Tour Des Mondes – Chapitre 70

Une simple signature ici suffira…

Je m’arrête à quelques centimètres du bureau dans le hall. La secrétaire me dévisage quelques secondes et me tend un papier vierge et un stylo à encre en soupirant quelques instants.

« Avant de mettre ta signature sur ce papier, je vais clarifier les termes du contrat.
Premièrement, tu es celui qui doit causer la mort de ta cible.
Deuxièmement, ce contrat n’est pas public et tu es le seul qui peut l’accomplir.
Troisièmement, ce contrat sera considéré comme nul si tu fuis dans la tour et tu seras radié de la classe.
Quatrièmement, la limite de temps correspond à la fin de ton duel avec lui puisque les choses seront claires à ce moment-là.
Puisque c’est ton premier contrat, il y a certains détails que tu dois comprendre. Ici au pied de la tour, le meurtre est interdit. Le contrat nullifie temporairement certaines règles, cependant, si tu tues, frappes ou tortures quelqu’un pour atteindre ta cible, sache que nous te jugerons à la fin de ton contrat, mais tant que celui-ci n’est pas terminé, tu as le droit de faire ce que tu veux. Certains assassins ont fini eux même tués à cause de leurs actes et donc je te conseille de rester prudent. Tu n’es pas encore un assassin, mais si tu reviens ici sans encombre alors nous reverrons sans doute notre jugement. Si tout est clair pour toi, signe. »

Je regarde la feuille de papier vierge tandis qu’elle me tend un stylo. Je le récupère tandis que mon cœur bat la chamade et que je fixe l’encrier. Si je signe, je scelle la suite de ma vie. Je la mets en péril ainsi que ce que je suis. Je sais que ce n’est pas le moment pour un débat existentiel, mais une fois l’encre du stylo sur le papier, je devrai tuer quelqu’un ou mourir. C’est peut-être un peu tard pour se poser des questions, mais est-ce que je vais vraiment y arriver ? Je n’ai jamais tué personne. Même le Berserk durant l’exercice n’est pas mort et au fond de moi je le savais alors que je plantais mes stylets dans son corps. Bien sûr, j’avais peur pour ma vie et j’ai quand même perdu une jambe avant de suffoquer dans l’incendie, mais je devais réagir. Perdre n’était pas une option. J’avais besoin de rentrer dans la classe d’Assassin.

L’homme que je dois assassiner aujourd’hui mourra pour de vrai. Est-ce que le fait qu’il abuse du système pour s’enrichir en tuant ou pour arriver à ses fins n’est pas une raison suffisante ? Je pense que oui, même si être juge après deux rencontres avec lui me parait injuste et je savais qu’en choisissant la classe d’assassin j’en viendrais à devoir tuer des gens.
Bon, il ne me reste qu’à faire un vote. Nous sommes trois après tout.
Je demande d’abord à Micha si elle souhaite tuer le chevalier et au début elle ne sait pas quoi répondre. Timidement, elle finit par me dire que non. Je lui demande si même après avoir essayé de la tuer et d’avoir tué d’autres souris, il mérite vraiment qu’elle dise non. Pendant plusieurs instants, elle ne dit rien en prenant son temps pour y réfléchir. La réponse finale fut de me demander si à sa place je le ferais. Donc on va dire non.

Je demande ensuite à Juliette et celle-ci me mord presque instinctivement la main entre le pouce et le majeur sous la colère. À travers le lien, je peux comprendre quelque chose qui ressemble à « Quand ta vie est menacée, tu réagis, non ? Si tu avais dix secondes pour te décider qu’est-ce que tu ferais toi ? ».

Je peux sentir de la colère venant d’elle, mais elle n’a pas tort, ce n’est pas parce que j’ai le temps de la réflexion que ça change le fait que je suis en danger de mort. Le chevalier a choisi directement de me tuer en duel. Il n’a pas hésité et de mon côté, j’ai l’impression que j’ai le choix entre mourir dans la Tour parce que je manque d’entraînement et mourir en duel. Juliette me rappelle ensuite que je lui ai promis une vengeance et qu’il a levé la main sur nous deux. La dernière chose qu’elle m’annonça avant de se taire complètement fut qu’un lâche n’aurait jamais pu la dresser et qu’à présent c’est à moi de décider si oui ou non je souhaite un jour devenir fort.

Tch. Juliette a toujours une façon tranchée de donner son opinion, mais elle n’a pas tort. Je l’ai choisie pour son poison et à quoi est-ce qu’il pourrait me servir si je suis un lâche. J’ai quelque chose à défendre et j’ai de quoi attaquer alors maintenant je pense qu’il est temps de signer le papier.
Je plante le stylo dans le creux de ma main à l’endroit où Juliette m’a mordue pour l’imbiber de mon propre sang et je signe le papier. Le sang semble absorbé par le papier avant que celui-ci ne prenne feu en quelques instants. Je fais un pas en arrière sous la surprise et je regarde la secrétaire.

– Un peu enfantin de ta part, mais très bien.
– …
– Les Assassins peuvent signer les contrats avec leur sang, mais très peu le fond. C’est une pratique idiote si tu veux mon avis.
– Je… ne savais pas.

La secrétaire continue de me regarder pendant quelques instants sans rien dire avant de me donner un dossier épais qu’elle sort d’un tiroir de son bureau. Elle me le tend en me disant que tout ce que j’ai à savoir sur ma cible se trouve dedans.

« Maintenant fais ce que tu dois faire, tu as pris ta décision et il n’y a pas de retour en arrière. »

Je m’éloigne du bureau en rangeant dans mon inventaire le dossier que je lirai plus tard. D’une simple pensée, j’explique à Micha et Juliette que je vais assassiner cet homme. L’une semble éprouver un peu de tristesse, mais finit par trouver sa détermination habituelle tandis que l’autre se réjouit et s’amuse de voir que j’ai fini par prendre cette décision.
De mon côté, je reste silencieux, j’ai beaucoup à faire.

« Encore une chose, ne parle pas du contrat et de l’assassinat à qui que ce soit. Si tu le fais, Nerys te tuera elle-même. Pour tous tes amis, tu comptes te battre en duel. »

Je sors de l’aile des Assassins et devant moi se trouve un enfant d’environ dix ans et vêtu de vêtements décousus. Il me regarde et sourit légèrement. Je me fige quelques instants et regarde dans les alentours, mais je ne vois personne d’autre.

– Alors comme ça c’est ta première mission ? Je m’appelle Naubod, je serai ton Oreille le temps de la mission. Je suis un Enfant de la Tour.
– Une oreille ? Un enfant de la Tour ? De quoi est-ce que tu parles ?
– Donc c’est vraiment ta première mission et tu connais rien… J’imagine que je dois te faire un petit résumé. Une Oreille est là pour t’aider dans ton assassinat. Je vais traquer ta cible et te dire où elle se trouve en permanence afin que tu puisses faire ce que tu as à faire. Les Enfants de la Tour sont la progéniture des grimpeurs. Tu te doutes bien qu’en quinze ans, les grimpeuses ont fini par avoir des enfants dans la Tour. Je suis l’un d’eux. En gros, je ne suis pas considéré comme un grimpeur et si je veux me faire un peu d’argent, je dois remplir certaines tâches comme celle d’Oreille. En tout cas, ma mère a fini par partir à cause de la règle des cinq ans et maintenant je me débrouille. Ça te suffit où tu veux « vraiment » en savoir plus ?
– J’imagine que ça ira. Du coup, tu es là pour m’aider ?
– Ouaip. Le but est que tu réussisses sinon je ne gagne pas grand chose.
– Ok ok. Comment ça fonctionne dans ce cas ?
– Je te donne un morceau de papier et je le suis. Tu auras toujours sa position de marquée dessus. Ça va m’occuper un moment et j’espère que tu feras ce que tu as à faire sans hésiter, je n’aime pas travailler pour rien. Je commence à le suivre à partir de demain. Je dois faire des préparations avant. Si tu souhaites me parler en tête à tête, place un point d’encre sur le papier et je viendrai te voir. Ça roule ?
– Oui, pas de problème.

Sur ces mots, il me tend un morceau de papier et repart en direction des escaliers sans se retourner une fois que je l’ai saisi.

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8 thoughts on “Tour Des Mondes – Chapitre 70

  1. Merci pour le chapitre.
    PS:On vien d’en apprendre plus sur la tour et maintenant on à même résolu un de ses mystères !

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