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Chapitre 355 : Découvrir son nouveau camp

— Mes excuses, mais le spectacle que tu as offert était un bon moyen de faire les présentations et d’améliorer le moral.
— C’est… j’ai un peu de mal avec l’idée, mais je vais m’y faire. Créer un lien avec une divinité… je n’ai pas l’habitude.
— On s’y fait. Je suis moi-même appelée Circé, Galaxia se fait appeler Mercuria, Bravain se fait appeler Apollon et pour les autres… Tu l’apprendras bien à un moment ou un autre.
— Pourquoi cette fascination pour les dieux grecs et romains ?
— …

Mellow tourne la tête et semble gênée alors que Galaxia se met à pouffer de rire.

« Mellow est une fan invétérée de la mythologie en général. C’est une addiction qui nous amuse tous. Joue le jeu, ça ne te coûte rien. Les guerriers de Penovia feront le reste. Et puis… la commandante Emy se fait appeler le démon rouge, quoi de mieux que Typhon pour l’affronter. »

On en revient à ce plan… Je ne pense pas qu’affronter Emy soit une bonne idée. Vraiment pas. Bien sûr, je suis plus fort qu’avant, mais c’est quand même impossible. Je n’invente pas la force d’Emy et je ne grossis pas le trait. Après avoir affronté autant de personnes, Emy est restée une référence en termes de force. Charade, plus faible qu’elle. Balad, plus fort. Depuis ce premier entraînement avec Emy quand elle a été sérieuse quelques instants et ensuite sur Galatia quand je l’ai vue se battre… Emy a toujours été un point de référence. Je. Ne. Peux. Pas. La. Battre.
Maintenant, je passe pour quelqu’un capable d’affronter une armée avec ma petite démonstration. Est-ce que quelqu’un ici est capable de voir que c’est circonstanciel tout ça ? J’ai déjà dit que j’étais plus faible maintenant que j’ai perdu Yuu, j’espère bien qu’ils ne vont pas me faire charger les lignes ennemies en hurlant « Typhon » ou quelque chose de stupide en espérant que les soldats meurent sur mon chemin devant la toute-puissance de mon nom.

Nous approchons finalement du centre de la ville en contrebas du donjon. Les tirs venant des trébuchets continuent de s’écraser sur la barrière magique avec encore plus de violence maintenant que nous sommes plus près des murailles et des limites de la ville. Nous arrivons dans une grande place bien plus grande que celle du donjon. Je peux voir plusieurs grimpeurs autour d’une pierre magique installée sur un piédestal à proximité d’une grande fontaine. Ce sont des Magiciens vu leur sceptre et la lumière sortant des joyaux installés à l’extrémité. Ils sont tous en train de marmonner en direction de la pierre et c’est sans doute pour maintenir la barrière magique autour de la ville. Le groupe entier porte d’épais manteaux qui les recouvrent entièrement. Ma cape me suffit pour me protéger du froid, mais je ne resterais pas toute la journée dehors comme ils doivent le faire. Il doit approximativement faire moins de cinq degrés et la soirée ne fait que commencer ici. Il n’y a qu’une personne assise par terre qui semble désintéressée par tout cela et qui est en train de jouer avec une sorte de rubik’s cube en bois.

Mellow s’arrête à proximité du cercle de Mages, mais en m’approchant derrière elle je peux voir que ce qui l’arrête semble être une autre barrière magique. J’imagine que c’est une protection supplémentaire pour éviter les « accidents ».

« Nomad, je te présente Héphaïstos. Le génie derrière la protection de Djupa. »

L’homme assis contre la fontaine se redresse en grommelant. C’est un homme barbu et chauve qui semble suffisamment sévère pour bien porter son nom. Il s’approche de Mellow en soupirant.

— Ce n’est pas parce que j’ai une barbe et que je fais du bricolage que tu as le droit de me comparer à un type difforme qui n’a jamais existé.
— Si seulement les comparaisons s’arrêtaient là… Je te ferai une liste plus tard des points communs. Je vois que Anisse n’a pas encore fini son service.
— Tu crois que j’attends qui exactement ? Par contre, ils vont tous finir par être malades à rester dans le froid comme ça et Anisse ne devrait pas avoir à subir ça.

Galaxia à côté de moi m’explique qu’Héphaïstos et Anisse sont mariés et que Anisse est même enceinte depuis quelques semaines.

— Si nous avions une autre solution, tu sais très bien que je le ferais sans hésiter.
— Tu dis ça, mais toi et les autres vous êtes bien au chaud à l’intérieur pendant qu’ici on subit la neige et le froid ! Je te préviens, si Anisse tombe malade —

« Mais tu vas la fermer !? Tu vois beaucoup de gens capables de me remplacer dans le coin ?! »

Un des Mages se retourne finalement en retirant la capuche qui recouvre son visage. C’est une jeune femme blonde avec de grands yeux verts qui semblent très irrités par ce qu’Héphaïstos raconte. Objectivement, elle est extrêmement belle au point de se demander comment un chauve à barbe a bien pu finir avec elle.

— Mon cœur… tu sais très bien que —
— Tu sais quoi, j’en ai vraiment marre de t’entendre te plaindre à ma place ! Au lieu de rester assis sur ton cul à jouer, tu pourrais trouver un moyen pour déplacer cette pierre et la mettre en intérieur, au chaud !
— Mais… mon chaton, c’est impossible ! Pour transmettre le mana efficacement à la barrière, il faut que la pierre soit exposée…
— TROUVE UNE SOLUTION ! Fais en sorte qu’il n’y ait plus besoin de ce caillou ou gagne la guerre d’une façon ou d’une autre. Tu as l’impression que j’ai le temps de réfléchir ici, hmm ? Je vais « vraiment » finir par t’égorger si j’entends un mot de plus sur le sujet.

Wow. J’ai l’impression de débarquer au mauvais moment. Même Galaxia à côté de moi fait la grimace en l’entendant. Mellow s’approche un peu plus d’Héphaïstos et de Anisse et commence à parler de moi pour expliquer la situation.

— C’est quoi son vrai nom du coup ?
— Bernard. Héphaïstos sonne mieux.
— Je vois un peu mieux les ressemblances. Et elle s’appelle Aphrodite ?
— … Ne l’appelle jamais comme ça. Elle déteste ce surnom et elle n’hésite pas à être violente dès qu’elle l’entend. Même Mellow a fini par se faire briser le bras… ce qui est un exploit et une histoire assez intéressante que je te raconterai plus tard.
— Et pourquoi Bravain a dit que ma classe pouvait passer au travers de la barrière d’ailleurs ?
— Les animaux de petite taille le peuvent. C’est impossible pour les humains, mais même si c’est un peu long de traverser la barrière, elle n’est pas complètement hermétique.

Je regarde Galaxia qui soupire. C’est « ça » la solution ? Envoyer des animaux en dehors de la barrière ? C’est tout ? Hors de question que je laisse mes animaux prendre des risques pendant que je reste caché dans le château.

« Toi là, approche. »

Héphaïstos m’appelle et je décide d’approcher pour savoir ce dont il veut me parler. Je le fais plus par curiosité que par respect pour son rôle ici.

— Typhon c’est ça ? J’ai pu entendre un soldat transmettre la nouvelle de ton arrivée pendant que tu visitais la ville.
— Nomad suffira.
— Bien. Tu veux réellement nous rejoindre et gagner la guerre ? Ça me va. Le problème est de savoir ce que tu veux exactement et si on peut te faire confiance. J’ai justement ce qu’il faut pour ça.

En disant cela, Héphaïstos sort de la sphère protectrice et s’approche de moi en attrapant quelque chose dans son inventaire qui ressemble à une sorte de collier.

« Mets ça. »

Je demande ce que c’est, mais je n’obtiens pas de réponse. Ils me regardent tous comme si la situation était normale, mais je ne suis pas assez stupide pour mettre un objet aux effets inconnus.

— Je refuse dans ce cas.
— Très bien, c’est un collier qui te force à dire la vérité.
— Je refuse quand même. Je ne vous demande pas de me faire confiance, mais si je dois me faire interroger, je préfère encore repartir au pied de la tour.
— Garçon, tu rends les choses difficiles ! Il y a bien plus que toi dans la balance ici. Ton comportement est plus que suspicieux.
— Très franchement, la dernière fois que quelqu’un m’a forcé à faire quelque chose, j’ai dû tuer une centaine de types dans une Fosse puante. Et ce n’est que le dernier exemple en date. Je ne mettrais pas un collier qui, pour autant que je sache, va te permettre de me contrôler comme une marionnette.
— Grrr… Mellow dit quelque chose à ce gamin !

Je me tourne vers Mellow en croisant les bras. C’est hors de question. Je sais que ma connexion avec Angela me protège de toute influence mentale, mais je ne compte pas leur faire plaisir en dérangeant une déesse de la corruption. Tout ça, bien sûr, pour leur montrer que ça ne marche pas. Je dois déjà me faire à l’idée de tuer Thif et éventuellement battre Emy. Les probabilités d’y arriver avec une armée entre moi et eux sont ridicules. Donc « mets un collier et tais-toi sinon je ne peux pas te faire confiance » ne va pas marcher sur moi.

« La situation est déjà difficile. Vous êtes enfermés dans ce château alors qu’une force ennemie est en train de conquérir le reste de Penovia et vous n’avez pas l’air d’être en train de gagner. La cible de ma quête est derrière une barrière magique et une armée qui bombarde l’endroit. Si vous n’avez pas confiance, vous n’avez qu’à poser des conditions, mais je ne mettrai pas ce truc. »

Pour l’instant, Mellow se contente de me regarder silencieusement. C’est pareil pour les autres, même si Héphaïstos et Anisse semblent attendre la suite en me jetant un regard noir. Je comprends mieux pourquoi ils sont ensemble.

« Bien entendu, faire confiance à un étranger est ridicule et je ne demande rien si ce n’est une opportunité de réussir ma quête. Je me fiche que vous me croyiez ou non, tant que je peux sortir d’ici. Si vous refusez, je n’ai aucune raison de rester. Si vous me donnez cette opportunité, je ne demande rien de plus. Je n’ai pas besoin de coéquipiers, j’ai déjà mes animaux en qui j’ai entièrement confiance et les précédents grimpeurs qui étaient avec moi sont probablement en train de se faire torturer par un type que je n’ai aucune chance de battre, même avec l’aide de plusieurs Dragons. »

Malgré moi, je commence à m’énerver en parlant. Je trouve cette situation ridicule. Cela ne fait que quelques jours depuis ma dernière rencontre avec Balad et je suis encore capable de ressentir un même mélange de rage et de terreur rien qu’en pensant à lui. Je n’ai pas de temps à perdre ici.

« Ma seule et unique piste pour les libérer se trouve dans les mondes de la tour parce qu’une Oracle me l’a dit. C’est ça la vérité. À vous de choisir. Je serai dans le château à m’entraîner en attendant que vous preniez votre décision. Ah, et tant que j’y suis, votre collier de vérité ne marchera pas sur moi puisque je suis un Assassin. Ce truc risque même d’exploser à mon contact. »

Je m’éloigne du groupe en direction du château. Il n’y a pas grand-chose à ajouter et je pense même avoir trop parlé. Autant ne pas être arrangeant en acceptant n’importe quelle demande. J’ai mieux à faire.

Grâce aux corbeaux, souris et rats, j’ai terminé d’établir une carte de Djupa et de rassembler des informations basiques sur les troupes présentes. Au total, je pense qu’ils sont deux mille ou trois mille dans le château. C’est un peu difficile d’avoir des informations sur ce qu’il se passe là dehors, mais il y a suffisamment de feux de camp pour qu’ils soient dans les cinq mille. Il y a même des camps supplémentaires au loin, donc ils sont peut-être le double. Le château est complètement encerclé en tout cas… Enfin, presque.
Ce château se situe au bord du monde. Un vide abyssal longe l’arrière de Djupa et celui-ci pourrait tout aussi bien tomber dedans en cas de séisme. C’est assez… intrigant et j’ai envie d’observer ça par moi-même un peu plus tard.

Un autre lieu touristique est la mine sous le château. Une bonne partie de l’exploration des rats a été dans les souterrains qui s’étalent dans un dédale assez impressionnant. Même maintenant, c’est impossible de savoir jusqu’où la mine s’étend. Apparemment, la ville de Djupa profite du bord du monde pour miner différentes couches rocheuses qui sont accessibles au bord du néant. Avec un système d’échafaudage en bois et de pierre taillée descendant sur plusieurs centaines de mètres, il est plus facile de descendre dans les ténèbres sans pour autant prendre le risque de tomber dans le vide. Et puis, pas de problème d’oxygène et les gravats peuvent directement être jetés dans le vide. Je trouve ça plutôt astucieux, même si je ne fais que gratter la surface de l’intérêt de l’abysse pour l’homme.

La taille de la mine fait plusieurs fois la superficie de la ville et c’est très difficile de naviguer clairement là-dedans, même pour les rats. Même maintenant, je n’en ai probablement découvert que 10 % et elle s’étire encore dans les profondeurs. Yuu aurait pu établir une carte des lieux pour m’aider à comprendre la disposition, mais j’avoue que je n’ai pas ses capacités mentales.

Je mets toutes ses informations de côté. Pour l’instant, je compte m’entraîner. Entre la fusion et l’utilisation de mes talents de champion, ou même mon lien avec Persée, j’ai de quoi m’occuper pendant qu’ils discutent. Je n’ai pas de temps à perdre, quoiqu’ils décident.

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Correction : Hastin

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