Hyrkil l’elfe obèse chapitre 8

Chapitre 8 :

         Hyrkil le ventru rassura les gens, même s’il réussit à cacher son véritable objectif. Il démontra qu’il ne voulait aucun mal aux hobbits. Après la pesée, il se mit à manger de manière désespérée. Il voulait retrouver son ancien poids de deux cents kilos le plus vite possible. Chaque jour il gagnait un ou deux kilos, il patientait en effectuant des recherches. Il consulta des centaines de documents afin de trouver une piste valable. Il récolta des indices, mais il n’obtint pas totalement satisfaction. Il devrait se renseigner ailleurs pour mettre la main sur le but de sa quête. Pendant un moment Hyrkil pensa arrêter de grossir par souci de discrétion, il aurait moins d’ennuis s’il devenait svelte et mince le long de son voyage. S’il perdait son obésité, le principal signe distinctif des elfes gargantuesques, il susciterait beaucoup moins de méfiance et de haine. D’un autre côté le ventru désirait ardemment la célébrité, il raffolait de la gloire. S’il perdait son gros ventre, on risquait de lui contester la paternité de ses exploits.

            Néanmoins en choisissant de rester obèse, il devrait paver de bonnes actions ses agissements pour apaiser le cœur de ses interlocuteurs, et susciter leur confiance. Cette obligation de se montrer gentil, et dévoué dans de nombreuses circonstances, chagrinait Hyrkil. Le ventru ne détestait pas récompenser des alliés loyaux, et il reconnaissait l’utilité d’une certaine vertu. Cependant il avait peur qu’une démonstration trop flagrante de générosité ne nuise à sa renommée auprès de ses semblables, poussa ses ennemis à comploter au grand jour contre lui. Après une longue réflexion, le ventru choisit la voie de l’obésité, il se sentait mal sans une bedaine impressionnante.

          Il informa ses deux serviteurs à l’intérieur de la chambre d’une auberge pour riches, qu’il serait bientôt temps de partir de la ville où tous trois logeaient.

Frêneleau : Quelle est notre prochaine destination, maître ?

Hyrkil : Myrmé la cité des hommes-fourmis.

Frêneleau : Vous êtes certain que c’est nécessaire ? En mille ans, il n’y a qu’une personne qui a réussi à explorer un peu Myrmé, et à revenir vivant de son périple.

Hykil : Je sais que les hommes-fourmis sont très agressifs avec les étrangers, mais j’ai impérativement besoin d’un artefact présent dans leur cité. Si tu as trop peur, je ne t’en voudrais pas si tu refusais de me suivre.

Frêneleau : Je me suis engagé à vous escorter, je ne vais pas me dégonflé maintenant. De plus je suppose que vous avez un bon plan pour réussir.

Hyrkil : En effet.

          Le voyage vers la cité de Myrmé était simple, il fallait traverser la route parfaite à travers le désert de la Désolation pour arriver à la ville. Cette voie de communication devait son nom à cause des charmes la protégeant. La route ne se détériorait pas avec le temps, bien qu’elle ait des milliers d’années. En outre ses pavés restaient propres quelque soient la saleté de celui l’empruntant ou la puissance des tempêtes de sable. La voie bénéficiait de sorts lui garantissant une solidité hors  du commun. Une armée de croyants fanatiques tenta de la détruire à coups de marteau, elle n’arriva à rien, elle n’infligea même pas une rayure à la route. Pourtant elle employa des moyens colossaux pour arriver à ses fins, des milliers d’humains tentèrent avec l’énergie du désespoir de la casser, mais ils œuvrèrent pour rien. Pire une série de nombreux accidents frappa les hommes chargés de mettre en morceaux la voie. Il arrivait que sur un vaste chantier quelques maladresses soient commises. Toutefois cinquante blessés par jour sur le même site, cela constituait quelque chose de troublant. En prime le nombre d’accidentés restait strictement le même, il ne variait pas d’un pouce. La route semblait les narguer les fanatiques, comme si elle se moquait ouvertement des tentatives de démolition à son égard.

           Voyant que la dévastation ne marchait pas, les croyants résolurent de rendre impraticable la voie, cependant encore une fois leurs efforts se révélèrent vains. Les obstacles posés sur la route bougeaient sans intervention humaine, les barrages de bois ou de pierre se démantelaient comme si une main invisible les poussait. Le chef des troupes décida de jouer le tout pour le tout et d’en appeler à son dieu pour dissiper les enchantements de la voie. Il finit par se transformer en pierre, puis il s’enfonça sous terre. Ce dernier malheur marqua la fin de la croisade contre la route.

Frêneleau : Vous êtes sûr que marcher sur la route parfaite ne présente aucun danger, maître ? De nombreuses personnes ont péri sur cette voie.

Hyrkil : La route possède une conscience, mais elle est plutôt bienveillante, elle ne s’en prend qu’à ceux qui essayent de la dégrader.

Frêneleau : Vous voulez dire que la voie a des sentiments, et une intelligence ?

Hyrkil : Exactement la route ne pense pas comme un humain ou un elfe, cependant il est indéniable qu’elle peut ressentir de la joie ou de la colère. Elle dispose aussi  de facultés intellectuelles très élevées.

Alaman : Donc je ne devrais pas être étonné, si je vous vois parler avec les pavés d’un pont ?

Hyrkil : La route est un cas particulier, ensuite communiquer avec elle s’avère franchement difficile. Je pourrais peut-être y arriver, mais cela m’épuiserait. Or le voyage vers la cité de Myrmé promet d’être fatiguant. Par conséquent je ne vais pas dilapider mes forces pour parler avec la route.

          Hyrkil le ventru était observé avec attention par un groupe de personnes cupides. Il s’agissait de la bande de voleurs appelés les Charognards du désert. Peu de gens rivalisaient avec eux en matière de cruauté et de cupidité. Les bandits prenaient un malin plaisir à torturer leurs captifs, quand ils ne pouvaient en tirer une rançon. Ils  se caractérisaient aussi par un niveau impressionnant en matière de dépravation et d’imagination, quand il fallait violer leurs proies. Les Charognards marquèrent tellement les esprits, qu’ils servaient de source d’effroi sur les enfants. Des mères calmaient des fils ou des filles turbulents, en invoquant les bandits comme des êtres qui punissaient la progéniture qui ne se montrait pas sage.

           Ces voleurs au début de leur carrière avaient un certain sens de l’honneur. Ils se montraient souvent charitables avec les faibles et les pauvres, en leur redistribuant une partie de leur butin. Cependant ils commirent l’erreur d’ingérer de la pierre malnérale pour devenir plus forts. Ils se contentaient de très petites doses, alors ils ne développèrent pas de mutations physiques voyantes, toutefois leur esprit fut corrompu. Résultat les Charognards se transformèrent lentement mais sûrement en monstres de vice, en des êtres profondément immoraux. Chaque don de la pierre s’accompagnait d’un affaiblissement de leur vertu. Le procédé par nature lent et insidieux ne souleva pas de lourd questionnement, surtout qu’il se combinait avec le développement de sensations euphoriques quand le sang était versé, et des outrages infligés. Le chef des Charognards tout à sa joie de découvrir une victime très riche, ne remarqua que quelqu’un l’espionnait. Manoc le maire suivait Hyrkil depuis un bon moment. Il trouva d’ailleurs un terrain d’entente avec Zoc, un autre ennemi du ventru.

Manoc : J’ai une mauvaise nouvelle, les Charognards du désert en ont après Hyrkil.

Zoc : Où est le problème ? On aura une belle vengeance sans même se salir les mains.

Manoc : Déjà si les Charognards tuent Hyrkil, on ne pourra pas mettre la main sur l’objet de sa quête. Mais surtout tu te sens prêt à te priver du plaisir de torturer toi-même ton ennemi le ventru ?

Zoc : C’est vrai que j’ai très envie de me venger d’Hyrkil mais cela me ferait bizarre de lui rendre service.

Manoc : On ne l’aide pas, on ne fait que lui éviter une punition légère.

Zoc : Les Charognards sont réputés pour aller très loin en matière de supplice à l’égard de leurs proies.

Manoc : Ils sont des amateurs comparé à moi, je suis un champion incontesté en matière de torture.

Zoc : Comment faites-vous pour battre des bourreaux expérimentés ?

Manoc : J’use de magie, de sorts terrifiants.

Zoc : Pour moi rien ne vaut de bons outils, les enchantements c’est la solution de facilité.

Manoc : Au contraire, les sorts bien maniés produisent des effets incomparables sur les esprits les plus déterminés.

Zoc : Comment cela ?

Manoc : Avec de l’entraînement ou beaucoup de volonté, la torture physique est supportable. Par contre pratiquement personne ne résiste à un supplice magique d’un bon niveau.

Zoc : Je demande à voir pour être convaincu.

Manoc (énervé) : Douterais-tu de ma parole ?

Zoc : Excusez-moi, je ne sais pas ce qui m’a pris. Vous êtes une personne très intelligente, quand vous affirmez quelque chose, il s’agit de la vérité.

         Manoc le maire ordonna à ses sbires de s’occuper des Charognards du désert. Il motiva ses subordonnés en leur parlant du butin vraisemblablement fabuleux des bandits. Avec les nombreux bijoux et lingots d’or à leur disposition en cas de victoire, il serait possible de hâter la construction d’une cathédrale en l’honneur du Néant ; de concevoir des lieux de prière grandioses pour la principale divinité de la destruction, et ainsi de recevoir de splendides récompenses surnaturelles, peut-être même l’immortalité. Il restait à battre les Charognards, mais cela ne constituait pas une grosse formalité d’après Manoc, il disposait de sorts de dissimulation magique qui faciliteront très sérieusement la tâche de ses guerriers. Après quelques minutes de préparation le maire et ses subalternes s’approchèrent lentement de leurs proies, ils ne laissaient pas de traces dans le sable, et ne faisaient pas de bruit, toutefois ils tenaient à préserver au maximum l’effet de surprise. De plus prendre des précautions quand on affrontait une bande de redoutables criminels s’avérait un comportement augmentant sérieusement les chances de survie. Les Charognards se firent surprendre, malgré la présence de nombreux voleurs aguerris, et de combattants très expérimentés  dans leurs rangs. Ils résistèrent avec énergie, ils dissipèrent les sorts de leurs adversaires, mais cela ne suffit pas. Ils affrontaient des adversaires fanatiques qui se moquaient de la mort. Au contraire ils accueillaient avec joie l’idée de mourir au service du Néant. L’effet de surprise ajouté à la détermination des sbires de Manoc apporta la victoire.

           Les Charognards eurent beau se défendre et connaître parfaitement le terrain où ils se trouvaient, ils furent dépassés. Leurs épées et leurs dagues ne leur permirent pas de résister aux grands marteaux de guerre de leurs ennemis. Les Cinquante Charognards se firent annihiler par les trente sbires. Malheureusement toute victoire comportait parfois un revers. En effet Hyrkil pendant les combats remarqua la présence d’individus aimant répandre le sang, alors il activa des enchantements de célérité pour mettre le plus de distance possible entre lui et Manoc.

Zoc : Hyrkil nous a semés. Il faut impérativement se dépêcher pour le rattraper.

Manoc : Malheureusement la plupart de mes subordonnés est épuisée par les combats, ils veulent se reposer.

Zoc : Vous ne pouvez pas demander aux autres de forcer l’allure en échange d’une récompense ?

Manoc : Tu es frais parce que tu t’es contenté t’envoyer un caillou avec ta fronde, mais mes autres subalternes ont mené des combats violents.

Zoc : Et alors ?

Manoc : Ils ont vraiment besoin d’une pause comparé à toi.

           Manoc se disait qu’il serait peut-être judicieux de se débarrasser d’un idiot comme Zoc qui ne servait pas à grand-chose hormis à convaincre des relations d’embrasser la cause des dieux de la destruction. Il disposait de nombreux contacts dans les hautes sphères de la société, mais il était aussi un imbécile prétentieux et énervant qui se comportait avec fainéantise. Il savait bien s’habiller, trouver avec talent des boucs émissaires pour justifier ses échecs, et flatter l’orgueil d’autrui. Toutefois ses compétences intellectuelles ne s’avéraient pas franchement développées, par exemple Zoc devait son poste de général à l’influence de sa famille, et non à son mérite personnel. Puis Manoc se força à rester patient, le général pouvait encore se révéler utile dans l’avenir, même s’il énervait profondément, il servait efficacement à sa manière les puissances de la ruine.

           Zoc se calma en songeant aux prises de guerre obtenues en fouillant les cadavres des Charognards. Il mit la main sur un butin de guerre conséquent, en effet il trouva près de dix kilos d’or et des pierres précieuses valant très cher. En outre il découvrit une carte semblant indiquer la route vers la principale cachette des Charognards. S’il avait raison, il bénéficierait bientôt de l’apport de plusieurs dizaines de milliers de pièces d’or et d’autres trésors fabuleux.

           De son côté Hyrkil le ventru connut un moment de doute, il se savait suivi, il se demandait s’il ne devait pas abandonner sa quête pour retourner chez lui. Il fit de nombreux efforts pour rester discret. Il recourut à de la dissimulation magique pour éviter une filature, cependant cela ne suffit pas à le protéger de l’espionnage de la part d’autres personnes. Puis le ventru se maudit pour son moment de faiblesse, il y avait des enjeux trop importants pour qu’il cesse sa quête.

          Alaman l’ogre ne comprenait pas ce qui lui arrivait, il y avait quelques minutes à peine, il était de bonne humeur, il mettait au point une boutade pour détendre l’atmosphère. Puis brusquement sa joie s’évanouit sans raison apparente, il perdit toute envie de faire des blagues orales, il éprouvait de la morosité. Il développa des pensées étranges, il s’imagina se dépecer lui-même avec calme. Une partie de lui-même lui soufflait qu’il réaliserait un acte particulièrement intelligent et profitable, s’il ôtait toute la peau de son corps avec un couteau de préférence rouillé. Alaman ne comprenait pourquoi des idées masochistes extrêmes l’assaillaient. Lui qui se considérait comme l’élément le plus stable et équilibré mentalement de son groupe semblait céder à une folie grave. Après l’envie de se faire du mal sur soi, il ressentit le désir de s’en prendre à son compagnon Frêneleau et à son maître Hyrkil. Il luttait pour contenir ses élans meurtriers, mais il se fatiguait vite, il peinait à maîtriser ses pulsions destructrices. Ensuite il voulut détruire sa famille, il s’imagina dévorer ses proches parents vivants.

             Hormis les fantasmes sanglants il y avait quelque chose de particulier qui apparaissait dans l’esprit de l’ogre, des plans de route, des tracés de voie de communication, des paysages verdoyants sans rapport avec le désert où Alaman se trouvait. Il se demanda s’il ne mangea pas quelque chose de toxique pour avoir ses images mentales déstabilisantes. Pourtant Frêneleau ne semblait pas atteint par un mal psychique ou physique. Quant à Hyrkil il apparaissait comme dans une forme olympique. Néanmoins les apparences pouvaient se révéler trompeuses, peut-être que les autres faisaient semblant de ne pas souffrir pour ne pas plomber l’ambiance.

Alaman : Je suis assailli par des pensées dérangeantes, j’ai envie de faire du mal à autrui et à moi. Et puis je vois des scènes bizarres, des routes et des terres fertiles.

Hyrkil : Je crois savoir ce qui t’arrive, la route parfaite communique avec toi, car tu as un don pour la télépathie. Ne t’en fais pas je vais arranger ta situation. Blocus magus.

         Hyrkil réunit un peu de puissance magique afin de canaliser la folie s’emparant de l’ogre.

Alaman : Qu’avez-vous fait ?

Hyrkil : J’ai installé un verrou surnaturel sur toi pour que tu obtiennes la paix intérieure.

Alaman : Merci je me sens beaucoup mieux.

Frêneleau : Attention nous avons de la visite, et nos interlocuteurs sont hostiles.

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