Isaac – Chapitre 3

Le quartier général de l’armée coréenne était situé à l’intérieur même d’une montagne très boisée, loin de toute civilisation. C’était un tunnel géant, menant profondément dans la montagne elle-même. En le voyant Joon-young se demanda quand et comment cet endroit avait-il vu le jour.


Aux portes était un panneau. Considérant qu’il portait le nom de « New Energy Research Center », Joon-young devina qu’il s’agissait à l’origine d’un centre de recherche, et non militaire.


Les généraux et les officiers furent stupéfaits quand ils virent Joon-Young et ses hommes frapper à la porte d’entrée. L’ordre de tenir les lignes fut donné il y a seulement quelques instants, mais ces hommes étaient revenus sans l’ombre d’un doute, comme si cet endroit leur appartenait.


Les officiers et généraux qui étaient revenus récemment éclatèrent de fureur et déclarèrent qu’ils devaient être exécutés pour insubordination, mais les anciens généraux et officiers vétérans secouèrent simplement la tête à cette idée. La situation était déjà assez désespérée et leur survit était en jeu alors chaque soldat comptait.

Cette décision était aussi dû au fait qu’ils étaient désolés d’avoir utilisé ces tristement célèbres vétérans endurcis au combat comme simples pions sacrificiels. Certains suggérèrent qu’ils devraient être renvoyés sur les lignes de front, mais les vétérans étaient convaincus qu’ils abandonneraient simplement leur poste et contribueraient à l’effondrement de la ligne de front. Ils n’eurent d’autre choix que d’intégrer les hommes de Joon-young dans les forces de sécurité du centre de recherche.


Joon-young avait une bonne raison de venir ici. Il y avait une rumeur au sujet d’une nouvelle arme en cours de développement dans cette installation. Cette information lui avait été donnée par son commandant de régiment aujourd’hui décédé, pour remonter le moral de Joon-young dans l’espoir de remporter la victoire alors qu’il pleurait la perte de sa famille à Busan.


Joon-young n’était pas au courant des détails, mais la rumeur laissait entendre que son achèvement pourrait changer la guerre et que le Japon était au courant de son développement. Ainsi, en attendant les résultats du développement de l’arme les forces japonaises ne feraient que harceler le centre de recherche au lieu de lancer une attaque totale. Si cette rumeur était vraie, Joon-young estimait que si les forces japonaises attaquaient maintenant c’était parce que son développement était presque terminé.


« Vous ne pouvez le nier. Ils mènent un bon combat. »


La bataille se poursuivait toujours dans l’obscurité de la nuit. Les obus d’artillerie résonnaient dans la montagne comme le battement du tambour, tandis que des munitions traçantes illuminaient le ciel nocturne d’un spectacle éblouissant.


« Puis-je en avoir une aussi ? »


« Hm ? »

Alors que Joon-Young était assis sur une caisse de munitions au sommet de la tour de garde, admirant la bataille comme si c’était un film, une magnifique chercheuse portant des lunettes noires et une blouse de laboratoire s’approcha. Son visage était pâle et ses yeux étaient empreint de dépression comme si elle n’avait pas la volonté de vivre.


« Allez-y asseyez-vous. »


Joon-Young se déplaça sur le côté de la boîte pour lui faire de la place et lui tendit ensuite une cigarette. Au moment où il alluma sa cigarette, elle commença à tousser furieusement. C’était sa première fois apparemment.

« Kuh ! Je ne comprends pas pourquoi les gens aiment fumer si c’est si mauvais pour eux. »


« Qu’est-ce que ça peut faire quand on pourrait mourir à tout moment ? »


La femme souriait à la réponse de Joon-young.


« Huhu ! Vous devez être ce célèbre sergent. »


« Hm ? Vous me connaissez ? »


« Bien sûr. Même les chercheurs connaissent le sergent qui a fui le champ de bataille avec tous ses hommes. La plupart d’entre eux vous traitent de lâche, mais étrangement, beaucoup dans l’armée ne semblent pas du tout être dérangés. »


Joon-Young haussa simplement les épaules. Il semblait que la femme n’avait plus rien à dire également. Ils restèrent juste assis là et regardèrent le champ de bataille ensemble en silence. Malgré la lutte constante, la femme continua de fumer. Quand elle eut finalement fini la cigarette, Joon-Young posa une question.


« Comment se passe les recherches ? J’imagine qu’il est difficile de fabriquer une arme capable de renverser le cours de cette guerre. »


Ses yeux devinrent froids lorsqu’elle regarda Joon-Young.


« Où avez-vous entendu cela ? »


Joon-Young renifla en répondant à la défensive.


« Eh bien, disons simplement que c’est la raison pour laquelle j’ai couru ici avec tous mes hommes. »

Avec ces mots, les yeux de la femme s’adoucirent et ses lèvres commencèrent à former un doux sourire, avec une touche de dérision.


« Huhu, je vois que vous avez entendu les rumeurs. Je suppose qu’il serait impossible de tenir comme ça sans une sorte d’espoir. »


« Les recherches ont-t-elles rencontrées une impasse ? »


« Avez-vous entendu parler du projet Rainbow ? »


« N’est-ce pas le fameux mystère ? Ils appellent ça l’expérience de Philadelphie, n’est-ce pas ? »


« C’est vrai. La technologie sur laquelle nous travaillions avant même cette guerre était la téléportation. Haha, c’était un projet impossible dès le départ. Comment pouvons-nous développer quelque chose à partir d’un film de science-fiction alors que nous venons tout juste de commencer à tester la technologie de fusion nucléaire ? Impossible. Savez-vous pourquoi l’armée japonaise a soudainement attaqué après les innombrables offres de reddition ? Le directeur de recherche a pris les résultats de notre projet et a fait défection. Le Japon a réalisé que tout n’était qu’un bluff, alors il n’avait plus de raison d’attendre. Il n’y a plus d’espoir maintenant. Même si je survis d’une façon ou d’une autre, je serai enfermé dans un laboratoire en tant qu’esclave jusqu’à ce que je meure d’une mort solitaire… »

Alors que sa voix se transformait lentement en sanglot, Joon-Young regarda maladroitement autour d’elle. Il était seul avec elle sur le toit, mais il ne pouvait pas s’approcher pour la réconforter.
Il était sûr que des tireurs d’élite surveillaient cette installation en tout temps. S’il tentait de la réconforter avec un autre objectif en tête, un tireur d’élite jaloux pourrait appuyer sur la gâchette et faire sauter la tête de Joon-young.


« Avez-vous entendu la phrase :  » Ceux qui cherchent à mourir vivront et ceux qui chercheront à vivre mourront  » ? »


« Oui. L’amiral Yi n’a-t-il pas dit cela ? »


« Eh bien, il vient à l’origine du Wu Zixu en Chine, mais disons simplement que vous avez raison. Cette phrase était valide quand nous nous battions avec des épées et des lances, mais pas dans les temps modernes, vous voyez. »


« Que voulez-vous dire ? »


Joon-Young sourit en essuyant les larmes qui descendait le long des joues de la belle chercheuse et regarda en arrière avec intrigue.

« Ceux qui cherchent à vivre ont tendance à faire des ouvertures à la recherche d’une issue sans répercussions. Cela signifie qu’ils sont des proies de choix pour leurs ennemis. Mais pour ceux qui se battent à mort, les ennemis penseront « ah, je pourrais mourir en essayant de le tuer » et auront tendance à les éviter. Vos ennemis sont aussi des humains. Ils veulent vivre autant que vous. Ils préfèrent prendre le choix sûr de tuer les fuyards au lieu de s’enliser dans un combat à mort. »


C’était une compréhension plutôt déformée de la phrase, mais il y avait une logique derrière. La femme hocha la tête avec hésitation. Joon-Young sorti rapidement une autre clope, essayant de cacher le fait qu’il pensait que son hochement de tête était mignon pendant une seconde.


« Mais cela ne fonctionne plus. Les ennemis ne peuvent pas savoir si vous venez combattre ou vous rendre, car leur portée est trop longue. Cette même portée de tir les protège également des blessures de combat aussi. De toute façon, qui ordonne à l’infanterie de se lancer au combat ces jours-ci ? L’artillerie frappe d’abord, les avions suivent avec leurs bombes, les chars traversent les ruines et ensuite l’infanterie fait le nettoyage. »


« Où voulez-vous en venir ? »


Demanda la femme, incapable de comprendre ses mots.


« Eh bien, le point clé est que si vous voulez vivre, rendez-vous correctement et sinon alors assurez-vous que c’est une situation « si je meurs, vous mourrez aussi ». Le chemin vers l’au-delà est meilleur quand il y a du monde après tout. Allez bébé, pas vrai ? »


La femme rit, déconcertée par cette réponse.


« Savez-vous même ce que cela signifie ? »

« Je n’ai peut-être qu’un diplôme d’études secondaires, mais je suis assez fier des connaissances que j’ai acquises dans les films et les livres. Je ne connais pas et je ne me soucie pas de la théorie sur la fusion ou la fission nucléaire. Au bout du compte, ils sont tous deux nucléaires. »


« Avez-vous une idée de ce que vous dites ? Si nous activons cette arme dans ce centre de recherche, le rayonnement englobera toute la moitié sud de la Corée, y compris Daejeon. »


« Encore mieux. D’après ce que je sais, le rayonnement peut se propager avec les nuages ​​et la pluie, ce qui signifierait que le Japon serait aussi touché ? Et ensuite, chaque fois qu’ils seront frappés par la pluie irradiée, les Japonais penseront à ceci : « Ah ! Ces salauds. Nous aurions dû les laisser tranquilles ». À la fin de tous ces combats, nous aurons chié partout dans le pays qu’ils ont si durement souffert pour le prendre et le laissant inutile. »

« Mais qu’en est-il des citoyens coréens qui souffriront des radiations ? »

Joon-Young ne put s’empêcher de rire à sa question.


« Les citoyens coréens ? Comment peut-il y avoir des citoyens coréens alors que la Corée n’existe même pas ? »


Elle ne savait quoi dire de la réponse scandaleuse de Joon-Young. Joon-Young ne pouvait pas s’empêcher de lui tapoter la tête alors qu’elle était assise là avec une expression vide.


« Si vous ne voulez pas voir ça, continuez. Que cela signifie que vous vivez comme leur esclave dans un laboratoire ou comme leur jouet. Mon point de vue, c’est que vous ne devez pas mourir plus tard remplie de regrets. Le mieux reste encore de soit mourir maintenant, soit vivre jusqu’à la fin. Vous ne devrez pas regretter ce choix plus tard. Vous le devez aux soldats qui sont morts et vont mourir là-bas en croyant à de faux espoirs. »


Ses yeux suivirent là où Joon-Young pointait son doigt, vers le champ de bataille, les explosions se rapprochant très lentement. Alors que Joon-Young tentait de partir tranquillement, elle se leva et l’appela.


« Attendez ! »


« Oui ? »


« … Puis-je vous demander votre nom ? »


« Joon-Young. Sergent Kim Joon-Young. »


Joon-Young lui donna un salut militaire. Elle lui répondit d’un sourire éclatant.


« Je m’appelle Han Yoo-Ra. Souviens t’en. »

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