NORDEN – Chapitre 152

Chapitre 152 – Les confidences du Cerf

La cité de Meriden était encore bien agitée malgré l’annonce officielle de la fin des hostilités. Une horde de gens s’amassait en grand nombre au centre de la place. Une rumeur incroyable circulait entre les allées ; le Aràn Alfadir était présent en ces lieux. Le Grand Cerf se tenait debout, dominant la foule de son allure triomphante, les bois aussi hauts que le sommet des pommiers. Sous le discours du vieux Solorùn, le Aràn observait dignement ses sujets.

Par la suite, les Shamans démontraient leurs talents de soigneurs tandis que Fenri, Skand et Sonjà racontaient aux curieux anecdotes et coutumes de leurs peuples respectifs, ne manquant pas de glorifier leurs faits ainsi que la puissance de leurs tribus. Même Saùr avait apporté sa contribution. Sa queue fouettait l’air avec vigueur alors qu’il transportait un sanglier en pleine gueule dont il avait pris soin de dévorer la tête en chemin.

Allongé au pied d’un pommier, le Hjarta Aràn demeurait seul et protégeait entre ses pattes son écrin noir tant désiré. Perdu dans ses réflexions, il mirait d’un œil vague cette masse de gens insignifiants s’affairer. Parmi l’assemblée, une silhouette attira son attention, cette fille à la peau d’hermine, son arrière-petite-fille. Les oreilles dodelinant inlassablement, il tentait de sonder cette enfant qu’il venait d’accepter au sein de son île. Dans son éternelle insouciance, Adèle ne se rendait nullement compte de l’intérêt qu’elle suscitait aux yeux de son aïeul et jouait avec Mesali.

La petite Féros maintenait sa jambe meurtrie tendue devant elle, enroulée dans un épais bandage. Pour le décorer, les deux filles y avaient dessiné divers animaux. Les deux enfants gloussaient et lançaient des os en guise d’osselets qu’Anselme s’amusait à chaparder au vol.

Lorsque la nuit fut bien avancée, Alfadir arpenta dans l’ombre les allées désertes, seulement empruntées par des gardes et infirmiers. Il s’arrêta devant l’enceinte dont l’arche était décoré de symboles runiques ainsi que d’un corbeau. Il songea à son fils Hrafn, de nouveau à ses côtés. Une larme coula sous son œil bleu globuleux bardé de croûtes. L’animal poussa un soupir et recracha une infime quantité de vapeur de son museau dilaté.

— Pourquoi pleures-tu, Aràn ? demanda une voix flûtée juste derrière lui.

Surpris, il sursauta et se retourna en hâte pour apercevoir la petite albinos qui se tenait à ses pieds, un corbeau perché sur son épaule ; perdu dans sa rêverie, il ne l’avait pas sentie arriver. Il pencha la tête et vint à sa hauteur pour la voir de plus près. Guère impressionnée par cet immense cervidé, Adèle soutint son regard. Elle était emmitouflée sous une épaisse couverture en peau d’animal et portait ses gants bleus ainsi qu’une écharpe.

D’une main timide, elle approcha sa paume de la truffe de l’animal qui se recula et se dressa de toute sa hauteur. L’air fier et arrogant, il souffla pour montrer son mécontentement, les oreilles plaquées en arrière. La fillette l’observa avec étonnement, la mine renfrognée d’avoir mal agi. Pour trancher la tension latente, Alfadir commença à marcher en direction des bois dépourvus de toute lueur hormis le faible halo de la lune perçant à travers les frondaisons. Arrivé à l’orée des arbres, il s’arrêta et se retourna.

— Suis-moi ! ordonna-t-il en poursuivant son chemin.

Sans réfléchir, Adèle s’engagea à sa suite, prenant soin de ne pas esquinter ses genoux nus contre les fourrés bardés de ronces et d’orties. La démarche aussi mal-assurée que le Aràn, elle marchait à pas feutrés et évitait les racines sinueuses ou les cailloux effilés. Pour ne pas tomber, elle s’appuyait contre les troncs d’arbres. De la vapeur chaude s’échappait de sa bouche ainsi que du bec d’Anselme dont les yeux noirs balayaient les environs avec anxiété.

Ils marchèrent près d’une demi-heure, quittant les sentiers pour s’engager dans des coins plus hasardeux, jonchés de boue et de tapis de mousse. Puis ils arrivèrent aux abords d’une clairière aux herbes hautes dissimulées par le brouillard et balayée par un vent frais continu, pénétrant les chairs en profondeur. Au centre, un immense chêne trônait avec majesté. Un trou béant se tenait sous la cime, proche des larges ramures, habité dorénavant par un couple de hiboux grands ducs.

En se rapprochant, la petite s’aperçut que de multiples inscriptions runiques parsemaient l’écorce, accompagnées de dessins de corbeaux gravés en diverses postures. Elle ôta ses gants puis passa une main sur la surface rêche et froide afin de la caresser.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle, intriguée.

— L’ancien repaire de Hrafn, répondit-il posément, mon fils y habitait lorsqu’il était sur Norden.

— C’est plutôt isolé, dit donc ! s’étonna-t-elle. Il aimait rester seul ? Il reviendra ici une fois qu’il sera guéri ?

Le Cerf soupira et tourna autour de l’arbre.

— Non, il ne pourra jamais revenir, du moins pas avant plusieurs décennies. Et même si c’était le cas, une route est construite non loin de là. Il serait dangereux pour le monde de côtoyer mon fils d’aussi près. Sauf si un Sensitif demeure éternellement auprès de lui.

— Pourquoi cela ? Il est malade ?

— En quelque sorte. Hrafn est un corbeau maudit.

Il baissa la tête et gonfla sa cage thoracique, allant jusqu’à faire craquer toutes ses côtes saillantes.

— Hrafn a toujours été un enfant turbulent. Il est le premier être à avoir hérité du Féros, tandis que Korpr, son jumeau, avait hérité de la Sensitivité. À leur naissance, je venais à peine d’être doté moi-même de cette faculté et de cette capacité et ne connaissais pas tout ce que cela impliquait. Mon peuple à l’époque n’avait jamais connu de Féros et avait toujours eu peur de lui, le fuyant comme le mal-gris, préférant nettement Korpr dont le comportement était irréprochable… Hrafn était en permanence rejeté alors qu’il faisait tout son possible pour entrer dans les bonnes grâces des gens. Malheureusement personne ne le comprenait, il était agité et prenait souvent part dans les affaires lugubres. Seuls son frère et moi-même le comprenions et tentions de les rassurer pour l’intégrer malgré sa différence.

— Pauvre Hrafn, murmura Adèle, la tête basse.

Pour la réconforter, Anselme pressa son crâne contre sa nuque et la câlina de ses plumes soyeuses.

— Bien plus tard, son cas s’est stabilisé et Hrafn s’est assagi. Korpr veillait sur lui et moi je veillais sur eux du haut de ma nouvelle forme. Las de régner sur Norden et les sentant prêts pour me succéder, j’ai scindé l’île en deux afin que chacun puisse régner sur sa partie du territoire, ne gardant qu’Oraden, ce sanctuaire fraîchement construit en mon intention. À partir de là, Hrafn fut adulé et comme son frère ainsi que moi-même, eut de nombreuses conquêtes et une descendance prolifique dont tu seras, je l’espère, la digne héritière.

Il tendit le cou et frotta sa tête contre le tronc, à l’endroit où un corbeau était soigneusement gravé.

— Quand ils atteignirent l’âge de cent ans, mes fils décidèrent de se transformer à leur tour. Pour Korpr, la métamorphose n’engendra rien de particulier hormis qu’il conservait sa personnalité ainsi que ses souvenirs, en plus d’être doté d’une incroyable longévité.

Les yeux embués, il piaffa puis gratta l’un de ses sabots contre sa patte cagneuse. Il esquinta sa peau roide et ôta une croûte qui le fit saigner. Adèle fut confuse de le voir ainsi, visiblement mal à l’aise tant dans sa gestuelle que dans ses vibrations fort troublantes.

— En revanche, Hrafn hérita de la forme Berserk. Le tout premier de l’île et le premier fléau. Car il se rendit compte qu’en plus des instincts agressifs qui s’emparaient de lui lorsque son frère n’était pas là, il rendait les populations annexes tout autant enragées et avides de sang. Une impitoyable particularité qui l’isola de tous, le laissant totalement désemparé. Là encore, seuls Korpr, les Shamans et moi-même pouvions l’approcher sans en ressentir les effets néfastes. Il ne pouvait plus se permettre de côtoyer quiconque sans un Sensitif à proximité.

— Que s’est-il passé ? s’enquit Adèle, très émue en songeant à sa grande sœur et à ses accès de colères noires.

— Pour le motiver et le sortir de la déprime, Korpr décida de l’emmener voyager avec lui, à travers le vaste océan, protégeant également les abords de l’île de toute menace éventuelle. Ils atterrirent alors sur Pandreden et firent la connaissance d’Alaàn.

— Alaàn ?

— L’ancienne entité protectrice de Pandreden, celle ayant scindé son âme en cinq créatures, comme je l’ai fait avec Jörmungand. Ainsi sont nées suite à leur rencontre les chimères fabuleuses, les gardiens de l’âme de Pandreden. Cette rencontre les bouleversa et était prometteuse d’un avenir radieux entre leur île et la nôtre. Lors de son voyage, Hrafn reprit confiance en lui, heureux de l’importance qu’il avait aux yeux des entités et de l’amour que son frère lui vouait. Jusqu’au jour où tout a basculé.

Le Aràn se tut et n’en raconta pas davantage. Après une dernière caresse contre le flanc de l’arbre, il s’en écarta pour regagner la forêt et rebrousser chemin.

— Pourquoi m’as-tu raconté tout ceci, Aràn ?

Alfadir s’arrêta et la sonda intensément.

— Sais-tu tenir un secret ?

La fillette demeura muette et hocha la tête.

— J’ai une grande mission pour toi. Je voudrais qu’à l’avenir tu sois une Shaman des plus dignes et puissantes que Norden ait connues à l’instar de Velsidir ou d’Androva. Tu en as la trempe, c’est dans tes gènes. Grâce à tes facultés, je voudrais que tu veilles sur Hrafn et deviennes sa seule et unique protectrice ainsi que sa soigneuse, entièrement dévouée à sa personne.

— Mais… se renfrogna Adèle, mais les Shamans ne sont pas censés prendre soin de tout le monde, Aràn ?

Il approcha son immense tête de la sienne et posa son museau froid et humide sur le haut de son front. Il prit une profonde inspiration puis souffla sur son visage. La petite, que le geste chatouilla, émit un gloussement avant de se rembrunir en s’apercevant que l’animal pleurait et avait versé une larme sur le haut de son crâne.

— Tu es sa descendante, tu lui dois la vie et donc ton temps et ton amour tu devras lui donner ! C’est un devoir que je t’impose, qu’importe que cela te convienne ou non. Tu connais les Féros, tu as vu des Berserks, je ne doute pas que tu sauras y faire avec lui.

— Mais pourquoi moi ? Je suis pas assez douée et je connais pas grand-chose à tout ça. Je connais même pas les rites shamaniques et je ne maîtrise pas bien ma Sensitivité.

— Pas de justification ! Tout te sera appris en temps voulu. Si tu veux savoir, disons que j’ai commis des fautes, des fautes que je voudrais réparer, car je ne supporte plus le poids de la culpabilité qui pèse en moi depuis cinq décennies et surtout de voir mon honneur ainsi brisé. J’ai envie de me racheter pour ce que j’ai infligé à mon frère, d’endosser les responsabilités qui m’incombent afin de percer cette plaie qui me ronge. Je veux retrouver ma gloire de jadis, être le Grand Hjarta Aràn, être à nouveau vénéré, et ce, par toute l’île… y compris par mon frère. Jörmungand se doit de me vénérer et de se plier à mes exigences. Je ferai tout pour regagner mon honneur à ses yeux, qu’importe les sacrifices que j’essuierai pour y parvenir. Je lui ai tant accordé aujourd’hui, mais sa colère est trop intense pour s’estomper par ce simple geste magnanime, un serment qui plus est.

— Quel rapport avec moi Aràn ?

Le visage pâle et les joues rosies, Adèle grelottait. Trop énervé pour avoir à lui soumettre de plus amples explications, Alfadir ne répondit rien et se mit à sa hauteur.

— Me promets-tu de te dévouer corps et âme à ma personne ainsi qu’à ton aïeul lorsque ta formation sera achevée et que tu seras confirmée ? Il en va de la survie des tiens, celle de ta sœur. Garderas-tu ce secret entre nous ?

D’un geste raide, Adèle opina, désireuse d’écourter cette conversation dont elle ne comprenait plus le sens tant elle était gelée et claquait des dents.

— Grimpe sur mon dos, je nous ramène au village.

La fillette s’exécuta et agrippa le poil brun de sa crinière afin de se hisser sur son dos, se plaquant contre lui pour s’enivrer de sa chaleur. Le Cerf se redressa avec lenteur, prenant soin de ne pas faire chuter sa précieuse disciple. Anselme profita de la monture pour se percher sur ses bois, comme le faisaient autrefois Korpr et Hrafn. D’une démarche moins boiteuse qu’à l’allée, Alfadir poursuivit son chemin et s’enfonça dans la forêt obscure, sous l’œil du hibou qui le regardait s’éloigner de ses yeux perçants.

***

Près d’une semaine s’écoula depuis le départ des noréens. Edmund et Louise, les rares citoyens encore présents à Meriden, avaient passé l’intégralité du séjour à trier et à ranger les derniers articles qui s’y trouvaient afin que tout soit prêt pour le lendemain matin.

Dans un premier temps, ils avaient rapatrié l’ensemble des éléments dans les maisons situées à l’entrée du village, dégageant progressivement celles du fond. Ainsi, ils effaçaient chaque trace de leur passage afin que la cité redevienne telle qu’ils l’avaient trouvée en arrivant.

Après cela, ils avaient décidé de rester une poignée de jours supplémentaire. Ils s’occupaient des derniers blessés graves, ceux qui ne pouvaient être transportés avant leur rémission. De plus, Edmund avait besoin de cracher sa peine et noyait son esprit dans le travail en se rendant utile à la communauté. Plusieurs personnes l’avaient averti de la mort de son père et du choc émotionnel que celle-ci avait provoqué sur son grand-père.

Avec l’aide de volontaires, ils avaient entassé les caisses de matériel, plié le linge sale, ramassé les ordures, organisé les objets disparus, lavé et soigné les blessés, nourris les chevaux, préparé le repas, comptabilisé les pertes, organisé la liste des abandons et effectué tout un tas de tâches annexes. Les deux cousins ne s’étaient pas quittés d’une semelle durant ce laps de temps, s’appelant l’un l’autre pour s’entraider, alternant les corvées pénibles pour faciliter leur avancée.

À la tombée du sixième jour, Louise soupira, leva les bras au ciel et s’étira de tout son long, faisant trembler ses muscles engourdis et craquer sa colonne vertébrale. Edmund l’imita et lui proposa de prendre l’air en vaguant dans les allées parfaitement calme. Après leur errance, ils arrivèrent dans une maison où il ne restait plus qu’un lit sur lequel des peaux d’animaux faisaient office de couverture. Une marmite pendait à la cheminée, contenant un restant de soupe froide.

Louise souffla, l’espace ne serait pas long à débarrasser. L’esprit embrumé, elle se servit une louche de breuvage afin de reprendre un peu d’énergie et tendit un bol à son cousin. Ils s’assirent sur le lit et burent leur boisson. Pendant qu’elle avalait son potage de légume agrémenté de lapin, l’herboriste s’étirait, poussant des gémissements chaque fois qu’elle remuait trop un membre. Voyant qu’elle avait mal à la nuque et bougeait péniblement la tête, Edmund se leva et se plaça derrière elle. D’un geste tendre, il plaça ses mains de chaque côté de son cou.

— Attends, tu permets ? demanda-t-il calmement.

Louise opina et resta droite tandis qu’il massait langoureusement le haut de sa moelle épinière et ses omoplates. Ce toucher la détendit et elle soupira d’aise. Plus relaxée, elle bâilla à s’en décrocher la mâchoire et passa une main sur ses yeux rougis, rivés sur le matelas de fortune. Dès qu’il eut terminé, elle le remercia et l’observa. Edmund n’était guère dans un meilleur état et, tout comme elle, lorgnait le lit avec envie. Cela faisait plus de quarante-huit heures que ni l’un ni l’autre n’avait dormi. Les stigmates de la fatigue se ressentaient sur chacun d’eux et ils ne parvenaient plus à lutter ; maux de tête, courbatures, perte de motivation, changement d’humeur… tant de signes qu’il ne pouvaient plus éluder dorénavant.

— Ça te dit que l’on se repose un peu ? proposa-t-il. Je veux dire, rien ne presse, nous pouvons repartir que demain matin. En plus, le lit est bien assez large pour deux.

Louise eut un rire nerveux.

— Comme quand on était petits. Tu vas me pousser comme autrefois, car monsieur trouvait que je prenais trop de place et que je lui donnais des coups de pied !

— Il n’y a pas d’orage de prévu, donc pas de raison pour que tu gigotes, sauf si tu as déclaré de nouvelles phobies qui t’empêchent de dormir. Auquel cas, je suis là pour veiller à ce que mademoiselle ne craigne aucun danger.

Les joues de Louise s’empourprèrent. Confuse, elle tritura sa natte, une moue affichée au coin des lèvres.

— Cela ne te dérange pas de partager ta couche ? Je peux dormir dans une autre maison si jamais.

— Non, ne t’inquiète pas. Certes on va devoir se serrer un peu. Mais rien ne nous engage à nous déshabiller et je suis trop fatigué pour te faire quoi que ce soit.

Réalisant ce qu’il venait de dire, il devint soudainement rouge de honte. Il se passa une main dans les cheveux puis tourna la tête, terriblement gêné.

— Excuse-moi, ce n’est vraiment pas ce que je voulais dire… La fatigue me fait dire des choses étranges.

La jeune femme gloussa et regarda ses pieds en repensant aux paroles d’Adèle ainsi qu’aux commentaires incessants de sa cadette pour la pousser dans les bras de ce garçon qui la titillait depuis tant d’années.

— En effet, commença-t-elle avec hésitation, que ferait un noble marquis auprès d’une femme sans titre… Ce serait inconvenant. Tu ne trouves pas ?

Un sourire s’esquissa sur les lèvres d’Edmund. Il passa une main dans ses cheveux ébènes et se gratta la nuque.

— Hélas, un marquis en disgrâce ayant perdu biens et prestige ferait un bien piètre parti pour s’engager auprès d’une belle femme fortunée et respectable. Surtout s’il s’agit d’un homme qui ne possède qu’un sombre héritage. Comment pourrait-il espérer mener une vie paisible et prospère alors qu’il devrait sacrifier son existence pour réparer les fautes de ses aïeux.

La mine renfrognée à cette annonce, Louise soupira.

— Oui… mais ce marquis a déjà tant fait pour s’extirper de cette condition qu’il n’a pas choisi. Il est incroyablement bon en plus d’exceller dans son domaine, même s’il est incapable de s’en rendre compte. Après, il serait tellement mal vu de nos jours de voir des cousins s’unir… Les gens jaseraient.

— En effet… et si mademoiselle souhaite avoir des enfants, il n’est pas conseillé d’en concevoir un avec un membre issu d’une parentalité aussi proche… Il serait bien malvenu de la part de ce marquis en disgrâce de la détourner de cette noble volonté. Sans compter que ce marquis risquerait de tout perdre si jamais il venait à blesser cette demoiselle. La seule qui, finalement, n’ait jamais compté à ses yeux. La seule qui l’anéantirait si jamais elle décidait de se détourner de lui en s’apercevant qu’il ne correspondrait pas à ses attentes et la décevrait.

— Ah ? Elle qui pensait justement l’inverse et que cette jeune femme n’était en aucun cas digne de lui en de très nombreuses raisons justement… Ils sont vraiment idiots…

— Oui, mais au moins ils se respectent et préservent ainsi leur amitié. C’est ce qu’il peut y avoir de meilleur non ?

Ils restèrent un long moment silencieux, n’osant parler. S’armant de courage, Louise poursuivit d’une petite voix :

— Peut-être, mais ces gens-là seraient fous de ne pas tenter une telle expérience… Quant au fait d’enfanter, dommage que ça ne fasse pas partie du projet de cette demoiselle qui n’espère rien d’autre que de prospérer et de partager sa vie avec l’être le plus cher qu’elle possède.

Le cœur battant, le médecin se pinça les lèvres.

— Ce marquis semble être finalement dans la même optique que l’oiselle… murmura-t-il timidement.

Louise redressa la tête et planta ses yeux dans les siens. Edmund, aussi ravi que confus, soutint son regard. Tous deux se contemplèrent en silence, un sourire béat affiché sur leur visage.

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