Tate no Yuusha no Nariagari – Chapitre 66

Tyrannodraconis Rex
Traducteur : Team Yarashii

— Oh… oh…

Un immense dinosaure se matérialisa dans le ciel. Et je faisais exprès de ne pas employer le terme « dragon ». Il avait vraiment l’air d’un dinosaure.
Pour être plus précis, on aurait dit une version encore plus grosse, méchante et flippante d’un Tyrannosaurus Rex.
Ce n’était pas une créature classique que l’on pouvait croiser dans les champs. C’était un dinosaure. Une faille s’ouvrit dans le ciel et l’imposante bête vint atterrir avec fracas sur le manoir.

— Ha ha ha ! Pour la gloire du Seigneur !

Le bâtiment s’écroula sous son poids. Puis, toujours avec le regard d’un dément, le noble fut instantanément broyé sous la patte de la créature.
Il avait perdu l’esprit et ne s’était jamais ressaisi jusqu’à sa mort. À présent, sa vie s’achevait sur la plus grande des folies. Comment étions-nous supposés vaincre un tel truc ?

— On se replie tous ! Filo, tu comprends ?
— Oui !

Filo fit demi-tour en vitesse vers la cour et ramassa le Mec Sympa ainsi que Keel avant de détaler.
Raphtalia, Melty et moi nous enfuîmes sans demander notre reste. Nous nous dirigeâmes vers la sortie.

— GYAOOOOOOOO !

Le dinosaure rugit et se mit à détruire ce qu’il restait du manoir.

— J’arrive dans un nouveau monde et je dois me coltiner des PUTAINS DE DINOS ?

Je n’aurais jamais pensé voir ce genre de monstre ici.
Cependant, en y réfléchissant bien, il y avait bien des DRAGONS. La présence de dinosaures n’était donc pas si tirée par les cheveux.
Les deux espèces étaient relativement proches, après tout.

— Pourquoi aller jusqu’à invoquer une chose pareille dans le simple but de tuer Naofumi ?
— L’imbécile. Il a agi sur un coup de tête.

Il avait été prêt à réduire sa ville à néant dans l’unique but d’éliminer une seule personne ?
Il avait donc préféré me voir mort quitte à se sacrifier ? Qu’est-ce qui clochait chez ce type ? À quel point m’avait-il haï ?

— Dépêchez-vous ! Sinon, il va nous poursuivre !

Raphtalia disait vrai.

— Filo.
— Quoi ?
— Est-ce que tu peux grandir suffisamment pour qu’on te grimpe tous dessus ?
— Naofumi ! Ne demandez pas l’impossible !
— C’est pas le cas. Je pense que Filo peut le faire.
— Vraiment ? Il a raison, Filo ?
— Ouais… ça doit être faisable pour elle.

Filo, avec le Mec Sympa et Keel sur son dos, courut vers nous.

— Hmm… je pense pas… pouvoir grossir plus que ça.
— Merde.

J’aurais dû m’en douter.

— Et si tu étais plus grande ?
— Bonne question.

N’était-elle pas encore en période de croissance ?

— Vous voyez, c’est pas impossible.
— Vous ne croyez pas que c’est envisageable ?
— GYAOOOOOOO !

Melty se tourna pour voir la bête et son regard revint ensuite vers moi. Elle acquiesça.
J’avais entendu dire que les dinosaures aimaient les cibles en mouvement… Nous étions en train de courir, mais cela ne faisait que l’attirer. Il était à présent à nos trousses.
Ce n’était pas le moment de tailler une bavette. Nous étions sur le point de finir dans son estomac.
Avec un monstre d’une telle ampleur sur nos talons, nous avions la sensation d’être en plein milieu d’un tremblement de terre. Le sol se soulevait à chacun de ses pas.

Je commençais à comprendre pourquoi les gens trébuchaient toujours dans les scènes de poursuite au cinéma.
La course mobilisait déjà assez d’énergie. J’avais l’impression que j’allais tomber à chaque instant. À la moindre chute, tout était fini.
Les débris du manoir en ruines encombraient notre itinéraire de fuite, ce qui ralentissait la progression du dinosaure. Toutefois, une fois ceux-ci déblayés, seule Filo gardait une chance de distancer la bête.

— Qu’est-ce qu’on fait ? On l’affronte ?
— Ici ? En pleine ville ? Pensez un peu aux dégâts que cela causerait !
— C’est vrai, mais…

Je n’étais pas certain que nous puissions l’emporter. En revanche, je savais que fuir en courant ne nous mènerait qu’à la mort.

— Bon, très bien, on court et on attire la bête. Une fois qu’on atteint un endroit à l’écart, on se lance.

Nous nous éloignâmes des décombres de la résidence et découvrîmes que les rues étaient remplies de gens en panique.
Je pouvais déjà anticiper les gros titres : « Le Démon Porte-Bouclier détruit une ville et provoque un tollé. »
Bon sang ! C’était bien la preuve que Ren et Itsuki n’étaient pas dans les environs.
Le dinosaure humait l’air autour de lui pour repérer où ses proies avaient disparu.

Quelque chose clochait. Puis, je remarquai son nom : Tyrannodraconis Rex.
Un je-ne-sais-quoi se mit à luire dans la poitrine de la bête. Au même moment, le même phénomène se produisit dans l’estomac de Filo.

— Hmm… Filo ?
— Quoi ?
— Le dinosaure nous fixe du regard, et je me dis que ça a un rapport avec ton ventre qui brille.
— Hmm… bah, tu sais quoi ? Je pense que ce gros lézard veut me manger !
— D’accord, Filo, fonce ! Attire ce monstre loin de la ville !
— Quoi ? Naofumi ? Comptez-vous abandonner Filo ?
— Non, je veux qu’elle l’emmène à l’écart de la population puis qu’elle revienne.
— Mais il en a après elle, alors je doute qu’il la lâche si facilement !
— … Tu as raison.

Je me disais qu’elle était suffisamment rapide, mais je ferais mieux de ne pas me servir d’elle comme appât.

— Non ! Je veux rester avec toi, maître !
— M. Naofumi, vous ne devriez pas lui demander cela.
— Je sais, mais…
— Qu’il doit être dur d’être le Héros Porte-Bouclier.

Le Mec Sympa s’immisça dans notre échange comme si de rien n’était.

— Il n’empêche que ce monstre est focalisé sur elle. Nous avons besoin de l’attirer à l’écart de la ville, pour ensuite l’affronter et le vaincre.

Si nous le combattions en plein milieu de la bourgade, les dégâts seraient immenses.
La sortie la plus proche était… En fait, elle se situait non loin. Et Filo pouvait passer au-dessus des murs.

— Bien, on s’occupe de le distraire et de l’amener à bonne distance des civils, pour qu’ils soient en sécurité. Et vous, vous comptez faire quoi ? On ferait mieux de se séparer.

Je posai la question au Mec Sympa et à Melty.
Keel était évanoui, inutile de lui demander son avis. Toutefois, je ne pensais pas pouvoir l’emmener avec nous.

— Je vais fuir avec cet enfant… Mais, tout d’abord, j’aimerais aider à évacuer la ville.
— Vous pouvez faire ça ?
— Les demi-humains originaires de la mienne sont ici, alors j’estime que l’on peut réussir tous ensemble.

Le Mec Sympa descendit de Filo.

— J’ai l’impression de vous abandonner. J’aurais bien voulu ne pas avoir à en arriver là.
— Vous vous méprenez. Tout ceci se produit parce que je suis entré en contact avec vous, Héros Porte-Bouclier. Ne vous en souciez pas.
— Bon, très bien, si vous le dites. Melty, et toi ?
— Je vous accompagne, évidemment.

Lorsque nous étions dans le manoir du Mec Sympa, elle avait pensé pouvoir revenir discrètement auprès de son père pour arranger la situation, mais, après l’épreuve qu’elle venait de traverser avec l’autre noble fou furieux, il n’y avait vraiment plus rien d’étonnant à ce qu’elle choisisse de nous suivre.
Accorder sa confiance à un aristocrate autoritaire l’avait mise face à un danger aussi grand que ceux qu’elle rencontrait avec nous. Donc, rien n’avait changé de ce côté.

— Tout est décidé, on dirait.
— Ugh…

Keel gémit et battit des paupières. Il n’était peut-être pas encore pleinement conscient. Ses yeux semblaient avoir du mal à se concentrer.
Il tendit la main vers Raphtalia.

— Keel. Des choses vraiment affreuses sont en train d’avoir lieu. Mais nous allons nous en charger… alors, tu dois t’accrocher.
— Raphtalia… non… t’en va pas…
— Keel, tout ira bien. Je dois faire ce que je peux. Nous reprendrons notre drapeau, Keel. Attends-moi !

Elle retira le bracelet que j’avais confectionné pour elle et le passa autour du bras de son ami.

— Allons-y, M. Naofumi. Il faut mettre un terme à cette crise avant que quelqu’un soit blessé.
— Ouais… mais tu es sûre de vouloir lui filer ce bracelet ?
— J’aurais dû vous demander avant. Je suis désolée.
— Pas de souci, il est à toi. Fais-en ce que tu veux.

Elle devait sous-entendre que cela constituait une promesse entre eux deux. Dans ce cas, je ne comptais pas m’interposer et ruiner cet instant symbolique.

— Au revoir, Keel !
— Mais… mais, Raphtalia !
— GYAOOOOOOO !

Le Tyrannodraconis Rex poussa un cri surpuissant, assez pour que ma tête bourdonne.

— En avant !
— D’accord !
— Compris !

Chacun se mit alors en route vers sa nouvelle destination.
Et, comme pour briser le silence, le dinosaure fonça vers nous.
Je ne pus voir où le Mec Sympa se rendait.
Nous grimpâmes sur le dos de Filo et nous enfuîmes. Nous nous glissâmes dans les rues de la ville et sautâmes par-dessus l’enceinte pour nous échapper.

— GYAOOOOOOO !

Le Tyrannodraconis Rex nous talonnait. Il pulvérisa le mur, tout simplement.
Nous traversâmes ensuite un champ baigné par la clarté de la lune. De la fumée s’élevait de la ville derrière nous.
Ce n’était pas ma faute. Je n’étais pas à blâmer pour cela.

— C’est une bonne chose qu’il continue de pourchasser Filo.
— Oui.
— Naofumi ! Si nous ne nous dépêchons pas, il va nous rattraper !
— Je sais bien ! Filo, tu peux pas accélérer un peu ?

Nous devions nous éloigner du village le plus rapidement possible.
Même si nous l’affrontions bravement et suffisamment pour le vaincre, les dommages infligés pourraient vite s’aggraver s’il s’enfuyait alors vers une autre ville.
Donc, nous courions, un dinosaure nous pourchassant de près.

— Vous croyez qu’on est assez loin ?

La bourgade semblait à bonne distance, à présent. Avions-nous assez progressé dans la campagne environnante ?

— On ferait mieux de se préparer au combat. Vous êtes prêtes ?
— Oui, je le suis.
— Si je reste avec vous, ma vie s’abrégera bien assez tôt !
— Et toi, Filo ?
— Ouais ! Je vais tout donner !
— Parfait !

À la suite de mon cri, Filo interrompit sa course et se retourna pour faire face au monstre.
Le Tyrannodraconis Rex nous suivait à la trace, secouant la terre à chacun de ses pas.
Sa gueule rejetait un souffle blanc et de la salive dégoulinait de ses crocs.
S’il plantait ces derniers en moi, j’étais certain d’y passer.
… Comme si j’allais laisser cela se produire. Nous descendîmes du dos de Filo et nous préparâmes à l’affrontement imminent.

— GYAOOOOOOO !

La bête ne ralentit pas du tout. Elle continua sa cavalcade infernale et abaissa sa tête pour nous charger.

— Oh non, je ne crois pas ! Bouclier d’Air !

Le Tyrannodraconis Rex courait droit sur moi lorsque le bouclier se matérialisa devant lui.
Quelque chose dans notre situation actuelle me rappelait la manière dont nous avions combattu le Dragon Zombie.
Nous nous en étions bien sortis à l’époque… ce devrait donc être également le cas cette fois-ci, non ?
Dans un craquement sonore, la créature mordit dans ma compétence. Celle-ci se fissura et s’effondra.
… Mais cela offrait une ouverture.

— Hiya !

Filo mena la charge.
Elle arma sa patte et asséna un puissant coup dans la mâchoire du dinosaure.
Cependant, elle était à présent équipée des griffes en fer, donc ses attaques étaient bien plus redoutables que durant l’affrontement contre le Dragon Zombie.
Malgré tout, la bête ne sembla pas plus affectée que l’autre. Elle agit sans l’ombre d’une hésitation.

— Ugh ! C’est super dur !
— Fais gaffe !

Quand Filo avait défié le dragon, elle s’était exposée un petit instant et la créature en avait profité pour la gober. Heureusement, le dragon n’avait pas de dents et ses organes étaient pourrissants. Que se passerait-il ici ?

— Ouais !

Une fois son coup porté, elle se replia immédiatement d’un bond afin de mettre de la distance, avant de filer droit devant en un éclair et de frapper l’estomac du dinosaure.
Elle se comportait désormais comme une combattante aguerrie.

— Seconde Aqua-Taillade !

Melty expédia un sort vers le Tyrannodraconis Rex.
C’était une lame affûtée constituée d’eau.

— Prends ça !

Raphtalia était aussi dans la mêlée et elle abattit son épée magique sur la bête.
Toutes leurs attaques touchèrent en produisant un bruit satisfaisant, mais le monstre était trop volumineux… Rien de tout cela ne suffisait à le vaincre.

— Maître ! Une plate-forme !
— Pigé ! Bouclier d’Air ! Second Bouclier !

Deux boucliers magiques apparurent devant la bête.
Cette compétence restait déployée quinze secondes. Franchement, ce n’était pas très long. Mais Filo était rapide…

— Hiya ! Hop ! Hop !

Elle bondissait de bouclier en bouclier, assénant de puissants coups à chaque fois.

— GYAOOOOOO !

Finalement irrité, le Tyrannodraconis Rex poussa un cri enragé et se mit à agiter violemment sa tête et sa queue. Filo s’écarta de leur trajectoire avant d’être touchée.
C’était Raphtalia qui se retrouvait en danger.
Je courus en avant et bloquai l’appendice meurtrier avant qu’il l’atteigne.

— Ugh…
— M. Naofumi !

C’était sacrément lourd. Je parvenais à contenir cette queue, mais si elle était aussi forte, je ne survivrais jamais à une morsure de la part de la mâchoire.
Ce n’était pas bon du tout.
Le monstre était très imposant, mais assez lent pour nous permettre de tenir jusqu’à maintenant. Cela ne l’empêchait pas de résister à tous nos assauts.

Filo faisait mouche, mais, si elle ne réussissait pas à l’abattre, alors Raphtalia en serait incapable, elle aussi.
La magie de Melty n’était pas très puissante. Elle balançait actuellement des sorts pour soutenir Filo, mais ils ne parvenaient pas à infliger beaucoup de dégâts.
Nous aurions été dans une sorte de jeu, il se serait agi d’un de ces combats où il suffisait d’attendre que l’horloge tourne… Pas de bol, c’était bien la réalité.

Si ses faiblesses finissaient par être identifiées, il s’enfuirait. Certes, ce serait une bonne chose pour nous, mais il faudrait alors s’inquiéter de sa destination. Une ville bondée, sans aucun doute.
De plus, j’avais remarqué en bloquant sa queue que cette créature avait une grosse puissance offensive. J’étais probablement le seul doté d’une défense suffisante pour survivre à ses attaques.

J’allais peut-être devoir m’appuyer sur le Bouclier du Courroux. Il était assez résistant pour encaisser les assauts de la bête, sans compter la présence de ses contre-attaques.
Ce bouclier était le plus puissant à ma disposition, mais également le plus dangereux.
Il trouvait son origine dans la haine que je nourrissais pour ce monde. Je m’en étais servi pour la première fois lors de notre combat contre le Dragon Zombie, après qu’il eut avalé Filo.

Quand je m’en équipais, la rage me submergeait et je cédais à des accès de violence.
À cause de cela, j’avais accidentellement maudit Raphtalia, qui avait tenté de m’aider.
C’était le type de bouclier qui me donnait un bon gain de puissance, mais qui réclamait quelque chose en échange. Ce n’était pas le genre de détail que je pouvais simplement balayer sous le tapis.
Toutefois, il était aussi vrai qu’à certains moments, nous aurions sûrement été tués sans cela.

— C’est bon.
— Alors, je me lance.
— Sois prudente !
— Bien sûr !

Raphtalia brandit son épée et courut vers le Tyrannodraconis Rex.
Mais son assaut ne sembla pas très efficace.
Filo se battait bien et tenait bon, mais elle ne parviendrait pas à garder ce rythme très longtemps. Son endurance avait des limites, après tout.

Je ne savais pas ce qu’il en était pour notre ennemi, mais il paraissait raisonnable d’assumer qu’il en avait plus que nous.
Si nous poursuivions cet affrontement dans cette configuration, tout cela n’allait pas bien se terminer.
Mais quel autre choix avions-nous ?
Après avoir obtenu le Cœur de Dragon Zombie, mon Bouclier du Courroux s’était renforcé. En raison de cela et parce que Filo l’avait gobé, dès que je l’utilisais, elle devenait incontrôlable.
Cela valait-il le coup ?

— Naofumi !
— Quoi ?

Melty me criait dessus depuis une position en retrait.
Réussissait-elle à remarquer un détail particulier de là où elle se tenait ?

— Il se passe quelque chose d’étrange !
— Hein ?

Je balayai les environs du regard pour comprendre de quoi elle parlait.
Au loin, je captai l’appel d’une sorte d’animal.
Qu’était-ce ?
La zone commença à être recouverte de petites lumières flottantes, telles des lucioles.

— Hein ?

Filo rabattit ses ailes contre sa tête, comme si elle tentait de se concentrer.

— Que se passe-t-il ?
— Je peux entendre quelqu’un parler. Cette voix dit qu’elle sera bientôt là et qu’on doit attendre.
— Qui dit ça ?
— J’sais pas !

Qu’est-ce qu’il se tramait ? Nous étions en plein combat, là !
Le Tyrannodraconis Rex eut aussi l’air de sentir quelque chose se produire. Il releva la tête et observa autour de lui.

— Naofumi.
— Quoi ?
— Je sens une espèce de champ de force.
— Un champ de force ?
— Oui. Vous ne le remarquez pas ? Cela ressemble à une nappe de brouillard qui nous enveloppe.

J’essayai de regarder au loin, mais l’air devint plus dense et je ne pus apercevoir grand-chose.

— Voilà qui a tout l’air d’un champ de force très puissant.
— C’est quoi ?
— J’ai entendu parler d’une mystérieuse forêt. Des légendes courent à son sujet. Il paraît que les anciennes armes des Héros, qui remontent à une époque lointaine, reposent par ici et qu’elles sont protégées par un champ de force qui éloigne les gens.
— Tu sembles calée sur ça, dis-moi.
— Ma mère apprécie ce genre de récits et elle m’a déjà emmenée voir cette mystérieuse forêt. Le champ de force ressemblait exactement à celui-ci.

Qu’étais-je censé en penser ? Cela voulait-il dire que nous ne parviendrions pas à nous échapper si nous essayions ?

— Lorsque vous tentez de le traverser, il vous ramène là où vous étiez. Je pense que quelqu’un vient d’en lancer un sur nous.

Une personne nous piégeait ? Voilà qui n’était du tout bon signe.
J’imaginais que la Salope ou le Sac à merde avait engagé un assassin pour nous infliger cela. Je les voyais bien en train de s’allonger et de profiter du spectacle, afin de s’assurer que nous mourions des pattes du Tyrannodraconis Rex.
Ce qui signifiait donc ceci : aucune échappatoire possible.

Je regardai autour de moi. L’herbe et les arbres étaient recouverts par ces étranges lumières.
Bordel, mais qu’est-ce qu’il se passait ?
Tout à coup, un énorme troupeau de Filoliaux apparut et fonça droit sur nous.
Le champ tout entier se retrouva submergé par ces créatures. Cela se transformait en expérience traumatisante.

— Ouah ! Des Filoliaux !

Les yeux de Melty étincelaient. Elle avait l’air tellement heureuse.
Pourquoi les aimait-elle autant ? Bon, qu’importe, ce n’était pas le moment de la laisser s’amuser.

— GYAOOOOOO !

Le dinosaure poussa un cri de colère face à ce développement inattendu. Ensuite, il baissa la tête pour attaquer.
Bon sang… nous n’avions plus le choix.
Je me préparai à basculer sur le Bouclier du Courroux.

— Ne faites pas cela.

Mon bras droit fut projeté en arrière et une vive douleur me traversa.
Je baissai les yeux et vis qu’il brillait.
Toutefois, je pouvais toujours changer de bouclier.
Je tentai à nouveau de faire apparaître le Bouclier du Courroux.
Mais…

En raison d’interférences, vous n’êtes pas autorisé à changer d’arme.

Une icône clignotante se matérialisa dans mon champ de vision et je devins alors incapable de basculer de bouclier.
Il y avait également un petit compte à rebours qui indiquait le temps restant avant que je puisse m’en servir comme avant. Je pourrais probablement y arriver une fois le décompte à zéro.

— Qui va là ?

Une voix que je ne connaissais pas s’était interposée et m’avait empêché de changer d’arme.
Pourquoi vouloir m’arrêter ? Quel était l’objectif de ce trouble-fête ?

— Tout va bien se passer. Contentez-vous de patienter. Vous n’avez nul besoin de céder à ce pouvoir.
— Merde…
— Hiya !

Filo s’élança dans les airs et porta un coup bien placé en plein dans la mâchoire du dinosaure, puis elle atterrit prestement sur l’herbe et recula rapidement, nous ramassant, Raphtalia et moi, au passage et nous ramenant près de Melty.

— Que se passe-t-il ?
— On m’a dit de nous replier.

Je n’avais rien entendu. Parlait-elle de cette étrange voix ?
Nous étions désormais complètement cernés par les Filoliaux. Il y en avait tant que les compter était inutile.
Leurs yeux brillaient dans la pénombre. Un tel rassemblement était incroyable.
Qu’était-il en train de se passer ?

La seule idée qui me vint à l’esprit était qu’ils tentaient de piéger le monstre ici. Était-il possible qu’ils se regroupent en troupeaux géants pour chasser de très grosses créatures ?
Ou peut-être essayaient-ils de pousser Filo à les rejoindre ?
La masse de Filoliaux se scinda autour du monstre. J’avais l’impression d’assister à la séparation de la Mer Rouge.

— Gah !

L’un d’eux émergea du groupe et se mit à marcher vers nous.
Il ressemblait pas mal à Filo lorsqu’elle adoptait sa forme « normale » de Filoliale, mais celui-ci était bleu clair.
Il faisait dans les deux mètres de haut et avait la même silhouette qu’une grosse autruche.

Toutefois, il avait l’air plus… duveteux que ses congénères. Comme si ses plumes étaient plus douces. Il en possédait également une qui se dressait à la verticale sur le sommet de son crâne.
La plupart des Filoliaux étaient roses, mais ce spécimen arborait une couleur bleu clair. Il y avait bien çà et là quelques touches de blanc, mais la majeure partie de ses plumes demeurait bleue.

Il tractait un superbe attelage, et une grande pierre précieuse y était insérée en son centre.
Cette gemme me rappelait une autre du même genre que j’avais déjà vue… mais je ne parvenais pas à savoir où et quand.
Je regardai mon bouclier. Puis, je compris… elle avait la même forme que le joyau incrusté au centre de mon arme.

— Hé ! C’est la Filoliale de la dernière fois !
— Tu connais ce truc ?
— Oui. Je l’ai rencontrée avant de croiser votre route.
— Sans déc’ ?

Elle dégageait une aura d’autorité. C’était clairement elle le chef du troupeau.
Et elle semblait plus dégourdie que le Filolial moyen.
Le Tyrannodraconis Rex parut lui aussi reconnaître toutes ces qualités en elle. La bête m’avait l’air sur ses gardes.
Il donnait l’impression d’être prêt à attaquer à tout moment, mais il attendait de voir ce que la Filoliale bleue allait faire.

— Ouah ! Trop bien, cet attelage ! J’suis jalouse…

Les yeux de Filo se mirent à étinceler quand ils se posèrent sur la calèche en question.
Je n’aimais pas cela. La dernière chose que je voulais, c’était parader avec comme le ferait un nouveau riche.
De plus, je pouvais déjà anticiper ce qu’en penseraient les gens s’ils me voyaient à bord de ce machin.

— Gah !

La Filoliale bleue retira elle-même les rênes et s’avança.
Un de ses congénères se glissa derrière elle et emporta l’attelage ailleurs.

— Il se passe quoi ?
— Gweeeeeeh !

La bête poussa un long cri. Toutes les feuilles sur les arbres et les buissons commencèrent à luir d’un vert intense, et un puissant vent se leva et balaya la zone.
À quoi étions-nous en train d’assister ?
La Filoliale bleue se mit alors à grandir. Elle devint une large silhouette sombre.

Elle était si grande…
Cette silhouette était imposante et bouffie. Elle continua sa transformation et fut capable de croître bien davantage que Filo.
Tout à l’heure, elle faisait à peu près deux mètres, mais, désormais, elle en mesurait au moins six.
Et cela se poursuivit jusqu’à ce qu’elle atteigne les mêmes dimensions que le Tyrannodraconis Rex. Ensuite, elle cessa de grandir.

— Ouah ! Elle est tellement grande !

Melty était incapable de cacher sa joie. Elle se parlait toute seule à voix basse comme un enfant qui ne tient plus en place.
Par rapport aux autres Filoliaux arborant du rose et du blanc, cette Reine Filoliale était vraiment bleu clair.
La principale différence se situait sur sa tête, avec cette plume verticale qui se dressait fièrement.

— Je vous ai fait attendre, Héros Porte-Bouclier. Et toi aussi, petite fille qui aime les Filoliaux.

L’imposante Reine Filoliale mit un terme à ses salutations et tourna ensuite son regard vers le Tyrannodraconis Rex. Sa voix était très semblable à celle de Filo, avec toutefois un peu plus de profondeur.

— Elle parle !
— Filo aussi peut le faire.
— Je le sais bien !
— Ouaaah ! Elle est tellement grande !
— Uh… uh…

Je me tins là, bouche bée, tandis que l’immense Reine Filoliale s’approchait de notre ennemi.

— Il semble que le fragment du Roi Dragon te soit monté à la tête. Je ne pense pas qu’il te convienne. Voilà pourquoi tu es si gros. Cette taille est peut-être imposante, mais, en réalité, tu n’es qu’un monstre lambda.

L’énorme Reine Filoliale s’adressait au dinosaure.

— Si tu me donnes ce fragment tout de suite, je te laisserai la vie sauve. Cède-le-moi et pars.

Le Tyrannodraconis Rex abaissa la tête et poussa un cri en réponse.
Tentant de la saisir entre ses crocs, il fonça en avant.

— Ainsi, c’est inévitable…

La Reine Filoliale géante arma sa patte puis frappa le dinosaure.
Cependant, elle semblait s’être contenue, car elle ne mit pas tout son poids dans ce coup.
Au moment de l’impact, cela suffit tout de même à envoyer valdinguer le Tyrannodraconis Rex.
Il s’écrasa dans un nuage de poussière et se remit sur pied en flageolant.
Ensuite, il pivota rapidement et essaya de balayer son adversaire d’un revers de sa queue.

— Faible.

La Filoliale leva une aile et bloqua l’attaque facilement. La bête hurla de colère, brandit ses griffes et accéléra vers elle.

— Hiya !

La Reine Filoliale recula et frappa violemment la mâchoire du monstre.
Le dinosaure tournoya tel un pantin désarticulé et s’effondra au sol.
En un éclair, la Filoliale fut sur lui, assénant un coup en plein torse. La bête s’envola de nouveau.
Elle se retrouvait projetée dans les airs !

— Hiya ! Hiya ! Hiya !

Sans retomber, la Filoliale porta une série d’attaques qui les maintenait tous deux suspendus au-dessus du sol. Elle était incroyablement rapide.
Mais c’était quoi, ce bordel ? Je me considérais comme un joueur expérimenté, mais je n’avais jamais vu un tel combo.
C’était comme dans un jeu de combat. On dirait un enchaînement de coups aérien. Un compteur indiquant le nombre de frappes successives apparut sous mes yeux. À la fin, il afficha 35 !
La différence de puissance était évidente… écrasante, même.

Dans un dernier claquement sonore, le dinosaure vint s’écraser par terre. Le combo était terminé. La bête se remit debout, les pattes tremblantes.
Immédiatement après, un large sceau magique se forma dans les airs.

— Est-ce qu’il s’apprête à lancer un sort ?

La Reine Filoliale se mit en garde.
Ensuite, la créature se projeta vers l’avant. Je pensais qu’il allait employer un sort, mais, à la place, il ouvrit sa gueule… et un énorme rayon de flammes en sortit.
Ouah. Je pouvais sentir la chaleur s’en dégageant de là où je me tenais.

Percuté par une attaque pareille, je ne croyais pas qu’un de mes boucliers aurait pu me sauver, y compris le Bouclier du Courroux.
Le Tyrannodraconis Rex courait vers la Filoliale tout en crachant du feu. Qu’importe sa taille, si ce rayon la touchait, elle finirait carbonisée.

— Plutôt tiède, ce feu.

Elle leva une aile, ou du moins était-ce mon impression, et arrêta le faisceau de flammes comme si de rien n’était.
À quoi assistions-nous, là ? Une sorte de bataille de monstres ? Nous nous tenions à l’écart et regardions, sans rien faire.

— Mettons un terme à tout cela.

La Filoliale leva à nouveau ses ailes et les croisa devant elle.
J’avais déjà vu quelque chose de semblable.
Au même instant, l’imposante Reine Filoliale devint floue et réapparut immédiatement derrière le dinosaure.
Oui, c’était la botte secrète de Filo, une attaque magique appelée Filocité.

— GYAAAAAAAA !

Ses griffes transpercèrent le monstre encore et encore, jusqu’à ce qu’il finisse par tomber en lambeaux et mourir.

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