Tate no Yuusha no Nariagari – Chapitre 44
L’amie de Filo
Traducteur : Team Yarashii
Le feu crépitait. Nous avions établi notre campement pour la nuit.
En l’absence d’imprévu, nous devrions atteindre la capitale du royaume le lendemain.
— Ha ha ha. Oh, Filo ! Tu es si drôle !
— Attends ! Je te tiens !
— Tu m’as attrapée !
Filo était sous sa forme humaine, et nous avions beau être en pleine nature, elle était si hyperactive qu’elle tournait en rond.
C’était amusant de passer la nuit avec de bons amis. Je l’avais déjà fait auparavant, lors de voyages scolaires estivaux sur la côte ou quand on s’enfermait dans la salle de sciences. Je comprenais donc très bien ce qu’il y avait de divertissant dans ce genre d’activité.
Toutefois, ces deux-là s’appréciaient BIEN TROP.
C’était compréhensible, après tout. Filo n’avait jamais eu de véritable ami du même âge qu’elle jusqu’à maintenant.
Cependant, Mel était issue de la noblesse, alors elles n’appartenaient pas vraiment à la même classe sociale. Mel ressemblait plus à sa propriétaire.
Quand on les regardait, elles semblaient très proches. Alors, il fallait croire que Mel se fichait pas mal qu’elle soit un monstre.
Lorsque nous étions encore à bord de notre attelage, Mel avait sorti plusieurs discours enflammés à propos des Filoliaux, montrant qu’elle avait l’air d’en connaître un rayon. Mais elle avait déjà évoqué plusieurs longs voyages, elle devait donc avoir l’habitude d’être dans un véhicule tracté par l’une de ces créatures. Cela expliquait sûrement comment elle en était venue à les apprécier autant.
— Du calme !
— D’accord !
— M. Naofumi, pourquoi ne pas les laisser jouer ? N’est-ce pas une bonne chose pour Filo d’avoir une amie ?
— Probablement…
J’avais du mal à croire à quel point elle pouvait être bruyante et énervante dans ces conditions.
— Mel, je vais te montrer mon trésor !
— Super !
Filo avait un sac qu’elle conservait toujours caché dans notre calèche. Elle le prit et le montra à Mel.
Son contenu m’intriguait, j’avais envie de savoir ce qu’il y avait à l’intérieur. Qu’est-ce qui pouvait représenter un trésor à ses yeux ? Au fond, j’étais convaincu que c’était quelque chose sans aucune valeur réelle, mais si elle m’avait chapardé un objet, elle allait m’entendre.
— Maître, tu veux voir aussi ?
— Bien sûr.
Filo agita la main pour me faire signe de m’approcher, et je jetai un œil dedans.
Il était rempli de morceaux d’une épée cassée. Ainsi que de bijoux à deux balles qui résultaient de mes échecs en fabrication d’accessoires. Quelques billes de verre, également. Et des douilles.
— C’est beau et ça brille, pas vrai ?
— Oui, c’est très joli.
Mel paraissait un peu confuse. Pour sa défense, c’était vraiment un sac rempli de camelote.
Elle était sûrement attirée par tout ce qui brillait en raison de sa nature d’oiseau. Il me semblait avoir entendu quelque part que les corbeaux avaient tendance à aimer dérober ce genre d’objet. Filo faisait-elle la même chose ?
— C’est quoi, ça ?
Il y avait un autre objet à l’intérieur. Je tendis le bras et m’en saisis.
Une boule de poils marron ? Elle était grosse et douce au toucher, mais, en la pressant, je pouvais sentir plusieurs éléments plus durs et plus petits se déplacer dedans. Et surtout, elle sentait affreusement mauvais.
J’eus un très vilain pressentiment.
— Ça, c’est sorti tout droit de ma bouche !
C’était sorti de sa bouche. De celle de Filo.
Elle aurait été un chat, mon intuition se serait révélée juste. Pour un être humain, j’aurais plutôt eu du vomi sous les yeux. Mais Filo était un oiseau…
Et les oiseaux rejetaient… des boulettes ?
Autrement dit, ce qui était dur à l’intérieur était des morceaux d’os de monstre mélangés aux propres plumes de Filo et autres éléments non digérés.
— C’est dégueu !
Mais à quoi est-ce qu’elle pensait ? Et dire que j’avais touché ça ! Je la balançai précipitamment.
— Hé ! C’est mon trésor !
— N’importe quoi ! C’est un excrément ! Si tu remets ça dans un sac, je jette tous tes trésors !
— Mais…
Mel observait notre échange d’un air perplexe.
Nous finîmes de discuter, et je préparai le dîner.
Le repas du soir fut composé de la viande d’un monstre croisé en chemin. Je l’embrochai sur des piques en bois et la fis griller au-dessus du feu.
— Maître, t’es un super cuistot !
— C’est vrai. Vous êtes très bon à cela, et la nourriture est toujours délicieuse. Mel, tu devrais aussi y goûter.
Raphtalia passa une brochette à Mel, qui la prit avec gratitude.
— Il a juste mis des bâtons sur le feu, mais c’est TROP bon !
Elle mangea lentement et posément. J’étais certain qu’elle protesterait devant une nourriture aussi simpliste, mais, apparemment, mes craintes étaient infondées.
Était-ce en raison de tout ce qu’elle avait traversé durant ses voyages ?
J’avais jugé Mel sur son apparence. Elle était probablement juste une brave fille qui se montrait spontanée.
Bref, nous achevâmes notre dîner, et il ne nous resta plus qu’à aller dormir. Toutefois, il se faisait encore un peu tôt pour cela.
Nous nous retrouvâmes donc avec du temps à tuer.
J’avais plutôt l’habitude de ce genre de moments dans la nature, maintenant, alors je pensais prendre le livre de magie et m’asseoir dans un coin pour l’étudier.
Il s’écoula un certain temps, au cours duquel Filo et Mel commencèrent à se calmer. Elles devaient sûrement être fatiguées et s’étaient endormies.
Raphtalia faisait la sieste, de sorte à être en forme au moment de son tour de garde. Elle avait la moitié de la nuit à couvrir, car je ne me sentais pas encore d’en confier une partie à Mel ou Filo.
— Hmm…
Bien que l’ouvrage entre mes mains soit destiné à des débutants, il était tout de même rempli d’informations sur tout un tas de magies différentes.
Il abordait des sorts comme « Première Garde » ou « Premier Soin ».
Je ne pouvais toujours pas vraiment m’en servir, mais ceux-là semblaient être les plus avancés pour quelqu’un se lançant dans l’art de la magie.
Je me consacrai à la lecture d’un segment consacré aux sorts augmentant la puissance d’attaque et l’agilité. Il y en avait tant que je désirais apprendre, mais la grammaire était si difficile que suivre les instructions était pratiquement impossible.
Je jetai de temps à autre du bois pour alimenter le feu, et les heures passèrent lentement.
— Mmm…
Raphtalia cligna lentement des yeux, l’air endormie.
— Je t’ai réveillée ?
— Non. Dois-je prendre la relève ?
— Si tu veux.
— Très bien.
Je trouvai un bon endroit pour interrompre ma lecture et acceptai sa proposition.
— Hmm… M. Naofumi ?
— Quoi ?
— Filo et Mel sont…
Elle pointa un doigt tremblant en direction de la silhouette désormais silencieuse de Filo, qui avait repris sa forme d’oiseau géant. Elle dormait, seule. Et les vêtements que Mel portait étaient éparpillés sur le sol autour d’elle.
— Hmm…
Même ses chaussures étaient là. Alors, où était-elle ?
— Tu ne crois pas que…
Je savais que Filo était une vraie goinfre, mais…
— M. Naofumi. Vous vous rappelez la fois où vous avez menacé ces bandits en leur disant que Filo allait les manger ? Vous ne pensez pas qu’elle…
— Impossible ! Elle ne ferait jamais ça !
— Cependant, nous parlons bien de Filo, ici.
— Mais…
C’était envisageable, en vérité. Pensait-elle que les amis étaient des gens que l’on pouvait gober quand l’envie nous en prenait ?
— Raphtalia. Est-ce qu’on fait comme si on n’avait rien vu, tout en cachant les preuves ?
— Que… qu’est-ce que vous suggérez, là ?
— Si Filo a mangé quelqu’un… et la fille d’un noble, qui plus est ! Tu ne crois pas qu’on devrait endosser la responsabilité ?
Je voudrais éviter cela dans la mesure du possible. D’accord, je savais que c’était mal. Mais quand même !
Stupide oiseau joufflu ! Elle avait un don pour foutre le bazar.
— Mmm… s’passe quoi ?
La tête de Filo se dressa soudainement tandis qu’elle se réveillait et clignait des yeux.
— Bah quoi ? Maître ? Grande sœur ?
— Où est Mel ?
— Mel ? Elle dort dans mes plumes.
— Hein ? Je ne la vois pas.
J’avais vérifié à peine une minute auparavant, et j’étais certain qu’elle n’y était pas.
— Mel, réveille-toi.
— Mmm ?
Les plumes sur le dos de Filo bougèrent et s’écartèrent lorsque le visage de Mel en émergea.
— Qu’est-ce que ?
Je n’en revenais pas. Peu importe sous quel angle on la regardait, Filo était incapable de cacher une personne entière dans ses plumes. C’était absurde. Pourtant, c’était bien le cas.
— Qu’y a-t-il, Filo ?
— Mon maître demandait où tu étais. Alors, je t’ai réveillée.
— J’étais simplement sur son dos. C’est si confortable !
— Pourquoi avoir retiré tes vêtements ?
— Parce qu’il y fait chaud.
Elles m’avaient fichu une de ses trouilles…
— Bref, passons, comment est-ce que tu as pu te faufiler là-dedans ?
— Les plumes de Filo sont si douces et si épaisses ! Passez votre main ici et vous comprendrez.
— D’accord.
Il était temps. Temps de voir à quoi ressemblait vraiment le corps de Filo.
Mel me fit signe, alors je tendis la main.
— Ouah ! On s’enfonce carrément dedans.
Je plongeai mes deux bras jusqu’aux épaules avant d’enfin atteindre ce qui devait être la peau. Il faisait effectivement très bon à l’intérieur. Avec une telle profondeur, je comprenais mieux comment Mel avait pu y dormir sans que personne la remarque.
— Je ne saisis pas comment il peut y avoir autant d’espace.
— Eh oui, c’est impressionnant !
— Arrachons tout ça et voyons ce qui se cache en dessous. On pourrait aussi vendre les plumes, il y a peut-être de l’argent à se faire.
— Non !
— Mais, Grand Saint ! Vous ne devriez pas menacer Filo !
— Je plaisantais.
Bon sang, je venais de constater une nouvelle fois à quel point le corps de Filo était bizarre.