Tate no Yuusha no Nariagari – Chapitre 71

Jugement
Traducteur : Team Yarashii

Les ailes de Filo étaient grandes ouvertes. Elle bascula rapidement sous sa forme de Reine Filoliale et revint à son point de départ. Elle attrapa Melty et la posa sur son dos. Raphtalia s’apprêtait à plonger au sol, mais Filo s’élança vers elle.

— Quoi ?
— Mel !
— Que… que se passe-t-il, Filo ?
— AAAAH !
— Je suis une princesse. Je me fiche de ce que tes émotions te poussent à faire. Tu ne peux pas me prendre comme cela et…

Elle devait se servir de Filocité, car ses mouvements étaient flous. Elle courut au travers de Motoyasu et la Salope, les projetant tous deux sur le côté, et arriva près de moi.
Hein ? Qui aurait cru que le Héros Lancier serait vaincu si facilement ?
Ensuite, je pris conscience que j’étais clairement à bout de souffle.
De plus, ni Motoyasu ni la Salope ne paraissaient avoir subi le moindre dégât.

— Dis, Filo… ugh !

Tout à coup, Filo et tous les autres, alliés comme ennemis, se retrouvèrent gisants au sol à mes pieds.

— Maître ! Prépare-toi à défendre ! Utilise ton Bouclier tout noir ! Sinon, on est tous morts !
— Que… qu’est-ce que tu racontes ?
— Fais-le ! Mets plein de Boucliers au-dessus de nous.
— Ugh… d’accord !

Persuadé par la panique contenue dans la voix de Filo, je basculai sur le Bouclier du Courroux. Je me servis de la Prison du Bouclier, puis du Bouclier d’Air et enfin du Second Bouclier.
Pratiquement à l’instant où se déploya la Prison du Bouclier, un immense pilier de lumière apparut dans le ciel, juste au-dessus de nos têtes.

— Ugh…

Je fus ébranlé au plus profond de moi par un choc puissant.
Le pilier de lumière vaporisa immédiatement le Second Bouclier et le Bouclier d’Air, mais la Prison du Bouclier sembla tenir.

— Filo ! Est-ce que ça va ?
— Ouaip ! Je pense !

La plume dressée sur son crâne brillait. Est-ce cela qui l’avait sauvée ?
Normalement, Filo perdait l’esprit quand j’utilisais le Bouclier du Courroux parce qu’elle avait mangé le coeur du dragon qui avait justement renforcé cette arme. Ce coup-ci, elle paraissait toutefois garder le contrôle.
Il semblait que j’étais redevable envers Fitoria sur pas mal de choses.
Elle avait vraiment l’air de connaître son sujet, et elle était clairement assez forte pour ordonner aux héros de coopérer.

Un craquement sonore retentit et je levai mon bouclier vers le ciel pour protéger les autres de ce qui allait s’abattre sur nous.
La Prison du Bouclier explosa et la lumière descendit sur nous. Je pouvais apercevoir son éclat autour du bord de mon arme, elle devait donc couvrir une large superficie.
Filo étendit ses ailes pour faire écran entre l’attaque et tous les gens présents autour de nous.

— Uuuuuuuuuugh !

Je sentais mes forces être absorbées par la lumière. J’avais l’impression que l’on était en train de m’effacer.

— Juste encore un peu… Maintenant ! C’est fini !

La lumière disparut aussi vite qu’elle était apparue. Je restais à l’affût, mon bouclier prêt à servir.
Filo se redressa également et replia ses ailes, libérant tout le monde de l’étouffement provoqué par ses plumes.

La terre tout autour de nous était noire… et calcinée.
Le fort qui avait été construit à l’origine pour défendre la frontière était à présent réduit à un tas de cendres, et nous nous tenions en plein milieu d’un cratère. On aurait cru qu’un astéroïde nous avait frappés. Il y avait quelques soldats debout ici et là. Ils nous fixaient en souriant.
Est-ce que Motoyasu et la Salope avaient tenté de mettre un terme à ce combat en employant une espèce de sort ultrapuissant ? Que se passait-il ?

— Est-ce que par hasard…
— Le Démon Porte-Bouclier demeure calme après avoir été frappé par la meilleure magie de cérémonie, Jugement. Très impressionnant.

Je tournai la tête dans la direction de la voix et vit le même responsable religieux que nous avions croisé à l’église de la capitale. Il souriait aussi. Une grande foule était réunie derrière lui. Des chevaliers étaient visibles en son sein. Tout dans son attitude le désignait comme un chef spirituel, un peu comme le Pape pour les catholiques de mon monde.

— Vous…

L’homme nous toisa tous. Il s’arrêta sur Motoyasu.
Était-ce des renforts ? Non… cette attaque avait également ciblé le Héros Lancier. Mais alors, dans ce cas…
Le Bouclier du Courroux seul expliquait sans doute pourquoi nous étions encore en vie. Mais, une minute, Filo… Pourquoi était-elle allée jusqu’à protéger Motoyasu et la Salope ? Nous avions été si près de les vaincre. Ils auraient pu souffrir pour de vrai au moins une fois.

Les autres héros étaient apparemment décédés. Alors pourquoi m’inquiéterais-je d’en perdre un autre ? De toute manière, il ne m’écoutait pas.
Elle aurait clairement mieux fait de ne défendre que Raphtalia et Melty.
Enfin, bref. Mis à part cela, que manigançait donc le prêtre ?

— À quoi est-ce que vous pensiez ? Comment avez-vous osé utiliser une attaque qui aurait pu tuer le Héros Lancier et la princesse en même temps ?
— Le Héros Lancier… vous dites ?

Ces types étaient censés vénérer l’Épée, l’Arc et la Lance. Je n’aurais jamais cru que celui-là se conduirait de sorte à mettre l’un d’eux en danger. Et pourtant, il l’avait fait et se tenait là, arborant toujours un sourire.
Que se passait-il ? Je commençais à avoir un mauvais pressentiment. Il donnait l’impression qu’il aurait eu la même expression s’il s’était retrouvé devant une pile de cadavres. C’était comme un demi-sourire. Il cachait quelque chose. J’ignorais de quoi il s’agissait, mais je le devinais peut-être à la couleur de ses joues. Quoi qu’il en soit, un truc clochait, c’était évident.

Une pensée me vint alors à l’esprit. Qu’était-il arrivé à Ren et Itsuki ? Quelqu’un les avait tués.
Motoyasu était convaincu que j’étais le responsable, mais c’était faux. Cela signifiait que le véritable criminel se trouvait toujours dans la nature.
Il paraissait raisonnable d’affirmer que ce type était derrière tout cela.

— Les objets de notre dévotion sont les Héros qui sauvent le monde de la destruction, des vagues. Les Héros qui voyagent et ne font que causer des ennuis ne sont pas de vrais Héros. Ils ne constituent qu’une vile parodie de notre foi.

Le patriarche religieux parlait d’un ton badin, comme s’il s’agissait d’une discussion anodine.

— C’était quoi, ça ?

Motoyasu était sous le choc. Il dévisageait intensément le Pape.

— Au nom de la justice du peuple, un ajustement doit être effectué concernant la succession au trône. La princesse que vous voyez là est déjà morte… assassinée par le Démon Porte-Bouclier. Ne perdez pas votre temps à vous inquiéter au sujet d’un vulgaire cadavre.
— Comment est-ce que… Non, inutile.

Raphtalia commença à exprimer son désaccord, mais elle abandonna rapidement.
La dernière fois que nous avions rencontré ce type, il avait eu l’air tranquille et droit. J’avais dû me tromper sur son compte.

— Toute personne ayant reçu la miséricorde et le pouvoir de l’eau bénite devrait en être reconnaissante et, pourtant, le Démon Porte-Bouclier s’entête dans son comportement agressif. Je suis venu en tant que représentant de Dieu afin de le purifier.

Sa logique valait le détour. En l’écoutant, on pouvait croire qu’il nous avait fourni l’eau bénite à un prix honnête, car il ne nous avait pas considérés comme une menace.
Toutefois, ayant à présent quelque chose à perdre dans cette histoire, il s’apprêtait à nous tuer. Je supposais donc qu’il n’avait pas encore tout saisi à l’époque de notre première rencontre.
Ou alors, il avait fait profil bas pour ne pas éveiller les soupçons.

— Et puis quoi, encore ? La princesse ici, c’est MOI ! Je n’ai pas été tuée par le Bouclier !
— En réalité, princesse Malty, cela a déjà été entériné. Ne vous en faites pas. Les préparatifs pour votre successeur sont en cours. Le pays est entre de bonnes mains. Tout se déroule selon la volonté de Dieu.

La Salope… Elle était prête à tout, absolument tout, pour parvenir à ses fins. Et maintenant que le Pape exposait la conspiration aux yeux de tous, elle ne voyait pas l’intérêt de s’immiscer dans la conversation. Son visage devenait plus pâle à chaque seconde qui passait.

— Vous mentez… n’est-ce pas ?
— Ha ha ha ! Non. Pour que le monde soit sauvé, il doit d’abord être purgé des gens de votre espèce.
— Fermez-la ! Vous voulez dire que vous nous avez roulés ?

Motoyasu était en train de pleurnicher. Son visage était baigné de larmes, et il pointait sa lance en direction du patriarche religieux.

— On s’est battus pour sauver la princesse Melty… pour sauver ce pays ! Tout ça, c’était qu’un mensonge ?
— Pas exactement. Tout cela a eu lieu pour le bien de cette nation, pour le bien de ce monde. Le Démon Porte-Bouclier a enlevé et manipulé des gens, et les trois autres Héros se sont comportés de sorte que nos concitoyens remettent en question le fondement de nos enseignements. Il ne s’agit là que d’un combat pour rectifier ces injustices. La sûreté de la Couronne doit être garantie.
— Espèce d’hypocrite… chuchotai-je, mais le Pape m’entendit.

Son visage se tordit et il s’exprima avec une consternation manifeste.

— Oui… de faux Héros causent des troubles dans tout le pays et incitent les gens à mettre en doute leur foi. Le faux Héros Épéiste a libéré et répandu une maladie virulente. Tout l’écosystème en a été gravement perturbé. Le faux Héros Lancier a levé le sceau d’un puissant monstre, et le faux Héros Archer a tu ses pouvoirs, apportant souffrance et confusion à mes disciples.

C’était moi qui avais dû nettoyer tout le bordel qu’ils avaient provoqué.
Je n’étais pas certain de ce qu’Itsuki avait fait, mais le gouverneur qu’il avait destitué pour taxes frauduleuses devait avoir été très riche. Peut-être faisait-il don de sa fortune par charité ?
De plus, l’aristocrate fou qui avait libéré le dinosaure s’était révélé être un zélote de l’Église.

— Et ce n’est pas terminé. Les faux Héros Épéiste et Archer se sont lancés dans de vaines investigations concernant ces problèmes. Il fallait donc s’occuper d’eux, ce que nous avons fait.

Le patriarche religieux parlait toujours comme si tout cela était la chose la plus naturelle au monde.

— Quoi ?

Voyons, Motoyasu, pourquoi jouer les étonnés ? Si seulement tu m’avais écouté…

— Nous avons mandé l’Épée et l’Arc, et ils se sont rendus au point de rendez-vous, où ils ont été écrasés par la même magie à laquelle vous venez d’assister, Jugement. Cela aussi fait partie de la volonté de Dieu.

Ren et Itsuki… Comme je le pensais. Ils ne m’avaient pas poursuivi, car ils avaient trouvé toute cette situation très louche. Ils s’étaient mis à enquêter de leur côté.
Itsuki… Eh bien, il avait cru l’autre héros et avait prêté attention à ses propos.
Comment avaient-ils pu agir ainsi ? Si Itsuki avait découvert le pot aux roses, son sens de la justice aurait dû le pousser à mettre un terme à tout cela.
Néanmoins, ils l’avaient devancé et éliminé sans avertissement.

— Vous les avez tués ? Ils se battaient pour ce monde ! Ren ! Itsuki !

Motoyasu était furieux. Il hurlait.
Franchement, il pouvait nous épargner son cinéma. Ils n’étaient même pas les meilleurs amis du monde, hein. Désolé pour eux, mais je ne me sentais pas vraiment très touché par la nouvelle de leur mort.
Pour être franc, je me rappelais ce que Fitoria m’avait dit, que les vagues ne feraient qu’empirer à la mort de chaque héros…

— Ne le voyez pas ainsi, je vous en prie. Je préfère que vous considériez cela comme une opération de purification du monde des démons qui essaient de profiter de nous.
— Vous…
— Quant au couple royal, je leur dirai que le pays a failli tomber entre les mains des faux Héros. Nous aurons réussi à sauver le monde de leurs griffes, mais, malheureusement, les princesses…

Ha ! Qui donc irait croire cela ? Ou alors… En fait, le Sac à merde l’accepterait sans doute sans réfléchir… tant que cela lui permettait de rejeter la faute sur moi.
En réalité, dans mon monde, il y avait probablement un paquet de gens influents qui paraissaient pathétiques une fois que la vérité éclatait… des individus qui avaient été exécutés pour avoir comploté dans le but de provoquer des guerres.
J’appartenais certainement aux gens qui ne connaissaient pas la vérité, mais je savais au moins une chose. Ils étaient sur le point de nous tuer en s’appuyant sur leur propre théorie égoïste.

– Naofumi. Faisons une trêve. J’ai besoin de ton aide.

Motoyasu se tourna pour me regarder dans les yeux.

— Ça t’arrangerait bien, n’est-ce pas ? Ne crois pas que je vais te laisser oublier comment tu me traitais il y a encore cinq minutes. Est-ce qu’au moins, tu comprends pourquoi tu m’as ignoré quand je t’ai demandé de m’écouter ? Combien de fois je te l’ai demandé ?

Il n’allait pas s’en tirer si facilement. J’avais exprimé plusieurs fois le souhait qu’il se montre attentif à ce que je disais, mais il avait répondu en m’attaquant. Je ne pouvais pas laisser passer cela.
De surcroît, cet imbécile avait vraiment cru à l’existence de ce stupide Bouclier d’Endoctrinement.

— Je t’en prie ! Je… je dois les enterrer dignement ! Je ne peux pas pardonner tout ça !
— Mais oui, bien sûr. Je suis certain que tu peux le battre tout seul.

Je ne comptais pas le lâcher. Comprenait-il à quel point il m’avait fait sentir misérable ces derniers mois ?

— Tu ne m’aideras pas ? Tu ne ressens rien pour Ren ou Itsuki ?
— Si, plein de choses. J’ai l’intention de mettre un terme à tout ça dans un bain de sang. Mais je n’ai pas le sentiment de devoir t’aider, Motoyasu.

La cage était brisée. Si nous grimpions tous sur Filo, nous pourrions nous enfuir.
J’étais navré pour Fitoria, mais, même si nous nous étions réconciliés, je n’aurais jamais pu lui faire confiance.
Je ne prévoyais pas de l’affronter éternellement, mais je voulais qu’il sache ce que je ressentais.

— Au fait…

Je tendis mon index vers lui. Puis, je l’abaissai vers le sol et souris.

— Fais-moi une faveur et crève. Tu ne penses qu’à ce qu’il y a dans ton entrejambe.
— Espèce d’enfoiré !

Motoyasu vacilla, la démarche encore incertaine. Il serra le poing et l’agita vers moi.

— Tu es sûr de vouloir me frapper ?

J’étais toujours équipé du Bouclier du Courroux. Cela signifiait que s’il m’attaquait, la Brûlure de la Malédiction du Porteur s’activerait… ce qui le tuerait probablement.

— Tu fais chier…

Toutefois, cela toucherait aussi Raphtalia, Filo et Melty… je devais donc garder le contrôle.

— Quelle remarquable joute vous nous offrez là ! Je n’en attendais pas moins de la part du faux Héros Lancier et du Démon Porte-Bouclier.
— Vous, fermez-la !
— Ouais, mettez-la en veilleuse ! De toute façon, j’ai pas besoin de toi. Je vais l’abattre tout seul !
— Ha ha ha ! Vous pensez pouvoir me vaincre ? Comme c’est amusant.

Le patriarche religieux s’esclaffa et ordonna à l’un de ses sous-fifres de lui apporter une arme.
Qu’était-ce ? On aurait dit une épée géante…
Elle était en argent brillant et recouverte de motifs complexes. Franchement, je la trouvais plutôt stylée. Au centre se trouvait un joyau carré qui ne me disait rien qui vaille. Cela ressemblait au genre d’arme qui apparaissait dans la seconde moitié d’un jeu, comme… l’Épée de Dieu ?

— Que… qu’est-ce donc ?

Le visage de la Salope et celui de Melty perdirent toute couleur.

— Naofumi ! Soyez prudent ! Il s’agit de…
— Je vais commencer par le Démon Porte-Bouclier. Acceptez donc le jugement de Dieu.

Le Pape leva son épée. Bien qu’il soit assez loin de nous, il l’abattit.
Et une puissante onde de choc se propagea droit sur moi. Je relevai précipitamment mon bouclier et encaissai le coup.

— Ugh !

Il était si fort que je faillis être emporté. C’était bien, bien plus dangereux que la Lance de l’Étoile Filante de Motoyasu, et j’étais au bord de l’évanouissement.
La terre devant moi se fendit et la faille ne fit que s’agrandir.

Une seconde. J’avais le Bouclier du Courroux avec moi !
Je m’étais servi de cette arme pour bloquer les compétences les plus puissantes de Motoyasu et de n’importe qui d’autre, et ce sans sourciller, ou presque. Si cet homme était capable de me nuire aussi facilement… qu’avait-il donc en main ?

— Naofumi… c’est une relique ! Il s’agit de la réplique d’une arme employée par un Héros Légendaire…

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