Tour des Mondes – Nina 25

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Une flamme de vie.

« Silence. »

Nina répond froidement à Judas alors qu’elle se concentre sur les morts qui approchent lentement d’elle. D’un mouvement, elle retire l’excès de liquide qui coule de la lame et le projette en direction des morts. Le liquide éclabousse les alentours en mettant le feu à certains morts ou en tombant au sol. Elle réduit ensuite la quantité de mana dans la lame au niveau précédent et se met à souffler doucement l’air dans ses poumons en attendant la première vague.
Les flammes ne les arrêtent pas, mais ce n’est pas leur but de toute façon.

Elle regarde les flammes danser et changer la luminosité sur les corps. Les ombres grandissent et rétrécissent alors que les visages inexpressifs sont fixés sur elle. Les morts s’approchent lentement d’elle. Leur chair putréfiée, vague souvenir de vie dans ses lieux froids, contraste avec la sienne. Un mouvement lent et anarchique cadence chaque mouvement.
Des morts qui marchent. L’idée est aussi ridicule qu’elle en est triste. Des enveloppes charnelles, dotées d’un semblant de vie, peut-être même d’idées si les lois régissant leur existence le permettent. Des morts pour tuer des vivants. Des morts pour hanter des lieux dénués de vie dont la froideur n’a d’égale que la pierre. Nina aurait presque pitié d’eux.

Malgré les quelques flammes que Nina vient de libérer, il n’y a apparemment que la chaleur de son propre corps qui a de l’importance dans ces lieux pour les morts. Elle est la seule qui brille et étincelle au point de les réveiller. Elle est prête à se battre dans ce combat à mort, ce combat contre la mort et contre les morts.
Son regard reflète son désir de vivre. Un léger sourire aux lèvres indique qu’elle ne voit tout ceci que comme un défi de plus à ajouter à sa collection de moments où sa vie était menacée par les règles des autres. La posture de Nina est simple, détendue même. Alors qu’elle brandit Judas d’une main, elle attend que ce moment de calme avant la tempête se termine.

Pour elle, c’est un moment incroyable où toute chose prend un autre sens, où le temps n’existe plus. Chaque pas en avant des morts la rapproche de la fin de ses réflexions. Sa mission lui semble tellement loin. Il n’y a plus que l’instant présent qui compte à ses yeux. Dès qu’elle commencera à se battre, il n’y aura plus de réflexions ou de questions, il n’y aura qu’un bruit étouffant qui couvrira tout comme un ouragan.

Nina repense à sa vie alors que les morts font un nouveau pas dans sa direction.

Une paria. Elle n’y avait jamais vraiment pensé sur terre, mais c’est bien ce qu’elle est. Vouée à se battre pour vivre, pour créer sa place dans un monde qui la rejette. Prête à relever tous les défis pour atteindre ses objectifs, aussi ridicules et simples soient-ils. Tuer un juge ? Battre les apôtres ? Tout cela semble bien simple et sans avenir. Pourtant, c’est dans ce chaos qu’elle se plait.
Elle a été rejetée par le monde, et maintenant elle affronte des morts qui se sont probablement battus jusqu’à la dernière seconde pour ne pas l’être. Alors dans ce combat, et peut-être jusqu’à la fin de ses jours, elle sera une paria. Cependant, cela ne fait peut-être pas sens pour elle de se considérer comme tel alors qu’elle n’est entourée que par les gens rejetés par la tour.

Les morts, les anciens esclaves, les prisonniers, tous sont des parias rejetés par le monde. Pourtant, elle est toujours aussi seule. Cela ne l’attriste pas, car il en a toujours été ainsi. Depuis le départ, les valeurs qu’elle défend n’ont toujours été que les siennes. Elle aurait pu croire à une erreur de sa part, un manque de jugement qui l’oppose aux autres, qu’elle ait juste tort et eux raison… mais elle n’est pas comme ça. C’est le monde qui se trompe. Ce n’est pas à elle de changer, mais bien aux autres.

« Seule contre le reste du monde. Ce ne serait pas un combat si ce n’était pas le cas. »

Alors qu’elle brandit Judas, le roi des traîtres, elle se sent vivante et brillant de mille feux. Son existence dépasse toutes les autres et elle le sait, car après tout c’est la sienne. Elle pourrait se plaindre de son destin ou de sa malchance qui la force à affronter toujours plus d’obstacles, mais sa vie ne s’arrêtera pas aujourd’hui, car sa vie ne fait que déborder d’un récipient bien trop plein. Nina se sait unique autant qu’elle se sait seule. Etrangement, l’un ne va pas sans l’autre. Que dire de la situation dans laquelle elle se trouve en ce moment ? Désespérée ? Ce n’est pas sa façon de voir les choses. Et puis elle a connu pire. Bien pire. Sa vie, son destin ou une autre connerie du genre, chaque choix l’a amené ici et chaque seconde de plus qu’elle vole à la mort est une preuve qu’elle a fait les bons choix sans avoir à se cacher. Elle est libre et elle vivra, et mourra, en suivant sa voie.

Pendant une seconde, elle observe le vol d’une luciole au-dessus des morts, se distrayant dans ce moment de clarté par un insecte mort à cause des flammes nées de son mana.

C’est le bruit d’une botte en métal frappant une dalle du pont de pierre qui finit par ramener ses yeux sur le premier mort devant elle. Un regard toujours aussi vide alors qu’il tend une arme dans sa direction. Ce corps sans vie semble plus fort qu’il n’en a l’air, mais ça ne l’empêchera pas de se battre.

D’un revers, elle découpe le corps en deux en ignorant l’existence de l’armure rouillée qu’il porte. Le corps prend feu alors qu’il frappe le sol et elle peut entendre que dix autres corps tombent du plafond pour le remplacer. Un défi qui commence.

Pendant un instant, elle ricane en pensant que la Reine de la Nuit est un bien étrange personnage pour laisser une armée de morts à sa merci.

D’un autre mouvement, elle découpe l’air et trois corps de plus tombent au sol en prenant feu. Elle continue à moissonner les morts, mais à chaque mort de plus, ils sont plus rapides. Au lieu d’un pas traînant, un pas plus assuré frappe la pierre au sol. Au lieu d’une vague attaque dans sa direction, un angle plus vicieux cherche à l’atteindre. Au lieu de réduire le nombre d’adversaires, les morts continuent de tomber au sol en remplaçant les pertes par dix fois le nombre qu’elle abat.

D’un autre mouvement, cinq corps de plus s’effondrent en prenant feu. La portée de Judas et sa lame aiguisée semble contraindre les morts à la défaite. Cependant, même coupés en deux, ils sont une menace que les flammes dévorent lentement, quand un deuxième coup d’épée ne les achève pas.

Pour Nina, ce n’est qu’un échauffement et elle se retient quelques instants de se jeter en avant. Azalée est toujours derrière elle et l’empêche d’apprécier le combat pleinement en fonçant vers ses ennemis au lieu de les attendre. Il est son dernier lien avec la mission. Une mission qu’elle a accepté sur un coup de tête comme quelque chose sans incidence.

Elle veut plus. Elle veut dévorer ceux qui osent se dresser devant elle sans avoir à s’inquiéter d’une mission stupide. Cette partie séductrice qui lui dit de s’en moquer est de rompre le lien est de plus en plus pressante. Elle voudrait tuer cette idée pour ne plus l’entendre rôder, mais avant d’en arriver là, des morts surgissent derrière elle en s’aidant de la rambarde de pierre pour l’attaquer.
D’après elle, ils sont probablement des centaines à escalader la paroi de la faille et le pont pour la rejoindre. Les morts sont finalement partout et le pont n’aide en rien. Elle en découpe plusieurs en reculant.

Elle joue la musique de sa vie dans chaque attaque. Une musique violente qui n’a pas de code ou de règle à suivre. Elle prend son pied à jouer cette musique attaque par attaque alors que les morts ne sont qu’un instrument lui servant à s’exprimer.

« Tant pis pour Azalée. Il se débrouillera. »

Un sourire satisfait et un regard démoniaque sur le visage la font se jeter en avant alors que toute rationalité la quitte complètement. De l’intérieur de sa gorge, un cri étrange se répand dans la caverne qui amplifie son rugissement dans un écho.
Inutile à présent de se restreindre.

C’est un déclic étrange qui finit par la projeter en avant, mais pour quelqu’un qui ne fuit pas devant la mort, elle ne le fera pas devant des morts. Cependant, elle n’a pas tort dans son action. De ce qu’elle voit, aucun mort ne s’est pour l’instant tourné vers Azalée. Il n’y a qu’une seule flamme dans cette plaine qui attire les morts, la sienne.

D’un mouvement circulaire, elle découpe toujours plus de corps sans que le poids de Judas ne la ralentisse un seul instant. À présent, ils se jettent sur elle en courant. À aucun moment elle ne modifie ses actions en étant toujours aussi rapide pour découper la masse effroyable qui afflue toujours plus rapidement vers elle.
Chaque attaque est un nouveau brasier qui se crée et dont les morts ne sont que le combustible.

Autour d’elle, il n’y a que des morts et des flammes. Une scène infernale se dessine alors que les flammes sont toujours plus hautes et que les morts sont toujours plus nombreux à se jeter sur elle en se montant les uns sur les autres pour l’approcher. Un océan déchaîné de corps froids qui se jette sur une barque perdue en mer.

Sur les parois lointaines de la grotte, les ombres ne cessent de grandir alors qu’ils sont des centaines à se lever, à sortir de la faille ou même à creuser un chemin à travers la terre de la plaine en se levant. Des milliers d’ombres sont projetées sur les parois, étouffant presque les flammes qu’elle fait naître.

Son destin n’est pas de mourir ici et elle le sait. Il faudra plus que cela pour éteindre sa vie. Si la Reine de la Nuit la regarde, elle ne verra pas de faiblesse. Elle ne verra que des flammes alors qu’elle embrase les derniers instants des morts en couvrant le cliquetis des armures et des armes qu’ils portent par son hurlement de défi.

Il suffirait d’un instant de faiblesse pour que les morts soient sur elle, mais il est impossible qu’il y en ait un. Il est impossible que Nina soit faible. Les morts continuent d’attaquer sans savoir qu’il est impossible que ce piège, qui a marché pour tant d’autres avant, marche sur elle.
Tout cela parce qu’elle en est convaincue. Elle ne croit pas au destin, ni à la chance, mais elle connaît sa force. C’est tout ce qu’il lui faut pour connaître l’issue de cette bataille.

Elle n’a jamais été comme les autres. Elle est la paria ultime, celle qui refuse de croire à l’impossible. Celle qui n’a pas de limite. Celle qui défie ce que les autres pensent être impossible. Qu’ils soient des milliers à la charger ne change rien. Elle ne serait pas elle si elle n’en était pas certaine.

Ce combat que personne ne verra jamais est le sien. Un combat flamboyant perdu aux yeux de tous alors que dans cet étrange brasier, une femme à la respiration lourde découpe inlassablement des corps dont la mission est vouée à faillir.

Loin sous la surface, une chandelle affronte les ténèbres qui l’entourent.


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Correction : Hastin


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Tipeee

5 thoughts on “Tour des Mondes – Nina 25

  1. Merci pour le chapitre.

    PS: Les morts continuent d’attaquer sans savoir qu’il est impossible que ce piège, qui a marché pour tant d’autres avant, ne marchera pas sur elle. -> de marcher sur elle.

    Double négation, le sens en devient que le piège va fonctionner.^^

  2. Cette histoire parallèle est vraiment génial, tu comptes la reprendre un jour ?

    1. Je pense oui. C’est un projet que j’ai du mettre en pause par manque de temps, mais j’ai 10 chapitres de plus sur la série que j’ai mis de côté et j’aime beaucoup le personnage. Nina fera son retour, mais pas de date pour l’instant !

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