NORDEN – Chapitre 128

Chapitre 128 – La hargne du chien battu

À son grand soulagement, Théodore entendit enfin la grosse porte claquer, suivi du cliquetis métallique des clés dans la serrure. Ambre revint dans la pièce, la mine un peu moins maussade, transportant sous le bras une coupelle chargée de nourriture. Elle avait ramené un assemblage de fruits, un sachet garni d’amandes et de noisettes, un paquet de biscottes émiettées ainsi qu’un bocal d’olives vertes et de tomates séchées. Elle avait également pris soin de monter la petite boîte de tabac et la bouteille de whisky.

Elle disposa le tout sur le lit et commença à piocher avidement dans les vivres. Elle croquait avec frénésie dans les fruits, plantait voracement ses dents dans la chair tendre des pommes, la pulpe moelleuse des poires et gobait un à un les grains de raisin. Elle avalait les amandes à la chaîne sans prendre la peine de les déguster et mâchait bruyamment, la bouche ouverte. Ses dents broyaient les biscottes, répandant des miettes sur les couvertures, tandis que ses doigts piochaient les olives et les tomates à même le pot, faisant goutter l’eau huileuse sur les tissus ou dégoulinant le long de son bras. Elle les engouffra dans sa bouche, recracha les noyaux à même le sol et s’essuya les lèvres d’un revers de la main avant de recommencer.

Pour l’accompagner, et bien qu’écœuré par ses manières, le jeune marquis se risqua à prendre un fruit. Mais elle plaqua la coupelle contre son ventre, la lui mettant hors de portée, et grogna. Puis, jugeant son emportement ridicule, elle se ravisa et le laissa faire. Tout en mangeant sa poire, il l’observait, muet et atterré par son comportement proche d’une bête sauvage. Au fur et à mesure qu’elle se remplissait, il la voyait reprendre des couleurs, son visage se déridait et ses mains tremblaient moins.

Dès qu’elle fut rassasiée, elle se lécha les doigts, s’allongea et se massa le ventre. Un rot incontrôlé s’extirpa de sa bouche puis un silence se fit pendant lequel elle ferma les yeux. Dérouté devant ses manières rustres, le marquis continuait de grignoter les rares aliments non pulvérisés qu’elle n’avait pas souillés de sa bave. Reprenant de sa conscience et de sa maîtrise, Ambre ouvrit un œil et le regarda. Son visage s’empourpra. Elle toussota et se releva. Théodore ricana, ouvrit la bouteille d’alcool et but une gorgée avant de la lui tendre. Mais celle-ci fut prise d’un haut-le-cœur en reniflant le contenu.

— Je vais me passer d’alcool, j’ai un mal de crâne épouvantable et je veux rester lucide en cas de danger. Il faut que je reste éveillée, j’ai peur de m’endormir si j’en bois.

Il n’insista pas et continua de boire, le cachet commençait à faire effet et il se sentait un peu plus détendu et grisé. Ambre déplaça la coupelle et les déchets sur le sol et se leva lentement, allant en direction de la fenêtre afin d’observer discrètement ce qui se passait en extérieur. Elle l’ouvrit et inspira une bouffée d’air frais.

Il faisait nuit. Aucun lampadaire n’éclairait les ruelles brumeuses. La pluie avait diminué, seul tombait un léger crachin. Elle glissa ses bras dehors et profita des gouttes pour les frotter et se débarrasser de la substance poisseuse qui lui collait aux bras.

— Il y a matière à s’inquiéter pour ce soir ? demanda le marquis une fois qu’elle eut inspecté l’extérieur.

— Je ne sais pas mais c’est vraiment tranquille, trop calme. Et il n’y a aucune lumière, les lampadaires sont tous éteints, ici comme à Varden. Je ne vois aucune rue d’éclairée. Seuls les feux des tours sont allumés.

— C’est normal ça, rouquine. Depuis le coup d’État, la Compagnie Gazière a reçu l’ordre de couper l’alimentation de gaz de ville en cas de trouble. Tu devrais le savoir !

Elle fronça les sourcils, agacée par son ton désobligeant.

— J’espère surtout qu’Alexander va bien. Je ne sais pas où il est, probablement encore à la mairie.

Les paroles d’Alastair von Dorff lui revinrent en mémoire et elle fut parcourue d’un frisson.

C’est vrai que le marquis avait prévu d’assaillir la mairie… qu’en est-il à présent ? Alexander est-il encore vivant ? Et cette odeur de brûlé qui imprègne l’air n’a rien de rassurant !

Un bruit de sabots la tira de ses réflexions et elle vit ce qui paraissait être un taureau dévaler l’allée en galopant à vive allure. Interloquée, elle se frotta les yeux.

Décidément la fatigue me donne des hallucinations !

Un frisson parcourut son corps. Elle referma la fenêtre et alla devant l’armoire à la recherche d’une éventuelle couverture. Emportée par sa curiosité, elle prit un temps pour observer l’intérieur, intriguée par les divers objets qui s’y trouvaient, n’osant se demander quelles personnes notables fréquentaient cet établissement. En fouillant rapidement, elle aperçut de nombreux costumes ainsi que des objets de taille et de forme variées dont elle ne connaissait ni le nom ni la fonction.

— Les jouets t’intriguent ? demanda-t-il en lui tendant une cigarette allumée qu’il venait de rouler. Je ne suis pas au mieux de ma forme mais je peux faire un petit effort. Toi qui t’es si gentiment occupé de moi tout à l’heure.

Ambre grimaça et porta la cigarette à ses lèvres.

— Merci de ta proposition, Théodore ! Mais je pense pouvoir me passer de toi pour ce genre de chose.

Elle défit ses chaussures et s’avachit sur le fauteuil, plaquant ses jambes contre son buste. Puis elle déplia la couverture et se couvrit.

— C’est fort dommage. Surtout que je corresponds à tes critères, vu que mademoiselle aime les estropiés.

— Co… comment ! s’exclama-t-elle, les yeux ronds.

— Comment est-ce que je suis au courant pour ton cher Baron ? Ce n’est pas tant un secret tu sais, on est quelques-uns à être dans la confidence.

La voyant interdite, il poursuivit :

— Quoi ? Le Baron ne t’a pas raconté sa charmante histoire ? En même temps c’est normal tu vas me dire, elle n’est pas des plus joyeuses. Tu veux que je te la raconte peut-être ? On a que ça à faire de la soirée de toute façon.

Elle baissa les yeux et opina du chef.

— Alors, sache avant tout que parmi tous les membres de l’Élite, c’est ton Baron qui a le plus morflé. Je te dirai même qu’il a eu une vie de chien et ce depuis l’enfance.

À ces mots, le cœur de la jeune femme se serra.

— Bon, avant cela je te fais une petite remise en contexte. T’es peut-être pas au courant mais dans les années 72 à 88 la D.H.P.A. circulait sur le territoire en toute légalité. Cette drogue provenait de Providence et était transportée par les deux navettes sous la direction de Desrosiers et de Malherbes et vendues sur place à mon père qui la commerçait dans son cabaret. Elle avait un réel succès car elle permettait aux gens de se sentir puissants et d’entrer dans ce qui s’appelait un « état de fureur ». La drogue coûtait cher et avait un haut degré de dépendance. En plus, elle avait la fâcheuse manie de brouiller le cerveau des consommateurs à cause de ses nombreux effets psychotropes. Voyant une occasion pour faire fortune, des combats illégaux étaient organisés au cabaret, dans les salles du sous-sol. C’était un accord commun entre Laurent et Wolfgang, laissant Lucius sur le flanc.

Il fut pris d’une quinte de toux et but une gorgée.

— Je n’entrerai pas dans les détails concernant le mode opératoire de ces combats sanglants ni combien de victimes mon père et mon oncle ont fait, mais ça a été un véritable fléau et le scandale a éclaté au grand jour en hiver 288 grâce à ton cher Baron.

— Que s’est-il passé ? s’enquit-elle d’une voix étranglée.

— Pour te la faire courte, car je suis loin de connaître toute son histoire mais le Baron est l’une des plus grandes victimes de ce trafic. Vois-tu, son père, Ulrich Desnobles, était un homme très respectable et respecté. C’était un pianiste de renom, un habitué des soirées mondaines et chouchou de la gent élitiste. Il n’avait pas de titre mais était parvenu à séduire la toute jeune baronne Ophélia von Tassle. Et d’après ce que je sais, le couple s’aimait d’un amour sincère et reconnu puisque de nombreuses chansons et valses d’Ulrich étaient faites en son honneur.

Il toussa et roula deux nouvelles cigarettes, laissant le temps à la rouquine d’assimiler son discours. Chose faite, il les alluma et lui en tendit une qu’elle accepta avant de s’acharner dessus afin de défouler ses nerfs.

— Peu de temps après la baronne est morte, foudroyée par le mal gris. Fou de chagrin, Ulrich a perdu la tête et a sombré dans l’alcoolisme. Pour le réconforter, Laurent et Wolfgang lui ont conseillé de prendre ces délicieuses pastilles vertes afin d’apaiser son esprit si tourmenté. Or il en est devenu accro et quoi de plus indiqué pour défouler sa rage que de s’acharner sur son fils de huit ans.

Ambre renifla. Des larmes roulèrent sur ses joues pâles.

— Les années passent et le Baron tente de survivre aux coups de plus en plus virulents de son père. Les rares domestiques encore à leur service n’osaient parler car leur maître connaissait énormément de gens importants qui pouvaient les éliminer aisément s’ils venaient à entacher sa notoriété. À l’époque vous, les noréens, étiez encore moins considérés qu’aujourd’hui et pouviez être mis sous fer ou condamnés pour un rien.

— Ça n’a pas vraiment changé, quand je vois comment l’Élite se comporte encore envers nous !

— Crois-moi que si rouquine ! Il y a plus de vingt ans tu aurais été emprisonnée rien que parce que tu n’aurais pas fait tout ce que moi, marquis, exige ! Y compris te prendre sauvagement si j’en avais eu l’envie, qu’importe que tu le veuilles ou non, et pire si tu avais été ma domestique ! J’aurais pu te céder à n’importe quel ami et tu te serais pliée de bonne grâce à ses désirs.

À l’entente de ces propos, Ambre se redressa. Voyant qu’il s’était engagé dans un terrain hasardeux Théodore, livide, leva ses mains devant lui et poursuivit en hâte :

— Ça n’est absolument plus le cas je te rassure ! Depuis le mandat de von Hauzen beaucoup de choses ont changé à ce niveau-là ! Et il est hautement condamnable pour un maître de ne pas respecter la dignité de ses gens.

Remarquant qu’elle s’emportait inutilement contre lui, et désireuse de connaître la suite de l’histoire, la jeune femme se rassit et le dévisagea d’un œil noir. Théodore déglutit, pétrifié devant ses yeux ambrés aux reflets flamboyants.

— Au fil des ans, continua-t-il d’une petite voix, Ulrich a dégénéré. Laurent l’a embrigadé dans ses combats illégaux. Apparemment, le baron père prenait un réel plaisir à défouler sa haine dans les cages obscures devant des spectateurs avides de se rincer les yeux. Mon père était écœuré de ces atrocités et laissait souvent Laurent seul orchestrer les combats tandis qu’il s’adonnait à la luxure deux étages plus hauts. Enfin, c’est ce qu’il m’a raconté. Et je veux bien le croire car mon père n’a jamais été foncièrement violent, seul l’argent qu’il amassait comptait. En revanche, mon oncle, tout comme Isaac, adorait la cruauté sous toutes ses formes et prenait un plaisir sadique à torturer de pauvres gens. Pour mon oncle c’était plus de l’ordre de la torture psychologique alors que mon cousin adorait tourmenter les femmes lorsqu’elles avaient le malheur de l’intéresser, allant jusqu’à les viol…

Il s’arrêta à nouveau et tenta un timide regard vers son interlocutrice dont l’éclat de ses yeux cuivrés continuait de luire d’une aura malveillante. Conscient qu’il valait mieux éviter de poursuivre son explication à ce sujet, il grimaça et se passa une main dans ses cheveux.

— Tu veux que j’arrête ?

Elle fit non de la tête et l’engagea à continuer son récit.

— Très bien… dans ce cas je vais essayer d’être moins dissipé et moins explicite.

Pour la réconforter, il lui tendit la bouteille de whisky. Sans réfléchir, elle commença à boire le contenu au goulot. Le liquide brûlant traversa son œsophage, une sensation aussi agréable que douloureuse.

— En bref, sache qu’Ulrich a fini par lâcher son môme dans l’arène. Il voulait le punir pour je ne sais quelle raison et l’a fait combattre contre un molosse enragé. Il devait avoir dans les quatorze ans donc autant te dire que vu le gringalet qu’il était, il ne faisait clairement pas le poids.

— La morsure au flanc, murmura-t-elle pour elle-même.

— Les organisateurs ont dû arrêter le combat. Au vu de son état, ton Baron a dû passer des semaines en convalescence. Je crois que c’est d’ailleurs de là que vient son surnom, le Chien, à cause des jappements et des couinements qu’il lâchait alors qu’il se faisait défoncer par ce clébard.

Il s’arrêta et reprit une bouffée de cigarette.

— Et puis il y a eu une seconde altercation entre le père et le fils, la plus violente et celle qui a engagé le procès.

— Que s’est-il passé ? parvint-elle à articuler.

— En 87, ton Baron, tout juste majeur, commence à gagner en assurance et à se révolter contre son père. Je ne sais pas vraiment comment ça s’est fait, mais tous les deux se sont retrouvés sur les docks l’année d’après afin de s’affronter, le père contre le fils. Je ne vais pas t’annoncer qui a gagné le combat vu que ton homme est encore vivant et que son père non. Néanmoins, le duel a été violent. Tous les deux se sont servis d’une main prédatrice et étaient sous l’emprise de D.H.P.A. au moment de l’affrontement. On dit que sans l’intervention de son oncle Desrosiers, le jeune Baron aurait pu y passer lui aussi.

Il baissa les yeux et contempla sa blessure.

— Je peux te dire que ce truc-là tranche la peau aussi aisément que du beurre. Ça fait un mal de chien !

— Et comment ça s’est terminé ?

— Gagné par la haine vis-à-vis de son père et de l’Élite, ton Baron a décidé de les défier pour ne plus courber l’échine face à ses bourreaux. C’est à partir de là qu’il est entré dans la magistrature et est devenu le protégé du Duc. Pour finir, Desrosiers est parvenu à faire voter une loi visant l’arrêt définitif de la commercialisation de la D.H.P.A. Après des mois de débats, le décret a été instauré en automne 88.

Ambre resta coite et regarda devant elle, les yeux perdus dans le vide. Théodore soupira et ajouta faiblement :

— Et si tu veux une anecdote personnelle, sache que ma mère nous a abandonnés après cela. Elle était incapable de vivre en sachant ce que son frère et son mari avaient fait. J’avais à peine quatre ans, je ne l’ai donc jamais connue.

Il toussa et eut un rire nerveux :

— Je suis le gamin d’un beau connard et le pire c’est que je ne vaux vraiment pas mieux que lui.

Il étrangla un sanglot, la mine déconfite. Il tremblait, de grosses gouttes de sueur perlaient sur son visage. Ambre vint vers lui, posa sa main sur son front et nota qu’il était bouillant. Avec lenteur, elle se dirigea vers la salle de bain et alla remplir le verre. Elle le lui tendit accompagné d’un cachet qu’il prit d’une main fébrile.

— Dors maintenant ! ordonna-t-elle. Ton état empire.

— Que vas-tu faire toi ?

Elle prit un temps pour réfléchir puis porta son regard sur le fauteuil.

— Je vais me reposer également. Je ne pense pas que l’on subisse d’attaque cette nuit et je tiens à être en forme pour demain. Je dois rejoindre Ale…

Elle n’eut pas le temps d’achever sa phrase qu’un bruit aussi puissant que strident, semblable au hurlement d’une bête que l’on égorge, résonna en écho à travers la ville. Il fut suivi d’une détonation tonitruante, s’apparentant à un éboulement de roches et à du bois brisé. Cet événement s’accompagna de violentes secousses successives qui firent trembler le sol à plusieurs reprises et fissura la vitre de leur loge. De nombreux objets chutèrent, les vases se brisèrent, les murs se fendaient, dégageant une quantité astronomique de poussière. Perdant pied, Ambre s’effondra, incapable de tenir debout tant le plancher était instable.

C’était quoi ça ? Une explosion ? Un séisme ? D’où est-ce que ça provient ? songea-t-elle totalement alarmée.

Pétrifiée, elle resta un instant immobile, avachie sur la moquette, ventre à terre. Le cœur battant furieusement, elle ressentait encore les secousses faire vibrer le sol à intervalle irrégulier. Puis, une fois la crise passée, elle regarda Théodore, tout aussi effrayé, et se dirigea vers la fenêtre. Elle l’ouvrit timidement, tentant de ne pas briser la vitre.

Dehors, des hurlements épars accompagnés de jappements et de bruits sourds résonnaient à travers les venelles. Des maisons cédaient et s’écroulaient, provoquant d’impressionnants nuages de poudre. Le pavement de la ruelle était encore intact, tout comme les maisons annexes. De sa hauteur, Ambre pouvait apercevoir au loin, malgré la noirceur de la nuit, un épais nuage gris et rougeoyant vers ce qui semblait être le port au vu de la distance.

— Tu me fais un rapport, s’il te plaît, rouquine ?

Elle déglutit et referma la vitre, gênée par l’odeur de cendre mêlée à celle de l’eau croupie.

— J’ai l’impression que les secousses ont fait pas mal de ravages. Il y a un énorme nuage de fumée et de flammes vers le port, je dirai que ça vient de là. En plus, le foyer de la Tour des remparts semble éteint. Je ne vois pas ce qui pourrait provoquer un tel événement. Un raz de marée ? Un éboulement ? Ou peut-être un séisme ?

— Non, impossible ! J’ai fait des études notariales. Iriden et Varden ne sont logiquement pas censées se trouver dans une zone submersible et hormis lors des éboulements massif de roches dans les carrières, il n’a jamais été reporté de séisme d’une telle intensité. Du moins, d’après ce que tu me décris, aucun qui puisse détruire des bâtiments, la voirie et endommager les canalisations de gaz et probablement celles du réseau d’eau courante. Sans parler que la coïncidence serait fort troublante s’il s’agissait d’un événement naturel ayant lieu précisément au moment où l’Insurrection survient.

— Il s’agit de quoi selon toi ? demanda-t-elle en se grattant frénétiquement le bras. Tu crois que des gens auraient attaqué des bâtiments pour les faire s’écrouler ? Que nos ennemis ont fait exploser le port ?

— Non, rouquine, rassure-toi. J’aurais du mal à croire que des gens, alliés ou ennemis, détruisent le port. Le port et les navires sont précieux ne serait-ce que pour commercer ou pêcher. Personne ne prendrait l’initiative de s’y attaquer, ce serait comme se tirer une balle dans le pied.

— Qu’en est-il des autres institutions ? Et la mairie ? Je dois rejoindre Alexander au plus vite, qui sait ce qui…

— Eh là ! Du calme, rouquine ! maugréa Théodore en se frottant les yeux. On verra ça demain, si tu ne vois pas d’inconvénient. Il fait nuit, tu trembles comme une feuille, tu es malade, blessée et épuisée. Et surtout si j’étais toi je ne prendrais pas le risque de me balader dans les rues alors que des bâtiments risquent encore de s’écrouler dans les prochaines heures !

Ambre baissa la tête et soupira, abattue devant cette fatalité, ses mains tressaillant sans discontinu.

Je ne veux pas l’admettre, mais il a raison… je suis trop faible pour entreprendre un tel périple.

— Allez, va dormir rouquine ! conseilla-t-il en s’enfouissant sous les couvertures. De toute façon, dis-toi que tu ne pourras rien faire pour le moment. Alors fais-toi une raison et repose-toi si tu veux avoir assez de forces pour rejoindre ton Baron !

Elle obtempéra sans rien dire, éteignit les rares chandeliers encore allumés et s’installa sur le fauteuil. Puis elle se couvrit chaudement et tenta de trouver le sommeil, les yeux mouillés de larmes et la gorge nouée.

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