Tour Des Mondes – Nina 3

Du dégoût et des obstacles.

Elle se redresse rapidement. Cela lui a pris un peu de temps mais elle se sent beaucoup mieux. Elle n’a plus les mains qui tremblent et sa tête a décidé de ne plus lui causer de problème. Bien sûr il lui faudrait sans doute une bonne nuit de sommeil pour se remettre complètement, mais elle ne souhaite pas perdre sa journée à ça. Vu l’emplacement du soleil dans le ciel, il est encore tôt et la journée s’annonce belle, dormir alors qu’elle vient d’arriver serait stupide alors qu’elle ne sait rien de l’endroit où elle se trouve.

Elle se retourne en direction de la tour centrale et comme si elle avait attendu depuis le début, sa guide est là. Les mains dans les poches de sa large veste et qui l’observe immobile. Ses cheveux châtains virevoltant dans la brise. Nina pourrait presque la trouver jolie dans cette situation. Une guide immobile au milieu des gens qui passent autour d’elle sans se préoccuper de son existence, ses yeux fixés sur une seule chose, sur la raison de sa présence ici. Sur la grimpeuse qui occupe ses pensées. Nina aurait presque envie de sourire en y pensant, mais pas suffisant pour que ce soit le cas. Elle s’approche lentement en direction de la guide qui continue de la fixer en ignorant le reste du monde.

«  J’ai l’impression que tu as retrouvé ton chemin jusqu’ici. Suis moi et je t’emmènerai plus loin. »

La guide se tourne alors comme si de rien n’était et marche. Nina la suit sans vraiment regarder vers où elle se dirige. Elle regarde le contenu de ses poches, mais il n’y a rien d’utile à sa disposition. Des clés, un téléphone portable qui indique qu’il n’y a pas de réseau et quelques pièces dans les poches à l’arrière. La guide commence à parler comme si de rien n’était. Elle lui explique comment la tour fonctionne, le système de classe, le rôle des guides ici au pied de la tour et ce qu’est le peuple de la tour. Elle lui explique également que tout le monde ici se comprend et que la tour prend en charge la traduction de la langue pour chacun de l’oral et de l’écrit. Pour vérifier Nina insulte un passant qui la regarde avec un air étrange avant de reprendre son chemin.

La guide semble indifférente à ses agissements et continue de parler. Elle lui tend un livre en lui disant qu’elle en aura besoin et qu’elle peut simplement le placer dans son inventaire. Nina ne dit rien et essaye de faire apparaître la fenêtre dont parle la guide et pendant quelques instants elle est surprise, mais place juste le livre à l’intérieur avant de continuer à suivre la guide.

La guide parle et parle encore sans vouloir s’arrêter ou faire de pause et Nina la suit sans rien dire. Elle passe devant un manoir en indiquant son nom : l’Exile et en lui expliquant que c’est ici qu’elle vivra à partir de maintenant et qu’elle y trouvera toujours une chambre pour elle.
Nina ne dit rien et regarde rapidement le manoir. Un grand bâtiment qui semble neuf et qui fait plus de cinq étages de haut. La guide sans attendre énonce simplement que c’est l’un des plus grands manoirs du pied de la tour et qu’elle en est responsable. Elle explique ensuite que malgré sa taille, peu de gens y vivent car la plupart des grimpeurs dont elle a la charge sont déjà dans la tour. Elle continue à énoncer des détails qui n’intéressent pas Nina et se remet à marcher.

– Je vais à présent t’accompagner jusqu’à ta classe de prédilection. Celle avec laquelle tu as le plus d’affinité, expliqua la guide.
– Et avec quoi est ce que j’ai le plus d’affinité, demanda Nina rapidement pour être sûre d’avoir une réponse.
– C’est une nouvelle classe dans la tour et tu es peut-être l’une des premières à avoir de l’affinité avec elle, déclara t-elle. C’est une classe un peu particulière dont on ne connaît encore que peu de choses et qui s’appelle Lamelié. C’est une classe offensive en tout cas, mais c’est tout ce que je sais malheureusement.
– Comment tu t’appelles ? Demande Nina. J’imagine que nous sommes vouées à nous revoir alors autant que je sache comment t’appeler.
– Mon nom est Marlène, juste Marlène, répond t-elle avec un sourire triste.
Même si Nina est un peu curieuse, elle ne posera pas plus de question, un nom lui suffit. En attendant la guide semble avoir terminée avec son introduction. Tant qu’il y a de l’ordre ici au pied de la tour elle ne voit pas pourquoi elle s’intéresserait au système de justice qui semble être un sujet barbant. Le plus simple serait de trouver le quartier le plus mal famé de la ville pour voir à quel point le pied de la tour est sûr.

En suivant le chemin, elles arrivent ensuite toutes les deux au pied d’une grande tour où elle peut voir une sorte de gravure dans la pierre qui représente un magicien, la barbe et le sceptre magique sont suffisant pour lui faire comprendre. Beaucoup de gens entrent et sortent de la tour et la plupart ont un équipement qui semble être lié à la magie. Nina se moque de tout ça et ne sait pas quoi penser du monde qui l’entoure pour l’instant. Être impressionnée ? Ce n’est pas son genre et ce n’est pas quelques « tours » qui lui feront changer d’idée.

La plupart des gens semblent heureux ou déterminés en tout cas et ça l’exaspère. Comme si personne n’avait l’air de comprendre qu’ils avaient signé un contrat indiquant qu’il faudra tuer et probablement massacrer voir torturer des gens pour survivre, sans parler des vols, des trahisons et de tous les trucs dont les humains sont généralement capables. C’est bien la peine de venir de la Terre si c’est pour oublier tous les trucs dégueulasses qui ont eu et ont lieu là bas. Tout ça parce que le pied de la tour a l’air d’être en paix… Il y a de la violence dans le quotidien, mais pas suffisamment pour que la plupart des gens s’en rendent compte et ici ? Ici tout à l’air trop parfait. Tout le monde a l’air heureux, les rues sont propres, aucun problème à l’horizon et il n’y a que des sourires sur les visages.

Cette perfection pue. Elle est camouflée, mais l’odeur est bien là. Il faudra qu’elle aille vérifier les tréfonds de la ville pour s’en assurer. La situation semble tellement parfaite, aller à l’école et partir à l’aventure. C’est tellement enfantin alors que ce ne sont pas des enfants qui l’entourent.
La guide s’arrête devant l’entrée de la tour.

« Je te quitte ici, Nina. Tu me retrouveras ici en sortant et je t’accompagnerai jusqu’à l’Exile. Tu dois te rendre au 37eme étage. C’est celui qui est réservé à ta classe.»

Sur ces mots, Nina s’avance et abandonne sa guide. Elle n’a rien contre elle, mais elle n’a pas non plus envie de faire ami-ami. Elle entre dans la tour par l’entrée principale en suivant le flot de gens. Elle essaye de se faire une raison pour ne pas devenir violente quand les gens la frôlent et finit par arriver dans le hall central de la tour. Sa première remarque est de se dire que l’endroit est excessivement grand. Elle lève la tête et contemple la taille de l’escalier et des quelques ascenseurs qui montent et descendent des étages les plus hauts. La tour grouille de vie humaine et le mouvement rappelle celui des veines où le sang afflue sans jamais s’arrêter. Les humains qui la traversent y insufflent une forme de vie. Une autre image lui vient qui la dégoûte bien plus, celle d’une fourmilière ou grouille les insectes et où ils ne s’arrêtent jamais. Le spectacle la fascine autant qu’il la dégoûte et elle se contente d’avancer jusqu’au centre du hall en observant l’intérieur de la tour.

Au centre du grand hall se trouve une sorte de faisceau de lumière où des sortes de lucioles bleues et blanches tombent lentement vers le haut comme des bulles d’air cherchant la surface au ralenti. La lumière partant du sol semble monter jusqu’en haut de la tour et Nina bien que curieuse décide de ne pas trop y réfléchir. C’est la première fois qu’elle voit un spectacle pareil, et même si elle apprécie l’effet, il y a trop de monde autour d’elle pour qu’elle puisse observer un tel spectacle en paix. Peut être plus tard quand la tour sera vide.

Trop de gens, trop de visages. Elle ne veut pas rester là. Elle n’a jamais été agoraphobe jusque là, mais au milieu d’une foule elle a l’impression de disparaître et de perdre son identité. Elle n’a pas besoin de ça en ce moment. Tant que son prochain la dégoûte elle ne veux plus vivre ce genre de situation où elle perd son existence dans la foule. Si on lui donnait une arme elle tirerait dans la foule pour qu’elle se disperse. Elle sait bien que ce n’est pas une solution, mais ça lui ferait sans doute beaucoup de bien. Plus que d’être considérée comme un obstacle par les gens qui passent à côté d’elle et qui la regardent sans la voir. Elle ne veut pas être regardée, mais elle ne veut pas non plus être ignorée. Elle veut autre chose du silence, un endroit tranquille, loin des gens.

Dans une telle situation c’est comme demander la lune et elle sert les dents pour endurer.

Il y a des files d’attente de chaque côté du hall pour accéder aux ascenseurs, mais elle décide de prendre l’escalier. Ce sera peut être plus long, mais moins difficile que d’être entourée par des inconnus qui vont tousser et transpirer sur elle en discutant comme si elle n’est pas là alors qu’il y a un contact physique involontaire entre les corps. Sur Terre elle préférait marcher que de prendre les transports en commun pour les mêmes raisons et pourtant elle était bien plus résiliente à cette époque. Ici elle serait prête à tuer au moindre contact ou au moindre regard déplaisant posé sur elle.
Elle ferme les yeux quelques instants pour ne pas perdre la raison et se dirige vers les escaliers.

*

Trentième étage ou quelque chose comme ça. Elle a pris son temps, mais elle va finir par en voir le bout. L’exercice ne la dérange pas en tout cas, tant que personne ne la colle où l’embête. Enfin c’était jusqu’à ce qu’apparaisse un obstacle pour l’accès à l’étage suivant. Ils discutent et parlent comme si de rien n’était. En face d’elle un groupe de magiciens bloque le passage, combien sont-ils ? Un peu moins d’une dizaine ? Ils ont tous l’air d’avoir son âge ici, mais il y quelque chose d’étrange avec eux sur lequel elle n’arrive pas à mettre le doigt. Ce n’est même pas l’accoutrement ridicule où les sceptres qu’ils tiennent qui la dérange mais impossible de savoir quoi. Un peu comme s’il y avait un problème dans leur apparences et la façon dont ils se comportent et discutent.

En attendant aucun d’entre eux ne se pousse même s’ils ont tous remarqués sa présence. Nina perd patience et décide de passer au milieu du groupe sans se préoccuper de ce qu’ils diront.

Elle s’approche et au moment où elle s’apprête à pousser quelqu’un il se retourne dans sa direction et la regarde avec un sourire qui signifie deux choses. La première c’est qu’il ne la laissera pas passer simplement parce que ça l’amuse lui et les autres. La deuxième c’est qu’il ne sait pas qui il a en face de lui et qu’il devrait s’inquiéter de la suite.

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