NORDEN – Chapitre 30

Chapitre 30 – Judith

Il était encore tôt lorsque la femme se leva en cette radieuse matinée d’automne. Elle s’étira de tout son long, mit une légère veste en lin et quitta ses appartements pour se diriger dans la salle à manger située à l’espace inférieur. Sa silhouette était fine, son allure gracile et ses cheveux noir de jais épousaient son dos à la manière d’une crinière.

Lorsqu’elle arriva dans la pièce, son fils était en train de déjeuner. Elle glissa ses doigts dans sa chevelure corbeau puis vint à la rencontre de son mari qui lisait le journal en bout de table, une tasse de café à la main. Elle se posta au-dessus de lui, posa une main sur son épaule et embrassa son front.

— Bonjour, Judith ! salua l’homme sans détourner le regard de sa page. Tu as bien dormi ?

La femme pouffa, elle était d’excellente humeur.

— Fort bien mon cher Alexander.

Elle s’étira de nouveau et alla rejoindre sa chaise.

— J’ai vraiment hâte d’être à ce soir, le Duc annonce du beau monde et je suis certaine que l’orchestre sera convié.

Elle passa sa main dans sa crinière, plaqua une mèche de cheveux juste au-dessus de ses lèvres et la mordit. Ce geste arracha un sourire au Baron qui aimait cette effronterie.

Judith et Alexander passèrent la journée ensemble dans le salon, leur lieu privilégié, si calme et chaleureux. Avec le temps, les deux époux avaient appris à s’apprécier. Pourtant, c’était loin d’être le cas lorsqu’ils s’étaient mariés six ans plus tôt. Aucun d’eux n’était vraiment intéressé par cette alliance diplomatique, surtout au vu de leur vécu respectif et de leur inimitié.

La veuve Judith connaissait la personnalité, les habitudes et les manières outrancières du meilleur ami de son défunt mari. Von Tassle était un courtisan imbu de conquêtes et de pouvoir, totalement égocentrique et opiniâtre.

De son côté, Alexander la trouvait rustre, molle et inculte sur de nombreux domaines, en dehors de la biologie. De surcroît, elle n’était dotée d’aucun charme particulier. Ajoutez à cela cet enfant traumatisé et estropié qu’il devait prendre en charge pour le remettre sur pied et lui accorder un avenir favorable.

À contrecœur, Alexander avait pris ces deux âmes en détresse sous son aile. Il les aida et les éduqua, perdant ainsi de sa liberté et de sa majesté qu’il avait si durement acquise. Or, leur animosité mutuelle était devenue amitié au fur et à mesure qu’ils apprenaient à se connaître. C’était incongru que deux êtres si différents et querelleurs qu’un évènement tragique avait réunis puissent devenir aussi proches au fil des ans.

Aux alentours de seize heures, Judith prit congé de son époux et fit venir sa femme de chambre, Émilie. Elle avait choisi pour l’occasion une robe aranéenne en velours noir et brodée de fils d’or aux extrémités, accompagnée d’une paire de gants fuligineux qui remontait jusqu’aux coudes. Sa chevelure coiffée d’un chignon était ornée d’une barrette à plumes de faisan. Elle descendit les escaliers et vint rejoindre son époux qui l’attendait en bas. Voyant sa femme aussi élégamment vêtue, l’homme s’inclina et la complimenta. Elle avait su acquérir la grâce qu’il désirait et le Baron lui en était reconnaissant pour ses efforts.

De vilain petit canard, elle était devenue un élégant cygne noir, sachant se mettre en valeur quand cela était nécessaire. Car, Judith était loin d’être belle aux yeux de son mari qui trouvait sa silhouette bien trop maigre et ses yeux en amande aux reflets flavescents le perturbaient. De plus, pour de multiples raisons, il n’éprouvait aucun désir charnel envers cette femme de sept ans son aînée ni ne partageait sa couche avec elle ; ce qui avait le don de le frustrer car l’homme avait un fort appétit sexuel à assouvir.

Anselme les attendait à l’entrée. Le jeune homme n’était pas convié à cette soirée diplomatique où seuls les magistrats et autres personnalités influentes avaient accès. Judith embrassa tendrement son fils sur le front et partit à la suite de son époux. Ils montèrent dans le fiacre et prirent la direction de la demeure du Duc.

Arrivés dans la cour de l’immense domaine, Alexander sortit en premier et donna son bras à sa cavalière. La soirée était en comité restreint et ne comptait que des membres de l’Élite. Par son titre, sa fortune et sa renommée, le Baron se trouva être un des hôtes les plus modestes. Cependant, Judith lui fit remarquer qu’il était, et de loin, le plus séduisant de toute l’assemblée.

La harangue effectuée, le maître de maison ouvrit le bal ainsi que le buffet. Après une danse effrénée auprès de son époux, Judith prit congé et sortit s’aérer un moment dans les jardins afin de reprendre ses esprits. Elle resta un instant sur le balcon à contempler le ciel constellé d’étoiles. Une lune d’argent éclairait le domaine qui commençait à être noyé sous la brume nocturne.

Un fin effluve imprégnait l’air, une odeur particulière, à la fois dérangeante et attirante. Un remugle âcre et métallique à forte note de jusquiame noire et de datura stramonium qu’elle avait longuement humé jadis et qui l’avait rendue folle, comme hystérique, pendant de nombreuses années. Au point que son père, herboriste comme elle, avait dû élaborer un traitement agressif, mélange de valériane et d’une myriade de plantes à vertus psychotropes ou relaxantes. À cause de ce poison qu’elle ingurgitait quotidiennement dans le but de diminuer ses ardeurs sanglantes, la femme en devint viscéralement dépendante. Seulement, les effets du traitement finirent par la rendre léthargique et apathique.

Enivrée, Judith s’engouffra dans les jardins envahis par cet épais manteau gris. Elle respira à pleins poumons cet air automnal si frais et vivifiant, empreint de cette senteur si caractéristique de sa jeunesse à Varden. Cela lui rappelait le bon vieux temps, à l’époque où elle quittait la ville chaque soir pour rentrer chez elle, dans sa maison située en pleine campagne, proche de la mer, loin de la foule. Elle enleva ses gants et fit parcourir ses doigts sur les buissons qui gisaient à sa portée, imprégnés de gouttelettes fraîchement déposées par la rosée vespérale. Elle rêvassait, plongée dans la torpeur de cet environnement si calme et familier.

Soudain, une voix attira son attention. Intriguée, elle s’avança prudemment et remarqua deux silhouettes masculines en train de converser. L’odeur semblait émaner d’eux. Piquée dans sa curiosité par cette entrevue suspecte, isolée de tout, elle fit quelques pas et se cacha derrière un tronc ; de toute évidence, les deux hommes ne voulaient pas être vus ni entendus.

La brume gagnait en intensité, dissimulant la femme de ses vapeurs. De là, elle se concentra et étudia chaque mot. Le ton était grave.

— Je vois que vous avez réussi à obtenir un accord commercial avec l’empire de Charité, ce n’est pas trop tôt ! Dites-moi, qu’ont-ils pensé de cette transformation ? Les a-t-elle enfin convaincus ?

Pantoise, Judith distingua le timbre de voix du Duc. Elle tenta un bref coup d’œil et reconnut sa silhouette. À ses côtés se tenait un jeune homme qu’elle ne connaissait pas.

— Comme je vous l’avais promis, monsieur. Ils étaient ravis de voir cela de leurs propres yeux. Maintenant que notre plan est mis en place, j’espère que vous allez honorer votre parole et libérer mon homme.

— Ne soyez pas impatient. Je tiens toujours mes promesses et mon plus fidèle émissaire est sur le coup. Dans quelques petites années, vous serez à nouveau réunis. À condition bien sûr de faire votre part du marché.

— Pouvons-nous exécuter notre plan sans plus tarder ?

— Du calme, mon jeune ami ! Il nous faut agir avec prudence. L’enjeu est grand et la tâche est loin d’être aisée si nous ne souhaitons pas être remarqués.

Judith fronça les sourcils, tentant d’analyser le mystère de leurs paroles. Il était clair qu’il ne s’agissait pas de quelque chose de légal.

— Comment comptez-vous opérer, monsieur ? s’enquit le jeune homme. Il nous faut agir rapidement, ils ne nous accorderont pas énormément de temps.

— Vos hommes sont-ils fiables, Enguerrand ?

— Tout à fait monsieur, j’ai à ma solde quatre soldats et, bien sûr Charles, prêts à me suivre.

— Dans ce cas je vous fais confiance quant au mode opératoire que vous comptez employer. Vous aurez à disposition une embarcation sur la plage en contrebas d’Eden. Personne ne va jamais là-bas ; vous pourrez donc vous déplacer tranquillement sans vous faire remarquer.

— Et pour les enfants, monsieur ? Y a-t-il de jeunes noréens que vous voulez voir disparaître plutôt que d’autres ? Ou pouvons-nous les choisir nous-même ?

— Enlevez tous les enfants que vous voulez ! Du moins, ceux que vous jugez les plus intéressants. Je veux juste que vous ne vous fassiez pas remarquer, que cette activité demeure la plus discrète possible ! Évitez les enfants des tribus ainsi que ceux des carrières Nord. Je ne voudrais pas de conflits avec ces peuples noréens ni avec la famille des Hani avec qui nous entretenons d’importants échanges commerciaux ; qui sait ce que ces sauvages pourraient faire s’ils apprenaient que nous enlevons leur progéniture pour les offrir en pâture à Pandreden.

— Pouvons-nous commencer dès samedi, monsieur ? J’ai remarqué qu’un petit noréen empruntait toujours le même chemin pour rentrer chez lui le soir. La campagne est tellement tranquille en ce moment. Il ne sera pas difficile de le capturer sans que personne ne s’en aperçoive. Nous l’emmènerons à l’observatoire aux alentours de minuit. Mes collègues scientifiques ne travaillent pas le dimanche, pas mêmes les deux astronomes.

— Faites comme vous le souhaitez. Je ne tiens pas à être au courant de toutes vos actions. Vous ne devez me contacter que s’il y a urgence.

— Entendu monsieur ! dit l’homme en s’inclinant.

Avant qu’il ne parte, le Duc ajouta :

— Ah ! et surtout, veillez pour le moment vous concentrer sur les spécimens « H » qu’importe ce que vous pourrez soutirer comme informations là-dessus. Même la plus infime découverte sur elles serait la bienvenue, sachez-le.

— À ce propos monsieur, pouvez-vous m’en dire plus ? Vous êtes resté très énigmatique quant à vos motivations…

L’homme leva la main et le fit taire.

— Vous n’avez rien à savoir là-dessus, contentez-vous de faire ce que je dis et de m’envoyer vos rapports à ce sujet ! Me suis-je bien fait comprendre ?

— Oui monsieur, c’est parfaitement clair.

Les deux hommes prirent la direction du domaine par la porte arrière. Judith resta quelques instants sur place, horrifiée par les propos qu’elle venait d’entendre. Chancelante, elle partit rejoindre son mari. En entrant dans la grande salle et le vit non loin de la piste de danse, où bon nombre de convives valsaient en toute insouciance.

La voyant essoufflée, l’homme parut surpris.

— Bon sang, mais où étais-tu ? Cela fait plus de vingt minutes que je te cherche partout !

Il étudia sa femme et vit qu’elle avait les chaussures et le bas de sa robe humide, maculés de boue.

— Mais qu’as-tu fait ! pesta-t-il, énervé.

La femme posa délicatement son index sur la bouche et lui jeta un regard entendu. Il haussa un sourcil, interloqué par son comportement. Elle prit le bras de son époux, plaça sa main sur sa hanche et commença à se mouvoir au gré de la musique. L’homme épousa ses mouvements.

Alors qu’il enserrait sa cavalière, il notait son souffle s’accélérer. À son teint blême et son visage crispé, il sentait que sa femme était troublée. Il la fit tournoyer et la plaqua contre son buste. Judith regardait ailleurs, inspectant les alentours.

— Tu comptes me dire ce qu’il se passe ou dois-je deviner ? cracha-t-il entre ses dents.

La femme approcha sa tête de la sienne comme pour l’embrasser et murmura à son oreille :

— Il faut qu’on parle, Alexander !

Il eut un bref mouvement de recul et la jaugea d’un œil sombre. Il pouvait sentir le pouls de sa femme palpiter à une cadence frénétique.

— Je t’écoute, chuchota-t-il.

Ils esquissèrent quelques pas, se déplaçant avec grâce et légèreté, puis l’homme la fit tourner. À son retour vers lui, Judith l’agrippa à la taille.

— Pas ici, Alexander !

Il la fit se cambrer une dernière fois et la redressa ; la mélodie venait de se terminer. Judith prétexta être déshydratée et lui demanda de l’accompagner au buffet. Elle affichait un large sourire et contemplait l’assemblée de ses yeux rieurs, la tête haute. L’homme n’était guère rassuré, son épouse jouissait d’une nature impavide, peu impressionnable d’ordinaire.

Ils prirent une coupe de champagne et trinquèrent une fois installés sur une méridienne. La baronne vida son verre d’une traite puis remarqua que le Duc et le jeune homme étaient présents en ces lieux. Alexander suivit son regard et les observa furtivement. Par chance, il commençait à se faire tard et ils purent prendre congé sans que cela paraisse suspect. En hâte, ils sortirent du manoir von Hauzen et regagnèrent leur fiacre.

Les grilles du domaine passées, l’homme croisa les bras et planta son regard sombre dans celui de son épouse.

— Je t’écoute ! dit-il.

Elle prit sa main et la serra fermement.

— Il se passe quelque chose de grave, Alexander !

Elle lui expliqua en détail la conversation qu’elle avait entendue. Il l’écoutait d’un air grave, les yeux mi-clos et les sourcils froncés. Quand elle eut terminé son discours, il demeura muet, songeur. Le fiacre arriva chez eux. Avant que sa femme ne sorte, il lui saisit le poignet et la retint.

— Surtout, ne dis pas un mot de cela à Anselme ! Ce garçon est déjà assez perturbé, ce n’est pas la peine de l’embrouiller davantage. Me suis-je bien fait comprendre ?

La femme acquiesça en silence. Il la libéra et tous deux regagnèrent leurs chambres respectives.

Les jours suivants, il y eut de grandes disputes entre eux. Judith, perturbée et désespérée, voulait avoir le fin mot de cette histoire et venir en aide à ce pauvre enfant. Tandis que son mari s’opposait vivement à cette idée, jugeant une altercation avec le Duc bien trop scabreuse. Étant l’homme le plus respecté de l’île, Friedrich devait avoir une grande partie de l’Élite à sa solde, qui savait combien de personnes étaient au courant de ses manigances.

D’un autre côté, Alexander ne supportait pas la lâcheté dont il faisait preuve et les propos de Judith à son égard étaient à la fois cinglants mais terriblement justifiés, ce qu’il supportait très mal. Après de nombreux échanges houleux, il parvint malgré tout à la faire capituler.

***

Le samedi arriva, il était près de vingt-trois heures quand Judith se leva de son lit. Elle s’habilla sans faire le moindre bruit et enfila un pantalon ainsi qu’un épais manteau. Puis elle mit son médaillon en forme de loup autour du cou et descendit les escaliers à pas de velours.

Une fois dehors, elle partit aux écuries et prépara Voltaire, son cheval à la robe alezane. En selle, elle donna un vif coup de cravache sur l’arrière-train de l’animal et partit au galop rejoindre l’observatoire. La campagne était très calme à cette heure-ci, Judith ne croisa personne une fois qu’elle eut quitté Iriden via la sortie Nord. Voltaire galopait avec rapidité et aisance, habitué à parcourir de longues distances.

L’observatoire se dessinait au loin. Les lumières étaient allumées. Judith ralentit sa monture et la mit au pas. Elle laissa l’animal à quelques centaines de mètres, à l’orée d’un bois, et avança en silence. Six chevaux sellés étaient attachés aux anneaux de la façade. Elle nota que plusieurs silhouettes s’affairaient à l’intérieur de l’édifice, parlant bruyamment. Tapis sous la fenêtre, elle distingua six individus ; un enfant et cinq hommes adultes.

Elle reconnut le jeune homme à lunettes de l’autre soir, l’enfant à ses côtés semblait pétrifié. Souhaitant identifier ces inconnus, Judith analysa leur visage. Elle s’apprêtait à repartir lorsqu’une voix résonna à proximité.

— Eh ! vous là-bas ! hurla un homme. Arrêtez-vous !

Elle se retourna. La sentinelle n’était qu’à une centaine de mètres à peine. Il portait un uniforme militaire ainsi qu’une carabine, un gros molosse de type doberman, marchant à ses côtés. Se voyant ainsi démasquée, elle prit la fuite et courut jusqu’à son cheval. L’homme lâcha le chien qui s’élança à sa poursuite puis il pointa son arme sur sa cible et tira. Alertés par le chahut, les autres sortirent en hâte et partirent en chasse.

Judith cravacha son cheval qui, n’ayant pas récupéré de sa course, peinait à accélérer la cadence. Une douleur vint lui traverser le ventre et elle s’aperçut avec effroi qu’elle commençait à perdre son sang, blessée au niveau du ventre. Le bruit des hommes et des chiens se rapprochait et les silhouettes se révélaient à travers la brume, devenant de plus en plus distinctes.

— Cours Voltaire ! cria-t-elle à son cheval.

Après de longues minutes à galoper dans l’épais brouillard, la douleur devenait intense et la femme vacillait. Voltaire ralentissait, il haletait et crachait ses poumons. Se sentant défaillir et prise au piège, Judith se rendit compte qu’elle était perdue. Elle repensa alors aux paroles de son mari ainsi qu’à son fils ; elle savait qu’elle ne les reverrait jamais et que ses assaillants feraient tout pour la capturer ou la tuer sans la moindre pitié.

Le fracas des vagues contre les falaises semblait se rapprocher et elle comrpit aussitôt où elle se trouvait. Une idée lui traversa l’esprit. Pour cela, il allait falloir qu’elle se sacrifie car même si elle se sortait d’affaire, rien ne pourrait plus être comme avant.

Elle eut alors une dernière pensée pour son fils, son seul et unique amour qu’elle chérissait de tout son être. Des larmes coulaient sur ses joues ; elle allait devoir partir sans lui avoir dit au revoir, sans avoir pu l’embrasser une dernière fois. Elle prit son médaillon qui ballottait contre sa poitrine et l’accrocha du mieux qu’elle put sur sa selle. Les yeux clos, elle prit une grande inspiration puis, lors de l’expiration, fit le vœu de se transformer.

La métamorphose fut instantanée. Sa peau venait de se recouvrir d’une épaisse fourrure noir intense, ses ongles étaient devenus de longues griffes tranchantes et sa bouche s’allongea pour se remplir de crocs acérés. Une queue et des oreilles en pointe venaient d’émerger. Ses yeux jaunes virèrent au doré et luisaient à présent dans le noir.

Débarrassé de tout vêtement, le canidé sauta du dos de Voltaire et se mit à le poursuivre en grognant. Le cheval hennit et accéléra, terrifié par cette abominable prédateur.

Les vagues résonnaient de plus en plus fort. Dans un dernier élan, Judith gnaqua le haut de la cuisse du cheval. L’animal devint fou et, ne pouvant plus être raisonné, se jeta dans le vide avant de s’effondrer contre les rochers situés en contrebas. La louve, quant à elle, s’arrêta net au bord de la falaise et examina l’équidé au corps disloqué. De larges gerbes de sang s’échappaient de tous les côtés et venaient se déverser dans l’océan.

Le martèlement des sabots et les jappements se rapprochaient. La louve se ressaisit et prit la fuite en direction d’un bosquet situé non loin de là. Elle se plaqua au sol et observa la scène de ses yeux jaunes, ne parvenant pas à saisir les paroles de ses assaillants. Ceux-ci regardaient avec stupeur le corps décharné du cheval, une centaine de mètres plus bas. Les hurlements des chiens avaient cessé, ils ne parvenaient plus à reconnaître son odeur.

Une fois la cohorte évaporée, la louve se releva péniblement et s’enfonça dans la forêt. Une plaie perforait son flanc, de laquelle se déversait une grande quantité de sang. Dans un dernier élan, elle leva la tête et hurla à pleins poumons sous la lune d’argent.

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