Kumo Desu Ga, Nani Ka ? – Chapitre 260.5.13
Oni 16 – Justice ?
[C’est précisément pour cette raison que je dois éviter à tout prix de créer inutilement des montagnes de cadavres.]
Je pourrai jurer que les mot du pape font toujours échos dans mes oreilles. Ce vieil homme, qui n’obéit qu’à sa propre inébranlable volonté, a tout au long de sa vie dû tuer les personnes qu’il était sensé protéger, de ses propres mains. Si cela permet d’assurer la survie du plus grand nombre, il ne refuse pas à se salir les mains. Sa volonté et sa puissance lui permettent de prendre des mesures aussi drastiques, et cela sans même hésiter un seul instant.
Tuer est mal. Les questions comme ‘Comment ?’ et ‘Pourquoi ?’ n’ont pas leur place sur ce point. Pour quelle raison le meurtre est-il répréhensible ? Ce n’est pas quelque chose pouvant être expliqué sur le papier. Il ne faut simplement pas faire ce qu’il ne faut pas faire. Il n’y a rien d’autre à ajouter. Les gens sont écœurés à cette idée, non pas à cause d’une quelconque définition, mais bien car c’est ce qui fait d’eux des personnes et non de simples animaux.
Mais alors, quelle décision prendre si vous vous retrouviez dans une situation où vous n’avez pas d’autres choix que de commettre l’irréparable pour protéger ceux qui vous sont chers ? Que faire si, tout en sachant que c’est mal, vous n’avez simplement pas d’autres options à votre disposition ?
Ce que fait le pape, ses actions transforme le monde à sa propre convenance. Toutefois, ses actes ne sont pas motivés par son bénéfice personnel mais bien par sa sincère inquiétude pour le monde dans lequel il vit. Pour le bien de son monde, il est prêt à sacrifier ses intérêts personnels, à sacrifier de nombreuses personnes mais il en sauve encore plus dans le même temps.
De telles actions sont-elles… justes ? Ou bien sont-elles… mauvaises ?
Secourir quelqu’un est définitivement un acte juste. Et je peux affirmer sans me tromper que tuer quelqu’un est mal. Mais si jamais quelqu’un accomplit les deux à la fois, comment diable suis-je censé déterminer quel adjectif utilisé ?
Je ne sais pas. A-t-il tort d’agir ainsi ou a-t-il raison ?
Quelle que soit la réponse, il y a au moins une chose dont je suis certain. Et c’est que ce pape, même si quelqu’un devait affirmer en face à face avec lui qu’il ne prend pas les bons choix, ne déviera pas de son chemin. Malgré la douce expression qu’il arbore, la conviction visible dans son regard frôle la folie. Je pense pouvoir déclarer sans me tromper que, quoi qu’il arrive, il ne s’arrêtera jamais. Et si jamais cela devait malgré tout arriver, ce ne sera que, je cite, une fois son corps et son âme en lambeaux ou sinon une fois ce monde hors de danger.
Le chemin qu’à choisi le vieil homme est-il le bon, ou non ? Disons, à titre d’exemple, qu’il faisait erreur. Même si tel était le cas, je suis certain qu’il transformerait son échec en source de motivation afin de se redresser une fois de plus. Et cela jusqu’à ce qu’il ne reste plus la moindre trace de son corps et son âme.
Il est tout bonnement terrifiant. Cette conviction poussée à l’extrême, chose qui ne peut pas être exprimée en terme de statistiques ou de compétences, est un pouvoir vraiment absurde. Si nous nous affrontions directement, je gagnerai sans l’ombre d’un doute. Néanmoins, une telle victoire serait totalement dénuée de sens. Même une fois tué, il n’aura qu’à se relever encore. Et encore. Personne ne peut se comparer à lui en terme de volonté inflexible.
Et moi, me direz-vous ? Sur ce point, je suis terriblement faible. Mon cœur est d’une telle faiblesse que j’ai brièvement souhaité mourir, accablé par le poids des crimes que j’ai commis. Et malgré ce désir, une fois sauvé, j’ai été incapable de me donner la mort, ce point montrant à lui seul à quel point mes sentiments sont misérables et à quel point je suis faible.
Mes statistiques et mes compétences… sont plus que probablement impressionnante, même d’un point de vue global. Bien que j’ai réalisé à la dure qu’il y a toujours quelqu’un de meilleur que soi, je reste malgré cela bien supérieur à la moyenne. Mais en comparaison avec au pouvoir que je possède, ma volonté, mon cœur est bien trop faible. Je suis déséquilibré.
Je dois moi aussi devenir fort sur ce point. Je ne pourrai jamais arriver à la cheville de la détermination frisant la folie, pour dire la vérité, je pense qu’une telle aspiration est bien trop éloignée de mon état actuel pour que je puisse ne serait-ce qu’en faire mon objectif. Malgré cela, je prendrai au moins mes responsabilités pour le chemin qui m’a mené jusqu’où je suis actuellement et agirai afin d’en tirer le maximum. La voilà, la ligne que je me trace. La voilà, l’excuse que le faible que je suis utilisera afin de pouvoir se pardonner
J’ai déjà pleinement récupéré du combat face à Sophia-san et de la raclée qui s’est ensuivi, aux mains de l’homme en noir. Il est l’heure que j’arrête de me tourner les pouces dans ce manoir. Je dois agir. A partir d’aujourd’hui, je dois moi aussi découvrir comment, selon moi, le monde devrait être.
Je vais parler à Shiro-san. Lui demander quel est son but. Lui demander quelles sont les méthodes qu’elle emploiera pour l’atteindre.
Si le chemin que j’ai décidé de suivre et le sien coïncide alors je coopérai volontiers avec la dame en blanc. Dans le cas contraire, eh bien… je ne peux que prier pour que ce soit plutôt la première proposition.
Le temps que je prenne cette résolution, il était déjà l’heure du diner et pourtant Shiro-san n’était toujours pas présente, chose inhabituelle de sa part. A sa place était assise Sophia-san, qui ne semblait plus n’être que l’ombre d’elle-même et qui n’avait qu’à peine touché à son repas.
Je pense qu’elle aussi s’interroge sur de nombreuses choses dû à sa rencontre avec le pape. Ses pensées sont probablement si confuse que je ne pourrai sûrement pas les deviner, même si l’on me laissait une centaine d’essai.
Pour commencer, elle est né dans un pays vénérant la Déesse et j’ai également entendu lors de la conférence que sa ville natale a été détruite par les membres de la Religion de la Parole Divine. J’avais expérimenté une chose similaire lorsque les humains ont détruit mon village gobelin, je comprends donc très bien ses sentiments, sa fureur, émotion à la puissance telle qu’il est facile de s’oublier au profit de sa colère et de sa haine.
Pour ma part, j’ai mené à bien ma vengeance de mes deux mains. Toutefois, ce n’est pas une option disponible pour la jeune vampire. Enfin, ce n’est pas tant qu’elle ne peut pas mais plutôt qu’elle ne veut pas, la raison étant l’incroyable détermination dont le pape a fait preuve lors de la rencontre. Après avoir été témoin de première main de son imparable conviction, je suis certain que même Sophia-san a réalisé qu’il aurait été complètement inutile de tuer le pape à l’époque.
La vengeance est-elle un acte juste ? Je ne pourrai répondre à cette question. Néanmoins, après l’avoir expérimenté de première main, je comprends clairement qu’il est impossible de tourner la page sans prendre sa revanche.
Jusque aujourd’hui, Sophia-san a toujours vécue sans se voir offrir la moindre chance de se venger. N’est-ce pas précisément ce qui l’a conduit à franchir aussi facilement la ligne que l’on ne devrait jamais franchir et à emprunter le chemin de l’injustice ? Les flammes de la vengeance ayant tout ce temps brulée dans son cœur pourrait avoir déformé sa personnalité. J’ai du moins fini par considérer les choses sous cet angle.
Et aujourd’hui, voilà qu’elle apprend que, même si elle devait faire face à sa cible, le pape, elle serait incapable d’obtenir sa vengeance, quoi qu’elle fasse. En temps normal, il lui aurait suffit de l’éliminer afin d’obtenir satisfaction. Toutefois, le vieil homme est une exception à cette règle. Même si elle devait le tuer, cela ne servirait à rien. Le seul moyen lui restant pour prendre sa revanche serait de briser son esprit, toutefois, je suis sûr que Sophia-san réalise tout aussi bien que moi la difficulté de la tâche.
Bien qu’elle n’a qu’à peine touché à sa nourriture, la vampire se prépare à partir.
« Que dirais-tu d’au moins prendre quelques bouchées de plus ? »
L’interpellai-je sans vraiment y réfléchir. Et de façon totalement déplacée, je pense. Du moins, c’est l’impression que me donne l’irritation non dissimulée qui traverse les yeux de la réincarnée.
Merci pour ce chapitre