NORDEN – Chapitre 47

Chapitre 47 – Un heureux événement

Désirée s’aspergea le visage d’eau fraîche et ouvrit la fenêtre de la chambre. La chaleur était étouffante en ce mois de juillet, même en ces premières lueurs du jour. Les oiseaux gazouillaient, perchés en haut des frondaisons. Leurs chants mélodieux s’accordaient avec les notes de piano qui émanaient du salon depuis l’aurore.

Vêtue seulement d’une simple flanelle au niveau du bas ventre, la future baronne fut parcourue d’un frisson qui lui hérissa l’échine et fit pointer le bout de ses seins endoloris. Elle prit une grande inspiration, laissant l’air humide et vivifiant du petit matin entrer dans ses poumons, puis partit rejoindre son amant sur le lit. Alexander était encore endormi, elle profita de ce moment pour le dévisager avant d’aller travailler. Elle s’approcha discrètement et déposa un baiser sur son front.

Voilà déjà près de trois mois qu’ils s’étaient promis l’un l’autre. Or, il était trop tôt pour le dévoiler à Ulrich ; Alexander voulait attendre encore six mois afin de terminer sa dernière année d’étude et valider son diplôme de droit. Il souhaitait également trouver une place au sein du tribunal et se lancer en politique. Il assurerait ainsi un train de vie confortable à son couple.

Pour l’instant, il avait encore besoin de la fortune familiale, allouée par son père, afin d’économiser pour l’avenir. Et il ne voulait pas dévoiler ses attirances jugées impures avant que son poste ne soit validé ; l’influence des puissants amis de son père et surtout la renommée du nom des von Tassle lui assurait une place de choix au palais de justice. Surtout si son oncle, le marquis Lucius Desrosiers, ami du haut magistrat de la cour, appuyait sa candidature. Il avait la chance de pouvoir déjà compter sur le soutien du nouveau maire, le Duc von Hauzen, pour l’épauler et parvenir à ses fins.

— Qui t’a autorisée à partir ? murmura le garçon d’un ton moqueur en ouvrant un œil.

Elle gloussa et s’approcha de lui :

— Le travail m’attend, monsieur le Baron.

— Père est encore dans son salon, reste un peu avec moi, fit-il en se tournant vers elle.

Il lui saisit le poignet et l’attira contre lui. Puis il posa sa tête sur sa poitrine dénudée et caressa la chair de son ventre, la mine rêveuse. Suivant le contour irrégulier de ses taches brunes et blanches, il effleurait du bout des doigts sa peau aussi douce que de la soie.

— Tu crois que notre enfant portera ces marques ? demanda-t-elle, soucieuse. Comme il sera trois quarts aranéens. Peut-être sera-t-il aussi blanc et pur que mère et toi.

— Tu complexes toujours là-dessus à ce que je vois, lui fit-il remarquer en posant ses lèvres sur l’une d’elles, tes taches ne me dérangent pas, ma chère. Je n’ai d’ailleurs jamais compris ce qu’ils trouvaient de dérangeant là-dedans. Je trouve ça plutôt mignon, au contraire. Ça rend ta peau unique. Et puis, regarde moi, qui serais-je pour juger alors que j’ai la moitié du flanc arrachée et que j’ai passé mon enfance avec le corps couvert de taches violettes et bleutées.

Il l’embrassait, descendant progressivement jusqu’au niveau du ventre où il frotta sa joue.

— Et puis, on verra bien. Si ça se trouve dans quelques années, les taches seront à la mode.

— J’espère que ça le sera dans sept mois.

— Pourquoi dans sept mois ?

Désirée lui adressa un sourire radieux, dévoilant l’intégralité de ses dents. Alors, Alexander, stupéfait, comprit.

— T’es… t’es enceinte ? demanda-t-il, hésitant.

Pour toute réponse, elle se pinça les lèvres et hocha la tête, plantant ses yeux noisette dans les siens.

— On va avoir un bébé !

Les yeux larmoyants, il baissa la tête et embrassa son nombril, s’attardant longuement à son contact. Puis il se redressa et s’avança vers elle. Il lui caressa tendrement la joue et échangea avec elle un baiser langoureux.

— Tu le sais depuis longtemps ma friponne ?

— Maman m’en a fait la remarque la semaine dernière, quand je lui ai dit les étranges sensations que j’éprouvais en bas du ventre et des bouffées de chaleur que j’avais depuis plus d’un mois. Et j’ai surtout mal aux seins par moments, ils sont très sensibles. Depuis je me suis posée pas mal de questions, je ne savais pas trop comment te l’annoncer.

Devant son visage interdit, elle pouffa nerveusement :

— Ça a l’air de te contrarier. Tu n’es pas content ? Je sais que ça change nos plans initiaux. J’avais d’ailleurs peur que ça te mette en rogne, car ça va être compliqué de cacher ça à ton père.

Il plissa les yeux et esquissa un sourire.

— Désirée, tu viens de me donner le plus beau cadeau que l’on puisse m’offrir. Certes beaucoup plus tôt que prévu, mais ce n’est pas grave, on procédera autrement.

— Comment va-t-on faire pour lui dire ? s’enquit-elle avec une pointe d’appréhension.

— Ne t’inquiète pas ma friponne, laisse-moi gérer ça, d’accord ? Père est déjà moins violent ces derniers temps, avec un peu de chance, je trouverai un moment où il sera calme pour parler de cela avec lui. En espérant que von Dorff et de Malherbes ne l’aient pas une nouvelle fois endoctriné avec leurs sermons.

Elle fit la moue et soupira, peu rassurée par cette réponse.

— N’aie pas peur ma Désirée, contente-toi de prendre soin de toi et d’éveiller le moins de soupçons possible pour l’instant. Tu en as parlé à ton frère ?

Elle fit non de la tête.

— Non, je voulais t’en parler avant. Mais je sais comment je vais lui annoncer.

— Ah oui ? Un stratagème noréen ?

— Oh non ! Je voudrais lui annoncer lorsque nous serons en ville samedi prochain. On est censés rejoindre sa chérie et après on doit aller réserver deux chiots et…

Voyant qu’elle en avait trop dit, elle plaça une main devant sa bouche et rougit.

— Des chiots ? Tu ne m’as pas parlé de cela, dis-moi ? dit-il d’une voix doucereuse en se délectant de sa gêne.

Elle détourna le regard et se mordilla la lèvre.

— Il voulait te faire la surprise, il a réservé pour lui et pour nous deux petits chiots de bergers, des shelties. C’est une espèce rare et onéreuse provenant de la Grande-terre. Il voulait nous en offrir un en cadeau de mariage et le dresser lui-même. Il m’a demandé de venir avec lui pour que je choisisse le nôtre.

— Ton frère commence enfin à m’apprécier, ricana-t-il, ou compte-t-il le dresser pour m’attaquer afin de protéger sa sœur d’un acte malveillant de ma part, maintenant qu’il ne sera plus là pour veiller sur toi ?

Elle lui donna une petite tape sur l’épaule.

— Il n’est pas si méchant, rétorqua-t-elle en faisant mine d’être choquée. C’est juste que vous n’avez jamais réussi à vous entendre tous les deux. Il t’aime bien, surtout depuis qu’il a compris ce que tu faisais pour nous. Alors bien sûr, il est trop fier pour oser te l’avouer et c’est sa manière à lui d’approuver notre union.

— Il ne voudra pas nous rejoindre, là-bas ? Dans notre nouveau chez nous ?

— Non, il veut mener sa vie de son côté finalement. Surtout maintenant qu’il sait que nous serons en sécurité maman et moi et que sa liaison sentimentale est sérieuse. Il n’a jamais aimé le fait de travailler pour des maîtres. Je sais qu’il veut postuler dans la marine commerciale, sur le Fou, comme papa. Il veut lui rendre hommage de cette façon. Et il a pour projet de s’installer avec Judith, d’emménager avec elle dans son cottage au sud de Varden. Elle y vit avec son père Balthazar qui a pris sa forme animalière.

— Judith ? C’est sa nouvelle conquête ?

— Plus que cela même ! Il n’arrête pas de me parler d’elle, ça fait longtemps qu’ils se tournent autour. Il l’a rencontrée lorsque tu as été grièvement blessé par le chien il y a trois ans. Ils ont longtemps été amis puis de fil en aiguille leur relation s’est soudée. Elle travaille dans une herboristerie plutôt réputée, à cheval entre Varden et Iriden.

— Comment est-elle ?

— Pourquoi, elle t’intéresse ? rétorqua-t-elle, narquoise.

— Non, serine ! je voudrais juste savoir à quoi ressemble mon éventuelle future belle-sœur.

— C’est une femme charmante, une pure noréenne. Elle a deux ans de plus que lui. C’est une grande femme toute mince avec de très longs cheveux noirs. Elle est impressionnante quand on la regarde pour la première fois.

— Pourquoi cela ?

— Disons qu’elle a une couleur d’yeux très particulière, ils sont dorés comme de l’or. Et elle dégage une aura étrange qui la rend plutôt intimidante. Ambroise est littéralement fou d’elle. Il ne sait pas vraiment pourquoi d’ailleurs car ils n’ont, d’après ce que je sais, presque aucun goût ou caractère en commun hormis tout ce qui touche à la nature. Mais elle l’excite et il n’arrête pas de me parler de leurs ébats qui se révèlent apparemment beaucoup plus enflammés que les nôtres.

— Tu parles de nos ébats avec ton frère toi ? s’étonna-t-il d’un ton tant surpris que moqueur.

La face d’un rouge écarlate, elle baissa les yeux et tritura ses doigts.

— Non, enfin oui… enfin… un peu. Disons que je sais à peu près ce qui fait plaisir aux hommes et que j’aime bien lui demander des conseils car je ne peux pas échanger avec maman sur ça et qu’à part toi, c’est le seul garçon que je côtoie et à qui je peux en parler assez librement… ça te gêne ?

— Tant que tu n’en parles qu’avec lui ou avec ta mère, ça ne me dérange pas. Et puis, au vu des innombrables conquêtes que j’ai eues de mon côté, il serait plus que déplacé que je m’offusque juste parce que mademoiselle ose parler de nos jeux interdits avec son grand frère.

Il l’agrippa fermement à la taille et l’attira vers lui.

— Et puis, dit-il en se mordillant les lèvres, sentant le désir poindre en lui à la vue de sa charmante friponne ainsi dévêtue. S’il peut te révéler deux ou trois petites choses, je ne vois aucun inconvénient.

Il lui tint la nuque, déposa ses lèvres sur les siennes et échangea un baiser passionné, sous le son mélodieux du piano dont les notes continuaient de résonner avec vigueur à travers le domaine.

***

Installés dans la roseraie, Alexander et Désirée jouaient tranquillement aux cartes autour d’une table de jardin située à l’ombre du vieux noyer en pleine défoliation. Ils avaient à leur disposition une tasse de thé ainsi qu’une coupelle garnie de figues et de noix fraîchement récoltées.

— Bataille ! s’écria-t-il, lorsqu’ils eurent révélé leur carte : un neuf de pique pour lui et un neuf de carreau pour elle.

Ils piochèrent à nouveau, se dévisageant comme deux concurrents en quête de victoire dans ce jeu où aucune stratégie n’était requise et où tout était remis au hasard ainsi qu’à la bonne fortune. Ils posèrent une carte face cachée et piochèrent tour à tour celle qui donnerait le coup de grâce.

— Dame de cœur ! lança Désirée, la mine réjouie. Tu ne pourras pas vaincre ma Judith mon cher.

Il lui adressa un sourire charmeur avant de déposer sa carte. À la vue du roi de trèfle, Désirée fit la moue.

— Désolé de te décevoir ma friponne mais Alexandre gagne toujours !

— T’as vraiment de la chance toi, c’est pas possible ! fit-elle en lui donnant son paquet et en regardant sa carte face cachée. En plus t’as piqué mon valet de pique !

— Pourtant je ne suis pas friand des jeux de hasard, c’est trop aléatoire, avoua-t-il avec amusement devant la mine renfrognée de sa partenaire. Les jeux stratégiques comme les échecs ou même ceux où tu bluffes comme le poker sont bien plus intéressants et reposent sur une maîtrise de tes compétences en plus de divers paramètres.

Elle piocha une poignée de noix décortiquées et les mangea avec avidité, tout en posant amoureusement sa paume sur son ventre arrondi qu’elle massa lentement.

— D’ailleurs, en parlant de prénom, aurais-tu une idée pour celui de notre enfant ? demanda-t-il en joignant sa main à la sienne.

— Oui, j’ai quelques petites idées mais je ne sais pas si ça te plaira par contre.

— Tu vas me sortir des prénoms noréens imprononçables comme ceux de tes grands-parents paternels ?

— Oh, non ! ne t’inquiète pas, t’as des suggestions toi ?

Il but une gorgée et reposa sa tasse avant de prendre une figue qu’il rompit en deux et en dégusta le contenu.

— Dis-moi les tiennes avant, annonça-t-il tout en se léchant le bout des doigts, et je te dirai par la suite ce qu’il en est pour moi.

— D’accord ! s’écria-t-elle, guillerette. Alors tout d’abord, si c’est un garçon, j’aimerais l’appeler Anselme comme mon papa. Parce que c’est quand même grâce à lui que j’ai eu l’honneur de te rencontrer et en plus je trouve que c’est un joli prénom et ça irait très bien avec ton nom de famille. « Anselme von Tassle » ça sonne bien non ?

Il laissa échapper un petit rire, but une nouvelle gorgée et fit pianoter ses doigts sur les parois de sa tasse.

— En effet. C’est sûr que pour ma part je vais décliner chaleureusement de l’appeler par le prénom de mon paternel. Si tu n’y vois pas d’inconvénient.

Elle eut un ricanement nerveux, outrée par ces propos prononcés avec autant de détachement.

— Et si c’est une fille ? s’enquit-il en voyant son malaise.

— Pour la fille, j’aimerais vraiment l’appeler Pauline.

— Pauline ? s’étonna-t-il en haussant un sourcil. C’est un très vieux prénom datant de l’époque de la Fédération.

— Ça je ne sais pas mais c’est le prénom de l’héroïne de la Bête du Haut Valodor et j’aime tellement cette histoire. En plus, Pauline est un prénom si beau !

Muet, il la regarda d’un air interdit.

— Tu n’aimes pas ? demanda-t-elle, hésitante.

— Hum, à vrai dire je n’avais pas encore réellement songé à un prénom pour une fille. Et vu comment je vois tes yeux briller lorsque tu le prononces, je me dis que Pauline sera effectivement le prénom idéal pour notre fille.

Elle joignit ses mains et le contempla avec ravissement.

— C’est vrai, tu trouves ?

Il acquiesça et lui adressa un sourire charmeur tout en caressant soigneusement la courbure de son ventre.

— Et pour un garçon ? demanda-t-elle, curieuse.

— J’aime beaucoup Adam. Je pense que tu ne verras pas la référence mais c’est un prénom noble, lui aussi très ancien, et qui n’est plus porté depuis des siècles.

— Il a une référence spéciale ?

Il tourna la tête et observa attentivement la statue de licorne qui se tenait à l’entrée de l’alcôve, juste à côté d’eux.

— En effet. Il vient d’une vieille légende, celle de la genèse des peuples de Pandreden.

— Raconte-la-moi, s’il te plaît !

Il but une gorgée et s’éclaircit la voix :

— Vois-tu, selon les textes anciens provenant de Pandreden, Norden ne serait apparemment pas la seule île à avoir voulu s’incarner en une enveloppe charnelle et prendre vie sous la forme d’une entité surpuissante et immortelle. Chez vous, les noréens, la légende raconte que Norden se serait incarnée sous la forme du cerf Alfadir, il y a de cela des millénaires. Par la suite, le Aràn, comme vous l’appelez, aurait scindé son âme en deux parties égales afin de protéger les côtes de l’île grâce à l’entité du serpent marin Jörmungand. Votre iconographie se base sur ces deux créatures mythiques ; le cerf brun aux yeux bleus et le serpent blanc géant aux yeux dorés.

— Tu veux dire que la Grande-terre a elle aussi son entité divine ?

— Selon une légende ma friponne, tout comme Norden, tout cela n’est que du pur folklore, rien ne prouve l’existence réelle d’Alfadir et de Jörmungand.

— Mais Alfadir et Jörmungand existent, Alexander ! objecta-t-elle avec vigueur.

— Non ma chère, ils ne sont que pure invention dans le but d’expliquer votre existence et votre incroyable pouvoir de transformation, mais ils ne sont en aucun cas réels. La preuve est que je doute qu’une créature souveraine laisse une partie de son peuple se flétrir sous notre dominance alors qu’elle ne vit guère loin d’ici et qu’il lui suffirait d’un claquement de sabot pour nous obliger à partir. Et puis selon les textes rapportés de votre peuple par le comte de Serignac, votre serpent marin mesurerait près de deux kilomètres du museau à la queue. Jamais un tel spécimen ne peut exister, c’est impossible biologiquement parlant.

Elle fit la moue, sceptique et contrariée par ces propos.

— Quoiqu’il en soit, poursuivit-il posément, on dit que Pandreden, jalouse et envieuse que Norden ait choisi de s’incarner, décida de prendre forme à son tour. Mais comme sa taille était largement supérieure à celle de sa voisine, elle décida de ne pas prendre une forme mais cinq afin de créer cinq clans qui pourraient gérer au mieux l’immense étendue de son territoire.

Il lui présenta sa main et écarquilla les doigts afin de les énumérer un à un.

— Ainsi, elle choisit cinq animaux distincts : le lion, la salamandre, l’aigle, le dragon et la licorne. Les humains, impressionnés par le pouvoir et la sagesse de ces divines créatures, se divisèrent alors en cinq clans qui devinrent plus tard des empires ou des royaumes et se répartirent l’ensemble du territoire.

Il fit parcourir son doigt sur la table de jardin, effaçant la poussière présente dans son sillon, et dessina grossièrement sur la surface une carte de la Grande-terre et des cinq territoires.

— C’est ainsi que fut créée Charité, l’actuel empire du sud, représenté par un lion. Au nord, ce fut Providence qui s’établit avec pour symbole l’aigle. Plus à l’ouest, le clan de Sagesse représenté par la salamandre et celui de Justice représenté par un lézard ailé. Ces deux royaumes ont disparu depuis des siècles, engloutis par la faim vorace des deux gigantesques empires qui ne cessaient de se livrer bataille. Et enfin, situé en plein centre de Pandreden, la Fédération, anciennement connue sous le nom de l’empire de Tempérance. Notre ancien empire avait réussi à subsister en ayant renoncé à ses lois d’indépendance et en représentant à la fois les intérêts de Providence et Charité. Jusqu’à ce que la guerre éclate à nouveau il y a trois cents ans de cela entre les deux empires rivaux.

Il pointa du doigt la statue ainsi que le dos de son paquet de cartes sur lequel une licorne cabrée était dessinée.

— La Fédération avait pour emblème la licorne blanche aux crins et aux yeux noirs et comme tu peux le voir, elle est encore représentative de notre peuple. Cette entité était nommée Adam par les habitants. Elle est souvent représentée par une créature hybride, mélange parfait d’une chèvre et d’un cheval, avec une corne au centre du front. Ou plus rarement sous les traits d’un bouc n’ayant sur sa tête qu’une unique corne latérale.

— Et donc tu voudrais rendre hommage à ton peuple en appelant ton fils ainsi ?

— C’est exact, c’est un tantinet prétentieux, je l’avoue. Et au vu des atrocités que l’Élite fait subir à ton peuple et aux aranéens de castes inférieures, c’est vrai qu’il y a de quoi s’indigner. Mais ce n’est pas au peuple aranéen que je souhaite rendre grâce mais à nos fondements. À l’époque digne de la Fédération, cet empire médiateur dont les principes moraux étaient basés sur la diplomatie, la justice, l’honneur et surtout l’union. Bref, un prénom parfait pour un enfant issu non seulement de deux peuples distincts mais également de parents provenant d’un milieu diamétralement opposé.

Désirée étudia avec attention l’illustration de la carte.

— J’aime beaucoup l’idée, en effet. Et quitte à suivre ce chemin, on peut toujours l’appeler Adamalfadir ! ajouta-t-elle, mesquine. Là, on sera sûrs de l’ego de notre enfant !

À cette proposition, elle fut prise d’un fou rire, submergée par un afflux d’hormones. Son rire contagieux eut le don de faire sourire son futur époux, émerveillé devant sa charmante friponne si pleine de vie et débordante de bonheur. Puis, voyant que le soleil commençait à décliner, il regarda sa montre et vit qu’il était temps pour eux de regagner le manoir ; son père n’allait pas tarder à rentrer.

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