Tour des Mondes – Nina 15
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En prison, ferme bien ta porte.
Une fichue prison. Pour Nina, c’est un endroit de plus qui ne fait aucun sens.
Quand elle se lève, il y a un repas sur la table. À part ça, il y a du papier et un stylo. Pas de garde. La pièce est assez simple. Un lit, une table qui sert aussi de bureau, un coin pour qu’elle se lave. Rien de bien passionnant par rapport à une prison sur terre. C’est même trop austère.
À part ça, il y a des murs en pierre, une sorte d’ampoule au plafond qui ne s’éteint jamais et la porte de la cellule. C’est cette dernière que Nina ne comprend pas. La porte est bien fermée et elle a l’air solide, mais le verrou qui sert à fermer la porte est à l’intérieur de la cellule.
Dès qu’elle a remarqué ça, elle s’est rendue compte qu’elle pouvait sortir quand elle le souhaite sans soucis. Elle n’a fait qu’un pas en dehors de la cellule, mais, flairant le piège, elle a préféré retourner à l’intérieur et fermer la porte.
Pour Nina, c’est surprenant, mais pas étrange si l’on considère ce qu’elle a vécu jusqu’à présent. Une prison qui reste ouverte c’est juste un piège de plus et il vaut mieux éviter de s’aventurer là dehors tant qu’elle n’a pas d’informations. Grâce au cri qu’elle a entendu la veille, elle a bien compris qu’elle n’était pas seule. Dans le couloir, il y a plusieurs portes comme la sienne en tout cas. En faisant quelques pas vers la plus proche, elle s’est rendu compte qu’elle était vide et ouverte. En demandant s’il y a quelqu’un, elle n’a obtenu aucune réponse. Donc, elle est seule dans une prison où c’est elle qui choisit si elle veut sortir de sa cellule ou non.
Il y a clairement quelque chose qui ne va pas. La phrase qu’elle a lue au-dessus de la cour lui revient en tête. Ne crains pas la justice, mais crains le juge. Est-ce que c’est la même chose ici ? Il faut craindre le geôlier et pas la prison ? Ou alors il y a quelque chose qu’elle ne comprend pas…
*
Le premier jour passe, puis le suivant et d’autres encore. Elle tient le compte en faisant des marques avec Judas sur le mur. Elle avait besoin de repos de toute façon, et sans information, elle préfère encore ne pas prendre de risque. Ce n’est pas comme si elle craignait quelque chose en sortant d’ici et en s’aventurant dans le couloir, mais partir sur un coup de tête alors qu’elle a de la nourriture et un lit semble fatigant.
La solitude ne la dérange pas de toute façon. Et si elle le souhaite, elle peut toujours faire la conversation avec Judas, même si dans le fond elle n’en a pas envie. Elle devrait peut-être essayer d’apprendre à le manier, mais la cellule et le couloir sont trop petits pour ça. Autant dire qu’elle ne fera pas de progrès en maniement d’épée tant qu’elle sera en prison. Il ne fait même pas un bon haltère.
En attendant d’avoir plus d’informations, les journées de Nina se ressemblent. Elle se lève, mange un morceau, fait un peu de sport, se lave et lave ses vêtements, écrit l’après-midi, se lave encore une fois et dessine sur les murs en se servant de la pointe de Judas pour entailler la pierre.
À côté de ça, elle fait des réserves avec la nourriture qu’elle ne mange pas en la jetant dans son inventaire.
Elle s’est aussi entraînée à utiliser le fil magique qu’elle a acheté. Plutôt que de laisser Judas traîner derrière elle quand elle marche, ce sera plus pratique de l’attacher dans son dos. Elle a eu beaucoup de mal au début, mais grâce à l’unique leçon qu’elle a suivie et qui lui a permis de parler à Judas, c’est assez facile de comprendre comment la magie et l’utilisation du mana fonctionnent dans ce monde. Il suffit de l’imaginer. Un système complètement stupide qui la pousse donc à faire de la gymnastique cérébrale pour pouvoir utiliser son mana et l’appliquer sur le fil.
Le plus embêtant pour elle reste de doser le mana correctement, mais elle a du temps libre maintenant qu’elle est en prison. À la fin de la première semaine, elle avait maîtrisé le dosage du mana dans le fil pour permettre à Judas de léviter. Une semaine de plus et elle peut à présent contrôler le fil au point de pouvoir soulever des objets depuis l’autre bout de la cellule.
Plus la distance est grande et plus c’est difficile d’exercer une quelconque force, mais elle s’y fera. Surtout si cela veut dire qu’elle n’aura plus à porter Judas elle-même. Un gros bout de métal encombrant dont elle n’a pas l’utilité dans un endroit aussi étroit.
C’est à se demander s’il sera vraiment utile un jour. Peut-être quand elle sera sortie d’ici ? Elle peut partir quand elle veut, mais elle a besoin d’informations avant de s’aventurer là dehors. Et finalement, après avoir attendu…
*
– Dépêche-toi ! Ils sont encore derrière nous, je peux les entendre !
– Et merde ! On n’aurait jamais dû venir dans ce coin ! On est beaucoup trop près de son territoire !
– Tu voulais faire quoi ? Rentrer les poches vides ?!
– On aurait dû se contenter des niveaux supérieurs ! C’est toi qui as voulu descendre et explorer par ici… et maintenant on va crever comme des rats !
Dans les couloirs de pierre éclairés par leurs torches, deux personnes courent. Derrière eux, un bruit de craquement et de claquement se rapproche alors qu’ils tournent encore et encore à chaque intersection. Cela fait bien une heure qu’ils essayent d’échapper au monstre derrière eux. Ce n’est pas la première fois qu’ils en croisent un, mais cette fois-ci ils n’ont aucun plan pour s’en sortir. À moins de se retourner et de l’affronter, la meilleure chose à faire reste de courir. À deux, ils n’ont aucune chance en combat.
– Il y a des torches à droite ! On dirait un quartier à parias ! On a touché le gros lot !
– S’il y a une cellule encore en état, je veux bien le croire. J’ai pas envie de me retrouver enfermé sans nourriture pendant que cette chose attend dehors.
– Au lieu de nous porter la poisse, cherche rapidement les cellules qui fonctionnent encore. Celle-ci à l’air récent et la porte est –
Avant même qu’il ait pu finir sa phrase, il trébuche et tombe par terre en laissant tomber sa torche. Quelque chose lui a attrapé les jambes. Est-ce que c’est le monstre ? Est-ce qu’il est déjà là et qu’il va l’attraper pour l’emmener dans les ténèbres avant de le dévorer ?! Non, le bruit est encore loin, alors quoi ? Il regarde ses jambes et peut voir qu’une sorte de fil l’empêche de bouger. Un piège ! Il y a un paria dans les parages. Alors qu’il veut crier à Dandelion de fuir, il peut sentir une ombre passer au-dessus de lui et quelque chose le frapper à la tête. Alors qu’il manque de perdre conscience, il regarde en direction de Dandelion qui est plaqué contre un mur par la personne qui l’a probablement frappé.
« Le monstre… il faut… en sécurité… »
Alors que Dandelion tombe par terre vaincu, Aster peut sentir que le monstre approche encore. Ils vont mourir ici tout ça parce qu’un paria trop stupide pour comprendre la situation les a piégés…
*
Deux personnes, ce n’est pas une mauvaise prise pour deux semaines d’attente. L’entraînement avec le fil semble avoir porté ses fruits d’après Nina. À la base, elle ne comptait s’en servir que pour porter Judas, mais à force de s’entraîner avec, d’autres idées ont émergé. Le fil est aussi dur que du fil de fer quand elle y place suffisamment de mana, c’est plus que suffisant pour faire un piège de ce genre.
Le problème, c’est le monstre dont parle le deuxième garçon alors qu’il est à moitié conscient.
Elle entend bien que quelque chose s’approche. C’est comme une espèce de craquement continuel qui vient d’une partie du couloir qui est assez mal éclairé. Les gamins ne tenaient qu’une torche chacun, donc pas d’arme qu’elle puisse utiliser.
Nina soupire. Ce n’est pas la peine de les assommer s’ils se font tuer par un « monstre » dans les deux minutes qui suivent. Elle attrape une torche dans chaque main en prenant celle des gamins et une de celles accrochées au mur. Elle s’avance un peu dans le couloir en attendant que le monstre se présente. Sur quoi elle va tomber maintenant ? Un gros chien ? Des abrutis avec des épées ? Cette prison n’est clairement pas normale. Maintenant, il faut qu’elle voie à quoi ressemble le geôlier.
Devant elle, alors que les craquements deviennent de plus en plus forts et plus nombreux, elle peut voir une masse informe s’approcher très rapidement depuis les ténèbres. Ce machin fait la taille du couloir et malheureusement, il n’a ni l’air commode, ni naturel.
Alors que le craquement continue, la silhouette s’avance et finit par prendre forme grâce aux torches attachées aux murs.
Une masse informe d’os agglutinés les uns aux autres. Des dizaines de bras tendus dans sa direction alors que le bloc constitué d’os humains et de crânes s’approche d’elle.
Cette chose est presque ridicule à avancer en se traînant contre le sol, mais contrairement à ce qu’elle aurait pu imaginer d’un amalgame d’os sans muscles, cette chose avance bien trop vite…
Alors que les bras s’agitent dans sa direction en continuant à craquer. Nina fait quelques moulinets avec les torches qu’elle tient. Peut-être qu’un monstre de ce genre était ce qu’il lui fallait pour se détendre après deux semaines passées dans sa cellule. Un monstre qui est plus un mur qu’un véritable adversaire. Enfin, c’est à ça qu’il ressemble alors qu’il se trémousse dans sa direction en tendant des bras et des crânes vers elle.
Un monstre, un exercice, un échauffement. Ce qui est sûr, c’est qu’elle va devoir abréger avant que ses deux prisonniers n’arrivent à fuir.
« Allez, le mausolée-mobile, c’est le moment de voir ce que tu as dans les os. »
Correction : Hastin
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