Tate no Yuusha no Nariagari – Chapitre 43.5.3

Volume 3
Prologue
Traducteur : Team Yarashii

— Ça va être pénible. On aurait mieux fait de refuser.
Tout cela était arrivé en raison d’une simple requête formulée par les villageois.
Ils avaient désiré que nous nous occupions des monstres rôdant autour de la ville.
Le corps pourrissant du Dragon Zombie avait fortement contaminé les montagnes environnantes. Une fois que nous lui réglâmes son compte, les créatures qui infestaient les reliefs se mirent en tête d’assaillir le village.

L’idée était de leur apprendre que cet endroit était dangereux pour eux, afin qu’ils restent à bonne distance. Ainsi, le bourg nous avait enrôlés comme gardes temporaires dans ce but.
Pour être franc, j’avais voulu refuser, mais ils avaient déjà tant fait pour nous que j’avais fini par accepter, m’y sentant obligé. En considérant tout ce qu’ils faisaient pour aider Raphtalia dans son combat contre la maladie, nous ne pouvions pas les laisser en plan, alors nous retournâmes dans les montagnes.

— Allez, bouclons ça vite fait.

Je m’appelle Naofumi Iwatani, et je suis un étudiant japonais de vingt ans allant à l’université. Je suis aussi un peu otaku sur les bords.
J’étais à la bibliothèque en train de lire un vieil ouvrage intitulé Les Chroniques des Quatre Saintes Armes lorsque je perdis connaissance. À mon réveil, je m’étais retrouvé dans le monde exact décrit par le livre, et j’avais hérité du rôle de Héros Porte-Bouclier.
Ils m’avaient invoqué dans leur monde, car ils étaient menacés par un désastre appelé les vagues de la destruction. Ces vagues se manifestaient sous la forme de failles s’ouvrant entre les dimensions, d’où émergeaient de vastes hordes de monstres. Apparemment, ils avaient besoin de l’aide des Quatre Héros Légendaires pour surmonter cette catastrophe.

Je fus contraint d’endosser le rôle du Héros Porte-Bouclier, et je n’avais pas d’autre choix que de me dresser contre les vagues lorsqu’elles faisaient leur apparition.
Au premier abord, j’avais l’impression d’être dans un rêve, c’était trop beau pour être vrai. Cependant, il s’avéra que le bouclier que j’étais contraint de porter possédait d’autres propriétés, dont certaines vraiment très embêtantes. J’étais parfaitement incapable d’infliger le moindre dégât aux monstres.
Je mettais toute ma force dans mes coups, mais les créatures les repoussaient comme les assauts d’un misérable insecte. J’avais très vite découvert que j’étais dans l’incapacité totale d’attaquer.
Toutefois, j’avais compensé par mes statistiques défensives, qui étaient très élevées. On pouvait donc dire que j’étais fait exclusivement pour protéger et encaisser.

Finalement, j’avais réussi à rassembler des compagnons, et nous partîmes à la découverte du monde. Durant nos aventures, nous combattîmes à maintes reprises… et nous étions justement en plein combat, actuellement.

— …

Une libellule géante fonça sur moi, brandissant son dard.
Mais il rebondit sur mon bouclier dans un bruit creux soulignant son inefficacité.
Le bouclier était capable d’absorber des monstres et des matériaux, ce qui permettait de débloquer de nouvelles formes et de nouvelles compétences. Ce bouclier montait en niveau avec moi, en quelque sorte. Ce fut de cette manière que j’avais agrandi ma palette de compétences.

Quoi qu’il en soit, cela allait de pair avec son lot de complications, mais il s’avérait également très pratique.
Il m’assistait dans la fabrication de remèdes complexes, et il améliorait mon aptitude culinaire, il fallait donc croire qu’il savait se rendre utile de bien des façons.
Quant à l’objet en lui-même, j’aurais bien aimé pouvoir le retirer de temps à autre, mais il était maudit ou quelque chose du genre, et il était absolument impossible de l’enlever. Il demeurait toujours en place, accroché à mon bras. Je devais donc beaucoup m’appuyer sur les autres membres de mon groupe. Il me fallait leur laisser toute la partie offensive.

— M. Naofumi ! Vous allez bien ?

La jeune femme avec des oreilles et une queue de raton laveur coupa en deux une Mouche Empoisonnée et se tourna vers moi.
Elle s’appelait Raphtalia. C’était une demi-humaine de type raton laveur. Après avoir été piégé et chassé du château, je l’avais achetée comme esclave.

À l’époque, elle avait l’air d’avoir environ une dizaine d’années. Cependant, le corps des demi-humains grandissait en accord avec leur niveau. Elle avait donc connu une sacrée crise de croissance en combattant quantité de monstres différents. À présent, elle ressemblait plutôt à une jeune femme de dix-sept ans.
Elle était très jolie. Bon, elle était mignonne, disons.
Concernant son caractère, elle était très sérieuse. En la regardant, on avait l’impression qu’elle évaluait en permanence les différentes options se présentant à elle, et qu’elle tentait toujours de déterminer « la bonne ».
Avant d’être invoqué dans ce monde, une grande vague de destruction s’était déjà abattue ici, et elle avait perdu sa famille et son village en conséquence. Cela expliquait sûrement pourquoi elle se montrait si motivée à lutter contre les vagues à mes côtés.

— Je vous laisse gérer la défense !
— Je sais !

Fort heureusement, Raphtalia avait foi en moi.
Je l’avais vue grandir sous mes yeux, créant ainsi chez moi une espèce de sentiment parental. À vingt ans seulement, cela pouvait paraître étrange de développer de telles émotions, mais, au vu de la manière dont elle avait grandi, je ne pouvais nier le fait que je me sentais responsable d’elle. Et je pensais qu’elle se disait la même chose. Elle m’accompagnait depuis qu’elle était enfant, alors elle devait me voir comme une sorte de figure paternelle.
Elle avait donc confiance en moi, et je désirais prendre soin d’elle.

Ce fut à ce moment-là que cela se produisit. Une ombre apparut devant moi.

— Ouah !

Un grand monstre-oiseau appelé Filolial fonça vers l’Arbre Empoisonné qui approchait, se pencha en arrière, et déchaîna un barrage de coups.

Cette Filoliale était aussi l’un de mes amis.
Son nom était Filo, et c’était une créature qui s’était attachée à moi.
Elle possédait un pouvoir mystérieux : elle pouvait revêtir une apparence humaine. Sous cette forme, c’était une petite fille aux cheveux blonds et aux yeux bleus, arborant des ailes d’ange dans son dos.
Cependant, sous sa véritable apparence… Eh bien, elle appartenait à l’espèce des Filoliaux, mais elle n’était pas n’importe lequel d’entre eux. Elle était une sorte de croisement entre une autruche et une chouette géante.
Apparemment, elle était en fait une Reine Filoliale.
Elle possédait une force suffisante pour tracter une lourde calèche, et elle mangeait largement assez pour compenser ses efforts. Elle passait son temps à avaler plein de choses.
Il ne fallait pas se laisser leurrer par son apparence. Elle savait envoyer le paquet.

Du point de vue de sa personnalité, elle était innocente, honnête et pure… ce dernier mot la caractérisant sûrement le mieux. Elle arborait toujours un joyeux sourire sur son visage.
Le marchand d’esclaves à qui j’avais acheté Raphtalia vendait également des œufs, et c’était là que je l’avais trouvée. Je l’avais remportée lors d’une espèce de loterie. Tous les œufs se ressemblaient et un billet coûtait 100 pièces d’argent. J’en avais choisi un qui me plaisait et, lorsque celui-ci éclot, Filo était apparue.
Elle avait maintenant… deux semaines. Toutefois, elle n’en avait pas l’air, elle paraissait nettement plus âgée. Je l’avais élevée au même titre que Raphtalia.

— Il semblerait que nous ayons presque terminé ici, M. Naofumi.
— Mais je veux encore me battre !

Une fois les combats entamés, le plan fonctionna en moins d’une heure. La plupart des monstres fuirent vers les montagnes et apprirent à garder leurs distances.

— Tout va bien, Raphtalia ?

Elle se déplaçait plus lentement qu’à l’accoutumée, en raison de la malédiction. Celle-ci était vraiment puissante.
Cela remontait à la veille. Nous affrontions un Dragon Zombie là-bas quand je… je m’étais servi d’une malédiction.
Mais, si l’on y réfléchissait, c’était en réalité LEUR faute, celle des trois autres héros. C’était eux qui avaient commencé à foutre le bazar.

Tandis que nous luttions contre le Dragon Zombie, le Bouclier du Courroux de la « Branche Maudite » s’était déverrouillé tout seul, et je l’avais utilisé. La malédiction était puissante et peu commode à manipuler, et elle s’était retournée contre Raphtalia, mon amie.
Elle m’avait intégralement dévoré, ce qui avait contraint ma camarade à se sacrifier pour m’extraire de ses griffes. Elle avait été sérieusement blessée en agissant de la sorte.
Ainsi, même si j’étais incapable d’attaquer, j’avais commencé à me tenir en première ligne pour protéger Raphtalia.

— Concernant mes blessures, elles ne sont pas si graves, M. Naofumi.
— Bien.
— Hé hé… c’est gentil de vous en inquiéter.
— Je suis vraiment désolé.
— Promettez-moi de ne plus jamais dire cela.

Elle sourit pour me montrer qu’elle n’y attachait pas d’importance, mais cela ne fit que me culpabiliser davantage.

— Ça va, grande sœur ?
— Oui, je vais bien. N’est-ce pas, M. Naofumi ?
— Ouais… mais n’en fais pas trop.
— Vous n’avez pas à… Enfin, bref, merci pour votre gentillesse.

Elle n’avait pas l’air si meurtrie, ce qui était une bonne chose.

— Bon, on en a fini pour aujourd’hui. Demain, on retourne au château de Melromarc pour que Raphtalia soit enfin bien traitée.

Nous empruntâmes la route menant au village. En quittant les montagnes, une route traversait le paysage jusqu’au bourg.

— Maître ! C’est quoi, ça ?

Un Filolial sauvage A apparut !
Un Filolial sauvage B apparut !
Un Filolial sauvage C apparut !

Une fille aux cheveux bleus apparut au sein des Filoliaux !Bon sang… qu’est-ce qu’elle faisait là, aux côtés de Filoliaux sauvages ?
Je jurai dans ma barbe et l’observai attentivement. On aurait vraiment dit une petite fille tout ce qu’il y avait, de plus normale.

— Dis donc, toi ! Tu viens du village ?

Je pensais poser la question au cas où, mais les Filoliaux répondirent avant elle.

— Gah ?

Ils fixaient Filo. Ils semblaient ébahis !
Les Filoliaux A, B, et C s’enfuirent !

— Aaah…

La jeune fille tendit la main vers les Filoliaux qui se carapataient.
Qu’est-ce qu’il lui arrivait ? Est-ce qu’elle jouait avec eux ?
Bon, après tout ce temps passé en compagnie de Filo, j’avais une idée assez précise du comportement de cette espèce. Elle devait probablement les nourrir ou quelque chose du genre, puisqu’ils mangeaient beaucoup.
Au premier coup d’œil, elle paraissait appartenir à une famille aisée. Peut-être était-elle la fille d’un riche marchand ?

— C’était quoi, ça ?

Les Filoliaux s’étaient retirés en la laissant toute seule, donc je supposai qu’elle n’était pas leur propriétaire.
Ils devaient être à l’état sauvage.
Si un monstre s’enfuyait dès l’instant où l’on s’en approche, il était peut-être d’une espèce rare qui laissait derrière elle des objets de valeur ou une grande quantité de points d’expérience. Tout de même, abattre un Filolial au hasard ne devait sans doute pas rapporter beaucoup d’expérience.
Ils s’étaient probablement repliés en apercevant Filo, notre Reine Filoliale.

— Oh là là, ces oiseaux ont l’air délicieux ! Je me dis ça à chaque fois que j’en vois passer un.
— Vous êtes de la même espèce, tu sais.
Filo se léchait le bec en salivant d’avance.

Il fallait croire que tout pouvait se manger pour elle. Elle se lancerait donc aussi vite dans le cannibalisme, hein ? C’était flippant.

— Si on les chasse tout de suite, on peut les rattraper ! Allez, maître !
— Laisse-les tranquilles.

Elle savait vraiment y faire pour briser la tension ambiante en toutes circonstances.
En parlant d’expérience, je n’avais pas vérifié nos niveaux depuis le combat contre le Dragon Zombie.

Naofumi : NIV 38
Raphtalia : NIV 40
Filo : NIV 40

À quoi correspondait cette étoile ?

— Hé, il y a une étoile à côté de mon niveau. Vous savez ce que ça veut dire ?

Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ? J’eus un mauvais pressentiment.

— Hmm…
— J’en sais rien !

Je décidai de consulter l’écran d’aide.
Je ne comprenais toujours pas. L’information devait être inscrite quelque part, mais je ne trouvai rien concernant l’étoile.
Il me faudrait revenir dessus plus tard.

Hein ? La petite fille qui était avec les Filoliaux nous avait remarqués, et elle se dirigeait à présent dans notre direction.

— Ouah, est-ce une Filoliale ?
— Tu parles de Filo ?
— Peut-elle parler ?

La fille et Filo se regardèrent attentivement.

— Oui.
— J’ai toujours rêvé de parler avec eux ! J’espère que l’on pourra discuter un peu !

La jeune fille, visiblement très intéressée, continua de s’adresser à Filo.
Elle semblait avoir dans les dix ans. Ses cheveux étaient bleus, mais pas d’une teinte très soutenue. Peut-être était-ce en réalité du bleu marine ? Elle les portait en nattes et donnait l’impression d’être quelqu’un d’excentrique et important. Il paraissait évident qu’elle provenait d’une famille aisée.

— Maître, qu’est-ce qu’on fait ?

Bonne question. Que devions-nous faire ? On aurait presque dit que cette gosse de riche voulait s’emparer de Filo.
Si je parvenais à bien m’entendre avec sa famille, je pourrais en profiter pour arranger notre situation. Cela ne serait pas si mal.
Je ne me présentai pas comme le Héros Porte-Bouclier, mais plutôt comme un saint voyageant dans une calèche tractée par un oiseau divin. De nombreuses personnes m’avaient accosté pour savoir si elles pouvaient m’acheter Filo.
Bien évidemment, je n’avais aucunement l’intention de la vendre. Cependant, je me servais de ce sujet comme point de départ de la conversation, afin de l’orienter dans une direction poussant le client à repartir souvent avec un nouvel accessoire, cher de préférence.
Et puisque je cachais ma nature de Héros Porte-Bouclier, la plupart des gens se montraient très amicaux lorsque je les abordais. En partant de ce constat, il pourrait être malin de conduire mes affaires de sorte que ma clientèle soit en ma faveur. Cela ne faisait pas de mal d’avoir plusieurs personnes m’étant redevables.
Et, pourtant, cette fille avait pu deviner que Filo était une Filoliale. Elle l’avait su en un coup d’œil !

— Une Filoliale douée de parole, c’est bien cela ? Comment t’appelles-tu ?
— Filo.
— Filo ? Eh bien, mon nom est Mel !
— Contente de te rencontrer, Mel.
— Moi de même ! Dis, Filo, veux-tu manger cela ?

La fille appelée Mel sortit quelque chose ressemblant à de la viande séchée et la tendit à Filo.
Elle devait savoir à quel point les Filoliaux aimaient manger.

— Ouais ! Merci !

Filo goba avec avidité la viande.

— Hé hé hé.

Mel gloussa de joie devant les joues toutes rebondies de Filo. Elle se mit à les caresser doucement.
Elle aimait les Filoliaux. C’était visible. Je pouvais affirmer qu’elle était différente des autres personnes s’intéressant à Filo, EUX n’étaient attirés par elle que pour sa rareté.
Elle paraissait sincèrement vouloir se lier d’amitié avec Filo. Pour être honnête, agrandir notre réseau de connaissances ne serait pas du luxe, alors je l’encouragerais bien à devenir amie avec elle.

— Filo, on a encore du boulot à faire au village, alors tu peux rester ici encore quelque temps si tu veux. Amuse-toi bien.
— D’accord ! Tu veux venir ?
— Oui !

Filo et Mel partirent ainsi en courant dans les champs pour jouer.
Nous retournâmes au village et fîmes tout ce qui était en notre pouvoir pour aider à éradiquer la maladie qui affligeait les lieux.
Je demandai au médecin s’il avait besoin de nous, et il me confia la fabrication de remèdes. Préparant les composants, je me mis au travail. L’opération s’acheva finalement plus vite que je ne l’avais prévu. Une partie de moi souhaitait sincèrement pouvoir apaiser la souffrance des villageois. Heureusement, cet endroit allait retrouver sa tranquillité passée d’ici peu.
Je jetai un œil en direction des champs et aperçus Filo en train de jouer avec des enfants.

— Euh… Votre Sainteté… pourriez-vous…

Le chef du village apparut près de moi et me tendit une bourse.

— Votre Sainteté, merci pour votre aide. Veuillez accepter ceci en gage de remerciement.

Voilà qui me faisait penser que ces gens ne connaissaient toujours pas ma véritable identité. À leurs yeux, je n’étais pas le Héros Porte-Bouclier, ce criminel terrifiant. Non, j’étais simplement un saint itinérant accompagné d’un oiseau divin.

— Hmm…

Je pris la bourse, l’ouvris, et commençai à compter son contenu.
Ensuite, je retirai la moitié de la somme et la mis dans un sac à part.

— Que faites-vous ?
— Je n’ai pas tout résolu. Le docteur a autant contribué que moi, donnez-lui ça.
— Oh, oui…

Sans cet homme, nous aurions été dans le pétrin. Seul, je ne pensais pas que j’aurais pu enrayer la maladie. Alors, il méritait vraiment sa part de remerciements.

— Très bien.

Pour que les blessures de Raphtalia guérissent intégralement, nous allions devoir nous rendre dans une église plus imposante, mais il se faisait déjà tard.
Il nous faudrait donc rester ici une nuit supplémentaire avant de partir.
Nous nous détendions au sein du village lorsque Filo fit son retour à toute allure.

— Hé ! Je me suis fait une nouvelle amie !
— Super. C’est la fille qu’on a croisée en revenant des montagnes ?

Une minute. Est-ce qu’elle en avait déjà au moins une autre ? Ne devrait-elle pas plutôt être sa première amie et non une NOUVELLE amie ?
Raphtalia était plus proche d’une mère pour elle, ou du moins d’une grande sœur.

— Ouais ! C’est cette fille-là, tu sais ? Elle se balade et se rend aux mêmes endroits que nous !
— Vraiment ? C’est donc aussi une voyageuse, hein ? Elle est bien fringuée pour quelqu’un comme ça.

Peut-être était-elle la fille d’un riche marchand, et n’avait fait que passer par hasard dans le village quand la maladie s’était déclarée.
Quoi qu’il en soit, Filo était sûrement du genre à être populaire auprès des enfants. Après tout, elle l’était avec tout le monde.
De plus, cette fille n’avait apparemment pas été plus surprise que cela de la voir prendre forme humaine. Elle devait se montrer plutôt douée pour s’adapter.

— Et tu sais quoi ? Elle m’a appris plein de trucs que je connaissais pas ! Comme le type de monstre qu’étaient les Filoliaux, et les légendes sur eux !
— Ouah.

Il me suffisait d’intervenir de temps à autre pour qu’elle soit satisfaite. Filo n’était pas le meilleur partenaire de conversation, alors il était parfois difficile de deviner ce qu’elle cherchait à dire.
Voici un exemple : quand je lui avais demandé comment se servir de la magie, elle m’avait sorti une réplique de nulle part comme « ça sort juste, pouf, comme ça, avec un grand boum ! »
— Mais, quand elle est partie jouer avec les autres Filoliaux dans les champs, elle a été séparée de son groupe et s’est perdue. C’est là qu’on l’a trouvée !

— Ouah.
— Hmm… M. Naofumi ?
— Hein ?

Honnêtement, je ne prêtais pas franchement attention à ce qu’il se passait. Mais je pourrais sûrement me rappeler ce qu’elle avait dit, si besoin.
Filo s’était liée d’amitié avec cette fille qui s’était présentée sous le nom de Mel. Et elle s’était retrouvée isolée de ses compagnons ? Cela ressemblait à une histoire qui tournait mal, alors je posai mon regard sur Filo, pour découvrir que la fille en question se tenait là également, juste à ses côtés.

— Je suis navrée de vous déranger en cette heure tardive. Je me demandais… si cela ne vous dérangerait pas… que je voyage en votre compagnie.
— Attends une seconde. Faut que je tire ça au clair. Tu t’appelles… Mel, c’est ça ? Pourquoi tu as suivi Filo jusqu’ici ? Si tu as perdu de vue tes camarades, pourquoi ne pas partir à leur recherche ?
— Oui, eh bien… Un Filolial m’a amenée ici, mais je ne sais pas exactement où je suis. Je connais ma destination, mais j’ai été séparé de mes protecteurs il y a déjà quelque temps.
— Protecteurs ? Tu es une noble ? Ou la fille d’un marchand ?
— Je… euh…

Mel détourna le regard un moment, puis hocha la tête.

— Votre hypothèse selon laquelle j’appartiens à la noblesse est exacte, mais, je vous en prie, appelez-moi Mel. Je discutais avec Filo du propriétaire de son attelage. Êtes-vous une sorte de saint ? J’ai également eu vent que vous comptiez rallier la capitale de Melromarc demain. Puis-je vous accompagner ?

Elle se montrait très polie en s’adressant à moi.
Je m’interrogeais… Si nous la ramenions à Melromarc, nous recevrions probablement une récompense en espèces sonnantes et trébuchantes. Nous reconduirions une jeune fille perdue auprès de ses parents, qui étaient membres de la noblesse, alors ils auraient sûrement à cœur d’exprimer concrètement leurs remerciements.
Toutefois, si le Héros Porte-Bouclier l’escortait jusque chez elle, je finirais plutôt par être accusé de l’avoir enlevée. Ils trouveraient bien le moyen de ruiner ma vie une deuxième fois.

— Bon…
— Maître, je veux qu’elle vienne avec nous ! Elle a des ennuis !
— Si on l’aide, ça pourrait nous retomber dessus.
— M. Naofumi, je suis du même avis que Filo. Nous ne pouvons abandonner une enfant aux caprices du destin !
— Merci infiniment. Puis-je donc vous accompagner durant votre trajet ?

Tant Filo que Raphtalia penchaient en sa faveur. Et nous avions la possibilité de gagner de l’argent au passage. Dans le pire des cas, je pouvais toujours grimper sur le dos de Filo et m’enfuir.

— On va devoir réclamer un paiement. Filo passera voir ta famille pour le collecter. Ça te convient ?
— Bien sûr ! Je demanderai à mon père et il acceptera certainement.

Il fallait croire que cela allait se produire ainsi.
En tout cas, si sa famille possédait une maison dans la capitale de Melromarc, elle devait mener une existence confortable. Qu’est-ce qu’une fille pareille faisait à jouer avec des Filoliaux sauvages ? Et si nous la lâchions des yeux un instant et qu’elle disparaissait ? Et si elle se retrouvait, et nous avec, dans une situation délicate ?

— Tu as intérêt à bien te comporter, ou on te laisse au bord de la route.
— Je comprends. Vous avez tous mes remerciements, Grand Saint.

Et voilà comment nous avions fini par voyager en compagnie de Mel, l’amie de Filo, durant notre trajet en direction de la capitale.
Nous grimpâmes à bord du chariot que Filo tirait et mîmes le cap vers notre destination.

— Merci pour tout ce que vous avez fait ! Revenez quand vous voulez.— À une prochaine fois.

Tout le village s’était rassemblé pour nous saluer.
En quittant le bourg, je ne pouvais m’empêcher de me demander s’ils nous auraient traités de la même manière s’ils avaient su qui j’étais vraiment. Le simple fait d’y penser me perturbait.

— Mel, j’ai hâte de voyager avec toi. Mon nom est Raphtalia. Ce trajet sera bref, mais je suis convaincue que nous passerons un bon moment.
— Oui. J’en suis également persuadée, Mlle Raphtalia.

J’étais déterminée à ce que Raphtalia soit entièrement guérie, alors je souhaitais me dépêcher de rejoindre la ville pour la soigner avec de l’eau bénite.

— Mel, garde à l’esprit que le rétablissement de Raphtalia est notre priorité.
— Que lui est-il arrivé ? demanda Mel.
— On se battait contre des sales créatures vicieuses dans les montagnes, et elle a fini par attraper une malédiction.
— Oh, voilà donc ce qu’il s’est passé ?

Je gagnais de l’argent en fabriquant des remèdes et en les vendant.
Mais je m’étais fait temporairement une raison en considérant Raphtalia comme plus importante pour l’instant. Pour être franc, je désirais réellement récolter assez pour nous acheter de nouveaux équipements d’ici l’arrivée de la prochaine vague. Cependant, en comparaison avec les blessures de Raphtalia, cette dernière l’emportait sans discussion.
Après tout, elle était maudite à cause de moi, et elle devrait être en pleine forme quand la vague se profilerait. La question de l’équipement pouvait être réglée plus tard, mais Raphtalia couvait une maladie qui devait être guérie dès maintenant. Il fallait traiter cela au plus vite.

— On a besoin d’eau bénite venant d’une grande église.
— La malédiction est si forte que vous vous rendez à l’église de la capitale, c’est bien cela ?
— Ouais.

Au village, le docteur nous avait dit que nous aurions besoin d’une eau bénite puissante provenant d’un tel édifice.
Voilà pourquoi je m’étais résolu à revenir à la capitale. Je devais trouver le plus grand lieu de culte.

— Filo, on se rend à la capitale. Et en vitesse !
— Compris, mon capitaine !
— Ouah !

Filo partit si vite que Mel laissa échapper un petit cri.
J’oubliais de mentionner que Filo avait tendance à secouer pas mal la calèche lorsqu’elle courait. Cela conduisait la plupart des gens à tomber malades à bord.
Est-ce que tout irait bien pour Mel ?

— Ha ha ha ha ha ha ! Filo va si vite !
— Ha ha ha ! Je peux encore accélérer !

Bon, il semblerait que oui.

— Fais attention ! C’est dangereux ! Calme-toi.

Raphtalia réprimanda une Filo lancée à toute allure, mais celle-ci fit mine de n’avoir pas entendu.
En vérité, elle allait plus vite que d’habitude. Elle tentait probablement d’impressionner Mel.
Mais, à ce rythme, Raphtalia pourrait finir malade.

— M. Naofumi, cela vous dérange si je m’allonge un peu ?
— Pas du tout.

Est-ce que cela aggravait son état ?

— Ça devient un vrai cauchemar. J’aurais mieux fait de refuser, marmonnai-je à mon intention.

Nous avions croisé Mel, car nous avions accepté de chasser les monstres loin du village. Je commençais à le regretter, ne serait-ce qu’un peu.

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