Tate no Yuusha no Nariagari – Chapitre 49

Bienvenue
Traducteur : Team Yarashii

Nous accostâmes le marchand d’esclaves.

— Ah, mais ne serait-ce pas le Héros ? Que puis-je faire pour vous, aujourd’hui ?
— Avant d’en arriver là…

Je ne pouvais m’empêcher de fixer ses vêtements.
Il semblait tout à coup vivre dans l’opulence. Ses habits et ses bijoux paraissaient de bien meilleure facture que la dernière fois.

— Vos affaires ont l’air de mieux se porter ces derniers temps.
— Tout cela grâce à vous, Héros. Oui, monsieur.
— Hein ?
— Puisque vous êtes parti sur les routes vendre vos marchandises, j’en ai profité pour gagner également de l’argent.
— Qu’est-ce que je dois comprendre là-dedans ?

J’avais bien quelques théories, mais je n’avais pas la confiance suffisante pour l’accuser de quoi que ce soit.

— Tout d’abord, il y a eu l’agitation autour de la Reine Filoliale. Bien des nobles et des familles aisées sont passés me rendre visite pour savoir où ils pourraient se procurer une telle créature.

Donc, le simple fait de voir Filo dans la rue en train de tracter mon attelage lui avait servir de publicité. Cela se tenait si l’on prenait en compte sa rareté, et poussait les gens à vouloir connaître son origine, les conduisant ainsi vers cet « éleveur de monstres » assez rapidement.
J’avais croisé beaucoup de gens riches qui avaient tenté de me l’acheter directement.

En y réfléchissant, c’était probablement surtout pour cela que la plus jeune des princesses avait essayé de se rapprocher de nous.
Non seulement elle s’avérait d’une grande aide en combat, mais elle était aussi utile pour mon commerce.
Désolé les gars, je ne compte pas m’en séparer de sitôt !

— Eh bien, j’ai acquis une certaine réputation grâce à cela et, à présent, je reçois beaucoup de visites d’individus souhaitant m’acheter des monstres. Oui, monsieur.
— Tant mieux pour vous.

Bien évidemment, personne ne savait comment faire apparaître une Reine Filoliale, nous y compris. Je n’allais donc certainement pas la vendre.
Si la Filoliale était élevée par un héros, alors peut-être devenait-elle une reine ? J’avais déjà assez de mal à gérer Filo, hors de question d’essayer d’en avoir une autre.

— Les monstres mis à part, les gens ont aussi vu votre esclave et en sont venus à penser que ceux que je fournis sont de la plus haute qualité. Cela a conduit à un profit substantiel. Oui, monsieur.

Il évoquait Raphtalia. Et il avait raison. Même moi, j’avais remarqué à quel point son visage était beau et son corps bien proportionné. Si quelqu’un l’apercevait, il y avait tout lieu de croire que ce marchand d’esclaves était un vendeur fiable.
Cependant, cela signifiait sans doute que j’étais grandement responsable de l’expansion récente de ses affaires.

— À présent, que me vaut l’honneur de votre visite, aujourd’hui ? Êtes-vous en quête d’un esclave ? Ou cherchez-vous à m’aider dans mes expériences sur les Filoliaux ?
— Esclavagiste, que savez-vous au sujet de la promotion de classe ?
— La promotion de classe ?
— Ouais. Le Sac à merde a décrété qu’aucun membre de mon équipe n’était autorisé à passer cette cérémonie. Ça devient un vrai calvaire. Mais, je me suis souvenu que vous vendiez des esclaves dont le niveau dépassait 40. Je me suis dit qu’il existait peut-être un certificat quelconque ou un autre moyen de contourner cette règle.

Le marchand d’esclaves se tourna vers moi et caressa doucement son menton, l’air absorbé dans ses pensées.

— J’ai le regret de vous informer que je vais être dans l’impossibilité de vous aider sur ce problème. Je ne possède aucun certificat.
— Vraiment ? Bon, faut croire que je me suis gouré d’endroit, alors…

Il n’avait donc vraisemblablement pas fait monter de niveau ses esclaves via une sorte d’autorité spéciale qu’il aurait.

— Si vous désirez changer de classe, pourquoi ne pas vous rendre dans un pays voisin ? Si vous parvenez à gagner leur confiance, vous pourrez peut-être utiliser leur Sablier du Dragon pour cela.
— Quoi ?

Insinuait-il qu’il en existait dans d’autres pays que celui-là ?

— Vous voulez dire que Melromarc n’est pas le seul à en posséder ?
— Oui, mais cela peut prendre beaucoup de temps pour s’y faire accepter.

Le temps était bien la seule chose que je n’avais pas. Je voulais passer cette cérémonie le plus vite possible.
Je me demandais si ma mauvaise réputation s’était déjà répandue dans les pays limitrophes. Le cas échéant, je ferais peut-être mieux d’oublier rapidement cette idée.

— Si vous cherchez un pays relativement facile à convaincre, puis-je vous suggérer le royaume mercenaire de Zeltoble ? Vous pouvez également considérer les royaumes demi-humains de Silt Welt et Schild Frieden. Oui. Les autres contrées ne seront pas aussi simples à convaincre.

— J’ignorais qu’il y en avait autant.
— C’est pourtant le cas. Pour vous, Héros, je vous recommande Silt Welt ou Schild Frieden. Ils devraient vous laisser entrer sans trop de problèmes.
— Hmm… combien de temps on mettrait pour y aller ?
— Ils se trouvent à la même distance d’ici. Environ un mois à pied ou deux semaines par bateau.

L’esclavagiste sortit une carte et me montra quelle route emprunter.
Il avait raison. Si l’on se basait sur la distance moyenne que l’on parcourait chaque jour, les frontières étaient vraiment très loin. Filo pouvait sans doute y arriver en deux semaines environ. Par sécurité, je choisis d’arrondir à trois.

— Avec un dragon volant, vous iriez bien plus vite, mais, au vu des moyens de transport à votre disposition actuellement, ce sont vos seules options.
— Ils sont si loin…

Toutefois, je voulais que mon groupe devienne plus fort, alors je n’avais guère d’autre choix.
Je rattraperai le temps perdu plus tard. Maintenir Raphtalia et Filo à leur niveau actuel n’avait aucun sens. Il n’y avait qu’une seule solution : nous rendre dans le pays de demi-humains le plus proche.

— Une fois la prochaine vague passée, nous irons là-bas.

Franchement, ce Sac à merde faisait tout pour me rendre dingue. C’était sa seule passion dans la vie.

— Héros, était-ce l’unique raison de votre visite ?

Le marchand d’esclaves se frottait les mains. Je commençais à croire qu’il n’allait pas me laisser partir si facilement.

— Avez-vous déjà envisagé l’acquisition d’armes pour votre Reine Filoliale ici présente ?
— Une arme pour Filo ?
— Une aaaaarme ?

En vérité, je ne lui avais pas acheté autre chose que ses vêtements.
Elle possédait déjà une grosse puissance d’attaque, mais, avec l’arrivée de la prochaine vague, il serait peut-être plus sage d’essayer de lui trouver un nouvel équipement. Dans ce cas, j’en parlerai d’abord à l’armurier. Il faisait le meilleur matos. Des griffes faites à partir d’os de dragon seraient une bonne chose.

— Pour votre information, l’équipement des monstres est la propriété exclusive des éleveurs de monstres. Un marchand d’armes classique n’aura pas ce que vous recherchez. Une boutique lambda pourra peut-être satisfaire une commande sur mesure, mais à un prix exorbitant.

Bon sang, il avait lu dans mes pensées.

— Vous pouvez le faire ?

J’avais promis une récompense à Filo. Ce serait donc cela. L’imaginer en train de frapper Motoyasu avec des griffes suffit à me faire sourire.

L’esclavagiste posa son regard sur Filo.
Elle était sous forme humaine et fredonnait une chanson, mais, quand elle le remarqua, elle se réfugia tout à coup derrière moi. Elle ne l’aimait vraiment pas.

— Comme arme pour elle, il y aurait soit une corne sur sa tête, soit une sorte de fer à cheval pointu pour ses pattes. Si vous cherchez une armure, il en existe aussi pour Filoliaux…

Considérant le corps de Filo, je doutais néanmoins que la moindre armure lui convienne.
Nous pourrions faire fabriquer une armure sur-mesure. Mais Filo changeait régulièrement d’apparence, alors si la pièce d’équipement ne suivait pas, ce serait un vrai casse-tête.

— Vous pensez à quoi quand vous dites « corne » ?
— C’est un type de casque qui se pose sur la tête et finit en pointe. Un coup de boule se transforme alors en assaut mortel.
— Hmm…

Il y avait aussi le fer à cheval qu’il avait mentionné.

— Enfin, il y a les griffes.
— Bon, Filo, t’en penses quoi ?
— Hmm ?

Filo était toujours nerveuse. Avait-elle si peur de l’esclavagiste qu’elle avait cessé de suivre notre conversation ?

— Il y a une pièce d’attaque pour ta tête et une pour tes pattes. Et puis, il y a aussi une armure.
— Mais j’aime me transformer, et je veux pas que l’armure me gêne, alors non merci !

Je m’interrogeais : le fil que le tailleur lui avait donné par le passé fonctionnait-il toujours sur elle ?
Nous avions engagé un tailleur pour concevoir des vêtements que Filo pourrait enfiler sous forme humaine. Ils contenaient une forme de magie qui les transformait en simple ruban quand elle prenait l’apparence de Reine Filoliale.

Le casque ne poserait aucun souci lorsqu’elle était un oiseau, mais il serait trop gros et trop lourd pour sa forme humaine. Les fers à cheval la blesseraient aux pieds, et l’armure ne serait pas à la bonne taille. Que restait-il ? Nous pourrions retourner auprès du tailleur et voir si une version métallique de ses vêtements n’était pas faisable, mais cela nous coûterait sûrement une petite fortune et les statistiques défensives seraient sans doute risibles.

— Si vous désirez quelque chose qui puisse être enfilé et retiré en toute simplicité, puis-je vous suggérer les griffes ? Oui, monsieur.
— Pourquoi pas. T’en penses quoi, Filo ?
— D’accord !
— Je vais donc prendre vos mesures. Pourriez-vous adopter votre forme de monstre ?
— Tu entends, Filo ?
— D’accord !

Dans un nuage de fumée, elle reprit son apparence de Reine Filoliale. Elle tendit la patte pour que le marchand d’esclaves puisse la mesurer.
Cependant, l’homme ne bougea pas. Un de ses subordonnés émergea de l’ombre et s’occupa de l’opération.

— Hmm… Elle est bien plus large que celle d’un Filolial classique.
— Combien de temps ça va prendre ?
— Fort heureusement, je crois que nous avons cette taille en réserve. Des griffes en fer vous conviendront-elles ?

Je ne savais pas quoi lui répondre, car j’ignorais la différence de puissance d’attaque entre les différents matériaux.
Fallait-il qu’elles soient plutôt résistantes ? Ou affûtées ?

— J’ai un peu d’argent de côté, alors donnez-moi ce que vous avez de mieux.
— Très bien, monsieur. Les meilleures griffes à ma disposition actuellement sont en fer magique.
— Et ça me coûtera combien ?
— Eh bien, vous êtes un client fidèle, alors je pense que nous pouvons vous proposer un tarif préférentiel. Que dites-vous de cinq pièces d’or ? C’est la moitié de sa valeur marchande.
— Je peux vous demander de baisser un peu ?
— Votre sens de l’économie ne cessera jamais de m’impressionner, Héros. Fort bien, je peux descendre à quatre pièces.
— Ça fera l’affaire. Incluez aussi des rênes.
— Marché conclu !

Le marchand d’esclaves avait l’air très excité. Il était facile à manipuler, mais j’avais l’impression que c’était également mon cas. Dans un sens, c’était un homme d’affaires redoutable. Je devais rester sur mes gardes.
Il amena une paire de grandes griffes depuis le fond du chapiteau. Elles étaient faites de métal et semblaient être exactement à la taille de Filo.

— J’arrive pas à croire que vous conservez des griffes aussi grosses.
— Elles sont en réalité conçues pour des dragons volants. Nous n’avons pas plus grand.

Elles n’étaient donc pas pour des Filoliaux.

— Je dois les enfiler ?
— Oui, ce sont tes armes.

Les griffes étaient posées au sol. Filo les chaussa.

— On dirait qu’elles lui vont parfaitement.

C’était effectivement le cas. Il suffisait de les maintenir en place en resserrant des lanières.
Filo leva l’une de ses pattes et l’agita pour se familiariser avec.

— Ça fait troooop bizarre !— Tu t’habitueras. Avec ça, tes attaques seront bien plus puissantes.

Ses pattes étaient déjà très efficaces. Alors, si sa puissance offensive atteignait de nouveaux sommets…
Je me surpris à rejouer dans ma tête la scène où Filo avait frappé Motoyasu.
Cela avait été si amusant à voir, mais, si elle s’était servie de ces griffes, elle l’aurait probablement éventré. Cette perspective était certes divertissante, mais il aurait été en grand danger.

— Filo, à partir de maintenant, quand tu verras l’autre type avec la lance, tu ne pourras pas le frapper avec ces griffes, compris ?
— Mais pourquoi ?
— Parce qu’il ne s’en tirerait pas juste avec sa dignité d’homme écrabouillée.

C’était peut-être un connard, mais il restait un héros. Qui pouvait prédire ce qu’il se passerait si nous l’éliminions ? Peut-être était-il même trop tard pour essayer de contenir Filo.

— Hmm…

Elle semblait concentrée sur la découverte de son nouvel équipement et m’écoutait à moitié.
Faisait-elle au moins un minimum attention à ce que je disais ?
Je donnai quatre pièces d’or au marchand d’esclaves.

— Merci pour votre aide.
— Si vous désirez exprimer votre gratitude d’une quelconque façon, libre à vous.
— Sans façon, mais ça me rappelle quelque chose. Est-ce qu’il y aurait un objet sur lequel elle pourrait s’entraîner ?
— Je dois frapper un truc ?
— Malheureusement, je serais dans une situation périlleuse si vous vous mettiez à tuer le moindre monstre que j’ai ici. Oui, monsieur.

Je supposais donc qu’il n’avait rien dans ce chapiteau qui puisse résister à un coup porté avec ces griffes.
Pourtant, s’il s’avérait que cet équipement était décevant en le testant dans les champs, ce serait NOUS qui serions dans de beaux draps.
On pouvait très bien se contenter d’aller juste au-delà des portes de la ville, mais les ballons étaient trop faibles pour que l’essai soit concluant.

— J’aimerais bien les mettre à l’épreuve sur des monstres puissants, mais où est-ce que je pourrais en trouver ?
— Si vous vous rendez au Colisée de Zeltoble, vous devriez pouvoir vous battre comme vous le souhaitez.
— Mais c’est super loin, pas vrai ?
— Oui.

Cela ne conviendrait pas. Le temps avant la prochaine vague était limité.
Nous allions donc être contraints de tenter le coup dans les plaines alentour. Je pourrais tout aussi bien les essayer sur le marchand d’esclaves, mais cela finirait par se retourner contre moi un jour.

Le subordonné de l’esclavagiste s’avança et parla :

— Eh bien, maintenant que vous le dites, j’ai quelque chose qui pourrait être parfait pour une personne dans votre situation.
— Ouais, c’est quoi ?
— Les nobles de Melromarc se sont servis des égouts pour élever un monstre en cachette, mais, en grandissant, il est devenu hors de contrôle.
— Ils tentaient de le maîtriser avec un sort de contrôle de monstre ?
— Il a vécu et agi seul si longtemps qu’il a fini par trouver un moyen de contourner les limitations du sceau.

Voilà qui n’était pas bon signe du tout…
Comment avaient-ils pu permettre qu’un tel monstre se balade librement dans les égouts ? Si un gamin y allait pour jouer, inutile de préciser que cela pouvait très vite dégénérer.
La présence d’un monstre dans les égouts, c’était presque comme dans certains films.
Je ne saurais dire pourquoi, mais je m’imaginais une sorte d’alligator.

— Personne n’a encore été blessé, mais les gens parlent d’engager un aventurier pour y descendre et s’en occuper.
— Je suppose qu’il y a une récompense à la clé ?
— Naturellement. Oui, monsieur.

J’acquiesçai, décidant que régler ce problème était une bonne idée.

— Fort bien, suivez-moi, s’il vous plaît.

Le marchand d’esclaves me conduisit à l’arrière du chapiteau.
Peu de temps après, nous le quittâmes tous et rejoignîmes l’entrée d’une espèce de grand tunnel, qui menait visiblement aux égouts.

— …

Alors, il avait déjà tout préparé pour nous emmener là. Qu’est-ce que cela signifiait ?

— Voici une carte des lieux.

L’esclavagiste me tendit une carte qui avait apparemment un sort apposé dessus. La zone à explorer en priorité brillait.

— Cela vous indiquera où le monstre que vous devez abattre se trouve. Oui, monsieur.
— Bien. Au fait, elle est à quel niveau, cette bête ?
— Ses propriétaires ont cessé de s’y intéresser à partir du niveau 50. Oui, monsieur. Nous ignorons donc quel palier elle a atteint.

Donc ce monstre dépassait le niveau 50. Ils semblaient donc capables de recevoir la promotion de classe avant nous, eux.
Cependant, les monstres détenus par quelqu’un ne paraissaient tout de même pas aptes à engranger des niveaux de la même manière que ceux en liberté. Sa croissance dépendait donc de la nourriture qu’il avait pu trouver dans les égouts… enfin, c’est ce que je pensais.
Comme on pouvait s’y attendre, l’odeur était à la hauteur de l’endroit. Je me pinçai le nez tout en marchant.

— Ça pue !
— Effectivement.
— Faites avec. On est presque arrivés !

Nous avions longuement marché dans les égouts sans rencontrer aucune créature dangereuse.
Le subordonné de l’esclavagiste nous avait donné des instructions pour surmonter les épreuves les plus difficiles, et nous avions atteint notre destination sans aucun problème.
Et, une fois arrivés, nous découvrîmes que le monstre… était bien un alligator.

Son corps était d’un blanc tirant sur le jaune et ses yeux brillaient d’un éclat rougeoyant. Il faisait franchement peur dans un lieu pareil.
Il devait faire dans les six mètres. C’était imposant pour une créature qui n’était pas un dragon, vraiment très imposant.

— Grrr…
— On affronte ce machin ?
— Oui. Hé, Raphtalia, entraîne-toi un peu avec cette nouvelle épée.
— D’accord !

Nous nous tournâmes vers la bête et nous préparâmes. Son nom était l’Alligator Crème.

— Allons-y !

L’Alligator fonça vers nous en ouvrant sa gueule bardée de crocs pour tenter de nous gober. Je m’écartai de sa trajectoire et, une fois que je vis ses mâchoires se refermer dans le vide, je sautai sur sa tête pour l’empêcher de recommencer.
J’avais déjà lu un livre indiquant comment affronter ce genre de bête. Bien sûr, cela concernait l’espèce présente dans mon monde.
Mais cela semblait tout de même efficace.

— Grrr ?

Je maintins ma prise sur le sommet de son crâne, mais il luttait si fort pour tenter d’ouvrir sa gueule que ses yeux tournoyaient.
Cependant, sans doute en raison de la charge que je représentais, il n’y parvenait pas.

— Maintenant !
— Argh !

Raphtalia accourut vers la queue redoutable de la bête et abattit sa nouvelle lame.
Avec rapidité et dans un bruit satisfaisant, l’épée s’enfonça dans l’appendice, le tranchant net et ne laissant qu’un moignon. Le reste partit voltiger dans les airs.

— … ?
— Grande sœur, t’es super forte ! Je vais pas te laisser frimer comme ça !

Filo mit tout son poids dans sa charge, se tourna vers le ventre désormais exposé de l’Alligator Crème, et le frappa de toutes ses forces.
La créature s’envola.

— Achève-le !

La bête tournoyante s’écrasa au sol la tête la première.
Ensuite… eh bien, son crâne avait été complètement broyé, donc elle était simplement restée étendue par terre, inerte. Je me tenais non loin du point de chute, et j’étais maintenant couvert de son sang.

— Ouah ! Oh là là ! Ces griffes sont trop bien ! Ça aurait été un peu plus dur sans elles !
— Hmm…

Filo était si excitée par sa victoire qu’elle sautillait sur place tout en manifestant sa joie.
Et le niveau de ce monstre était apparemment supérieur à 50, il fallait donc croire que nos nouvelles armes s’avéraient vraiment à la hauteur.
L’essai de la nouvelle lame de Raphtalia et des nouvelles griffes en Filo fut ainsi un franc succès.
Nous nous dépêchâmes de retourner sous le chapiteau de l’esclavagiste, tout en prenant soin de retirer tout le sang que j’avais sur moi avant, bien entendu.

Au fait, j’avais pris l’initiative de laisser mon bouclier absorber le corps de l’Alligator Crème, mais cela n’en débloqua qu’un moins fort que le Bouclier de Vipère de Chimère. Quant aux effets activés en le portant, il n’y en avait qu’un seul. C’était une compétence qui augmentait ma capacité à me battre de nuit, en me permettant de mieux voir dans le noir, semblait-il.

— Eh bien, eh bien… je dois dire que je suis très impressionné par une victoire aussi rapide de votre part. Très impressionné, absolument. Oui, monsieur.

Il était évident que le marchand d’esclaves était très enthousiaste par rapport à cela. Ses yeux brillaient lorsqu’il me donna la récompense. La somme couvrait l’investissement fait dans les griffes, et plus encore.
J’étais prêt à partir, pensant que nous n’avions plus à faire par ici, mais je me souvins tout à coup de quelque chose.
Lorsque nous avions combattu les bandits dans les bois, je m’étais dit que je pourrais en vendre certains comme esclaves, puis j’avais abandonné cette idée au vu du lot de complications que cela aurait entraîné.

— Dans ce pays, les humains ne sont pas autorisés à devenir esclaves. Toutefois, en cherchant bien, je suis sûr que l’on peut trouver un acheteur. Néanmoins, ils seront à la recherche de spécimens de très haute qualité, et l’opération sera risquée.

L’esclavage se bornait donc aux demi-humains ici. Nous étions dans une nation de suprématistes humains, après tout.

— C’est noté. À une prochaine fois.

Nous fîmes demi-tour et quittâmes le chapiteau. Filo reprit sa forme humaine et porta ses griffes. Nous en avions terminé avec nos emplettes pour le moment, alors nous retournâmes à l’armurerie.

— Hé, mon garçon, ta calèche n’a plus franchement fière allure.
— Elle a beaucoup servi.

Filo aimait tellement cet attelage que nous ne nous en étions pas séparés assez longtemps pour effectuer la moindre réparation. J’avais fait ce que je pouvais tout seul, mais je n’étais pas un professionnel.

— Tu veux que je t’en fasse une autre ?
— Vraiment ?

Les yeux de Filo s’illuminèrent devant cette perspective.

— Allons, Filo… je viens juste de t’acheter ces griffes.
— Mais…

Notre calèche était plus bruyante que d’habitude, récemment, je pensais donc réparer cela. En revanche, investir dans du matériel neuf me faisait hésiter.

— Je ferai en sorte que ce soit le moins coûteux possible.

Il n’avait pas tort. Si nous étions déterminés à poursuivre nos voyages, je devais prendre en considération l’état de mon attelage. Je ne voulais pas trop gâter Filo, mais, dans le même temps, si nous étions contraints de réparer trop souvent notre charrette en bois bringuebalante, il serait peut-être plus avisé sur le long terme d’acheter quelque chose de meilleure qualité.

— J’aimerais un modèle qui dure et dans lequel je peux mettre beaucoup de matos. Mon budget est environ de dix pièces d’or.
— Avec ça, tu peux avoir un beau joujou. Tu te fiches pas mal de la déco, je parie ?
— Évidemment. Concentrez-vous sur l’aspect pratique. Ça ne gênera pas Filo si c’est lourd.

Parfois, elle tractait même l’attelage à une main. Elle ne se plaindrait pas si la nouvelle version prenait du poids.

— Pigé, mon garçon. Laisse-moi gérer ça. La fille-oiseau n’y voit aucun inconvénient, pas vrai ?
— Hmm… ça me va ! Je veux que ce soit très gros, comme une maison !
— Ce serait peut-être un peu trop, ma p’tite demoiselle.

Et nous serions surtout hors budget. J’allais lui en faire part quand l’armurier me fit signe qu’il savait à quoi je pensais.

— Merci.
— Dis-moi, jeune fille, c’est bien beau d’avoir des rêves et d’être ambitieuse, mais pourquoi ne pas plutôt attendre que tu sois plus grande et plus forte avant d’avoir quelque chose d’aussi imposant ?
— Mais…
— Est-ce que ça ne te mettrait pas dans l’embarras si je faisais ce que tu demandes et que tu te retrouvais incapable de tirer ça ?
— Ouais…
— On est d’accord. Bon, je ne sais pas quelle charge totale tu peux tracter, alors je vais faire quelque chose qui me semblera bien à mes yeux. Ça te va ?

Oui, et puis ce serait sur-mesure, de toute façon. Cet attelage serait différent de ceux utilisés par la noblesse, c’était donc un projet entièrement nouveau en soi. Cela rendait important d’établir des priorités.

— Bien. Je voudrais bien une nouvelle calèche, alors.
— Très bonne idée, mon garçon.

D’accord, et maintenant, nous avions encore un peu de temps avant la prochaine vague.
Les armes et le nouvel attelage ne seraient pas prêts tout de suite, alors je choisis de retourner à notre travail de commerçant itinérant.

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