Tate no Yuusha no Nariagari – Chapitre 30

Transformation
Traducteur : Team Yarashii

— Hé ! Ouvrez là-dedans !

Je frappai à la porte de l’armurerie, qui était déjà fermée à cette heure. Le propriétaire finit par ouvrir lentement, l’air hagard et remonté.

— Que se passe-t-il, mon petit Héros ? Cela fait des heures que j’ai fermé boutique.
— On n’a pas le temps pour ça !

J’avais enveloppé Filo avec ma cape, et je la poussai en avant pour la présenter au vieil homme.

— Mon gaillard, ne viens pas te ramener ici pour te vanter de tes nouveaux esclaves.
— Ça n’a rien à voir !

Pour qui est-ce qu’il me prenait ? Si je rencontrais la personne qu’il avait en tête, je lui mettrais un pain dans la gueule.

— Mon Maître ? Un problème ?
— Ferme-la.
— Je veux pas !

C’était quoi, ce bordel ?
Tout était parti en sucette après cela. L’esclavagiste ne cessait de brandir son doigt vers moi. Ses assistants étaient bouche bée. Raphtalia également. Quant à Filo, elle voulait se rapprocher de moi, alors elle s’était métamorphosée et, avant que je ne m’en rende compte, je l’emmenais avec moi pour me retrouver à toquer à la porte de cette armurerie.

*Déchirure* *Riiiiiiiip*

Elle se transforma sous nos yeux, et la cape fut réduite en lambeaux.
Elle était redevenue la Reine des Filoliaux (nom provisoire).
Ce foutu piaf ! Est-ce qu’elle savait que ce vêtement n’était pas gratuit ?

— Qu’est-ce que…

Le propriétaire ne savait que dire. Il contempla l’oiseau géant. Filo repassa soudain en forme humaine et prit ma main. La cape flotta et vint recouvrir sa tête.

— Vous voyez un peu ?
— Oh… oui.

Le visage de mon interlocuteur se tordit sous le coup de confusion et il nous conduisit à l’intérieur.

— Bon, alors, pourquoi tu es venu ici ? Tu veux de l’équipement pour elle ?
— Est-ce qu’il existe des vêtements qui pourraient résister à cette transformation ? Et puis, d’abord, pourquoi elle a commencé à faire ça ?
— Allons, mon garçon. Du calme.

Mais oui, enfin. Pourquoi est-ce que cela se produisait ? Pourquoi Filo était-elle devenue une petite fille ?
Il y avait de petites ailes dans son dos, un reste issu de sa transformation, sûrement, et elle arborait des yeux bleus. On aurait dit un ange miniature. Son visage était aussi petit qu’adorable, elle sortait tout droit d’un carnet à dessin. Elle semblait avoir dans les dix ans. Sa taille était légèrement inférieure à celle de Raphtalia quand je l’avais rencontrée.

*GARGOUILLEMENT*

Le son désormais habituel fut émis par l’estomac nouvellement humain de Filo.

— Mon Maître ! J’ai faim !
— Ça attendra.
— Je veux pas !
— Très bien, tu peux avoir un morceau de mon dîner.

L’armurier se retira dans une arrière-salle et revint avec un bol de soupe.

— Maintenant, tu vas devoir…
— Ouais ! Trop bon !

Elle s’empara du bol et avala goulûment son contenu d’un seul coup.

— Hmm… bof, j’ai connu mieux…

Elle le lui rendit, et il l’accepta en silence avant de me jeter un regard.

— Désolé pour ça.
— Hé, gamin, tu as intérêt à me payer un repas un de ces jours.

Elle me coûtait déjà une fortune !

— Mais, maintenant que tu en parles, je crois savoir que j’ai des vêtements pour demi-humains capables de se transformer. Ce qui me fait dire que, si tu veux des habits, va donc voir le marchand adéquat.
— Vous voulez que je débarque dans une boutique dont j’ignore tout avec une fille nue en pleine nuit ? Qui plus est, qui se métamorphose en monstre ?
— Tu marques un point. Quoi qu’il en soit, attends ici.

Il alla à l’arrière de son échoppe, et je l’entendis farfouiller dans plusieurs boîtes.

— Je ne sais pas si ça lui ira, ce sont surtout des habits de saison de toute façon, alors ne t’attends pas à des merveilles.
— Pas de souci.

Il passa un certain temps à fouiller dans son coin, mais il finit par revenir.

— Désolé, mais je ne pense pas avoir quoi que ce soit de suffisamment grand pour supporter la transformation.
— Quoi ?

C’était ma seule idée… Non, je… Que faire ? J’avais une petite fille nue pendue à mon bras, et je ne parvenais à lui trouver aucun habit. Alors que j’arrivais enfin à commencer à surmonter mon affreuse réputation, voilà que ce truc me tombait dessus ! Cela n’allait assurément pas m’aider.

— Mon Maître !
— Je t’interdis de changer de forme !

Bien que je puisse mettre en place certaines règles sur les monstres que je contrôlais, il n’y avait aucun paramètre permettant d’en empêcher un de se transformer en humain. Un monstre devenant un humain, franchement ! Voilà qui devait être rare.

— Mais je veux…

Mais qu’est-ce qui lui plairait, bon sang ?
Elle refusait à peu près tout ce que je disais. Elle faisait déjà sa crise d’ado ? Elle n’était venue au monde qu’il y a quelques jours seulement, ce n’était donc guère crédible.

— Sinon, tu ne voudras pas dormir avec moi, pas vrai, mon Maître ?

Elle affermit sa prise sur ma main et sourit, me regardant par en dessous, les yeux étincelants.

— Quoi ? Je dois en plus dormir avec toi, maintenant ?
— Je me sens seule…
— Oh là là… tu es cuit, mon petit Héros.

Je n’avais pas été invoqué dans ce monde pour jouer les nounous. Tout de même, j’avais bien décidé de protéger Raphtalia.

— Tiens, j’y pense. Où est Raphtalia ?
— Je vous ai enfin rattrapés.

La porte s’ouvrit et Raphtalia entra, presque hors d’haleine.

— Vous avez détalé si vite… Je vous cherchais.
— Désolé.
— Ouais ! Raphtalia !

Filo agita vigoureusement la main vers elle.

— Je te rendrai pas mon Maître !
— Qu’est-ce que cette petite raconte ?
— Tu ne me le rendras pas ? Tu sais bien qu’il n’est pas à toi !
— Parce que mon Maître est mon papa !
— Non, c’est inexact. Je suis… ton propriétaire.
— C’est faux. Et Raphtalia, alors ?
— Elle est comme ma fille.
— Ce n’est pas vrai !
— Hein ? J’ai du mal à suivre…
— Bref, je n’ai pas les vêtements que tu désires. J’irai regarder pour toi, alors tu ferais bien de rentrer, à présent.
— Oh, oui… désolé.
— Merci pour la soupe !
— Je te jure, mon garçon… Tu te pointes toujours pour me surprendre.

Nous quittâmes la boutique et retournâmes à l’auberge, mais, une fois arrivés, Raphtalia s’arrêta.

— Hmm… l’escla… je veux dire, l’éleveur de monstres vous cherchait.
— Hein ? Oh, d’accord.

Nous fîmes demi-tour et regagnâmes le chapiteau, où le marchand d’esclaves nous attendait.

— Ma foi, voilà qui est certainement inattendu. Oui, monsieur.
— Ça, c’est sûr.

Il désigna Filo, toujours drapée dans la cape.

— Les Reines des Filoliaux sont capables de transformations prodigieuses. Je pense qu’elles agissent ainsi dans le but de se fondre au sein de leur propre race pour ne pas créer d’interférence avec les humains.

Je comprenais, maintenant. Ces rois et ces reines avaient la possibilité de modifier leur apparence pour se cacher auprès d’autres Filoliaux. Filo se servait de cette aptitude pour devenir humaine.

— Je suis à la fois très surpris et très excité d’avoir l’opportunité d’en voir et d’en étudier une. Elles sont très rares, vous savez. Votre compétence d’élevage de monstres doit être véritablement impressionnante. Oui, monsieur.
— Pardon ?
— Que vous ayez pu élever aussi bien un Filolial, et aussi vite, pour que cette bête devienne une reine force le respect. Comment y êtes-vous parvenu ?

Nous y voilà. Je savais désormais ce que l’esclavagiste convoitait. S’il pouvait faire main basse sur la technique permettant de produire davantage de rois et de reines, surtout en prenant en compte leur capacité de métamorphose, il pourrait en tirer un très grand profit.

— Je pense que c’est en rapport avec mon Bouclier Légendaire.

J’estimais sincèrement que la croissance extrême de Filo était liée à ce talent d’ajustement de maturation que le bouclier me fournissait. Ou, du moins, n’avais-je aucune autre idée en tête à ce sujet.

— Je craignais bien que vous avanciez une théorie pareille. Quel serait votre prix pour m’en donner les détails ?
— Vous vous méprenez !
— Alors, je vais vous apporter un nouvel œuf de Filolial, et vous pourrez l’élever…
— Non, merci !

Je n’avais pas les moyens d’en prendre un second sous mon aile. De plus, il me fallait réfléchir à un moyen d’obtenir des vêtements pour Filo. La dernière chose dont j’avais besoin, c’était une autre bouche à nourrir.

— Je suppose que le seul moyen restant de vous convaincre, ce serait… vous savez… cette chose…
— Vous pensez à quoi, là ?

Beurk, le marchand d’esclaves était tout excité, et ses yeux brillaient. Répugnant.
C’était une simple pensée qui me traversait, mais Filo avait bel et bien mangé la viande de Chimère. Je ne prétendais pas que cela expliquait la transformation, mais c’était un fait.

— Ma foi, c’est regrettable.

L’esclavagiste soupira et recula, sans que je ne sache s’il était déçu ou s’il ne me croyait pas.

— Je peux vous fournir un autre Filolial quand vous le souhaitez, alors n’hésitez pas à venir me voir. Oui, monsieur.
— J’aimerais refuser cette offre…
— Si vous l’élevez pour en faire quelque chose d’utile, je m’assurerai que vous receviez une juste rétribution.
— Ha ! J’y penserai quand j’aurai un peu plus d’argent dans les poches et de temps devant moi.

J’étais conscient que je devenais un peu pingre, néanmoins, cette conversation ne fit qu’affermir cette résolution. Se montrer économe était à présent un mantra.

— En parlant de ça, on fait quoi ?
— À quel sujet ?

Filo s’incrusta dans la conversion et posa cette question.

— À propos de TOI.
— Je vais dormir avec mon Maître !
— Je ne le permettrai pas !
— Oh, mais, moi, je veux ! Raphtalia veut garder mon Maître pour elle toute seule !
— Non, c’est FAUX !

Mais pourquoi se disputaient-elles ?

— D’accord, Filo. Allons dormir à l’étable attenante à l’auberge, ça te va ?
— Pas question !

Son refus sonnait tout à fait typique d’un oiseau.

— Je vais dormir avec toi, mon Maître !

C’était juste une enfant. Ils voulaient toujours dormir avec leurs parents.

— Oui, oui, c’est bon.
— M. Naofumi ?
— Si on continue de refuser, elle ne fera que se plaindre. On doit sans doute lâcher un peu l’affaire de temps en temps.
— Je suppose que vous avez raison.

Raphtalia approuva dans un murmure, très déçue.

— Toutefois, tu ne peux plus te balader nue devant tout le monde.
— D’accord !

Comprenait-elle vraiment ? Bref, qu’importe. Je ne pouvais que prier que l’armurier ait un éclair de génie d’ici peu.
Nous retournâmes à l’auberge, payâmes le propriétaire pour une personne supplémentaire, et allâmes dans notre chambre. Nos activités du soir habituelles, comme l’étude et les mélanges, n’étaient à présent plus possibles avec Filo dans les parages.

— Ouah ! Le lit est si doux !

Filo sautillait dessus. Cela prit un certain temps pour la calmer et, à ce moment, nous étions trop fatigués pour ne pas aller nous coucher.
Pourquoi avais-je si chaud ?

— Ugh…

Mon corps ne parvenait pas à bouger comme je le désirais. Que se passait-il ?
J’ouvris lentement les yeux pour me voir entouré de blanc. J’étais recouvert de plumes.

*Ronflement* *Ronflement*

Le lit entier était en train de ronfler !
Je finis par me redresser hors des plumes pour découvrir que je ne dormais plus dans le lit, mais sur l’estomac massif de Filo, cette dernière s’étant retransformée dans la nuit.
Apparemment, elle avait roulé hors du lit tout en me serrant fort, se servant de moi comme oreiller.

— Allez, lève-toi ! Espèce de gros poulet !

Qui lui avait accordé la permission de repasser en forme d’oiseau ?

*Bââââââillement*

Oh ? Alors, elle pouvait parler, même sous cette apparence ?

— Qu’est… qu’est-ce que vous êtes en train de faire ?

Raphtalia se frotta les yeux. Puis, elle nous aperçut, s’écria, et pointa son doigt dans notre direction.

— Raphtalia ! Aide-moi !

Je martelai Filo de coups, mais rien à faire. C’était sûrement à cause de mon niveau d’attaque ridicule.

— Filo ! Réveille-toi !
— Hmmm… oh, Maître !

Filo roula au sol, et moi avec.
Je pus entendre le plancher grincer sous son poids. La limite maximale ne devait pas être très loin.

— Debout !

Elle ne semblait pas prête de me lâcher, ni de se réveiller d’ailleurs.

— Allez, fini de dormir !

Raphtalia accourut et écarta les ailes de Filo suffisamment pour que je me glisse en dehors de ce traquenard à plumes.

— Ça, c’est du réveil énergique.
— Hmm ?

Filo remarqua enfin mon absence, et elle commença à me chercher, ce qui la ramena à la réalité. Elle prit conscience que Raphtalia et moi la foudroyions du regard, la rendant perplexe sur la raison de ce courroux matinal.

— Il s’est passé quoi ?
— Tout d’abord, redeviens humaine !
— Hein ? Mais je viens juste de me réveilleeeer…

Bon sang ! Je ne voulais pas en arriver là, mais elle ne me laissait guère le choix.
Je fis apparaître mon écran de statut, regardai les paramètres de Filo, et cochai la case lui intimant d’obéir à mes ordres. Désormais, elle était obligée de m’écouter.

— Redeviens humaine !

Je me tournai vers elle et énonçai mon ordre.

— Mais, je… je veux dormir avec mon Maître encore un peu !

Cependant, la marque de la malédiction de l’éleveur de monstre se révéla sur sa poitrine et se mit à luire.

— Hein ?
— Si tu ne m’écoutes pas, tu vas avoir mal.

Le sceau brillant grandit pour recouvrir toute sa poitrine, continuant son expansion.

*Bââââillement*

Des motifs géométriques luminescents apparurent sur ses ailes, et ils entamèrent leur vol en direction de la marque.
La collision eut lieu et, dans un léger crépitement, le sceau d’éleveur de monstre se dissipa.

— Hein ?

J’ouvris à nouveau en vitesse l’écran de statut pour voir que les cases que j’avais cochées ne l’étaient plus. Je tentai de réitérer l’opération, mais, qu’importe mes tentatives, elles demeuraient vides. À quoi pouvait servir un monstre qui n’obéissait pas ?
Bordel ! Si je m’étais décidé à en acheter un, c’était précisément pour qu’il suive mes ordres !
Ce foutu esclavagiste. Qu’il m’attende bien sagement. J’allais lui rendre une petite visite. Oh, il n’était pas prêt, ça, non !

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