Tate no Yuusha no Nariagari – Chapitre 64

Une ville d’aventuriers demi-humains
Traducteur : Team Yarashii

Nous nous débarrassâmes de Motoyasu et échappâmes aux flammes, mais nous ignorions où aller ensuite.

— Je sais qu’elle nous a indiqué le sud-ouest, mais où est-on censés aller, exactement ?

Dans le but de nous innocenter, nous allions à la rencontre de la reine dans un pays situé dans cette direction, toutefois, personne ne nous avait donné son emplacement précis.
Je m’accrochais certes à un mince espoir, mais je me disais qu’en traversant la frontière sud-ouest, notre situation finirait par s’arranger.
Ce que je ne parvenais pas à expliquer, c’était comment Motoyasu avait su où nous allions.
Ma meilleure hypothèse était qu’il avait dû demander à des gens du coin s’ils nous avaient vus.

Pourrait-il aussi y avoir une ombre à la solde de notre ennemi ?
Les « ombres » étaient le nom donné aux soldats membres des services secrets de la reine. Elles s’étaient déjà manifestées plusieurs fois pour nous venir en aide.
Cependant, de ce que j’avais entendu, elles n’incarnaient pas une organisation monolithique. Notre adversaire pouvait très bien en employer.

Selon l’ombre que nous avions croisée récemment, la faction de la reine (qui tentait de nous sauver) et celle de l’Église des Trois Héros (qui m’accusait d’avoir enlevé Melty alors qu’en réalité, elle essayait de la tuer) étaient en conflit. Si l’Église se montrait aussi douée que je le pensais dans la collecte d’informations, elle était tout à fait en mesure de fournir à Motoyasu des indices sur notre emplacement.
Les ombres qui nous aidaient étaient vêtues comme des ninjas. Apparemment, leur groupe était scindé entre les espions, les soldats et d’autres spécialités.

— On n’a pas le temps d’attendre de pouvoir baisser notre garde. Si on ne reste pas cachés pendant que Motoyasu s’éloigne, alors on va devoir continuer à fuir pendant encore un moment.

À cause de lui et de la Salope, la route menant au sud-ouest était sérieusement compromise.
Lorsque nous avions enfin eu l’occasion de nous arrêter et de réfléchir un peu, nous nous étions retrouvés bien éloignés de notre itinéraire initial.

— Filo.
— Quoooiii ?
— Est-ce que tu peux deviner où est allée l’ombre ?
— Hmm… je peux essayer, mais ma grande sœur est meilleure pour trouver des trucs cachés !
— Vraiment ?
— Est-ce exact, Mlle Raphtalia ?

Melty s’immisça dans la conversation.

— Je vous en prie, ne placez pas une telle pression sur mes épaules. Parfois, je sens… je sens qu’il se passe quelque chose d’étrange… mais je suis incapable de préciser quoi tant que je n’en suis pas très proche.
— Ouais, c’est vrai. De temps en temps, j’ai le sentiment qu’on nous observe de loin. Je ne sais pas comment on pourrait rester entièrement camouflés.

Il serait très difficile d’échapper complètement à la surveillance des ombres. Toutefois, il y en avait bien une de notre côté, et elle faisait son possible pour détourner l’attention de l’ennemi. Les chances que nous parvenions à semer Motoyasu étaient élevées.
Mieux encore… il s’arrêtait de nous pister une fois la nuit tombée. La Salope n’aimait probablement pas se battre dans le noir. Elle devait se plaindre qu’il lui fallait une bonne nuit de sommeil pour prendre soin de son auguste personne, ce monstre pyromane.
Enfin bref. Tant qu’ils n’étaient plus sur nos traces, cela importait peu.

— Ah.

Melty semblait avoir pris conscience de quelque chose. Elle me dévisageait.

— Quoi ?
— Je connais une famille riche dans les environs. Elle nous aidera peut-être à nous cacher le temps que Motoyasu s’éloigne. Ensuite, nous pourrons nous enfuir sans être vus.
— Tu veux aller en ville ? Toi ? Et moi ? Même Filo est facilement reconnaissable, à présent.

Mon visage était très connu. La boule de cristal qu’ils avaient utilisée était semblable à une photographie en trois dimensions dans mon monde. Pas un habitant de Melromarc n’ignorait à quoi je ressemblais.
Si quelqu’un remarquait Filo, il la signalerait. Récemment, elle se montrait peut-être sous l’apparence d’une Filoliale plus classique, mais elle sortait toujours du lot par ses touches de rose.
Nous avions aperçu le village de loin, et il y avait un certain nombre de gardes postés là-bas.

— Et tu dis qu’ils sont riches ?

J’avais une bonne raison de poser cette question.
Les familles puissantes de Melromarc avaient tendance à détester du fond du coeur le Héros Porte-Bouclier. D’après les dires de Melty et ce que je savais des enseignements de l’Église des Trois Héros, il était l’ennemi du royaume. Peu importait le nombre de gens dont je parviendrais à obtenir la confiance en pratiquant mon commerce itinérant, la noblesse et les familles influentes me haïraient toujours.

— Je pense que tout ira bien.
— Pourquoi ?
— Cette famille en particulier a toujours œuvré au plus près des intérêts de ma mère. J’ai le sentiment qu’elle partage son opinion.
— Qu’entends-tu par là ?
— Elle était très impliquée dans les relations entre humains et demi-humains au sein de Melromarc. Elle a tenté d’aider les deux parties à s’entendre.
— Alors pourquoi elle n’élève pas la voix contre ton père, ce Sac à merde, et l’Église ?

S’ils étaient si éclairés et actifs, pourquoi tout le monde continuait-il de me rejeter ? Pourquoi me détestaient-ils tous ?
S’ils travaillaient réellement main dans la main avec la reine, ils ne pouvaient donc pas feindre l’ignorance concernant les affaires internes au royaume.

— C’était une famille noble chargée d’administrer un territoire appelé Theaett. Mais elle a péri durant la vague.
— Oh…

Pourquoi les gens bien devaient-ils mourir en premier ?

— Ils prenaient du repos sur leurs terres lorsqu’elle est arrivée. Ils ont combattu pour protéger les gens qui vivaient là… jusqu’au bout.
— C’est affreux…
— Oui. Nous les avons perdus pendant la première vague. Ce fut un grand sacrifice.

Hein ? La première vague ?
Je posai mon regard sur Raphtalia. Elle aussi avait connu un dur destin à ce moment-là.
Raphtalia hocha la tête.

— Mon village était sous la protection du gouverneur. Cependant, celui-ci est mort et nous avons tenté de tout reconstruire… Le village était…

Alors, c’était donc vrai.

— Lorsque nous avons perdu cette famille, nous avons également perdu la dernière voix qui prônait un traitement plus équitable envers les demi-humains. Toutes les personnes influentes partageant le même point de vue ont ensuite été mutées ailleurs par mon père. Et ce n’est pas le pire. J’ai entendu dire que les habitants de Theaett ont connu un destin tragique durant les violences qui ont suivi.
— Des exactions commises par les soldats de la Couronne.

Raphtalia ne put masquer son irritation.
Melty acquiesça silencieusement. Elle semblait comprendre ce qu’il s’était produit.

— Je crois que ma mère, à son retour, fera en sorte qu’ils soient punis. Elle a envoyé une missive, mais elle n’a pas eu l’air prise en considération. Une fois que tout cela sera terminé, Raphtalia, je vous conjure de me dire tout ce que vous savez au sujet de ces soldats.
— Je le ferai.
— Ton père est vraiment irrécupérable.
— Père…

Melty paraissait déçue.
Et il y avait de quoi. L’un de ses deux parents et sa propre sœur tentaient de l’éliminer.
Melty prétendait qu’il était manipulé, mais le Sac à merde, le roi de cette contrée, était-il réellement innocent ?
Le plus grand mystère concernait tout de même la reine et cette famille de nobles. Œuvraient-ils vraiment pour la libération des demi-humains ? Ici, dans ce pays dominé par les suprémacistes humains ? Je manquais d’informations pour deviner leurs véritables intentions.
Mais je m’égarais. Il fallait revenir au sujet principal.

— Bon, tu dis qu’il y a des nobles ici qui ont des connexions avec l’ancien gouverneur de Theaett ?
— Je le pense, oui. Ils n’étaient pas proches de mon père, et je crois qu’ils ont été chassés de leurs terres.
— C’est un pari risqué.

Cette famille semblait avoir traversé de dures épreuves. Mais ce n’était pas comme si j’ignorais tout de cette région.
Il fallait croire qu’au fil des semaines passées, avec Filo tirant notre attelage, j’avais réussi à voyager un peu partout en Melromarc. Il m’arrivait même parfois de connaître des endroits ou des gens que Melty mentionnait.
Toutefois, ce n’était jamais sous l’identité du Héros Porte-Bouclier. Je me faisais passer pour un saint escorté d’un oiseau divin, et j’arpentais les routes en vendant des accessoires bon marché à très bon prix.

Je me souvins d’une jeune famille d’allure plutôt intellectuelle. J’avais croisé un type pas bien vieux qui semblait très gentil. Je l’avais surnommé en secret « le Mec Sympa ».
Je m’étais gentiment moqué de lui sous cape de cette manière, mais était-il possible qu’il ait fait affaire avec moi en sachant qui j’étais vraiment ?
C’était envisageable. Il m’avait paru affable. En y réfléchissant bien, je me rappelai aussi avoir aperçu des aventuriers demi-humains en ville. Raphtalia pourrait bien s’y balader sans trop attirer l’attention.

— Nous rendre en ville présente un risque, surtout pour Melty et Filo.
— Pourquoi ?

Melty inclina la tête sur le côté, l’air interrogatif. Filo fit de même… J’aimerais bien qu’elle évite de la copier ainsi.

— Tes cheveux bleus sont trop facilement repérables.

Sa chevelure était remarquable. Elle était d’une teinte profonde… presque bleu marine.
Il était rare de croiser des gens ayant une telle couleur de cheveux, elle se démarquerait donc même avec un déguisement.

Quant à Filo, tant sa forme de Filoliale que celle de Reine Filoliale attireraient l’attention de n’importe qui. Et je ne parlais même pas de son apparence humaine. Elle était impossible à dissimuler. Et si nous portions tous d’amples robes pour cacher notre identité, nous n’en paraîtrions que plus suspects.

— Vous aussi, vous sortez du lot.
— Tu as raison.
— Dis, maître ! Si on attendait la nuit ? Comme ça, vous grimpez tous sur mon dos et je peux passer par-dessus le portail d’accès à la ville !
— C’est pas une mauvaise idée, mais un seul garde suffirait à nous repérer.
— Raphtalia pourrait utiliser sa magie pour nous aider… mais je suppose qu’employer des sortilèges avancés attirerait aussi l’attention…
— Alors, qu’est-ce qu’on fait ? On a l’air d’avoir du soutien. Et pourtant…

Fuir n’était probablement pas la pire option. Mais passer mon temps à semer Motoyasu m’épuisait.
Mon corps me disait qu’il avait besoin de repos. Motoyasu n’était pas notre seul ennemi. Nous pourrions également avoir à combattre des aventuriers, des soldats ou des chasseurs de primes. Nous devions trouver un endroit où nous poser.

— Hmm…

Raphtalia leva la main.

— Qu’y a-t-il ?
— Et s’ils se tenaient au courant des dernières nouvelles et s’attendaient à ce que nous nous arrêtions là ?

Hmm… c’était tout à fait plausible.
Après tout ce qu’il s’était passé, le pays semblait s’être scindé en deux factions concernant la façon de considérer le Héros Porte-Bouclier.

— Vous marquez un point. Et vous savez, Naofumi, un aventurier demi-humain pourrait bien se montrer plus enclin à nous écouter.
— Pourquoi ça ?
— Avez-vous oublié ? Si le Héros Porte-Bouclier est l’ennemi des suprémacistes humains de Melromarc, que peuvent donc bien en penser les demi-humains ?

Effectivement. Parmi les pays en mauvais termes avec ce royaume, l’un d’eux était une nation de demi-humains.
L’Église des Trois Héros donnait l’impression d’être la religion officielle de Melromarc, ce qui signifiait que tout état opposé à cette dernière pourrait s’avérer plus coopératif avec nous.
Ce qui impliquait également que les demi-humains seraient peut-être plus tentés de prêter foi à nos propos.
En y repensant, je me souvins que certains de mes premiers clients avaient été des aventuriers demi-humains. Cela pouvait valoir le coup.

— Très bien. Une fois en ville, essayons de discuter avec l’un d’eux.
— D’accord.
— J’espère que tout ira bien.
— C’est parti !

Nous nous mîmes en route vers le village situé non loin, en prenant soin de rester cachés.

— Ex… excusez-moi !
— Hé !

Tandis que nous nous approchions de la bourgade où nous étions supposés rencontrer la noblesse, nous découvrîmes un aventurier demi-humain en chemin. Nous nous fondîmes dans la pénombre et l’interpellâmes, mais…

— Bon sang… c’est la dixième fois ! Naofumi, qu’avez-vous donc fait ?
— J’en sais rien !

Lorsque le demi-humain aperçut mon visage, il se confondit en excuses et s’enfuit.
Mais pourquoi ? Ma réputation démoniaque avait-elle même atteint leurs oreilles ?
La situation n’évoluait pas comme je l’espérais.

— Il n’a pas l’air de nous avoir signalés.
— En effet. Il est parti en courant, puis nous aussi, mais aucun soldat n’est apparu.

J’avais craint que les gardes de la ville nous trouvent et nous chassent. Mais, jusqu’à présent, les environs demeuraient déserts.
Pour être franc, alors que nous progressions sur la route, même les demi-humains semblaient prendre un autre chemin en nous voyant.

— Peut-être devrais-je entrer en contact avec eux ?
— Tu ferais ça pour nous, Raphtalia ?
— Bien sûr.
— Si ça tourne mal, appelle à l’aide immédiatement.
— Compris.
— Tu peux le faire, grande sœur !

Ainsi, Raphtalia s’avança en direction de plusieurs demi-humains que nous avions croisés.
J’étais un peu inquiet. En Melromarc, ces gens paraissaient toujours à cran, prêts à déguerpir.
Être ici devait leur être très inconfortable. Tout était fait pour leur rappeler en permanence qui ils étaient.
Je me demandais ce qu’ils faisaient dans le coin, mais leur simple nombre semblait apporter une explication suffisante en soi.
Raphtalia revint après avoir discuté avec eux.

— Je suis de retour.
— Que s’est-il passé ?
— Eh bien, je sais pourquoi ils ne vous parlent pas. Apparemment, on leur a ordonné de ne pas s’adresser à vous directement.
— Et je suis censé comprendre quoi ?
— Moi aussi, j’ai trouvé cela bizarre, alors j’ai cherché discrètement à en savoir plus. Ils m’ont indiqué que le Héros Porte-Bouclier leur avait dit de ne pas vous parler.

Le précédent Héros Porte-Bouclier leur avait demandé cela ? Cela pourrait s’avérer problématique.
Donc, la seule raison pour laquelle Raphtalia m’avait adressé la parole au début, c’était parce qu’elle ignorait alors que j’étais le Héros Porte-Bouclier ? Et qu’en plus, elle se trouvait dans une situation délicate ? J’avais l’impression que ce monde tout entier était conçu pour me pourrir la vie !

— Naofumi, par le passé, n’avez-vous jamais demandé aux demi-humains de rester éloignés de vous ?
— Je ne m’en souviens pas.
— Voilà qui est étrange. Ma mère m’a dit une fois que le Héros Porte-Bouclier avait ordonné à tout le monde de ne pas l’approcher. Puisque les demi-humains le vénèrent, ils ont obéi sans faire d’histoire.

Quoi ?

— Tu veux dire juste parce que le maître l’a demandé ?
— Serait-ce donc pour cela ?
— Je ne me rappelle pas avoir dit un truc du genre. Est-ce que ça pourrait provenir de mon prédécesseur ?
— Non. Ainsi, vous me dites que c’est faux ? Tout cela pourrait-il être le fruit d’un malentendu ?

L’Église des Trois Héros en était forcément à l’origine !

— J’ai entendu dire que cela s’était produit quelques jours après votre invocation ici, Naofumi.

J’étais pas mal déboussolé à ce moment-là, et je ne me souvenais pas de grand-chose concernant mes premières semaines dans ce monde.
Ce fut à cette époque que l’on me piégea et m’arrêta. Je n’avais confiance en personne, et je repoussais tous ceux qui tentaient de m’adresser la parole.
Était-il possible que quelqu’un voulant sincèrement faire équipe avec moi m’ait approché ? Aurais-je été jusqu’à lui dire de garder ses distances ?

— Naofumi ? Ne me dites pas que…
— Passons à autre chose. Est-ce qu’on peut pénétrer dans la ville ?

Je changeai de sujet. Je ne supportais pas la façon qu’avait Melty de me fixer du regard.

— Eh bien, ils m’ont eu l’air amicaux durant notre conversation. Ils savent à quel point Melromarc agit de manière déraisonnable. Ils disent que l’Église perd la tête.
— Ont-ils fait mention de rapports nous concernant ?
— D’après eux, tout le monde a été prévenu que le Héros Porte-Bouclier est dans les parages. Cependant, ils ont précisé que tous les demi-humains sont tombés d’accord pour rester muets si jamais ils l’apercevaient.
— Hmm… bon, ça a l’air risqué, mais pourquoi ne pas tenter le coup ?

Si la situation dérapait, nous pourrions toujours fuir grâce à Filo. En rabattant nos capes sur nos têtes…

— Bonsoir ?
— Quoi ?

Nous étions tapis dans les fourrés, mais quelqu’un venait de nous interpeller ?
Je jetai un œil vers la route, et le Mec Sympa était là. Il portait des lunettes et était assis à bord d’un luxueux attelage. Il l’arrêta et nous appela.
Oui, je m’en souvenais, à présent. Ce type était un membre de la noblesse de ce village.

— Est-ce que par hasard, la princesse Melty et le Héros Porte-Bouclier se trouveraient tout près d’ici ?
— Euh… oui ?
— Ouais.
— Il serait dangereux de discuter ici. Accepteriez-vous de m’accompagner dans ma résidence ?

Vu la direction dont il provenait, il avait dû sortir pour venir nous saluer. Il s’intéressait donc à nous.

— Si vous tentez de nous livrer aux autres héros, on vous le fera regretter.
— Naofumi, vous feriez mieux de…
— Et par « on », j’entends mes subordonnées et cette princesse barbare.
— Qu’est-ce que vous venez de dire ?

Melty me décocha un regard glacial.

— C’est VOUS, le barbare !
— Qu’est-ce que tu racontes ? Je suis le héros le plus sophistiqué, et de loin.
— Il y a quelque temps, vous m’avez vendu un objet, pour lequel je vous suis très reconnaissant. Les matériaux sont assez simples, donc on en voit un peu partout, mais son apparence, conçue par vous, le rend bien plus précieux à mes yeux. Il m’a coûté cinq fois plus cher que la normale, mais j’ai toujours le sentiment que cela en valait l’investissement.

Melty me dévisageait salement, à présent.

— Je suis vraiment désolée.

Raphtalia se prit la tête dans ses mains.

— Bref, Naofumi, nous devrions suivre cet homme pour le moment. Tout connaître sur votre comportement passé peut attendre.
— Pourquoi je devrais évoquer avec TOI comment JE me conduis ?
— Car ces problèmes ne cesseront pas de se reproduire. Serait-ce VOTRE faute si les gens vous surnomment le Démon Porte-Bouclier ?
— Tu n’entendras que des histoires vantant ma bravoure.
— Ne faites pas comme si vous étiez fier de vos crimes !

Bon, qu’importe. J’étais capable de tromper mes ennemis à longueur de journée sans jamais en ressentir une once de culpabilité.
Tout n’était qu’une question de perspective. La modestie pouvait paraître couardise pour un ennemi.

— Ça suffit, vous deux. Si vous provoquez un esclandre ici, le Héros Lancier va nous trouver.

Hmm… Raphtalia avait raison. Nous grimpâmes en silence à bord de l’attelage du Mec Sympa.
Je jetai un œil par la fenêtre pour voir ce qu’il se passait à l’extérieur. Nous n’étions en fuite que depuis quelques jours, mais je regrettais déjà l’agitation des villes animées. La bourgade située de l’autre côté de la vitre donnait plutôt l’impression d’être un endroit reculé.
Et il semblait bien y avoir davantage de demi-humains dans les environs : beaucoup d’aventuriers allaient et venaient.

Sous peu, nous arrivâmes à la demeure du Mec Sympa. Nous descendîmes de la calèche et nous faufilâmes à l’intérieur.

— Pardonnez notre intrusion.

Melty s’assura de présenter ses excuses avant d’entrer.
Dès qu’elle endossait son rôle officiel de princesse, elle se montrait alors très polie. Elle s’adressait également de cette manière aux autres héros.
En fait, en y réfléchissant, elle ne se révélait grossière que lorsqu’elle me parlait.
Certes, je n’avais pas fait beaucoup d’efforts pour gagner son respect, il m’était donc difficile de l’en blâmer.

— Vous devez être épuisés. Profitez d’un moment pour vous reposer.

Il nous conduisit dans une salle à manger et se retira pour revenir avec de la nourriture.
Filo était plutôt ignorante des arts de la table, mais le Mec Sympa sourit et parut sincèrement satisfait.

— Ainsi, vous avez passé ces derniers jours à fuir ? Et vous voilà maintenant sur mon territoire, décidant alors de vous y arrêter ?
— En effet. On cherchait un moyen de semer Motoyasu… je veux dire, le Héros Lancier. On s’est dit que ce serait peut-être le bon endroit pour se cacher.
— J’ai quelque chose à vous demander. Le bruit court que vous déclenchez des incendies dans les montagnes autour d’ici pour couvrir vos traces et échapper au Héros Lancier. Est-ce vrai ?

La Salope. C’était elle, la responsable, mais il fallait évidemment qu’elle rejette la responsabilité sur moi.

— Ta sœur n’est pas du genre à hésiter une seconde, pas vrai ? Elle a agi exactement comme je le pensais.
— Grande sœur… comment as-tu pu…
— Ainsi, c’est inexact ? J’en étais sûr !
— Oui, ce n’est pas moi. Le coupable est la princesse qui accompagne le Héros Lancier. On était tapis dans des fourrés pour leur échapper, et je l’ai vue allumer elle-même un incendie.

Le Mec Sympa poussa un grand soupir.
Jusqu’où pouvait s’abaisser la Salope ?

— Fort bien. J’espère pouvoir vous être utile… Avez-vous d’autres idées ?
— On essaie d’aller à la rencontre de la reine, mais on ignore où aller. On a été forcés de passer notre temps à éviter Motoyasu, alors on n’a pas beaucoup progressé là-dessus.

Plongé dans ses réflexions, le noble demeura immobile quelques instants, puis il hocha la tête.

— Fort bien. Je pense avoir compris la situation. Nous ferons tout notre possible pour vous aider. Toutefois, je vis également une période troublée et incertaine, donc je ne suis pas certain de ce que je peux vraiment faire pour vous.
— Je n’attends pas grand-chose en particulier. N’importe quel geste sera utile.

De plus, j’ignorais jusqu’à quel point nous pouvions lui faire confiance. De toute manière, je ne comptais pas rester ici très longtemps.

— On aimerait juste se reposer un peu. Oh, et est-ce que vous avez des nouvelles sur les agissements des autres héros ?

Motoyasu n’était pas la seule personne dont il fallait s’inquiéter. Je n’avais aucune idée de ce que faisaient Ren et Itsuki… puisqu’ils n’avaient pas l’air de nous pourchasser. Il valait mieux tenter d’en savoir plus sur eux.
J’étais parfaitement conscient que l’Église pouvait très bien espionner le Mec Sympa, donc, dès que j’aurais ces informations, je prévoyais de partir le plus vite possible.
Nous devions aussi traverser la frontière… Je voulais trouver l’itinéraire le moins risqué.

— Fort bien. Je pense pouvoir apprendre ce que font les autres Héros. Veuillez attendre un peu.
— On vous place dans une position délicate. On s’en ira dans la matinée.
— Nous partons si vite ? Ne ferions-nous pas mieux de prendre davantage de repos ?

Melty devait s’assurer que nous entendions son opinion sur ce sujet.

— Il y a de fortes chances qu’ils viennent nous chercher par ici. Si on reste, on mettra tous ces gens en danger.
— Oui… d’accord…
— Fort bien, je vais enquêter sur les actes des autres Héros, prenons donc le temps de vous reposer.
— Merci.
— J’aimerais bien m’attarder ici quelques jours…
— Mlle Melty, vous semblez avoir changé depuis que vous voyagez en compagnie du héros Porte-Bouclier.
— Qu’entendez-vous par là ?
— Auparavant, vous placiez toujours votre devoir en premier lorsque vous vous exprimiez. Vos véritables émotions ne transparaissaient jamais durant vos proclamations officielles. Je pense que les gens préféreront votre nouvelle attitude.

Le Mec Sympa sourit à Melty. Il paraissait sincèrement heureux.

— Ce… ce n’est pas vrai…
— Qu’est-ce qui se passe, Melty ?
— Ne les écoute pas, Filo. Cet homme a simplement décidé de me jauger.
— Oh…

Le Mec Sympa se tourna vers Raphtalia.

— Comment Melty avait-elle l’habitude de se comporter ?
— Elle s’exprimait toujours de façon très polie, se forçant à demeurer calme et maîtresse d’elle-même en toutes circonstances. Chacune de ses actions était dictée avant tout par son statut de princesse. Cependant, en nous accompagnant dans nos voyages, avec le Héros Porte-Bouclier à ses côtés, elle s’est mise à évoluer dans une autre direction. Cela me fait très plaisir d’être là pour le constater.
— Tai… taisez-vous !
— Très polie… oui, elle était comme ça. Je me demande ce qui l’a fait changer.
— Ne pensez-vous pas que c’est votre faute, M. Naofumi ?
— MA faute ? Je ne crois pas, non.

Ce n’était pas le fait qu’elle soit près de moi ces derniers temps qui l’avait poussée à modifier son comportement. C’était simplement sa vraie nature qui affleurait à la surface. Sa carapace extérieure avait enfin été fendue.
Tout de même, je n’irais pas jusqu’à dire qu’elle était si mauvaise. Par rapport à son père, le Sac à merde, et à sa pyromane de sœur, elle appartenait à une tout autre catégorie.

— C’est votre faute, Naofumi !
— Hé, ne me colle pas ça sur le dos. C’est toi qui as des gens aux tendances incendiaires dans la famille, pas moi. L’hystérie, ça se transmet dans les gènes, tu sais ?
— Que dites-vous là ? Êtes-vous réellement en train de me comparer à ma sœur ? Je ne le SUPPORTE pas !

Melty me fusilla du regard, les yeux brûlant de rage.
Elle devait vraiment détester sa sœur. De toute manière, il était impossible de l’apprécier.
En considérant cela, Motoyasu était très impressionnant… mais je ne tentais pas de prendre sa défense, hein.
Melty demeurait tout de même sa sœur, elle partageait donc forcément un matériel génétique commun.
Il fallait croire qu’elle n’avait tout simplement pas pris goût à la misère d’autrui. C’était mon opinion… mais je comptais bien ne pas la lui dire.

— Excusez-vous.
— Oh, allez, ça va. Bon, d’accord ! Melty, tu n’as rien à voir avec ta pyromane démoniaque de soeur. Voilà, tu es contente ?
— Vous n’êtes pas sincère !
— C’est vrai.
— Quoi ?

Elle commençait à me taper sur le système.

— Voyons, calmez-vous. Vous savez bien que M. Naofumi n’est pas du genre à penser vraiment ce qu’il dit dans ces moments-là.

Raphtalia, agissant tel un ange éclairé, essaya de désamorcer la situation.
Filo acquiesça aussi dans la foulée. Que se passait-il avec ces trois-là ?

— Puisque vous avez fini de manger, je vous invite à retourner dans vos chambres et à vous reposer. Je pense obtenir toutes les informations que vous désirez dans la matinée.

Il nous escorta vers les pièces en question, et nous pûmes enfin commencer à souffler.
Néanmoins, tout s’était si bien déroulé que je ne pouvais me défaire de tous mes doutes. Je jetai un œil par la fenêtre pour observer la ville.
Visiblement, notre nourriture n’avait pas été empoisonnée, mais je ne savais pas jusqu’à quel point ce type était digne de confiance.

— Naofumi. Pourquoi ne pas vous détendre un peu ?
— Je me suis résolu il y a quelque temps à ne jamais baisser ma garde dans des moments pareils. C’est une leçon que ce monde m’a enseignée.
— Mais, si vous ne récupérez pas un minimum, vous ne ferez que vous épuiser davantage.
— On m’a dépouillé pendant que je dormais. Si tu ne fais pas gaffe à tes arrières, les gens te trahiront.
— Oh, franchement… Pourquoi ne pouvez-vous pas faire confiance à quelqu’un juste pour cette fois ?
— À cause de ta sœur et de ton père !
— J’ai bien compris ! Je dis simplement que vous pourriez essayer un peu !
— Je m’en fiche. Je me reposerai quand j’estimerai que ce sera le bon moment.
— Vous n’êtes pas le seul à être en colère contre mon père et ma grande sœur ! Alors, contentez-vous de vous détendre, là.
— Tu parles de qui ?
— De ma mère. Avant que nous nous séparions, je la voyais prendre des portraits ou des statues à leur effigie et les mettre en pièces quand ils se comportaient de cette façon.
— Bah, on récolte ce qu’on sème, c’est tout. Si elle ne sait pas choisir son mari, elle ne sait pas non plus comment élever une fille.
— Oseriez-vous médire de ma mère ?

Ces joutes verbales perduraient depuis que Melty voyageait avec nous. Elle finissait toujours par piquer une crise au sujet de quelque chose.
Elle persistait à se conduire ainsi alors qu’elle savait très bien que des gens en avaient après nous. Si je devenais moins vigilant, elle allait nous faire tuer.

— D’accord, M. Naofumi. Nous allons tous monter la garde pendant que vous vous reposez.
— Hein ? Oh… bon, ça marche.
— Pourquoi est-ce que vous écoutez toujours ce que Raphtalia vous dit ?
— Car j’ai foi en elle.
— Oh, et en moi, non ?
— Pas spécialement…

Nous étions simplement dans une situation qui ne lui permettait pas de se retourner contre nous.
On essayait de nous assassiner et elle nous avait aidés en combat. Ce n’était pas que je n’avais pas confiance en elle… pas exactement, du moins.
Elle se comportait comme elle le devait, en tant que seconde princesse et première héritière au trône.
Donc, sous cet angle, je supposais que je pouvais me fier à elle.

Cependant, ce n’était pas ce qui comptait vraiment ici.
Certes, je voyageais en compagnie de Raphtalia depuis plus longtemps, mais, cette considération mise à part, elle était bien plus expérimentée que Melty.
Ma confiance était fortement liée à ce fait.

— Dis, Mel ! Je veux aller visiter le reste de cette maison !

Filo s’immisça dans la conversation en évoquant un sujet n’ayant aucun rapport.

— Bonne idée. Une petite balade améliorera peut-être mon humeur. Très bien, Raphtalia. Filo et moi allons faire un tour.
— On part à l’aventure !

Filo voulut la forcer à dire la même chose, mais Melty se contenta de sourire, puis elle nous fit un signe de la main et quitta la pièce.
Un peu de tranquillité… Il était temps.
Lorsqu’elle sortit, je pris enfin conscience à quel point j’étais épuisé.
Je m’étendis sur le lit, confiant la garde à Raphtalia, et me laissai gagner par le sommeil.

Hmm… je pouvais sentir quelqu’un s’approcher. Combien de temps avais-je dormi ?
Depuis que la Salope m’avait trahi, j’avais pris l’habitude de me réveiller dès qu’une personne se trouvait non loin de moi.

— Si tu te rapproches davantage, M. Naofumi va se réveiller.
— Mais, euh ! Je veux dormir avec le maître !

Filo avait dû terminer son aventure dans la maison…
Ce qui signifiait sans doute que Melty était également de retour.
Je vivais dans un environnement si bruyant ces derniers temps… et j’avais enfin réussi à m’endormir.

— Tu ne peux pas. Nous en avons déjà discuté.
— Mais, grande sœur ! Tu as dit que tu avais déjà dormi avec lui une fois.
— Tu peux le rejoindre quand il est éveillé. Tu dois le faire avant qu’il s’endorme.
— D’accord, alors je lui demanderai à son réveil !
— Je ne pense pas qu’il appréciera…

Raphtalia me comprenait vraiment.
Si quelqu’un s’approchait durant mon sommeil, je ne parvenais pas à me reposer.
Exactement comme maintenant, j’étais endormi, mais je venais de me réveiller à l’arrivée de Filo.

*Bâillement*

Raphtalia laissa échapper un long bâillement. Elle aussi devait avoir sommeil.

— Mlle Raphtalia, vous devriez également vous reposer. Je veillerai sur vous.
— Vous êtes sûre que ça va aller ?
— Je m’en occupe.
— Très bien. Bonne nuit.

Raphtalia s’allongea sur le lit d’à côté et ne mit qu’une minute avant de plonger dans les bras de Morphée.
Peu après, je pus entendre Filo et Melty discuter en chuchotant.

— Dis-moi, Filo.
— Quoi ?

Melty s’exprima à voix basse.

— Je sais que ce n’était qu’un simple sujet de conversation, mais c’est exact. Je m’efforçais de toujours parler poliment, avant.

Oui, le Mec Sympa l’avait mentionné.
Il est vrai qu’elle employait en permanence un langage formel, avant… Est-ce qu’elle sous-entendait que sa véritable personnalité correspondait à cette attitude ?
— Cependant, depuis que je me mets à discuter avec Naofumi, je m’exprime de façon plus rustre… plus grossière. Au début, je pouvais encore lui parler correctement, mais, maintenant, je passe mon temps à me plaindre…
J’avais l’impression qu’elle pleurait.
Était-ce si dur pour elle ?

— Tout à l’heure, lorsque Naofumi m’a dit quoi faire, ma propre réaction m’a surprise. J’avais l’air tellement hystérique… comme si je n’étais plus moi-même ! Filo, est-ce que… je deviens folle ?
— Hmm…

Pour la première fois de sa vie, Filo ne semblait pas savoir quoi dire.
Melty avait choisi le mauvais confident. À quel genre de conseil pouvait-elle s’attendre de sa part ? Raphtalia pourrait l’aider sur ce coup, mais Filo ? J’aurais pu me lever et aller la voir, mais elle ignorait que j’écoutais, elle risquerait donc de paniquer et de piquer une crise si j’agissais ainsi.

« Vous feigniez de dormir et vous m’espionniez ? »
Elle dirait sûrement quelque chose du genre. Cela ne ferait qu’aggraver ses inquiétudes.
Je ne savais pas ce qui les causait, mais j’avais le sentiment qu’en passant du temps avec moi, Melty avait d’une certaine façon actionné un interrupteur, caché jusqu’alors, qui la poussait à se plaindre en permanence, sans pouvoir se contrôler. Il valait mieux de pas réveiller le chat qui dormait. Ce n’était pas à moi de régler cela.

— Mel ? Qu’est-ce que tu penses du maître ?
— Hein ? Que veux-tu dire ?
— Bah, tu te comportes comme ça qu’avec lui, pas vrai ? Tu es toujours polie avec les autres.
— Peut-être…
— Est-ce que t’as l’impression de pouvoir lui dire n’importe quoi ?
— Hein ? Tu… tu crois cela ?
— Parce que quand je te regarde lui parler, tu as l’air tout excitée, comme si t’étais à fond dans la conversation.

Tiens, tiens. Filo avait bel et bien grandi.
Cela voulait-il dire que Melty, la VÉRITABLE Melty, était une tarée hystérique ?
Sa position au sein de la noblesse lui garantissait l’accès à une éducation, des manières et une vertu… tout ce qu’il fallait pour masquer sa vraie personnalité. Toutefois, lorsqu’elle était avec moi, elle ne pouvait plus cacher la garce qui se tapissait en elle. Était-ce cela que Filo insinuait ?

— Ce… ce n’est pas cela du tout ! Filo, ne dis pas de telles choses !
— Mel, je voulais rien dire de bizarre. Laissons juste le maître nous gâter toutes les deux !
— Qu’est-ce que tu racontes ? Cela ne me ressemble pas.
— Ah bon ?

Elles avaient l’air de se disputer, à présent.
C’était forcément… un rêve. Melty ne s’exprimerait pas ainsi. Elle ne paraîtrait pas si faible…
Voilà ce que je me disais en mon for intérieur.
À mon réveil suivant, Raphtalia dormait dans l’autre lit avec Filo, et Melty regardait par la fenêtre. Le crépuscule baignait le monde de sa clarté.
Je me relevai et Melty posa ses yeux sur moi.
Elle paraissait calme et docile. J’eus une brève réminiscence de mon rêve.

— Vous êtes réveillé.
— Ouais. Prête à inverser nos rôles ?
— Je ne suis pas si fatiguée, alors cela ira.
— D’accord.

Tout de même, j’étais incapable de nous imaginer assis près de la fenêtre, sans rien dire. La pièce était plongée dans le silence et personne n’esquissait le moindre mouvement.

— Dites, Naofumi ?
— Quoi ?
— J’y pense depuis que nous sommes arrivés ici. Je me disais… qu’il vaudrait peut-être mieux que je demande à cette famille de me conduire après de mon père.
— Vraiment ?

Nous étions effectivement poursuivis, mais Melty n’était accusée de rien, elle. La Couronne considérait encore son cas comme un enlèvement.
Même si le Sac à merde avait réaffecté chaque membre de cette famille de nobles… si celle-ci lui ramenait sa fille, elle devrait s’en sortir… éventuellement.
Bien sûr, c’était dans l’hypothèse où elle serait escortée au château et conduite directement au Sac à merde.
Quoi qu’il en soit, ce serait toujours plus efficace que de la laisser le rencontrer avec moi.

— C’est une possibilité… Je refuse que vous ayez des ennuis par ma faute… et je désire agir comme je le devrais.

Elle y avait vraiment réfléchi, alors qu’elle était si jeune. Elle devait clarifier sa propre situation et, en revenant auprès de son père, elle pourrait également prouver mon innocence.

— Si on peut s’assurer que c’est sans risque, alors c’est peut-être une bonne idée. — Bien évidemment, je sais pertinemment que ce sera dangereux. J’estime tout de même que cela l’est moins que de voyager en votre compagnie, en sachant que ma sœur est à vos trousses.

Pour Melty, toute personne ayant un lien avec sa sœur était une source de problèmes. Nous suivre était le meilleur moyen d’être impliquée dans une série de combats périlleux.
Si elle avait raison, alors il vaudrait effectivement mieux qu’elle retourne discrètement auprès du Sac à merde tandis que nous attirerions l’attention loin d’elle.
Nous n’avions pas vraiment besoin d’elle pour rencontrer la reine, de toute façon.

— Ce n’est qu’une idée qui m’a traversé l’esprit. Gardez-la simplement en tête.
— Je sais. Toi, tu aimes bien réfléchir à ce genre de choses, hein.
— Me traiteriez-vous comme une enfant ?
— C’est pas ce que je voulais dire. Je viens juste de réaliser à quel point tu prends le temps de penser à tout ça.
— Mais vous donniez l’impression que…

Et la voilà repartie à me chercher des noises. À cet instant, je n’avais aucun moyen de savoir que nous aurions à mettre en action son plan très bientôt. Le déclencheur de tout cela était déjà en route.

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