Tate no Yuusha no Nariagari – Chapitre 46

Tout le monde aime les anges
Traducteur : Team Yarashii

— OOOOH ! Héros Porte-Bouclier !

Nous étions en train de quitter l’église lorsque j’entendis un cri que je ne pus ignorer.
Je me tournai pour découvrir un jeune garçon de 14 ou 15 ans, vêtu comme un soldat, courir vers nous. Il était presque hors d’haleine.
Nous étions dans la capitale, alors quand je voyais des soldats se précipiter dans ma direction, je me préparais toujours au pire.

Je ne cherchai pas à réfléchir. Je pivotai et me mis à détaler. Raphtalia était sur mes talons. Il y avait bien trop de risques que la situation dérape.
Le roi qui m’avait piégé, le type que j’appelais en douce « Sac à merde », était du genre lunatique. Allez savoir pour quel motif il cherchait à m’avoir, cette fois-ci.

— Attendez !

Ouais, mais bien sûr. Et pourquoi obéirais-je, d’abord ? Je savais que rien de bon n’arriverait dans ce cas. Qui donc attendrait patiemment la venue d’un soldat qui lui demandait de rester sur place ? Seul un parfait imbécile ferait cela.
Alors, je partis en courant. Puis, je pris conscience que Filo n’était pas avec nous. Je devais tout faire pour que nous ne soyons pas capturés, mais je ne pouvais pas fuir la ville avec notre calèche si Filo ne nous accompagnait pas.

— Attendez !
— Fichu gamin ! Raphtalia, ramène Filo. On doit finir nos emplettes et se tirer d’ici.
— Compris !

Raphtalia et moi nous séparâmes et prîmes nos distances avec le militaire.
Ce dernier choisit de me suivre.

— Merde, j’arrive pas à le semer.

Le soldat se montrait très insistant. Je me faufilai dans une petite allée et ressortis dans l’avenue principale bondée, où je parvins enfin à lui faire perdre ma piste. Il me fallait juste quitter cette ville avant qu’il ne me rattrape.
Cependant, comment allais-je rejoindre Raphtalia et Filo ? Si je pouvais atteindre l’armurerie, je pourrais les retrouver.
Du moins, tel était mon point de vue et, à ce moment précis…

— AAAAAAH !

Qu’est-ce que ?
Je me retournai pour voir une foule conduite par Motoyasu. Il me pointait du doigt et courait. Les gens s’écartaient autour de lui.
Merde ! Si l’on me remarquait maintenant, à quoi aurait servi ma fuite jusqu’à maintenant ?

— Naofumi ! Je t’ai trouvé !

C’était Motoyasu Kitamura. Il était le Héros Lancier, invoqué dans ce monde de la même manière que moi, mais issu d’un Japon différent. Il était le favori de cette Salope, la princesse qui m’avait piégé, et il vivait tranquillement ici, en faisant tout ce qu’il voulait.
Il était probablement le plus attirant de nous quatre. D’humeur joyeuse, il était aussi un sacré coureur de jupons. Et il avait un pois chiche à la place du cerveau, comme on pouvait s’y attendre.
Il avait vraiment réussi à faire de ma vie ici un enfer.

— Toi ! Qu’est-ce que tu fous ?
— C’est quoi, ce bordel ? N’essaie pas de vouloir tout me mettre sur le dos !
— Tu fais l’innocent ? Inutile, on sait déjà ! On sait que tu es le propriétaire de ce gros oiseau.

Un gros oiseau… Filo ?

— Donne-le-nous… On va le tuer !
— Ha ! Qu’est-ce que tu racontes ? Tu es seul responsable. Il fallait te montrer plus prudent avant de l’approcher !

Il y a quelque temps, Filo avait décoché un méchant coup dans l’entrejambe de Motoyasu, le faisant décoller. Le voir balancé dans les airs m’avait fait un bien fou.

— Tu persistes à jouer la comédie ? Ton foutu piaf géant m’a pourchassé dès l’instant où il m’a vu !

Hmm ? De quoi parlait-il ? Est-ce qu’il avait des hallucinations ?

— Qu’est-ce que tu dis ?
— Je le répète, cet imbécile de gros oiseau a essayé de me faire valser !

J’observai Motoyasu. Son armure était aussi belle et brillante que d’habitude, mais la section de l’entrejambe manquait et une coupe s’y trouvait à la place.
C’était hilarant ! Ha, ce type était traumatisé ! Ha ha !
Ah là là, de mieux en mieux. Il fallait que je récompense Filo plus tard. Elle avait compris ce que je désirais vraiment et profité de la situation pour m’offrir ce cadeau.

— Qu’est-ce qui te fait rire ?
— Ha ha ha !
— Espèce d’enfoiré…

Sérieusement, pourquoi était-il autant en colère ? C’était génial.
Apparemment, Motoyasu réalisa que son approche actuelle ne fonctionnait pas. Il changea de sujet.

— Hé, laisse partir la fille ! Sale esclavagiste !
— Pas ça encore ! Tu sais vraiment pas quand lâcher l’affaire, hein ?

Par le passé, Motoyasu avait tenté de « sauver Raphtalia de mes griffes ». Le fait qu’elle soit une beauté avait sûrement été le facteur décisif. Il m’avait défié dans un duel où je n’avais aucune chance de l’emporter, et il avait vu juste. Je perdis, mais seulement parce que la Salope avait triché en m’attaquant par-derrière.
Et voilà qu’il remettait cela sur le tapis ! Il n’avait pas changé d’un poil.

— Raphtalia t’a déjà rembarré une fois.

Quand elle avait découvert le pot aux roses, elle l’avait rejeté et l’histoire s’était arrêtée là.

— Je ne parle pas de Raphtalia !

Il serra les poings.

— Je suis au courant de tout ! Tu as déniché une nouvelle esclave, pas vrai ? Je l’ai vue quitter l’armurerie !

Mais de quoi parlait-il ? Je n’en avais aucune idée.
Les seules personnes qui voyageaient avec moi étaient Raphtalia et Filo.
Motoyasu avait toujours été en rogne contre Filo, mais, maintenant, il l’appelait mon esclave et exigeait sa libération ?

— Qu’est-ce que tu racontes ? C’est au sujet de Mel ? Elle ne m’appartient pas.
— J’ignore son nom ! C’est la fille aux cheveux blonds !

Aux cheveux blonds ?

— S’ils étaient bleus, alors c’était Mel. Mais s’ils étaient blonds, c’était plutôt Filo.
— Oui, elle ! La fille avec des petites ailes sur le dos ! Tu sais très bien de qui je parle ! Tu l’appelles Filo ?

Il vociférait presque, à présent, la voix empreinte de passion.
Il avait dit quelques instants auparavant qu’il allait la tuer et, maintenant, il désirait lui rendre sa liberté ? Il était dingue !

— Toi… Du moment que c’est une fille, tu la veux, c’est ça ?
— Non !

Il cria de nouveau.

— Je n’avais jamais vu une créature aussi idéale… Je…
— Quoi ?
— Qui aurait pu croire ça ? Il existe une fille dans ce monde qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Fleon des terres magiques !

Qu’est-ce qu’il déblatérait, maintenant ? Cela devait être le personnage d’un de ses jeux.
Toutefois, cela me rappela quelque chose. Il fallait croire que Filo était similaire à des personnages que j’avais également croisés dans des jeux. L’archétype de la fille pure et angélique.

— J’y peux rien. J’ADORE les anges…
— Ferme-la ! Tes préférences sexuelles ne m’intéressent pas !
— Ce monde, c’est vraiment le MEILLEUR ! Mon cœur a vacillé au moment où j’ai posé les yeux sur elle !

Motoyasu était visiblement très excité. En observant son visage, il était difficile de croire qu’il était le même type qui beuglait à propos d’un oiseau géant juste avant. Ses yeux étaient tout brillants, à présent, il était en extase.
Les autres membres de son groupe paraissaient ennuyés. Cela expliquait sans doute pourquoi ils demeuraient silencieux.

— Je sais que c’est toi qui la possèdes d’une façon ou d’une autre ! Libère-la !
— Bon sang, qu’est-ce que tu m’emmerdes !

D’accord, très bien, donc il demandait que je lui cède Filo, juste parce qu’elle était son type ?
J’aurais préféré qu’il garde ce genre de blagues pour lui-même.

— Tu crois sincèrement que je vais accepter sans rien dire ?
— Si tu refuses, on se battra jusqu’à ce que tu changes d’avis !

Il brandit sa lance et la pointa vers moi.

— Quoi, tu veux m’affronter ici ? Arrête ça tout de suite ! Pense un peu à l’endroit où tu es !
— Lance du Chaos !

Avant que je puisse finir ma phrase, Motoyasu avait déjà lancé une compétence et envoyé une attaque fendre l’air dans ma direction. Je relevai promptement mon bouclier pour bloquer le coup, mais les pointes de lance qui me ratèrent parcoururent la rue avant de se ficher dans une devanture et d’abattre un mur avec fracas.
Tous ceux qui arpentaient l’avenue se mirent à crier en raison du soudain accès de violence de Motoyasu.

— Hé !
— Javelot d’Air !

Il orienta de nouveau sa lance vers moi et l’envoya voler dans ma direction.
Bordel ! Je l’esquivai, mais elle aurait pu toucher des passants. Je ne connaissais pas grand-chose sur ce pays et ses habitants, mais je savais distinguer un bon endroit pour se battre d’un mauvais. Est-ce que Motoyasu pouvait penser à autre chose qu’à lui-même ?

— Libère-la !
— Qui ferait ça ?

Il voulait que je relâche cet oiseau glouton ? Il avait perdu l’esprit ou quoi ?
Je faillis envisager de le faire, dans le simple but qu’il comprenne réellement en quoi cette idée était mauvaise.

— Alors, tu refuses de m’écouter ?

Les passants autour de nous étaient sur le point de paniquer.

— Allez, ça suffit ! Ressaisissez-vous !
— Héros ou pas, ne vous battez pas ici !

Des cris de protestation s’élevèrent de plus en plus fréquemment de la foule environnante.
Ce n’était pas bon signe. Qu’importe les dégâts causés par Motoyasu, j’étais certain de devoir en endosser la responsabilité.

— Motoyasu ! Calme-toi !

Il était temps. Devais-je changer pour le Bouclier du Courroux, comme lors du combat contre le Dragon Zombie, et contrer son attaque ?
Non. Cela brûlerait toute la zone. Et c’était de cette manière que Raphtalia avait fini blessée. Il ne fallait pas que je m’en serve quand il y avait des gens autour. Tout de même, je ne pouvais pas vraiment me contenter de fuir.

— Hé ! Vous aussi, arrêtez !

J’apostrophai la petite clique de Motoyasu composée de la Salope et de ses amies.
Elles devaient savoir qu’elles poussaient à bout un héros.
Elles se contentèrent de me fixer tout en rigolant.
J’eus un mauvais pressentiment. Elle ne ratait jamais une occasion de me foutre en rogne. Elle était prête à tout.

— S’il vous plaît, que tout le monde se calme ! Ceci est un duel entre le Héros Lancier et le Héros Porte-Bouclier. Il est légitime, reconnu par la Couronne, que je représente aujourd’hui !

La Salope prétendait s’appeler Myne, mais, en dépit de cette fausse identité, elle se sentait toujours l’envie d’énoncer des ordres au nom de la Couronne. Elle exhiba un certificat qui était censé prouver son statut de représentant de la famille royale.

— Bon sang, laissez-nous tranquilles !

La première personne à exprimer son mécontentement fut le propriétaire de l’échoppe derrière moi. Sous peu, d’autres se rallièrent à lui. Cela ne me surprit pas le moins du monde. Quiconque ayant assisté à tout cela savait bien que Motoyasu s’était emporté tout seul, et elle appelait maintenant cela « un duel ». C’était plutôt MOI qui devrais me plaindre.

— Vous osez élever la voix contre la Couronne ? Vils scélérats !

Des scélérats ? De la bouche même de la princesse Salope, quel culot !
Un seul coup d’œil à la foule suffisait à montrer que les gens étaient partagés. La confusion ne cessait de croître, et la situation paraissait sur le point de tourner à l’émeute.

— Bordel…

Ce n’était pas bon du tout…
Le pire dans tout cela, c’était que je venais à peine d’échapper aux types qui me poursuivaient. Ils devaient sans doute être toujours dans le coin et, si un gros duel démarrait ici, ils me retrouveraient à coup sûr.

— Deuxième Javelot !

Motoyasu fit apparaître deux lances lumineuses et les envoya vers moi.
J’en arrêtai une avec mon bouclier, protégeant la boutique derrière moi au passage, mais la seconde m’érafla le bras.

— Premier Soin !

Je pouvais me guérir avec la magie, mais pas l’emporter en me contentant de défendre.
Que faire ? Sans Raphtalia ni Filo, je n’avais aucune chance de vaincre.
Et Motoyasu SAVAIT que j’étais incapable d’attaquer. Il agissait à dessein pour m’humilier.
Est-ce qu’il ne se lançait que dans des duels qu’il était certain de gagner ? Quel connard.
Si la balance était en ma défaveur dès le départ, alors je n’avais pas d’autre choix que de fuir.
Contrairement à la dernière fois, personne ne détenait Raphtalia en otage, on ne pouvait donc pas me forcer à combattre.
Du moins, c’était ce que je pensais…

— Arrêtez ça, je vous en prie ! Héros Lancier !

Les soldats que j’évitais jusqu’à présent firent leur apparition et se placèrent entre Motoyasu et moi.

— Cette zone est très fréquentée. Nous ne pouvons permettre la tenue d’un duel ici.
— Oh, mais si.

La Salope harangua immédiatement les soldats. Elle brandit son certificat et continua :

— Votre assistance ne sera pas nécessaire dans cette situation. Il s’agit d’un duel entre HÉROS, et l’interférence d’un simple soldat ne sera pas tolérée.

Cette Salope… elle était pourrie jusqu’à la moelle.

— Euh…

Les yeux du militaire se troublèrent de confusion. Même si elle cachait sa véritable identité, elle DEMEURAIT la princesse, après tout. Ils se fichaient sûrement de me protéger, n’est-ce pas ?

— Quand bien même, ce pays et ses habitants… Je suis un soldat et je dois les protéger. Si les affaires personnelles d’autrui, fût-il un héros, menacent les gens de notre nation, je dois tout faire pour y mettre un terme !

Quelle était cette sensation ? J’avais l’impression de sentir une brise fraîche, la situation allait peut-être évoluer différemment, cette fois-ci.

— Par conséquent, en raison de l’incapacité du Héros Porte-Bouclier à combattre, je prendrai sa place… Je serai son épée !
— Que…
— Hein ?

Motoyasu et moi restâmes sans voix.
Un simple soldat désirait devenir ma lame ? Il allait défier Motoyasu ?

— Moi aussi…

Un gamin ressemblant à un mage émergea de la foule, s’avança vers moi et leva sa baguette. Il avait également l’air d’une sorte de soldat.

— Pauvres imbéciles. Vous souhaitez me défier ? Êtes-vous bien conscients de ma position ?

Ce que la Salope impliquait, c’était qu’en cas de survie à ce duel, elle s’arrangerait pour régler ses comptes avec eux plus tard.

— Cela n’a pas d’importance. Nous ne faisons qu’exécuter des ordres.

Le visage de la Salope vira au rouge devant une telle réponse.

— Insolents ! Vous pensez réellement pouvoir ignorer la volonté de la Couronne ?
— Je ne permettrai pas que les conflits entre Héros soient réglés ici.

Une douce voix se fit entendre parmi la foule, dont le propriétaire se fit connaître rapidement.
Tout le monde réagit comme si quelqu’un détenant enfin une véritable autorité venait d’arriver. Je n’avais jamais vu personne agir de la sorte depuis ma venue en ce monde, alors je fus également surpris.
Tous les individus influents que j’avais croisés jusqu’à maintenant n’étaient que de sales crapules. Au lieu d’interrompre un duel, ils avaient préféré le soutenir et se divertir en y assistant, comme Myne, qui était la deuxième personne ayant le plus d’autorité.
Qui pouvait oser s’opposer à elle ? Je me tournai pour voir.

On aurait dit une simple enfant. Non, une seconde… c’était Mel !
Elle était escortée par Raphtalia et Filo, toutes deux visiblement mal à l’aise. Elles avancèrent vers moi.

— Qu’est-ce que tu fiches ici ?
— Cela faisait bien longtemps, chère sœur.

CHÈRE SŒUR ?
Mel porta la main à sa poche et en retira un certificat.

— C’est…

Tout le monde se tut en voyant le papier, et ils inclinèrent la tête.
Que se passait-il ? Qui avait plus d’autorité que la Salope ?

— Héros Lancier, veuillez tâcher de comprendre. J’apprécierais si vous pouviez mettre de côté vos désaccords pour aujourd’hui.
— Mais ! Voyons !
— Regardez donc autour de vous ! Seriez-vous prêt à engager le combat dans un espace aussi fréquenté ? Est-ce là un acte digne d’un Héros ?
— Ugh…

Motoyasu soupira et se calma doucement. Il sembla enfin saisir la situation.

— M. Naofumi !

Raphtalia accourut à mes côtés.

— Vous allez bien ?
— Ouais. Mais c’est quoi, ce délire avec Mel ? C’est la sœur de ce machin ?
— Grand Saint… mais ce n’est pas votre véritable identité, n’est-ce pas ? Permettez-moi de me présenter à nouveau. Mon nom est Melty. Merci de m’avoir ramenée à la capitale. Ce voyage en votre compagnie fut fort appréciable.

Mel fit une révérence.

— Héros Porte-Bouclier, que s’est-il passé par ici ?
— Je ne sais pas. Motoyasu m’a défié une nouvelle fois, il voulait s’approprier les membres de mon équipe.
— ENCORE ?

Raphtalia fronça les sourcils d’un air incrédule et décocha un regard contrarié vers Motoyasu.
Motoyasu l’ignora et examina Filo.

— Quel est ton nom, chère demoiselle ?
— Euh… Filo !
— Ne lui dis pas la vérité !

Il fallait que je m’interpose pour la sauver.

— Ce type vous fait tirer de lourds attelages un peu partout, n’est-ce pas ? Laissez-moi vous sauver.
— Bon, c’est vrai. Elle tracte pour moi un gros chariot presque tous les jours.

Je ne pouvais pas le nier. Après tout, c’était dans sa nature de Filolial.
Si je ne lui laissais pas faire cela, elle piquait sa crise. Elle pleurait alors comme un bébé.

— Espèce de salopard ! Tu as traité cette pauvre petite fille comme si c’était l’un de tes oiseaux géants ?

C’était clairement une grande gueule, aucun doute là-dessus. Ma façon de gérer Filo ne le regardait pas.

— Libère Filo !
— Ferme-la, bon sang !

Pourquoi tout le monde essayait de le calmer, hein ? Est-ce qu’il se posait la question ? Apparemment non, car il se remit en colère, sa lance pointée vers moi.

— Je crois vous avoir dit qu’aucun duel ne se déroulerait ici.

Mel réitéra son ordre, mais il l’ignora complètement. Allait-il simplement faire comme si elle n’existait pas ? C’était le genre de gars qui déraillait complètement quand une femme passait près de lui.

— Mesdemoiselles, vous devez fuir ! Je vous le dis, ce type est très dangereux !

Motoyasu se tourna vers Filo et essaya par tous les moyens de passer pour le gentil de l’histoire.
Était-il au courant qu’il luttait de toutes ses forces pour sauver ce « gros oiseau » qu’il désirait encore trucider il y a peu, au point de le clamer haut et fort ?
À moins que… Elle était actuellement sous forme humaine. Elle avait l’air d’une jolie petite fille tout ce qu’il y avait de plus classique. Voilà un quiproquo bien digne de Motoyasu.

— Hein ? Pourquoi ? Mon maître n’est pas dangereux !
— Ton MAÎTRE ? Sale petit enfoiré ! Javelot d’Air !

Motoyasu ignora l’ordre de Mel et utilisa une compétence. Je la bloquai immédiatement.

— Qu’est-ce que tu fais à mon maître ?
— Ça va aller, Filo ! Je vais te sauver !

Pourquoi refusait-il d’écouter ? Nous n’avions pas le droit de nous battre ici !

— Je suppose que nous sommes dans une impasse…

Mel ferma les yeux et leva les mains.

— Filo, j’ai une requête pour toi. Tâche d’arrêter le Héros Lancier, je te prie.
— D’accord ! Je vais protéger mon maître !

Filo se dressa devant Motoyasu.

— Filo, écarte-toi, s’il te plaît. Je ne peux pas lui régler son compte si tu t’interposes.

Mais elle n’en fit rien. Elle resta là où elle était, les bras grands ouverts.

— Filo, il t’a traitée de gros piaf.
— Naofumi, espèce de salopard ! Comment tu peux dire ça à une petite fille ?
— Je n’ai rien fait, c’est de toi que je parle. Tu l’as dit il y a cinq minutes environ. Tu as crié que tu voulais la tuer.
— Ouais, et la dernière fois que je t’ai croisé, tu t’es moqué de moi. Je te déteste, M. le Lancier !
— Me moquer de toi ? Quand est-ce que j’aurais fait ça ?

Dans un dégagement de fumée, Filo reprit son apparence aviaire. Oui, celle de Reine Filoliale.

— Hein ? Quoi ?

Motoyasu parut sous le choc devant la transformation de Filo. Il se pencha un peu vers l’avant, comme pour protéger une certaine zone de son anatomie.
Filo le regarda, observa cet air confus se répandre sur son visage, puis chargea un coup puissant avec sa patte et frappa prestement… son entrejambe.

— Aaaaah !

Je le vis clairement. Son visage se figea et son corps se mit à tournoyer sur lui-même en étant projeté dans les airs sur dix mètres.
La coupe qu’il portait se brisa en mille morceaux qui tombèrent sur nos têtes.

— Ugh !
— Filo l’emporte !

Filo déploya l’une de ses ailes vers le haut et adopta une posture victorieuse à destination de la foule.
Était-ce suffisant pour le mater complètement ? Non, cela devait tout de même aller pour lui. Après tout, il avait porté une coupe.
Raphtalia avait le teint pâle et marmonnait dans son coin, mais j’étais sûr qu’elle allait bien, elle aussi.

Pour une raison qui m’échappait, son groupe n’avait pas bougé pour l’aider. Je supposais qu’il n’y avait pas grand-chose qu’ils auraient pu faire.
Les passants applaudirent bruyamment. Leur préférence dans cet affrontement était évidente.
Mon humeur s’améliora considérablement.

— Veuillez emmener le Héros Lancier recevoir des soins adéquats.

Les soldats qui l’avaient défié le saisirent et le portèrent ailleurs.

— Très bien, ma chère sœur. Je dois dire que ton comportement m’a paru tout à fait indigne. Puis-je savoir quel est le problème ? Je vais peut-être devoir rapporter tout cela à notre mère.
— Je… je fais simplement ce que je dois faire pour soutenir les Héros, comme on me l’a demandé.
— Ce n’est pas exactement l’impression que j’ai eue.
— Tu ne peux pas le juger sur un seul événement isolé, Melty.
— Vraiment ? Ton attitude barbare se démarque dans les rapports.
— Tu t’en prendrais à moi ? Ta supérieure ? Ta grande sœur ?
— Je pourrais dire la même chose de toi, ma chère sœur.
— Pff…

La Salope nous décocha des regards chargés de haine.
Quelle était vraiment leur relation ? De mon point de vue, Melty semblait posséder davantage d’autorité.

La Salope remarqua que Motoyasu et son groupe s’étaient éclipsés, alors elle les suivit sans tarder, lui fournissant une bonne excuse pour s’enfuir.

— Maître ! Est-ce que j’ai bien agi ?

Filo accourut à mes côtés, attendant des compliments.
Nul besoin de ne pas lui donner satisfaction. Je tendis la main et lui caressai la tête.

— Voilà, tiens. C’est le deuxième bon coup de patte que tu lui donnes. Bon travail. J’ai vécu l’un des meilleurs moments de ma vie.
— Ouais ! Je le frapperai à chaque fois que je verrai !
— Oui, vas-y ! Tu es super !

Hé hé hé…

— Pourquoi est-ce que vous la félicitez ?

Raphtalia était en pétard.
Mais j’assumais ce que j’avais dit, Filo avait VRAIMENT fait du bon travail, après tout.

— Je vous jure… ces Héros…

Melty posa sa main sur son front et soupira.

— J’aimerais sincèrement qu’ils arrêtent de troubler l’ordre public, au moins au sein de la capitale.
— Oh, je… je suppose que je dois te remercier…
— Bien entendu, mais pas ici. Trouvons un endroit plus calme pour discuter.

Je parcourus l’avenue des yeux et, évidemment, la foule nous observait attentivement.
C’était logique. Il valait mieux ne pas parler tant que n’importe qui pouvait nous entendre.

— D’accord.
— Héros Porte-Bouclier…

Le soldat qui s’était interposé pour me protéger me regardait maintenant d’un air implorant.

— Ouais, ouais… vous voulez venir aussi, pas vrai ? Je sais pas vraiment ce que vous tramez, mais…
— Nous n’avons jamais tenté de vous capturer, Héros Porte-Bouclier. J’espère que vous me croyez.

Considérant la façon dont ils m’ont poursuivi, ainsi que leur obstination à suivre les ordres, je n’étais pas très sûr de vouloir leur faire confiance. Mais bon, je supposais que cela ne ferait pas de mal de les écouter…

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