Tate no Yuusha no Nariagari – Chapitre 45

Les fruits du commerce itinérant
Traducteur : Team Yarashii

Le lendemain matin, nous étions prêts et attendions que les portes de la capitale s’ouvrent.
Je découvris bien assez tôt qu’arpenter les rues de la ville dans un chariot n’était pas chose aisée. Il nous fallait trouver un endroit où le déposer.
Le seul lieu qui me venait à l’esprit étant l’armurerie, nous nous y dirigeâmes.

Le propriétaire de cette échoppe était une perle rare. Il était l’une des seules personnes dans ce monde à croire en moi et à tenter de m’aider.
Même après avoir été accusé à tort d’un terrible crime, il continuait de me vendre des armes à bon prix, je savais que je pouvais compter sur lui.

— Salut, mon vieux ! On vient acheter de l’équipement, ça vous va ?

Je ne l’avais pas vu depuis un moment. Il était appuyé à son comptoir, les sourcils froncés en signe de concentration.

— Écoute, mon garçon, préviens-moi la prochaine fois !
— Faire des affaires, c’est affronter une série de développements inattendus, vous ne trouvez pas ?
— Faut croire que t’as raison. Quel est ton budget ?
— Bonne question.

Je sortis mes profits issus de trois semaines et demie d’efforts et les lâchai bruyamment sur le comptoir devant lui.
Il y avait trois bourses, toutes remplies de pièces.

— Je ne les ai pas comptées, mais tout est en argent.
— Et puis quoi encore, mon grand ? Compte ça pour moi !
— Pas mal, hein ? Voilà ce que m’a rapporté le commerce itinérant.
— Ça doit t’amuser beaucoup de me rendre cardiaque, pas vrai ?
— Pas de bol pour vous.
— Bon, très bien. Comptons ça ici, d’accord ?
— Pas de souci.

Le vieil homme et moi commençâmes le décompte. Raphtalia se joignit également à nous.

— Dis donc, princesse, quelque chose ne va pas ? Tu es blessée ? Tu te déplaces différemment, d’habitude.
— Oui. Malheureusement, j’ai subi une malédiction assez puissante lors d’une bataille récente.

Sans le vouloir, je m’interrompis et tournai les yeux dans sa direction.

— Ah… une malédiction ? Ça peut être sacrément embêtant. Tu es en convalescence, donc ?
— Oui. Une fois que nous en aurons terminé ici, nous irons dans une église chercher de l’eau bénite.
— Je vois.

Avions-nous réussi à le berner ? Non, il n’avait aucune raison de me suspecter, de toute façon.
Je semblais posséder beaucoup d’argent, mais, en me mettant à compter tout cela, je pris conscience qu’il y avait pas mal de ferraille en bronze là-dedans. En déterminant leur valeur actuelle, cela représentait moins que ce que j’espérais.

— Ça veut presque cinquante pièces d’or ! Tu sais y faire, on dirait, mon garçon.
— Les affaires, ça me connaît, oui.

J’avais toujours été fier de mes capacités dans ce domaine.
Toutefois, j’avais gagné tout cet argent en profitant de la misère d’autrui. Cela ne me réjouissait pas vraiment.

— On doit aussi vendre des trucs, de l’équipement récupéré sur des bandits qu’on a croisés.

Filo avait passé son temps à se promener au sein de l’échoppe en observant les produits. Je lui donnai l’ordre d’amener le butin et elle sortit promptement du magasin pour aller le chercher dans notre attelage.

— Je peux conduire Mel chez elle ? demanda Filo.
— Bien sûr, mais reviens ici avant midi. Et assure-toi que ses parents expriment leur gratitude.
— D’accord !
— Grand Saint, merci pour votre aide. Je ferai en sorte que vous soyez récompensé. Merci encore pour votre assistance.

Filo acheva de déposer les pièces d’équipement, puis elle partit en compagnie de Mel pour la ramener auprès de sa famille.
Cela me convenait. Elle ne nous avait accompagnés que dans ce but, et je ne voyais aucun problème à se séparer d’elle maintenant. Nous n’avions passé qu’un jour ensemble, mais je pensais tout de même l’avoir un peu cernée.
Elle s’était montrée très polie, alors entrer dans les bonnes grâces de ses parents ne ferait pas de mal. J’avais prévenu Filo de se tenir éloignée de tout grabuge sur le chemin du retour.

— Bien, tu veux donc te débarrasser de tout ça ?

Je me retournai vers l’armurier et repris nos négociations.
Il y avait toute une pile d’équipements entre nous. Nous étions parvenus à dérober tout cela à plusieurs bandits vindicatifs qui avaient tenté de nous barrer la route.

— Mon garçon, tu as mis la main sur toutes sortes de trucs, pas vrai ?
— Avec ça, plus l’argent, notre budget se monte à combien ?
— Voyons voir… je suppose que tu veux une arme et une armure pour elle, et juste une armure pour toi ?

Il croisa les bras et se mit à faire un peu de calcul mental.

— Que ce soir clair, je suis ravi que tu me ramènes tout ça. Mais tu sais que je ne suis pas le seul marchand en ville, n’est-ce pas ?
— Qu’est-ce que je dois comprendre ?
— Rien de spécial. Les autres Héros ont arrêté de passer par ici, ça me fait donc penser qu’ils ont trouvé un autre point de chute, une meilleure échoppe.
— Hmm…

C’était envisageable, en effet. Les trois autres savaient déjà tout de ce monde grâce à leur jeu. Il y avait ainsi de fortes chances qu’ils connaissent un autre magasin, avec de meilleurs prix et de meilleurs équipements.
Mais cette armurerie était censée être la mieux cotée de la capitale. Si une autre la dépassait, ce serait plutôt dans un autre pays, non ?

— Vous pensez à une adresse en particulier ?
— Peut-être qu’en visitant l’un de nos pays voisins, tu trouverais une boutique avec de meilleurs produits que les miens.
— Si je devais me fier à mon instinct, je préférerais encore tout miser sur vous.
— J’aime cette attitude, mon garçon ! Je ne te décevrai pas !
— Dans le pire des cas, je vous ferai fabriquer tout ce qu’il me faudra. Vous avez l’air doué de vos mains.
— Tu as l’œil ! Quand j’étais plus jeune, j’étais l’apprenti d’un célèbre forgeron à l’est.
— C’est bien ce que je disais. Voilà pourquoi j’aime faire affaire avec vous : vous avez du talent et vous vous montrez efficace.
— Je suis gonflé à bloc, mon gars. Je vais t’en mettre plein la vue !

Le vieil homme passa au-dessus du comptoir et commença à arpenter son échoppe, en examinant tous les produits.

— Hmm… pour la p’tite demoiselle, je pense qu’une épée magique en argent lui conviendrait. Évidemment, celle-ci possède aussi un enduit Efface-Sang.

Après discussion, nous nous mîmes d’accord pour un prix de dix pièces d’or.
Le traitement appelé Efface-Sang qu’il avait évoqué s’appliquait sur les lames et empêchait que du sang et autres débris corporels n’y restent attachés.
Sans cela, au bout d’un moment, le tranchant s’émoussait et l’arme rouillait. Cet enduit était très important si l’on prévoyait de se servir longtemps de l’équipement en question.

— Quant à l’armure, je me dis que le même genre de matériau que l’arme, avec en plus des propriétés de défense magique, ferait l’affaire. Ouais, ça devrait convenir.
— Des propriétés de défense magique ?
— Le porteur de cette armure absorbera la magie issue d’un ennemi. Et elle augmentera aussi sa défense magique, proportionnellement.
— Ça paraît super.

Si je n’étais pas en mesure de la protéger intégralement, cette armure l’aiderait à sortir indemne de nos batailles. Dans le cas où je commettrais une erreur, je voulais dire. Cela deviendrait important à compter de maintenant.
Le vieil homme réfléchissait toujours à un équipement possible pour dix pièces d’or. C’était un sacré prix.

— Dites, on a encore de l’argent. Si on décidait de tout claquer, qu’est-ce qu’on pourrait avoir ?
— Mon garçon, pense un peu à cette jeune fille. Retirer sa malédiction ne sera pas gratuit. Et puis, et si l’équipement ne te convient pas ? Tu y perdrais beaucoup.
— Hmm…
— Bon, de toute façon, c’est ce que j’ai de mieux avec les matériaux que j’ai à disposition pour le moment.
— Très bien.

Si c’était le meilleur équipement présent ici, alors c’était sans doute suffisant pour moi.

— Si tu veux autre chose, ce sera du sur-mesure. J’en suis capable, mais ça demande du temps.
— Ouais, je me doute.
— J’ai un paquet de matériaux différents à portée de main, mais ça ne suffit pas. Je manque surtout de minerai.
— Je me disais qu’on pouvait utiliser la peau de ce dragon mort.
— Mettons ça de côté pour l’instant. Et pour toi, mon grand ?
— Pour moi ?
— Je pourrais te faire une armure lourde avec le procédé d’Éveil Aérien, ce qui la rendrait plus légère. Ou alors, je peux créer quelque chose d’entièrement nouveau avec tout ce que tu as rapporté.
— Qu’est-ce qui serait le mieux ?
— Je dirais que ça revient à peu près au même.
— Dites, je me souviens que vous m’aviez dit pouvoir améliorer l’Armure de Barbare en ajoutant des os.
— Exact, j’étais sur le point de t’en parler. Les os de dragon et de chimère sont d’excellents matériaux. On pourrait la recouvrir avec la peau de dragon, et fixer son cœur au centre. Ce serait idéal !

Le cœur du dragon auquel il faisait allusion était un objet semblable à du cristal ayant ressuscité le dragon après sa mort. C’était similaire au cœur d’un dragon mort-vivant. Filo en avait avalé la majeure partie, mais j’avais réussi à en mettre un peu de côté.
Je pariais que des objets pareils, aussi rares, pouvaient faire d’excellents équipements.

— Super. Ça me paraît bien, mon vieux. Faisons comme ça.
— Merci ! Je vais t’ajouter les os gratos, t’auras donc que les coûts de main-d’œuvre et de matériaux à couvrir.

Il prit cinq pièces d’or, ainsi qu’une certaine quantité de matériaux, et amena l’ensemble derrière son comptoir.

— Dis, mon garçon, tu ferais mieux de laisser ton Armure de Barbare ici avant de partir.
— Ça marche.

Je me dirigeai vers la cabine d’essayage, me glissai hors de l’armure, puis la posai sur le comptoir.

— Bien, je pense avoir fini d’ici environ deux jours. Reviens donc à ce moment-là ! J’aurai du bon matos pour toi.
— Merci. Oh, au fait, mon vieux.
— Quoi ?
— Il y a une étoile près de mon niveau, maintenant. Une idée de ce que ça peut être ?
— Oh, vraiment ? Ça veut dire que ton groupe est prêt à changer de classe.
— Changer de classe ?
— Quoi, t’es pas au courant ? La promotion de classe. Tu vas pouvoir en atteindre une plus avancée. Une fois que c’est fait, tu peux faire grimper ton niveau encore plus haut, et ça offre en prime une sacrée amélioration des statistiques.

Pardon ? Et puis quoi, encore ? Alors, c’était exactement comme dans ces jeux où l’on change de job à partir d’un certain niveau ?

— Normalement, seuls les chevaliers, les sorciers, et les aventuriers avec une permission spéciale de la Couronne sont autorisés à suivre la cérémonie de promotion. Mais, tu es un Héros, pas vrai mon p’tit gars ? Tu devrais pouvoir le faire aussi.

En y repensant, cela expliquerait pourquoi les bandits étaient bien plus faibles que je l’imaginais. Ils étaient incapables d’aller au-delà du niveau 40 ! Cela signifiait que les aventuriers et les villageois auxquels on ne faisait pas confiance étaient maintenus sous ce niveau. Voilà comment ils arrivaient à faire durer la paix. Ils contrôlaient le pouvoir de chacun.
Cela me rappela que, lorsque nous avions affronté ces bandits, il me semblait que leur garde du corps avait quelque chose de similaire.

— Quand tu passes la cérémonie de promotion de classe, tu dois décider dans quelle direction tu souhaites t’orienter. À mon époque, ça m’avait bien inquiété. C’est une fois que tu as l’étoile que tes options s’élargissent vraiment. Faut pas prendre ça à la légère.
— Où est-ce que ça se déroule ?
— Tu ne l’as pas déjà visitée ? La salle avec le sablier du dragon ?

Oh, c’était donc là. En y réfléchissant bien, elle ressemblait effectivement à un endroit important et bien gardé.
Le sablier du dragon était un énorme sablier qui décomptait le temps avant l’arrivée d’une nouvelle vague de destruction.
J’avais croisé les autres héros là-bas il y a quelque temps.
Est-ce que, par hasard, je les avais vus dans ce lieu précisément parce qu’ils se rendaient à la cérémonie ?
Mais à quel niveau est-ce qu’ils étaient déjà, bon sang ? Cela me troublait.

— Quoi qu’il en soit, ma priorité immédiate est de soigner Raphtalia. Filo aussi est occupée, mais je m’en inquiéterai une fois qu’on sera tous réunis et prêts à continuer.

J’aimerais passer cette cérémonie au plus vite, dans la mesure du possible.

— Bon, mon vieux, ça vous gêne si on se retrouve tous ici ?
— Si c’est ce que tu veux, ça me pose aucun problème.

Ce type savait clairement comment me satisfaire. Je voulais pouvoir lui filer le plus de travail possible.
Une fois nos affaires à l’armurerie terminées, Raphtalia et moi nous mîmes en route pour l’église.

Le centre de la ville abritait une grande église, surplombant tout le reste et donc parfaitement visible.
L’édifice était imposant. Un symbole marquait la porte, il ressemblait à une combinaison d’une épée, d’une lance, et d’un arc.
Je n’aimais pas cela. Aucun bouclier n’était visible.

— Héros… Porte-Bouclier ?

Nous entrâmes dans le bâtiment, et l’une des sœurs présentes nous accueillit froidement. Toute considération de leur opinion à mon sujet mise à part, était-ce vraiment une attitude digne d’une religieuse ? Ou tous ceux accusés de viol voyaient-ils cette église leur être interdite d’accès ?

— Ne laissez pas cela vous ébranler.

Un homme, sorte de patriarche religieux au vu de son apparence, sermonna la sœur.
Quelque chose dans cette scène me mit mal à l’aise, mais je ne cherchai pas à creuser et laissai tomber.

— Mon père !
— Quelle raison vous amène en ce lieu sacré, aujourd’hui ?
— Mon amie ici présente a été frappée par une puissante malédiction. Nous sommes venus en quête d’une eau bénite suffisamment forte pour la guérir.

Ils n’avaient encore rien fait pour m’offenser, alors rien ne justifiait de se montrer agressif d’entrée de jeu.

— Nous allons devoir vous demander une rétribution financière.

Le mur était recouvert par toutes sortes d’objets avec leur prix placardé, mais je choisis de poser tout de même la question.

— Combien ça ferait ?
— L’eau bénite n’est en soi pas très chère, mais elle est disponible selon plusieurs degrés de puissance. Cela commence à cinq pièces d’argent, puis dix, cinquante, jusqu’à une pièce d’or.

Bien, au moins, ils n’essayaient pas de me soutirer trop d’argent.
Je m’étais préparé à leur montrer ce que m’aurait inspiré une tentative d’escroquerie.

— Bon, je ne voudrais pas franchement lancer un débat sur l’argent ici, dans la maison de Dieu. Nous aimerions l’eau bénite pour une pièce d’or, s’il vous plaît.
— N’y pensez pas, M. Naofumi. Je ne peux accepter un objet aussi coûteux.
— Ça va aller. On en a déjà parlé. Tu comptes pour moi. Qu’est-ce qu’une pièce d’or si ça permet de te sauver ?
— Me… merci infiniment ! Vous ne le regretterez pas !

Je pris le montant en question et le tendis au prêtre.

— Merci.

Il fit signe à une sœur, qui approcha immédiatement avec une bouteille à la main.
Je me rappelai l’existence de ma compétence d’évaluation et m’en servis sur l’eau bénite.

Eau bénite d’entrée de gamme :
Qualité : faible

Je fixai le prêtre. Il parut décontenancé, puis s’empara de la bouteille. Son visage pâlit fortement.

— Pourquoi avez-vous ramené cette eau bénite de piètre qualité ?
— Mais, je…
— Le Seigneur est miséricordieux. Si vous avez agi comme ça pour satisfaire votre propre sens de la justice, alors il faut vous repentir sur-le-champ.
— Je… je suis vraiment navrée !
— J’implore votre pardon. Un membre de notre église s’est mal conduit à votre égard.
— Si j’obtiens ce pour quoi j’ai payé, je n’aurai pas à me plaindre.
— Merci de votre compréhension.

Le prêtre partit chercher l’eau en personne, et revint avec une autre bouteille. J’utilisai à nouveau ma compétence d’évaluation.

Eau bénite pour lever les malédictions :
Qualité : excellente

— Ça m’a l’air bon.

Je me saisis de la bouteille.

— Veuillez remercier le Seigneur pour Sa lumière. Tout n’est que le produit de Sa clémence.

Les religieux étaient vraiment doués pour se donner des grands airs et jouer les suffisants. Cet homme donnait l’impression que j’étais une créature maléfique, et que je devrais faire preuve de reconnaissance devant le pardon divin.
Raphtalia et moi quittâmes l’église. Je ressassai leur comportement dans ma tête tout en laissant ce bâtiment derrière moi.

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