Tour des Mondes – Chapitre 164

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Cesser le feu

Yuu, vous en êtes où avec Cro’ ?
[En direction de la salle du trône. J’avais bien compris que vous auriez besoin d’aide pour sortir de là. Surtout vu ton état. On arrive dans quelques minutes. D’ici là, essayez au moins de rester en vie.]

La chevalière sort une potion de son inventaire et à la couleur je peux voir que c’est une potion de vitalité. Elle l’approche de mes lèvres et fait lentement couler le liquide dans ma bouche.

« J’ai l’impression que tu vas avoir besoin de ça pour te remettre. Surtout que je ne vais pas te porter plus longtemps vu la situation, profites-en c’est ma dernière. »

Je ne suis pas capable de faire un commentaire sur le fait qu’ils auraient déjà dû tous descendre dans les sous-terrains, mais j’apprécie son aide. Je ne sais pas si une potion suffira pour me remettre, mais je peux sentir que mon corps irradie de chaleur. Je vérifie rapidement et apparemment je peux bouger le bout de mes doigts, ce qui reste un énorme progrès par rapport à avant.

Micha finit par me rejoindre et remonte dans la poche en cuir. A travers le lien je peux sentir qu’elle est contente de voir que je suis de retour. Elle est toujours inquiète à cause de la situation, mais j’ai l’impression que me retrouver lui a remonté le moral.

Je regarde les manges-mots dans mon champ de vision, mais aucun d’entre-eux ne semble décidé à agir. Pour l’instant, à part avoir battu un mange-mots supérieur, rien n’a changé pour nous. Toujours encerclés et avec un blessé de plus, moi.

Maliel est toujours immobile comme si elle attendait la suite.
J’aimerais lui dire de gagner du temps pour que Cro’ finisse par arriver et qu’on soit finalement tous regroupé, mais j’ai plus l’impression que nous sommes pris en otage et que j’ai juste du mal à l’accepter… ou que je suis le dernier à l’avoir remarqué.
Je peux entendre que quelqu’un fait un pas en avant et aussitôt les manges-mots en font un aussi.

– Adelina ! Ne bouge pas. Hey, Scratch, statut ?
– Il me manque un bras mais ça ira.
– Nathan ?
– Je suis hors-jeu.
– Jen ?
– Opérationnel. Et toi ?
– L’armure est foutu, mais je peux encore me battre. Adelina ?
– Qu- Oui, je vais bien… Comment va Nomad ?
– Il se remettra, mais ne fais pas un pas. Tu as un plan la voleuse ?
– On attend.
– Sacré plan.
– Ce n’est pas moi qui me suis jeté dans le palais avec mes trois idiots et la reine des idiotes ! Tu tiens mon boulet personnel dans tes bras et il a réussi à se rendre utile à l’instant, non ? À part vous être fait botter le cul vous avez fait quoi ? Hmm ? On attend, point.

Je demande à Yuu si Maliel sait qu’ils approchent et il me répond que oui. Cela explique son comportement. J’aimerais bien détendre l’atmosphère, mais je ne suis pas en état de faire quoi que ce soit d’autre que me baver dessus et je préfère m’abstenir. Du coup faisons comme Maliel dit. On attend.

*

Plusieurs minutes passent mais rien ne change, tout le monde reste immobile. Mon corps a fini de « brûler » maintenant et même si je suis complètement engourdi, je peux enfin « bouger » si je me concentre beaucoup.
J’arrive plus ou moins à me redresser et la chevalière se relève en me laissant là.
Je sors ensuite une potion de vitalité de mon propre inventaire que je commence à boire. Celle-ci devra compter puisque c’est la dernière que j’ai. Après les enchères je voulais en garder le plus possible en réserve par sécurité, mais l’échange de corps avec Yuu en avait utilisé quelques-unes et c’est finalement la dernière qu’il me reste…

J’en mets un peu sur la langue de Juliette en me servant d’un doigt. À travers le lien je sens qu’elle n’a pas « mal » mais elle est inconsciente. La fusion l’a fatiguée au point qu’elle perde connaissance et c’est sans doute mieux qu’elle se repose.

Après avoir vidé la dernière potion de mon inventaire. J’ai l’impression que je peux enfin bouger. J’essaye de me lever et je retombe bêtement par terre. Deux bouteilles pour en arriver à ça ? Non non, il faut que je me lève. Ce n’est pas le moment d’être un poids mort.

Je serre les dents et réussi à m’appuyer sur une de mes jambes pour me redresser. La chevalière à l’air surprise que je puisse finalement me déplacer, mais sans les potions il m’aurait sans doute fallu une petite semaine pour récupérer complètement. Même maintenant je peux sentir que mon corps proteste à la simple idée de bouger. Je transpire à grosses gouttes, je tremble, mais je devrais pouvoir me déplacer seul en marchant lentement.
…D’accord, je dis ça alors que je ne suis même pas debout, mais je suis en territoire ennemi, encerclé et en mauvaise posture. Je serre les dents et je réessaie plusieurs fois de me lever. Finalement, en gardant les bras appuyés sur mes jambes, j’arrive à me lever complètement.
Je sens qu’il me faudra du temps pour complètement récupérer de la fusion… Mon corps proteste oui, mais je sens qu’il y a quelque chose de différent cette fois-ci. Comme si quelque chose n’était pas dans son état habituel et qu’il vaut peut-être mieux que je ne force pas trop sur mon corps pendant quelque temps.

Du coup il est hors de question d’activer le boost d’agilité vu mon état. Pour ce qui est de me battre… Heh. Autant dire que c’est impossible. Peut-être avec l’arbalète, mais pour ça il faudrait que j’ai la force de retendre la corde.
Je chancelle, j’ai mal partout mais je suis debout, le but est que ça reste comme ça. Les détails viendront plus tard.

Je regarde autour de moi, mais c’est presque effrayant de voir autant de personne immobile comme ça. Le mange-mots supérieur est toujours par terre à l’endroit où il s’est effondré. Ça me fait mal de le voir comme ça, même si c’est moi qui suis responsable. Je n’étais pas exactement moi-même lors de la fusion et même si je ne regrette pas d’avoir agi comme je l’ai fait, je n’ai pas spécialement envie de le voir mourir devant moi tué par le poison qu’il y a sur mes stylets.

Sans plus y réfléchir je jette un antidote au mange-mots le plus près en manquant de tomber. Même si on ne prend pas en compte le venin, les blessures qu’il a sur le reste du corps rendront impossible le combat.

« Soignez-le. C’est juste un antidote contre le poison. »

Maliel me regarde comme si elle était sur le point de me frapper et je peux entendre le ranger derrière moi à qui il manque un bras rire jaune devant mon geste. Vu mon état, je ne me permettrais pas de leur dire à voix haute que je fais ce que je veux, mais c’est ma décision.

Le mange-mots qui a attrapé l’antidote se contente d’acquiescer et deux d’entre eux s’approchent et attrape l’homme à terre par les épaules avant de le soulever pour s’éloigner.

«  On peut récupérer le bras du gars derrière ? »

La chevalière en profite pour poser cette question, et pour lui répondre, le mange-mots le plus proche du bras arraché l’attrape et le lui lance. Elle laisse échapper un merci avant de le tendre à Scratch qui recommence à rire jaune.
Maliel de son côté à l’air de trouver la situation d’une stupidité extrême et je ne peux pas lui en vouloir.

Les manges-mots obéissent à des règles que je ne comprends pas très bien, mais il est clair qu’ils sont très attachés au concept de respect. C’est sans doute liée à l’idée de pouvoir percevoir la vérité du mensonge. Ils sont aussi très frontal dans leur façon de se battre ou d’agir, aucun d’eux n’utilise d’arme à distance après tout. Et puis s’ils avaient envie de nous massacrer ce serait déjà fait. C’est peut-être le moment de poser des questions. Je me tourne un peu en direction d’Adelina.

– Dis-moi, quand nous étions dans les rues, les manges-mots ne tuaient pas certaines personnes, est-ce que tu sais pourquoi ?
– Comment ça ?
– Ils les laissaient partir et sortir des barrages. Ils étaient aussi paniqués que les autres donc ils n’étaient probablement pas au courant pour la guerre civile. C’est possible qu’il y ait une raison, est-ce que tu peux voir un lien ?
– C’est…
– Pas besoin d’aller bien loin, c’est probablement quelque chose de simple ou d’évident. Sur terre c’était généralement lié à des différences de politique, de race ou de religion.

Maliel en m’écoutant parler murmure qu’il est peut-être un peu tard pour jouer au détective. Je suis d’accord mais le silence dans la salle du trône commence à être aussi pesant que mon corps. Et puis ce n’est pas comme si je pouvais demander aux manges-mots directement. Adelina se frotte le menton en réfléchissant alors que plusieurs mèches de ses cheveux blonds tombent sur ses yeux. Elle semble y réfléchir sérieusement, mais pour elle c’est sans doute moins évident que pour un terrien d’arriver à des conclusions. Cependant pour une terre d’un niveau proche du Moyen Âge, ce devrait être possible de savoir ce qui se trame quand même…
Soudainement un éclair de lucidité passe sur son visage alors qu’elle frotte un bracelet sur son poignet.

« Je sais ! Je comprends mieux maintenant ! »

En même temps qu’elle semble avoir compris, au loin retentit un grand fracas.

[La cavalerie est là]



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