Tour des Mondes – Chapitre 211
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Des leçons pour progresser.
Après m’avoir montré le style des trois assassins que Nerys a entraîné par le passé, nous avons repris les exercices. Je sais à présent pourquoi elle est aussi sévère avec moi et je la comprends mieux maintenant. Je passe à la trappe la compassion que je peux éprouver pour elle de savoir que ses élèves sont morts, puisqu’elle le prendrait très mal vu son caractère. La meilleure chose à faire est de survivre et de devenir plus fort.
— Tout ce qui compte c’est que tu sois assez fort pour survivre. Mes autres élèves étaient trop faibles pour la tour. Tu es mon seul élève en ce moment, profites en tant que c’est le cas.
— Il y a si peu d’assassin que ça ?
— Non. Mais peu d’assassins réussissent mon test de façon convenable ou supportent ma façon d’entraîner. Pourtant, je ne fais que préparer au pire.
— C’est peut-être à cause des tirs d’arbalète ? Le régime alimentaire infernal ? Les nuits de sommeil interrompues ? Le léger sadisme ?
— Peu de gens restent aussi longtemps que toi pour s’entraîner. De mon côté, je préfère ça. Cela te permet de progresser plus facilement. Je suis fatiguée de voir mes élèves mourir.
Je commence à me dire que si je veux survivre, il faut clairement que je devienne quelque chose de plus qu’un assassin. Vu que les gens savent qui je suis sans que j’ai à me présenter, cela veut dire que je commence à avoir de la notoriété et je dois probablement en jouer. Entre mon retour au pied de la tour et ce que j’ai fait à l’Atlas, sans même parler de ce qu’a annoncé Guernier de l’ordre des Dragons, j’ai besoin de créer la rumeur que je suis imbattable. Il faut que les gens parlent de moi jusqu’à ce qu’ils pensent que je suis un monstre. Pour ça, je n’ai pas d’autres solutions que de devenir plus fort bien sûr, mais je dois aussi continuer à faire parler de moi.
Je ne sais pas trop comment je vais faire ça, mais si je continue à me battre au pied de la tour sans perdre, il arrivera bien un moment où les gens me respecteront suffisamment pour que d’autres n’aient plus envie de m’affronter ou de me chasser pour la prime sur ma tête.
Enfin, avec la mort de Marshall, j’ai probablement réglé une partie du problème, mais il y en a probablement d’autres qui veulent à présent ma mort ou ma capture.
Alors que Nerys me fait escalader la tour dans la ville en ne me servant que d’un bras, je ne fais que penser à cette idée et à Blue…
Bien sûr, c’est par rapport à sa classe de guide. Contrairement à ce que je veux, sa classe semble toujours m’emmener à des endroits qui sont importants pour mon avenir. Il y a eu Balthazar et ensuite Marshall. Dans les deux cas, ce n’était pas ce que je cherchais. On dirait vraiment que l’idée de « fil du destin » commence à trouver sa place dans mon esprit. Je ne comprends pas pourquoi elle m’emmène à tel ou tel endroit… C’est presque comme si quelqu’un lui soufflait de le faire, et c’est assez effrayant si c’est le cas.
Dans tous les cas, même si c’est dangereux et que j’ai l’impression de jouer à la loterie, être accompagné d’un guide a des bénéfices. À y regarder de plus près, j’ai une faveur de Guernier maintenant, et j’ai trouvé Balthazar. Bien sûr, pour ce qui est de la notoriété, je ne sais pas encore si c’est positif ou négatif pour l’instant, mais le temps me le dira.
*
En parlant de Balthazar, parlons du vermillon. Nerys a fini par me donner une leçon dessus quand elle a vu que je n’avais plus aucun mal à le laisser activé. Elle était en train de me faire traverser une corde tendue entre deux bâtiments quand elle a décidé de le faire.
« Pour l’instant, le vermillon ne te permet que de voir la corruption, mais à force de t’en servir, tu finiras bien vite par te rendre compte des subtilités de ce pouvoir. Si les assassins le gardent activé, c’est notamment pour jauger les autres personnes en tout temps. Quelqu’un couvert de corruption n’est pas digne de confiance et sera probablement dangereux. Quelqu’un qui n’en a pas beaucoup sur lui est soit un novice soit quelqu’un qui cache son identité. La corruption change d’un individu à l’autre, mais à force d’observer les gens avec, tu seras capable de déduire la cible à abattre en premier dans un groupe, les dangers qui t’entourent ou encore de choisir des alliés. »
Alors que j’arrive à mi-chemin, Nerys commence à agiter la corde en me regardant. Je n’ai pas vraiment peur de tomber grâce à mes bottes, mais je suis quand même à plusieurs mètres du sol et, étrangement, le vent commence à souffler, ce qui rend l’exercice encore plus difficile. Nerys me dit que je suis trop lent et frappe la corde pour la faire trembler de plus en plus fort.
« Il y a deux types de corruption visibles avec le vermillon. L’actif et le passif. Le passif est la corruption que tu vois depuis le début et dont je viens de parler. L’actif est plus subtil et moins facile à remarquer. Tu n’en es probablement pas encore capable à l’heure actuelle, mais à force d’observer les gens en combat, tu finiras par y arriver. L’actif n’a pas exactement la même couleur sombre que le passif et il te permet de savoir ce que s’apprête à faire ton adversaire. En fonction du mouvement de la corruption active, c’est possible de savoir si une attaque viendra de son bras, de sa jambe et ainsi de suite. En étant active, cette corruption se déplace un peu avant que ton adversaire n’agisse en suivant son fil de pensée, avant même que le corps n’agisse. Tu pourras donc prévoir une attaque et réagir en conséquence quand tu pourras la percevoir. La seule façon de voir ce type de corruption est la pratique, donc conserve le vermillon activé en tout temps à partir de maintenant. Fais juste attention à ne pas te fatiguer. »
Finalement, Nerys matérialise une dague et monte sur la corde pour s’approcher de moi. J’ai l’impression que l’exercice va encore se compliquer.
*
« Il est sans doute temps de changer un peu d’entraînement. Tu progresses trop lentement. »
Nerys m’annonce ça et matérialise une arme à feu.
Sans même réfléchir, je commence à courir. Les carreaux d’arbalète, d’accord. Maintenant, je suis censé esquiver des balles ? Non. Impossible. Je sais bien que mon armure bloquera le tir et que je ne finirai pas comme à Lishnul, mais non. Ça va trop loin.
Je fonce en direction de la porte en me servant de mon boost. J’ai bien compris que ce ne serait pas la peine d’essayer d’en parler avec elle. Elle fait sans doute cela parce que les carreaux deviennent trop faciles à esquiver puisque l’entraînement où elle tire des dizaines de volets que je dois juste esquiver est devenu routinier au point que je l’attends comme un soulagement comparé aux autres.
Mais non, je n’esquiverai pas des balles, c’est impossible. Je suis humain et je n’ai pas des réflexes capables de percevoir des projectiles pouvant faire 500 mètres par seconde. Une arbalète est censée en faire 100 par seconde d’accord, mais là ça n’a plus rien à voir.
Étrangement, Nerys ne semble pas me poursuivre. Tant mieux. J’en ai fini avec cette classe. Il y a des limites. Je vais retourner chez les dresseurs, là-bas au moins je ne risque pas de mourir à chaque entraînement.
Soudain, je me fige et je comprends. J’active rapidement le partage de vision avec Micha et je peux voir que Nerys s’approche lentement d’elle…
Micha est tétanisée parce qu’elle comprend au regard de Nerys que quelque chose de terrible va se produire.
Je fonce dans l’autre sens, mais avant que je n’arrive à destination, je peux voir Nerys commencer à tirer autour de Micha. C’est bien trop près d’elle pour qu’il n’y ait pas de danger !
Je passe l’angle du mur et finis devant Nerys.
« C’est bon ! C’est d’accord ! »
Avant même que je n’ai le temps de réagir, Nerys me tire à plusieurs reprises dessus et l’impact me fait tomber par terre. C’est comme si je venais de prendre des coups de marteau… J’ai le souffle coupé et du coin de l’œil je peux voir que Nerys s’approche de moi.
« Tu as eu le bon réflexe en te mettant à courir tout de suite, mais abandonner tes animaux revient à mourir pour un dresseur, non ? La fuite ne sera pas toujours une option. Reprenons. »
Nerys matérialise un autre pistolet et commence à me braquer en m’expliquant ce que je dois faire face à une arme à feu.
*
« Ton corps commence enfin à ressembler à quelque chose. On va pouvoir passer à la suite. »
Alors que je me relève d’un exercice permettant de m’assouplir, Nerys semble satisfaite. J’ai un mauvais pressentiment.
Elle me demande de la suivre et je m’exécute silencieusement.
— Il est temps pour toi de commencer à créer ton style de combat. Je ne parle pas de ta fusion, mais d’un vrai style.
— Et comment est-ce que je suis censé faire ? Ce n’est pas comme si je pouvais faire ça en claquant des doigts, pas vrai ?
— Tu vas devoir y réfléchir par toi-même. Le but des assassins et d’être létal. Limiter les actions pour tuer le plus efficacement possible. Cela demande généralement de la préparation et des ressources. Te battre avec moi va bientôt avoir ses limites. Tu deviens plus fort et plus rapide, mais tu te reposes trop souvent sur l’un ou sur l’autre pour improviser des attaques sans avoir de stratégies ou d’enchaînements et tu progresses trop lentement dans ce domaine. De plus, tes attaques manquent de létalité, c’est un entraînement, mais tu me donnes toujours l’impression de retenir tes coups, même si c’est inutile.
— Pour créer un style, le mieux n’est pas juste de continuer à m’entraîner ? Ou juste de copier celui du professeur ?
— Il n’y a pas de surprise dans ta façon de te battre. Malgré l’entraînement, tu sembles dénué d’idées sur la direction dans laquelle évoluer. Pour ce qui est de mon style, il est fait pour être évident et te permettre de t’améliorer et de créer des réflexes. Le copier revient à créer des faiblesses. Ce qu’il te faut, s’est décider de la direction que tu vas prendre à partir de maintenant.
Je réfléchis à ce que m’explique Nerys, mais je n’ai pas l’impression d’être si prévisible que ça, si ? C’est presque étonnant à entendre. Enfin, maintenant que j’y pense, Bastion m’a fait une remarque similaire après mon combat contre les chevaliers.
— Dans ce cas, le style du troisième assassin que j’ai affronté m’intéresse, je ne peux pas l’apprendre ?
— Impossible. Un style est spécifique à chaque individu. Il pourrait servir de base, mais tu n’as pas du tout le même physique et il te faudrait des années pour arriver à une copie imparfaite.
— Je peux toujours essayer, non ?
— Non.
Nerys s’arrête devant une porte en bois qui semble mener à l’intérieur d’une falaise à proximité du village. Elle me regarde quelques instants en hochant légèrement la tête sur le côté.
« Même si je n’ai pas le droit de te le refuser en tant que professeur, je te le déconseille. En dehors du problème de physique, tu es un dresseur-assassin et pas juste un assassin. Tu utilises plusieurs armes et outils différents et je te vois mal abandonner la classe de dresseur ou tes armes pour obtenir ce style. Avec tes qualités et tes défauts, tu dois choisir ton style. Tuer ou non, avec ou sans risque, capable d’affronter plusieurs ennemis ou un seul ou les deux, silencieux, efficace, rapide, cruel ou juste et ainsi de suite. Tout cela, c’est à toi de le choisir. Trouver un style est un peu comme choisir ta voie, ta philosophie, ta façon d’être et de vivre en tant qu’assassin. C’est ta manière de transformer ce que tu es en mouvement.
Tu penses peut-être que j’insiste trop sur cette idée, mais avoir au moins un style est nécessaire pour dépasser le statut de débutant et devenir plus fort. Un peu comme ta fusion avec ton serpent qui te fait te battre différemment, un style te permettra de mettre en accord ton corps et ton esprit. C’est un de mes rôles en tant que professeur de te faire découvrir ton style et te permettre de l’entraîner. Une fois maîtrisé, tu seras bien plus fort que tu ne l’es actuellement.
Derrière cette porte, tu trouveras le silence nécessaire pour affronter tes propres pensées et réfléchir. Maintenant, entre. »
Correction : Hastin
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