeur Rattus tient absolument à ce que le journaliste soit kidnappé. À mon avis Rattus doit craindre qu’un de ses secrets ait été découvert par Spark. Ah oui j’ai un message du laboratoire, le professeur Franken a envie de t’installer une mise à jour au niveau des yeux.

Black : Très bien je vais voir ce que veut me proposer Franken.

          Le professeur Franken avait de solides diplômes en médecine et en biologie, il fit avancer avec brio la science cybernétique. Il rendit possible de grandes prouesses en matière d’implantation de machines sur un corps humain dans un but non thérapeutique. Il ne soigna pas beaucoup de malades, mais il permit de démultiplier le potentiel guerrier de nombreux agents de la Comlat Corp.

           Par exemple il inventa l’anti-chute, un dispositif mécanique qui modifiait les os et les muscles du corps en cas de saut d’une hauteur importante. Ainsi un individu qui essayerait d’aller  vers le sol en bondissant du toit d’un immeuble de dix étages ne mourrait pas, ou ne se casserait pas les jambes, car anti-chute viendrait pour empêcher les dégâts. Et il ne s’agissait que d’une réalisation brillante parmi des dizaines d’autres.

          Autrement dit le professeur était très productif, et surtout efficace. Malheureusement par moment il écoutait son côté savant fou, il se laissait aller à de gros délires, il dota des rats de fulguro-poings. Il s’arrangea pour que des rongeurs possèdent des implants mécaniques au niveau des pattes avant, qui servaient à éjecter des poings de métal hérissés de pointes. Il pensait réussir à dresser les rats à déclencher au moment opportun leurs armes, malheureusement l’expérience tourna vite au désastre. Quelques rongeurs réussirent à obéir, mais la plupart se révéla        indisciplinée et se servait de leurs fulguro-poings à n’importe quel moment.

          Plusieurs assistants de laboratoire furent blessés gravement par les rats équipés d’armes. Et ce n’était qu’un délire parmi beaucoup d’autres. Franken avait une imagination très fertile, quand il fallait inventer des dispositifs particulièrement loufoques.

          Black vint s’asseoir près du professeur aussi calé sur une chaise, derrière un bureau. Son lieu de recherche de deux cent mètres carrés grouillait de créations mécaniques, notamment des jambes et des bras de la même taille que ceux d’un humain normal, mais constitué de métal gris, blanc ou noir.

Black : Monsieur Franken, vous vouliez me parler, que voulez améliorer au niveau de mes yeux ?

Franken : Je veux vous installer un dispositif spécial qui vous conférera la capacité d’aveugler temporairement les gens, grâce au rayon aveuglant qu’enverront vos yeux.

Black : Combien de temps seront incapables de voir mes adversaires ?

Franken : Cela dépend du temps que vous fixerez les yeux de vos ennemis avec le rayon. Si ce n’est qu’une seconde, l’aveuglement sera d’une à deux minutes. Si vous envoyez pendant trente secondes le rayon sur quelqu’un, sa cécité pourra être permanente.

Black : Le rayon sera-t-il efficace sur une personne protégée par des lunettes de soleil ?

Franken : Pas encore, mais je travaille sur une version qui aura la capacité de passer outre les verres protecteurs des lunettes de soleil modernes.

Black : Comment j’active et j’arrête le fonctionnement du rayon ?

Franken : Il faut dire pouvoir de la justice transforme moi.

Black (énervé) : Vous moquez vous de moi ?

Franken (intimidé) : Si vous êtes prêt à attendre cinq minutes, je peux vous injecter tout de suite les nanomachines qui vous permettront de pouvoir lancer un rayon aveuglant.

Black (se calme) : Allez-y, je suis impatient de pouvoir disposer d’une faculté très utile.

          Les nanomachines étaient de minuscules robots de la taille d’un microbe. Celles de la Comlat Corp avaient des fonctions très diverses et poussées. Elles pouvaient faire disparaître une cicatrice, ou couper en deux un morceau de bois. Black sentit tout de suite des transformations au niveau de son corps à cause des nanomachines. Il éprouva une vive douleur pendant quelques heures, mais il refusa de prendre un médicament combattant les souffrances physiques. En effet il désirait surmonter par ses ressources mentales, et son entraînement les effets douloureux de ses changements. En outre sa fierté l’incitait à considérer comme déshonorant l’idée de recourir à une solution médicale, pour supporter une souffrance très passagère.

           Il n’y avait aucune honte à se soigner pour supporter la douleur, toutefois Black estimait que ce genre de comportement reflétait un manque de caractère. Il jugeait comme bien plus glorieux de surmonter la souffrance en utilisant la force de l’esprit. Son amour du prestige l’incitait parfois à éprouver de véritables supplices. Par exemple il subit pendant des mois des maux de tête atroces à cause de son amélioration vision nocturne, un dispositif mécanique au niveau des yeux lui garantissant la possibilité de voir presque aussi bien dans des ténèbres presque complètes, que durant une journée ensoleillée.

           La greffe oculaire entraîna de véritables tourments, pourtant Black persista à vouloir travailler comme agent de terrain, et à ne prit pas un seul jour de congé. Il n’était pas un masochiste, une personne qui prenait du plaisir à souffrir intensément. Mais ses principes le poussaient à voir comme des mauviettes les gens qui consommaient des médicaments pour des problèmes de douleur mineure.

Black : Monsieur Franken, j’ai envie de m’exercer dès maintenant, mais je suis sceptique sur votre mot d’activation ou de désactivation de ma nouvelle capacité. Quel est le véritable mot ou phrase qui active et arrête le rayon aveuglant ?

Franken : Zob, active, et yob fait cesser de fonctionner.

Black : Je vais tout de suite parfaire ma maîtrise du rayon aveuglant avec les chats d’entraînement.

Franken : Il est inutile que vous maltraitiez des chats pour arriver à vous entraîner, vous pouvez à la place utiliser le logiciel de réalité virtuelle.

Black : La réalité virtuelle c’est bien, mais cela ne vaut pas encore l’entraînement dans le monde réel.

         Les agents de terrain de la Comlat Corp pour tester leurs armes et modifications corporelles, pouvaient utiliser des chiens et des chats élevés dans le but de servir de chair à canon. Black Fang prenait très à cœur les sessions de combat contre des animaux. Il considérait cela comme un exercice très salutaire, et excellent pour renforcer ses aptitudes de combattants. Néanmoins au début de sa carrière il éprouvait quelques petits scrupules à décimer des bêtes. Cependant quand il s’aperçut que ce type d’entraînement produisait d’excellents résultats sur le long terme, il ne ressentit pratiquement plus aucun remords. Il existait la possibilité d’affronter des robots ou d’autres machines pour parfaire ses aptitudes guerrières, mais Black considérait comme essentiel de s’exercer sur des êtres vivants. Il estimait que des adversaires possédant des émotions, voire une conscience, réagissaient différemment à des attaques armées que des appareils, y compris ceux très complexes.

         Bizarrement l’envie de Black de tuer des animaux lui valaient plus d’ennuis que ses activités de meurtrier sur des humains. En effet en tuant des hommes, il récoltait de la gloire, de l’argent et un bon statut social. Tandis qu’il faillit subir des blâmes de la part de sa hiérarchie pour son enthousiasme à décimer des chiens et des chats. Il existait un courant pro-animal au sein de la Comlat Corp qui jugeait comme particulièrement barbare de tuer des bêtes, quand des machines constituaient des défis valables pour des assassins expérimentés. Le président de la multinationale s’opposa aux amis des animaux, mais il ne parvint pas à les censurer complètement. Il se moquait déjà de la plupart des humains, vu qu’il assassinait des hommes et des femmes pour entretenir sa capacité à manier les armes, et son talent dans les arts martiaux. Néanmoins même un individu comme Comlat, n’arrivait pas à régenter complètement les mouvements d’opinions dans son entreprise.

          De leur côté Black et Alexandra essayaient d’entrer dans le domicile de Spark le journaliste. Ils virent une demeure impressionnante de trois étages, presque un manoir. L’habitation ressemblait à un lieu de résidence pour noble du dix-septième siècle avec ses colonnes, et son aspect vieillot, mais elle bénéficiait de solides systèmes de sécurité.

Black : Banks dépêches toi, nous allons attirer l’attention, si tu ne termines pas rapidement la tâche qui t’incombe.

Alexandra : J’ai presque fini, d’ici une minute tout au plus j’aurai fini de m’occuper du système de sécurité protégeant Spark. Voilà j’ai réussi.

Black : Pourquoi as-tu mis plus de temps que prévu ?

Alexandra : Spark a mis à jour son système, de plus il a considérablement renforcé les normes de sécurité de son domicile. Il doit avoir un contact haut placé, seuls les hauts cadres de multinationales, ou les personnalités d’état disposent normalement d’un système de protection aussi perfectionné.

           Soudain Alexandra perdit sa concentration, elle hésitait à poursuivre sa tâche car elle voyait ce qu’elle considérait comme une horreur se rapprocher d’elle. Elle avait une envie de meurtre, et une phase de délire. Elle s’imaginait que bientôt des centaines d’œufs écloront dans son corps si elle n’éliminait pas la menace.

Alexandra : Une araignée, sale bête je vais te, zut en tuant la bête j’ai ruiné mon travail, l’alarme silencieuse de Spark s’est déclenchée.

Black : Dans ce cas, adieu la subtilité, bonjour l’assaut frontal.

          Alexandra Banks n’aurait pas été contre une fuite précipitée, plutôt qu’une poursuite de la mission. Néanmoins elle se retint d’émettre ce genre d’opinion pour éviter de mettre en colère Black Fang, qui n’était déjà pas de bonne humeur à cause de la dernière gaffe de sa partenaire. Banks regrettait que sa haine des araignées l’ait poussée à compromettre un objectif. Toutefois elle désirait conserver sa liberté, sa loyauté pour la Comlat Corp s’annonçait relative. Elle travaillait habituellement avec efficacité, mais elle trahirait sans vergogne ses employeurs en échange de gros avantages, et de la certitude de ne pas subir de représailles. Black se mit à courir à toute vitesse, il dépassa les soixante-dix kilomètres heure, et il activa la puissance maximale de ses bras mécaniques.

          Il s’attaqua à des  murs en pierre d’une maison vieille de plus de cinquante ans, mais quand même dotée d’une bonne solidité. En effet leur propriétaire injecta des nanomachines pour renforcer la résistance de ses murs, les robots miniatures réparèrent les brèches et les fissures, et améliorèrent la qualité des matériaux. Ainsi Black dut s’y reprendre à plusieurs fois pour casser les obstacles devant lui, il dut donner dix coups de poing avant de parvenir à démolir le dernier mur l’empêchant de progresser. Toutefois il mit tout de même moins de cinq secondes pour pénétrer dans la chambre de Spark. La vitesse des coups de poing de Black s’avérait prodigieuse, il pouvait frapper vingt fois à la seconde. Malheureusement le journaliste eut le temps de prendre des contre-mesures, il dégaina un révolver. Il ne tua jamais personne, et ses mains tremblaient, mais il était prêt à beaucoup de choses pour empêcher la Comlat Corp de l’attraper.

Spark : Vous n’êtes pas très subtil de foncer comme un dératé vers moi, levez les mains en l’air, d’ici une à deux minutes la police devrait venir ici.

Black : Zob.

Spark (désemparé) : Je suis aveugle, que se passe t-il ?

          John Spark bien que souffrant de l’incapacité de voir, demeurait armé. Il tenta d’aligner Black Fang en se fiant au bruit de ses pas. Malheureusement il affrontait un ennemi particulièrement mobile, ainsi il le loupa complètement. Il vida totalement ses munitions sans parvenir à blesser ou tuer sa cible. Il se mit à chercher désespérément une solution pour vaincre. Il savait où trouver de nouvelles balles, mais il ne réussirait jamais à les atteindre à temps en étant aveugle, à moins d’avoir un adversaire vraiment crétin. Problème Black même s’il souffrait de certains défauts, se révélait plutôt intelligent. Il s’avança vers sa victime avec la ferme intention de l’assommer, maintenant qu’elle ne représentait plus une menace. John essaya d’appeler à l’aide, puis il s’aperçut de la futilité de cette action. Il se situait dans un endroit isolé, même en beuglant comme un dératé, il y avait peu de chances de déceler ses hurlements.

           Puis il se ressaisit, il entendit dire qu’il était possible de déterminer la position de quelqu’un en se concentrant, même sans le voir. Il manquait de pratique pour cette performance, et il n’avait que cette solution. Bien sûr la réalité était différente des films ou des dessins animés, la volonté ne permettait pas d’accéder à des capacités miraculeuses en situation de danger. Un aveugle avec une formation presque inexistante en arts martiaux, ne pouvait pas brusquement devenir un danger pour un assassin expérimenté comme Black. Ainsi Spark se fit neutraliser très facilement, il poussa un cri tonitruant pour tenter d’intimider son adversaire, et il donna plusieurs coups de poing, mais il n’arriva qu’à faucher le vide. Il se retrouva assommé très vite, avant de perdre connaissance il maudit la Comlat Corp. Black sourit devant le comportement désespéré de sa cible, il apprécia sa volonté de survivre, de ne pas lâcher prise devant l’adversité.

           Black reçut à la dernière minute de nouvelles consignes concernant sa proie. Il apprit par une communication secrète à distance transmise dans son oreillette, qu’il devait ajouter le vandalisme et la supercherie à ses crimes. Alors il incendia la maison de sa cible avec un cocktail molotov jeté sur un lit, puis il répandit à l’extérieur des tracts écrits en apparence par des néo-nazis afin de brouiller les pistes. Les papiers attribuaient à une organisation extrémiste la responsabilité de l’enlèvement et de la destruction de la demeure. Fang transportait Spark sur son dos, il lui fit respirer après l’avoir assommé un gaz qui devrait le maintenir dans les vapes durant plusieurs heures.

Alexandra : Que va-t-on faire ? La police doit rechercher activement Spark, nous sommes cuits.

Black : J’avais prévu un plan b, j’ai descellé discrètement une plaque d’égout la nuit dernière, on peut s’en tirer si on voyage sous terre.

Alexandra (dégoûtée) : Les égouts c’est très sale, et cela génère des maladies, on doit vraiment s’y aventurer ?

Black (en colère) : On n’a pas le choix, viens c’est un ordre !

          Alexandra Banks reconnaissait que la situation se révélait urgente, qu’il était impératif d’échapper à la police. Mais elle hésita vraiment à pénétrer dans les égouts, elle considérait cet endroit comme un lieu à éviter impérativement. Elle n’était pas une maniaque de la propreté, mais elle jugeait comme particulièrement répugnant de patauger dans une eau croupie, toxique, et nauséabonde. Elle craignait aussi de se perdre au milieu d’un labyrinthe souterrain. Elle ne disposait d’aucun plan ou expérience pour s’orienter sous terre. Donc elle risquait d’errer pendant des heures voire des jours, si elle perdait de vue Black Fang. Elle avait raison d’angoisser à la perspective se faire distancer par son partenaire. Il marchait très vite, et il ne se montrait pas très attentionné en temps ordinaire. Par conséquent s’il considérait Alexandra comme un poids mort qui risquait d’attenter à sa liberté, il y avait une probabilité réelle, qu’elle se fasse abandonner.

          Black était connu pour son inflexibilité, il liquida sans rechigner des camarades avec qui il entretenait des années de partenariat, juste parce qu’il en reçut l’ordre de la part de sa hiérarchie. Alors il n’aurait sans doute aucun scrupule à sacrifier quelqu’un comme Banks contre qui il ressentait de la colère. Black avait en effet l’intention s’il s’en tirait de pondre un rapport peu flatteur sur Alexandra, de demander à ce qu’elle soit mutée dans un emploi de bureau, et qu’elle ne travaille jamais plus sur le terrain. Banks dut batailler sévèrement pour obtenir sa chance de par son statut de femme. Son employeur la Comlat comportait du personnel féminin, mais les chefs rechignaient à embaucher des femmes pour les opérations illégales. Banks progressait lentement dans la hiérarchie.

           Elle avait beau démontrer des compétences très appréciées en piratage informatique, elle n’était qu’une agent de répression, un des échelons les plus bas dans les grades illicites de la multinationale.

          Heureusement l’échappée dans les égouts se passa relativement bien. La police ne remarqua pas la fuite  par la voie souterraine, et Alexandra ne se perdit pas en cours de route. Elle frémit quand même à cause des jeux d’ombre projetés par sa lampe torche dans les souterrains, et de la présence de gros rats. Black lui n’eut pas besoin de lumière, il comptait sur ses yeux améliorés. Après une heure d’une marche éprouvante, Alexandra savourait le fait de se retrouver à l’air libre dans un parc peu fréquenté, au milieu du gazon, des chênes et des bancs en bois.

Alexandra : Je dois te dire merci Yuri, sans ton idée brillante la mission aurait pu échouer. J’ai une dette à ton égard.

Black (énervé) : La flatterie ne te sauvera pas Banks, je vais faire un rapport de mission où je serai sans pitié à ton égard. Ta gaffe stupide a été très préjudiciable.

Alexandra : Tu ne me dénonceras pas Yuri, si tu fais ça je dévoilerai ton passé embarrassant à l’ensemble de tes collègues. Je connais plusieurs de tes secrets honteux. Par exemple le fait que ton père adoptif était un exhibitionniste qui aimait montrer son sexe à des enfants. Et c’est loin d’être la seule information préjudiciable que je connais.

Black : Comment es-tu au courant ?

Alexandra : En tant que pro de l’informatique, c’est un jeu d’enfant pour moi de consulter les fichiers personnels des agents de la Comlat Corp.

Black : Très bien je ne te descendrai pas en flèche, mais tu dois me jurer que tu n’utiliseras plus jamais contre moi les secrets de mon père.

Alexandra : Promis juré, si je mens je vais en enfer.

          Alexandra Banks regrettait son action d’espionnage, son viol de vie privée à l’égard de Black Fang. Mais elle voulait avec énergie éviter de finir comme gratte-papier, être obligée de passer l’essentiel de son temps professionnel à classer des archives, et à taper des rapports. Elle considérait avec respect les secrétaires, elle reconnaissait leur contribution à la Comlat Corp comme vitale. Mais elle adorait en même temps le frisson. Or elle jugeait comme beaucoup plus exaltante sa profession d’agent de répression. Elle éprouvait cependant un lourd remords à l’idée d’avoir mis dans une colère noire Black. Elle n’avait pas peur de lui, au contraire elle désirait se lier à lui de manière amicale. Alors elle ressentait une peine réelle d’avoir commis une action susceptible de les brouiller pour longtemps. Même si elle estimait ne pas avoir le choix, elle s’ennuierait à mourir si elle devait se cantonner à une activité de secrétaire, surtout au sien de la Comlat Corp.

          Dans cette multinationale, les femmes recevaient rarement des responsabilités. Elles devaient se contenter généralement de faire le café, taper des lettres, réceptionner des colis, et d’autres activités de second ordre. Le président de cette entreprise se moquait royalement des lois sur la parité des états. Il s’arrangeait pour que son conseil d’administration international ne comporte aucune personne de sexe féminin. Il faisait d’ailleurs pression pour que les lois sur l’égalité homme, femme soient remises en cause, ou du moins que les politiques ferment les yeux sur les cas très flagrants de discrimination féminine. Il considérait d’ailleurs avec hargne les organisations féministes. Il chargea plusieurs commandos de régler leur compte à des partisans de la parité, par le meurtre, l’enlèvement ou la diffamation. Il voyait la femme comme naturellement inférieure à l’homme.

          Alexandra était consciente que ses compétences exceptionnelles de hacker la protégeait en partie du boulot de gratte-papier. Cependant elle n’était pas certaine d’échapper à une rétrogradation si Black la dénonçait. Ce dernier avait un solide soutien dans la personne du président. Et le chef suprême de leur organisation avait tendance à écouter davantage ses émotions que son cerveau pour faire plaisir à Fang. Il lui offrait un traitement très préférentiel par rapport aux autres subordonnés.  Si Black n’était pas dans un bureau, ou régulièrement aux côtés du président, la raison était simple, il préférait allégrement un travail d’action sur le terrain. Alors Alexandra recourut à contrecoeur à la solution du chantage contre Yuri pour assurer son silence.

         Quant à Black de mauvaise humeur, il vint faire son rapport dans le bureau de Rattus.

Rattus : Avez-vous une idée de ce qui a déclenché l’alarme chez Spark le journaliste ?

Black : Je ne sais pas ce qui a donné l’éveil à Spark, peut-être qu’il a pris peur en me voyant moi et Banks. Le reporter était réputé pour ses nerfs fragiles, et pour observer les environs de chez lui avec des jumelles.

Rattus : L’incendie de la maison de Spark s’est communiqué à plusieurs habitations. Donc on trouve des échos à la télévision sur la disparition du journaliste, vous n’avez pas été très discret.

Black : Je ne suis pas responsable du vent, de plus la mission a été une réussite, Spark a été appréhendé, les preuves que contenaient sa maison ont brûlé, et les médias pensent que les responsables de la disparition du journaliste sont de l’extrême droite.

Rattus : Si vous continuez à agir de manière spectaculaire, vous nuirez un jour à la Comlat Corp, Black Fang. Monsieur Comlat le président vous apprécie, mais ce n’est pas une raison pour vous croire intouchable. Vous pouvez disposer, je vous ai assez vu.

          Rattus le sous-directeur avait pour objectif d’essayer d’en faire voir de toutes les couleurs à Black Fang, et il manquait d’indulgence. Quand il était un jeune agent de terrain, il avait un goût marqué pour le spectaculaire. Par exemple il tua des dizaines de cibles à coup de bombes très performantes. Il fit sauter des rues voire des quartiers entiers avec des explosifs. Il hérita d’ailleurs du surnom de capitaine déflagration. Il allait très loin pour causer des attentats susceptibles d’entraîner la mort de centaines de gens. À lui seul il faisait plus de massacres dans une année, que certaines organisations terroristes célèbres en une décennie. Il avait un sacré palmarès de victimes, et parfois il fauchait loin pour atteindre une cible isolée. Par exemple pour abattre un seul individu, il déclencha une bombe surpuissante qui anéantit pratiquement toute la population d’un village. Il signa certains de ses meurtres en tirant des roquettes au moyen d’un bazooka portatif. Pourtant Rattus ne montrait aucune compréhension pour les agents qui cherchaient à s’illustrer par des actions d’éclat retentissantes.

          En devenant un cadre supérieur, il développa un côté obtus et intolérant. Il sanctionnait beaucoup et pardonnait peu. Résultat il commençait à avoir une liste impressionnante d’ennemis parmi ses subordonnés. Pour l’instant Rattus maîtrisait la situation au moyen d’une sévère intimidation pour les fortes têtes, mais petit à petit une véritable cabale se formait chez ses subalternes. Le sous-directeur se pensait respecté, mais dans les faits il se révélait surtout craint. Peu de personnes lui témoignaient de l’estime. Au contraire plus le temps passait, plus la liste de ceux le méprisant s’allongeait.

          Pour l’heure Rattus était occupé à présenter l’avancée d’un projet spécial à Comlat le président. Tous deux discutaient dans une pièce servant lors des réunions des publicitaires. L’ambiance était amicale au sein de ce lieu, il y avait des ballons de baudruche multicolores, une jolie tapisserie avec des colombes. Même si cet endroit servait de temps à autre au déclenchement de guerres, et à des conspirations de meurtre.

Comlat : Monsieur Rattus dans combien de temps commencera la campagne promotionnelle pour le projet marionnettes ?

Rattus : Il faudra attendre au moins six mois monsieur Comlat, il y a encore quelques petits problèmes à résoudre. Les cobayes meurent très rarement maintenant, mais ils ont quelque chose dans le regard qui les rend très facile à identifier.

Comlat : Six mois c’est long, surtout que cela fait plus de vingt ans que j’attends que mon projet se concrétise.

Rattus : Justement pour un délicat travail de longue haleine il vaut mieux prendre toutes les précautions possibles et imaginables.

Comlat : Entendu mais essayez de faire en sorte que l’attente ne dure pas plus d’une demi année, je commence à en avoir marre de patienter.

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