Tour Des Mondes – Chapitre 82

Ampoule grillée

Je passe la porte menant à la zone d’entraînement. Nerys m’accueille toujours de la même façon en restant le dos tourné à la porte et en regardant la ville en bas de la pente. Je ne sais pas exactement quoi faire. Est-ce que je dois lui faire un rapport ou commencer à m’échauffer pour l’entraînement ?

Honnêtement après avoir passé la nuit sans dormir de peur que quelqu’un tombe sur moi et se demande ce que je fais là, je ne me sens pas en état de faire grand chose.

Je m’étais suffisamment éloigné de l’endroit pour que ça n’arrive pas, mais c’est difficile de faire disparaître l’idée d’être surpris par un inconnu qui puisse faire office de témoin potentiel. Ça plus le fait d’avoir tué quelqu’un. C’est suffisant pour ne pas réussir à dormir, j’imagine. Cela fait maintenant plusieurs jours que s’accumule mon manque de sommeil maintenant et je dois avoir de sacrées valises sous les yeux.

Pour le reste, j’ai pu me soigner correctement et mes blessures les moins profondes sont guéries, mais pour les autres je devrai attendre quelque temps.

Tout ça pour finir ici, à attendre que Nerys dise quelque chose, c’est presque frustrant, suffisamment pour que je commence.

– J’ai réussi. Il est mort.
— Je sais. J’ai lu le rapport de Naubod.
— Je…

Je ne sais apparemment pas quoi répondre, finalement je n’ai rien à raconter. Nerys se retourne dans ma direction et reste silencieuse quelques instants. Personnellement et même si j’ai eu du mal par moment, les événements se sont bien déroulés, je crois ?

— Je n’aime pas ton regard.
— Quoi ?
— Tu es toujours là-bas.

Nerys semble alors attraper un simple poignard dans les airs, mais pas comme un grimpeur. Le système fait que pour sortir quelque chose de son inventaire il faut appuyer sur la case pour le sélectionner, puis en passant sa main dans l’interface, l’objet apparaît subitement dans les airs par l’endroit où on s’imagine l’avoir attrapé. C’est difficile au départ, mais avec un peu de pratique l’objet tombe rarement par terre tant que l’on est suffisamment concentré dessus. Cela m’a pris plusieurs heures pour apprendre à faire ça correctement, mais vu l’utilité de l’inventaire c’est important d’y arriver assez vite.

Mais la méthode de Nerys n’a rien à voir.
Le poignard n’apparaît pas d’un coup, il semble être créé à partir de rien petit à petit. Le regard de Nerys devient ferme et me fait comprendre que je n’aurai pas de félicitations.

Je commence à savoir comment elle enseigne et je sais qu’elle n’a pas créé une arme de cette façon pour ne pas s’en servir. Directement, je demande à Micha de descendre et d’aller se poster sur un toit qui longe la route où nous nous trouvons. Juliette a elle déjà compris et se prépare depuis mon bras au combat tandis que je saisis mes stylets couverts de soporifique et me prépare à l’affronter. Je ne sais pas ce qu’il y a dans mon regard qui puisse lui déplaire, mais m’agresser comme ça directement ?

D’un mouvement de la main Nerys semble faire apparaître de la brume de toutes les ruelles qui se répand et recouvre mon champ de vision en quelques secondes. Une brume épaisse qui me rappelle celle dont je me suis servi. Maintenant, je ne vois plus que la silhouette de Nerys et ses yeux rouges.

J’ai l’impression que Nerys veut reproduire la scène, mais je ne sais pas pourquoi.

Micha est en place et j’établis aussitôt le partage de vision.
Je lui demande de rester concentrée sur Nerys pour ne pas la perdre de vue et c’est à ce moment-là qu’elle décide de se jeter en avant. Aussitôt, je décide de fléchir les genoux pour pouvoir bouger rapidement dans toutes les directions. Cependant en un instant elle est déjà derrière moi et je dois sauter en avant pour esquiver son poignard qui m’érafle la joue. J’envoie un coup de pied en avant pour tenter de la déstabiliser, mais elle a déjà disparu. Je me relève en essayant de voir où elle se trouve, mais Micha est incapable de la trouver. La lame du poignard passe derrière ma jambe et me coupe un tendon m’obligeant de poser mon genou au sol. Bon, j’imagine que je n’ai pas le choix. J’active mon boost à pleine vitesse et décide de changer d’arme. J’attrape mon arbalète dans mon inventaire et mets le carreau déjà prêt à l’emploi dedans entre mes dents. Je fais une roulade sur le côté pour esquiver une attaque dirigée vers ma jugulaire en attrapant une sphère et en la plaçant sur l’arbalète. En modifiant la fonction et en ajustant mon arme, je finis par tirer vers le ciel en disant à Micha de se cacher sous des tuiles, tandis que je cache le bras où se trouve Juliette en dessous de moi.

La sphère explose après quelques instants et aussitôt des aiguilles s’abattent sur la zone en cliquetant sur la pierre des maisons et en se plantant un peu partout. Vu que je suis juste en dessous je suis le plus touché et je n’aurais jamais autant regretté mon manque de protection. Une myriade d’aiguilles se sont plantées dans ma peau. Mais si moi je suis touché alors Nerys à peu de chance de s’en sortir sans qu’une seule d’entre elles ne l’ait atteinte. Je me redresse en prenant de l’antidote dans mon inventaire d’une main et un stylet de l’autre. Ma blessure au genou ne guérira pas si je ne prends pas le temps de m’en occuper convenablement, mais je peux me tenir debout. Je demande rapidement à Micha de revenir à sa position d’observation, mais bien trop lentement apparemment. Une lame se glisse sous ma gorge.

« Ta victoire ne doit pas te monter à la t… »

Comme si j’allais la laisser me faire la morale et me rendre sagement. Juliette est déjà en mouvement et se jette sur la main de Nerys depuis l’intérieur de ma chemise. Aussitôt, elle retire sa lame pour ne pas être touchée en me coupant la gorge sans ménagement. Malgré la douleur, je trouve la force nécessaire pour me retourner en me servant de ma jambe au tendon intacte. Je tends mes doigts gantelet et mets les griffes en avant dans le but de pouvoir au moins l’érafler.

Cependant, elle attrape mon poignet et d’un mouvement rapide me projette par terre en m’y maintenant avec une clé de bras. Juliette se déplace pour me protéger, mais plutôt que de se servir de sa clé pour m’immobiliser elle me casse simplement le bras puis recule avant que Juliette n’ait le temps de faire quoi que ce soit.

Je pense que c’est fini à présent. J’ai du mal à respirer à cause de la coupure sur mon cou et du sang qui se répand dans ma trachée. Sans parler de mon bras et de ma jambe inutilisables.

Je me retourne et regarde le ciel à travers la brume et perds peu à peu connaissance.

*

Je me réveille dans un lit avec un bandage autour du cou. Apparemment, quelqu’un m’a soigné. Du coin de l’œil, je peux voir Nerys assise à côté de moi sur une chaise, les jambes croisées et les bras enchevêtrés. Au milieu de la pièce se trouve la secrétaire les manches relevées et les mains couvertes de sang en train de s’allumer une cigarette.

— Je vais y aller, j’ai du travail. Et que tu le veuilles ou non il a fait ce qu’il fallait cette nuit et ne mérite pas un traitement pareil dès son retour.
— …
— Le gamin est réveillé.
— Je sais.
— Tu veux peut-être t’excuser de l’avoir mis dans un état pareil ?
— Non.
— Tu es ridicule.

La secrétaire s’approche du lit et s’y assoit en prenant une bouffée de sa cigarette. Rien qu’à l’odeur j’ai l’impression d’étouffer à moitié.

« Tu es officiellement un Assassin à partir de maintenant. Je t’expliquerai les détails quand tu viendras me voir. »

Aussitôt qu’elle a fini sa phrase et avec indifférence elle se relève et sort de la pièce en me laissant seul avec Nerys. Pendant plusieurs minutes, elle ne dit rien et Micha qui était jusque là au pied du lit finit par remonter pour se poser contre ma joue. J’aimerais bien savoir pourquoi je finis dans un pire état à l’entrainement qu’à cause des trois autres idiots que j’ai affrontés ce matin. Je caresse la tête de Micha du bout des doigts tandis qu’elle pose sa tête contre moi. J’imagine que c’est difficile moralement pour elle de me voir être blessé au combat sans pouvoir rien faire. Malheureusement, je n’ai pas le choix à cause de sa fragilité. Et puis il vaut mieux que ce soit moi qu’elle.

Juliette de son côté est toujours à sa place sur mon bras et ne semble pas dérangée plus que ça par la situation. Cependant, même si c’est ce qu’elle essaye de me faire croire, le lien ne ment pas et je sais que du coin de l’œil elle surveille Nerys pour être sûre qu’elle ne m’approche pas.

Ma professeur de son côté ne bouge pas et continue de me fixer du regard. Je décide de l’ignorer en regardant le plafond. Je ne suis pas en colère parce qu’elle m’a mis dans cet état, c’est moi qui ai décidé de continuer quand elle me faisait la morale et je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Je ne sais même pas pourquoi j’ai fait ça. C’est sans doute à cause de tout ce qui s’est produit cette nuit. Peut-être que j’aurais mieux fait de rentrer au Prophétie directement pour dormir.

Au bout d’une dizaine de minutes, elle prend la parole en se levant.

« L’entraînement reprendra dans quelques jours. Prends un peu de temps pour te reposer et ne viens plus ici pendant ce temps. Ça te permettra de te changer les idées. Tu en as assez fait. »

Elle se dirige vers la porte et l’ouvre.

« Tu t’es amélioré, mais fais attention ou tu te perdras. »

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